Historique : la démocratie au IV° siècle

Au début du quatrième siècle, la démocratie athénienne est affaiblie mais ses institutions continuent de fonctionner. Le régime ne sera aboli que quand la cité perdra son indépendance.

Restauration et extension du misthos

Après les tentatives oligarchiques, il est acquis que les institutions ne peuvent fonctionner sans la rémunération citoyenne que Périclès avait instaurée. Le misthos bouleuticos et le misthos heliasticos sont donc rétablis et, pour encourager les Athéniens à se rendre sur l'Ecclesia, on instaure un misthos ecclesiasticos. Ce dernier est cependant réservé aux premiers arrivés, ce qui provoque de belles bousculades que les archers scythes s'efforcent de réguler. La mesure a l'avantage de ramener du monde sur la Pnyx. A-t-elle une influence négative sur l'esprit civique ? Pour Aristophane et Aristote, c'est indéniable. C'est parce que les plus démunis viennent désormais en nombre et sont souvent majoritaires que l'Ecclesia est plus sensible aux manipulations des démagogues. "Les décrets de l'Assemblée ressemblent à ceux de gens ivres", entend-on dans l'Assemblée des femmes. Le philosophe, quant à lui, parle du "tonneau sans fin de la cupidité". Mais il y a dans ces formules beaucoup d'implicite. S'il est admis qu'au IV° siècle, les chômeurs, les vieillards et les handicapés se pressaient nombreux sur la Pnyx et autour des tribunaux, que faut-il en conclure ? Une assemblée de pauvres est-elle plus irresponsable parce qu'elle est pauvre ou parce qu'elle est assistée ? Est-ce que l'assistanat génère automatiquement des parasites ? Les analyses apparemment objectives ne sont pas toujours exemptes de présupposés idéologiques.

Pour faire bonne mesure, le demos s'octroie un salaire spécifique pour les jours fériés, nombreux à Athènes et pendant lesquels ni les assemblées ni les tribunaux ne siégeaient. Ce "theorikon" (τὸ θεωρικόν) permet d'assister aux festivités et en particulier aux spectacles dramatiques donnés dans le théâtre de Dionysos. Platon, que la mesure ne pouvait que choquer, s'est moqué dans la République de cette foule massée sur les bancs du théâtre dans un transfert de citoyenneté qu'il qualifie plaisamment de "théâtrocratie".
Ce qui est certain, c'est que misthos et theorikon coûtent fort cher. Pour les financer, la cité est contrainte d'augmenter l'eisphora, l'impôt qui frappe les riches, ce qui attire inévitablement le mécontentement et suscite à nouveau des rêves de restauration oligarchique.

Montée en puissance de l'Ecclesia

Il est difficile de dire que l'Ecclesia a pris davantage d'importance au IV° siècle puisque, depuis la réforme de Clisthène, elle dispose déjà de tous les pouvoirs. Néanmoins, les crises de la fin du V° siècle ont donné davantage d'influence à ceux qui, après avoir souffert des révolutions oligarchiques, avaient rétabli le régime démocratique : les salariés agricoles, les petits artisans ou commerçants, les dockers, les marins. La concentration des classes les plus favorisées dans la zone urbaine et autour du port du Pirée favorise leur présence à l'Ecclesia, encouragée par le versement du misthos. Ce contexte contribue à radicaliser les décisions de l'Assemblée. Ses relations avec la Boulè et l'Héliée s'en trouvent modifiées et les citoyens passent souvent outre les recommandations des Cinq-Cents ou se saisissent directement d'affaires judiciaires qui auraient pu être déférées à l'Héliée. Les actions d'eisangélie se multiplient au point d'ôter à la mesure ce qu'elle avait de salutaire, les décrets prolifèrent, parfois contradictoires, parfois inapplicables.

Mais c'est aussi au quatrième siècle qu'est institué le corps des nomothètes et que s'établit une distinction claire entre les ψηφίσματα, psephismata (décrets votés par l'Assemblée) et les νόμοι, nomoi, lois intangibles. Un décret peut abolir un décret mais en aucun cas ne peut être contraire à une loi, encore moins la modifier. Seuls les nomothètes avaient ce pouvoir.

Tentatives de restauration de l'impérialisme

La première moitié du IV° siècle est marquée par un jeu d'alliances et une alternance hégémonique entre trois cités: Sparte, Thèbes et Athènes. Cette dernière parvient pour un temps à en tirer profit. Il n'est plus question de restaurer la ligue de Délos qui a laissé un trop mauvais souvenir mais, sous la menace des Perses et des Spartiates, les Athéniens réussissent à constituer une nouvelle confédération d'alliés.

La formule retenue est celle d'un synedrion (τὸ Συνέδριον, le "Conseil des alliés") dans lequel chaque cité dispose d'une voix... à l'exception d'Athènes même qui n'en fait pas partie. Le synedrion dialogue donc d'égal à égal avec l'Ecclesia et la Boulè. Cette alliance permet à la flotte athénienne de retrouver peu à peu une partie de sa puissance. Une certaine prospérité revient mais l'État manque toujours d'argent pour payer les citoyens . En 371, profitant d'un affaiblissement de Sparte, Athènes impose donc à ses alliés le versement d'un nouveau phoros. La décision se révèle à double tranchant. Elle permet certes aux institutions de fonctionner pendant une quinzaine d'années supplémentaires mais provoque la rebuffade de certains alliés et des répressions peu glorieuses.

La fin de l'indépendance athénienne et du régime démocratique

Pour faire respecter son hégémonie, Athènes envoie des garnisons dans les cités tentées par la rebellion et y installe des clérouques. Cela ne fait que susciter une révolte généralisée et on voit se constituer de multiples alliances qui aboutissent à une prolifération de ligues et de confédérations. Pendant ce temps, une puissance montante s'impose peu à peu : le royaume de Macédoine, dont le roi Philippe conquiert progressivement la Grèce continentale. Malgré les appels passionnés de Démosthène, qui resteront célèbres, Athènes ne parviendra pas à rassembler suffisamment de forces pour résister. La défaite de Chéronée, en 338, marque, pour la première fois mais de manière définitive, la soumission de la Grèce à un royaume étranger. Il ne s'agit nullement de la fin d'une culture - les Macédoniens sont Grecs et Alexandre, fils de Philippe, fera au contraire triompher l'hellénisme dans toute l'Asie- mais c'en est terminé de l'indépendance des cités.

Les institutions ne disparaissent pas tout de suite et l'organisation administrative et territoriale restera en place pendant plusieurs siècles encore mais la politeia d'Athènes ne survivra pas à cette vassalisation. La constitution est définitivement abolie en 322. Le régime démocratique aura duré près de deux siècles.

musagora

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