Au VII° siècle, partout en Grèce, c'est la révolution hoplitique (ὁ ὁπλιτής, l'hoplite, le fantassin) qui avait jeté les bases de la citoyenneté. Athènes, quoique démocratique, n'en demeurait pas moins une cité en armes et le citoyen devait toute sa vie à la défense de sa cité. Cependant, contrairement au système qui prévalait dans les cités régies par une oligarchie militaire, comme Sparte, et mise à part la période initiatique de l'éphébie, la mobilisation n'était obligatoire qu'en temps de guerre. Certes, entre le début du V° siècle et la fin du IV° siècle, les conflits furent nombreux mais il est essentiel de rappeler que le citoyen athénien retrouvait sa terre, sa famille et ses autres occupations lorsqu'il n'était pas en campagne.
Modes de mobilisation et d'affectation
L'affectation d'un citoyen dépendait d'abord de sa classe censitaire. Les thètes étaient incorporés dans la marine comme hommes d'équipage et rameurs (ὁ ναυτής) ou comme soldats de marine (ὁ ἐπιϐάτης), les classes moyennes (zeugites et "cavaliers") fournissaient les contingents des hoplites (infanterie lourde) et les pentacosiomédimnes étaient affectés dans la cavalerie.
L'affectation dépendait aussi de la tribu et de la trittye d'origine. Les contingents d'hoplites étaient organisés en classes (ἡ τάξις). Chaque "taxis" constituait un corps de troupe homogène de citoyens issus de la même tribu. Chaque hoplite combattait donc aux côtés de ses compagnons de dème. Nous avons moins de certitudes pour l'affectation des marins et des rameurs. Il semble que celle-ci dépendait d'une organisation plus ancienne en naucraries (ἡ ναυκράρια) et que la répartition s'y faisait en fonction de l'appartenance à une trittye.
Le commandement
Aristote nous apprend que "toutes les fonctions font l'objet d'une élection à main levée". Il n'y a donc pas d'état-major de carrière. Les chefs militaires sont des magistrats mais leur désignation constitue un des rares cas où le tirage au sort n'est pas la règle. On élit tous les ans dans chaque chaque tribu un phylarque (ὁ φύλαρχος) et un taxiarque (ὁ ταξίαρχος), le premier ayant en charge la cavalerie et le second les hoplites.
Au niveau du commandement général, deux commandants de cavalerie élus prennent chacun en charge 5 tribus. L'infanterie est commandée par dix stratèges (ὁ στρατηγός). Étant donné leur nombre, Il est probable qu'à l'origine, ces derniers étaient élus dans les tribus mais les nécessités de la guerre modifièrent leurs attributions et conduisirent à des spécialisations géographiques ou stratégiques (lire le détail dans le texte d'Aristote). Dès l'instant que l'élection fut prise en charge par l'Assemblée, la fonction de stratège, extrêmement prestigieuse, devint primordiale sur le plan politique, d'autant qu'elle était reconductible.
Les pertes militaires
Les citoyens tombés pour la patrie étaient particulièrement honorés. Le souvenir des morts des guerres médiques resta toujours vivace. L'hommage qui était rendu aux soldats tués au combat était l'occasion de citer leur sacrifice en exemple aux survivants, de fortifier le culte des ancêtres et de rappeler les principes fondateurs de la politeia athénienne. L'oraison funèbre de Périclès, rapportée par Thucydide dans la Guerre de Péloponnèse est à cet égard exemplaire.
Toutefois, bien qu'Athènes ait été souvent en guerre, la situation militaire ne semble pas avoir causé de saignée considérable dans le corps des citoyens. Certes, la guerre du Péloponnèse fit de nombreux morts mais l'épidémie de peste, la disette qui suivit le siège et les dévastations lacédémoniennes en Attique firent sans aucun doute plus de victimes que les armes elles-mêmes.
Citoyens soldats ou soldats citoyens ?
Le fonctionnement de l'exécutif à Athènes modifie considérablement la perception que nous pourrions avoir de ces périodes de mobilisation. M.I. Finley note avec lucidité que quand l'Assemblée approuva l'expédition de Sicile en 415, les citoyens votaient alors leur propre départ en campagne, ce qui donne une dimension particulière à leur décision. Par ailleurs, même pendant leur mobilisation, les soldats ne perdaient pas de vue leur activité de citoyen. C'est ainsi qu'en 411, quand un petit groupe séditieux profita de la mauvaise situation militaire pour tenter d'imposer un gouvernement oligarchique, ce sont les marins et les rameurs de la flotte qui, refusant le coup de force, proclamèrent la pérennité du régime démocratique.
Le rôle des métèques et des mercenaires et la perte de l'esprit civique
Il faut cependant noter que les citoyens n'étaient pas les seuls à combattre. Au V° siècle, les métèques étaient aussi mobilisables et des actes de bravoure reconnus valurent à certains d'entre eux l'obtention de la citoyenneté. Mais un changement fondamental se produisit au IV° siècle quand la cité prit l'habitude de faire appel à des mercenaires étrangers, crétois ou scythes. Le recrutement devenant professionnel, les obligations militaires perdirent leur caractère citoyen et il arriva que des Athéniens s'enrôlent eux-mêmes comme mercenaires dans des armées barbares. Ce fut le cas de l'expédition des Dix-Mille que Xénophon nous raconte dans l'Anabase. Plus grave, les stratèges, dont le rôle était aussi important sur le plan politique que sur le plan militaire, étaient souvent élus parce qu'ils avait les moyens de payer eux mêmes leurs soldats, ce qui faussait singulièrement le jeu démocratique. C'est à juste titre que Démosthène voit dans ce relâchement une manifestation de la perte de l'esprit civique.