"On ne supporte l’éloge des autres qu’autant que l’on se croit capable soi-même de faire ce qu’on entend célébrer " (Discours de Périclès, oraison funèbre. Guerre du Péloponnèse de Thucydide II, 35)
Si l'on sait l'importance que l'éducation donnait à l'idéal héroïque, il ne faut pas s'étonner que le service de la cité ait pu faire l'objet d'une émulation entre les meilleurs. Cette compétition ne se faisait certes pas à armes égales, les plus fortunés disposant de moyens qui leur permettaient d'apprendre à manier habilement la parole ou à élaborer des stratégies politiques ; il faut admettre que, dans le débat démocratique, exclusivement oral à Athènes, les plus hardis devaient s'exprimer plus volontiers que les timides. Néanmoins, chacun avait sa chance et devait la saisir pour faire reconnaître son mérite. Par le zèle qu'il mettait à la participation au débat et à la gestion des affaires publiques, il honorait sa cité tout en montrant sa valeur, ce qui devait lui attirer l'estime de ses concitoyens. Cet idéal ancien qui remontait probablement à l'époque homérique se transmettait de génération en génération à travers les mythes et le culte des héros et des ancêtres, les oraisons funèbres et les représentations tragiques au théâtre de Dionysos s'inscrivant parfaitement dans cet objectif.
Platon, dans un passage célèbre du Ménexène, fait prononcer par Aspasie, la compagne de Périclès, un curieux éloge de la "démocratie", qu'il appelle "aristocratie". Il montre comment un régime qui prétend privilégier le mérite personnel au détriment des avantages que confèrent la fortune et la naissance dégage finalement une élite et aboutit donc, au sens propre, à un "gouvernement des meilleurs"
Pour bien comprendre comment la "démocratie" peut être une "aristocratie", il faut admettre que la notion d'égalité pour les Athéniens n'avait pas du tout le même sens que pour nous et se référer aux principes d'isogonie, d'isonomie, et d'iségorie.
Quelles que soient les intentions d'un auteur qui, dans d'autres écrits, a montré son aversion pour le régime démocratique, on voit ici à quel point les Athéniens étaient attachés à cette notion qui semble n'être écrite nulle part mais faire l'objet d'un consensus : le mérite. On retrouve cette idée dans le Contre Aristogiton I de Démosthène et dans l'oraison de Périclès rapportée par Thucydide dans la Guerre du Péloponnèse, deux discours dont les auteurs ne peuvent être soupçonnés de visées anti-démocratiques.