Les stratèges (οἱ στρατηγοί) constituent un cas à part. Ce qui les distingue des autres magistrats, c'est qu'ils sont élus par l'Ecclesia et non pas tirés au sort. Ils sont au nombre de dix, sans doute à l'origine pour faire en sorte qu'il y ait un stratège par tribu mais dans la réalité ce ne fut, semble-t-il, jamais le cas.
A l'origine, la stratégie est une fonction militaire. Clisthène avait instauré cette fonction pour ôter tout pouvoir à l'archonte polémarque qui assurait le commandement de l'armée au VI siècle. Les stratèges sont donc des généraux (ὁ στρατός, l'armée). Ils se réunissaient dans un comité spécial, le strategeion (τὸ στρατηγεῖον) et, dans les premières années du V° siècle, commandaient à tour de rôle. Au fil des ans, ils prirent des fonctions plus spécialisées : commandant en chef, commandant de la marine, chef des hoplites, chef de la police... Cette répartition technique des rôles explique sans doute pourquoi ils n'étaient pas systématiquement choisis dans des tribus différentes. Dans les affaires judiciaires, les stratèges sont aussi chargés de l'instruction des dossiers militaires.
La stratégie est prestigieuse car, en cas de succès, elle vaut à celui qui l'exerce l'estime de tous. Les ambitions ne manquaient donc pas. Mais c'est aussi une fonction particulièrement exposée. Réunis en assemblée générale, les citoyens sont aussi prompts à témoigner leur reconnaissance qu'à manifester leur méfiance ou leur colère. Les généraux pouvaient être frappés d'ostracisme, comme Thémistocle en fit l'amère expérience après avoir mené Athènes à la victoire contre les Perses. Dans des situations particulièrement dramatiques, ils pouvaient même être condamés à mort comme ce fut le cas pour les généraux vainqueurs de la bataille navale des Arginuses.
Les stratèges ont aussi un rôle politique important : Ils peuvent présenter directement des projets à l'assemblée du peuple et les faire voter. Surtout, ils peuvent être réélus indéfiniment. C'est ainsi que Périclès exerça un rôle prépondérant dans la cité d'Athènes pendant de longues années.Mais c'est surtout au IV° siècle que la fonction va susciter les ambitions personnelles. Les citoyens les plus riches, donc les plus influents, se servirent alors de cette fonction pour satisfaire leurs appétits de pouvoir. Bien qu'élus et contrôlés par l'Ecclesia, leur fortune leur permettait de s'assurer une clientèle politique. Leur influence s'accrut encore avec l'apparition du mercenariat qui remplaça peu à peu le service militaire citoyen. Comme ils finançaient leurs troupes sur leurs propres deniers, la fonction se trouva de facto réservée aux plus riches.