Contrairement à l'Agora, la Pnyx n'est pas un lieu de palabres. En termes constitutionnels, c'est une instance dans laquelle la parole est décisionnelle. D'où l'importance de sa gestion.
Les détracteurs n'ont pas manqué de se moquer, souvent avec talent, du désordre et du chahut qui pouvaient régner lors de séances particulièrement animées ou en contraire du laisser-aller et du désintérêt lors de séances plus routinières. Pourtant, les textes et les inscriptions nous montrent que les discussions n'avaient rien d'anarchique et que la constitution en avait prévu l'organisation. Ceci prouve que les Athéniens étaient parfaitement conscients que la prise de parole était un des fondements de la démocratie. Non seulement l'iségorie donne à chacun le droit de parler mais elle pose aussi le principe de la "symétrie", c'est-à-dire la garantie que ce qui dit l'un vaut autant que ce que dit l'autre.
Les prytanes en exercice, puis, au IV° siècle, les neuf proèdres étaient chargés de donner la parole à ceux qui la demandaient. La différence fondamentale entre une ἐκκλησία, qui réunit tous les citoyens, et les assemblées de représentants élus que nous connaissons de nos jours tient évidemment au nombre des participants. Comment se faire entendre sur la Pnyx, dans une foule de plus de 6 000 personnes ? Dès le V° siècle, les volontaires disposèrent pour cela d'une tribune : la bêma (τὸ βῆμα). Très vite, la prise de parole prit donc nécessairement la forme d'un discours. Dans un souci louable de protection, les institutions prévoyaient que l'auditoire n'avait pas le droit d'interrompre l'orateur ; une tribu était même chargée à tour de rôle de se masser devant la tribune pour l'isoler du reste des citoyens. Inéluctablement, au fil du temps, l'Assemblée vit apparaître des "orateurs" spécialisés dans cet exercice, la grande masse des citoyens assemblés se contentant souvent d'écouter les arguments et de voter.
De quoi débattait-on ? Essentiellement des probouleumata, propositions de décrets proposés par le Conseil des Cinq-Cents, dont c'était la fonction principale. Mais l'iségorie donnait la possibilité à tout citoyen de proposer sa motion et de la défendre ou au contraire d' intervenir pour en combattre une. Il fallait certainement du courage pour s'adresser ainsi à la foule de ses concitoyens, d'autant qu'une proposition pouvait non seulement être refusée mais aussi valoir de graves ennuis à son auteur. Celui-ci risquait en effet de se voir condamné pour illégalité (ἡ γραφὴ παρανόμων) si sa motion était jugée néfaste ou incompatible avec la constitution de la cité.
On sait qu'il y eut des abus, des scandales, des manipulations, des applaudissements et des votes achetés, des cabales ; des sophistes enseignaient l'art de faire triompher ses idées, ce qui favorisait inéluctablement les citoyens appartenant aux classes les plus aisées ; des politiciens arrivistes profitèrent souvent de la crédulité ou de la versatilité de la foule. C'est tout le paradoxe de la rhétorique, science de la parole dont la fonction peut être perçue comme éminemment démocratique puisqu'elle propose à chacun les outils d'argumentation nécessaires, mais dont les effets pervers aboutissent parfois au résultat inverse en générant des spécialistes, des démagogues et des citoyens passifs. La constitution avait prévu cela : c'est la fonction de l'ostracisme qui permettait d'écarter les politiciens dont le talent et la force de conviction pouvaient apparaître excessifs et dangereux pour la démocratie ainsi que celle des actions d'eisangélie et de graphê paranomon.
Il semble en outre que du V° à la fin du IV° siècle, l'accès à la tribune soit toujours resté libre et qu'il n'y ait jamais eu d'inscription préalable. Si l'on n'a conservé que les discours des orateurs les plus célèbres, les inscriptions nous apprennent que beaucoup de décrets furent pris suite à l'initiative de citoyens dont les noms sont totalement inconnus. Même si certains n'étaient sans doute que des prête-noms, cette diversité témoigne aussi d'une vitalité de la vie démocratique.