Dans les Suppliantes d'Euripide, Thésée, faisant l'éloge d'un régime politique qui ne peut être autre que la démocratie, souligne l'importance des "lois écrites" qui garantissent l'égalité des droits entre tous les citoyens. Les rubriques de ce dossier consacrées aux institutions, à l'organisation administrative et territoriale et aux principes de la citoyenneté montrent que la πολιτεία athénienne avait établi avec soin de telles lois et qu'elle en garantissait strictement le respect et la pérennité.
Parallèlement, Thucydide, Démosthène ou encore Aristote se réfèrent aussi à des "lois non écrites" (ἄγραφοι νόμοι, agraphoi nommoi) qui régissent les rapports entre les citoyens. L'expression n'a pas chez eux le sens que lui donne Sophocle dans Oedipe roi ou dans Antigone, la nature de ces écrits et leur contexte excluant toute explication d'ordre religieux ou naturel. Il ne s'agit pas non plus de simples règles de bon voisinage. Ces auteurs parlent bien de politique et non de politesse.
Quelles sont ces "lois non écrites" ? A quelles valeurs les citoyens athéniens se sentaient-ils donc attachés, sans que celles-ci fussent nécessairement gravées dans le marbre ? Peut-on parler d'une conscience démocratique ?
En ce domaine, il faut se montrer prudent, éviter tout anachronisme et se garder de toute tentative d'appliquer à l'expérience athénienne, délimitée par un lieu et une époque, une analyse universaliste. Quand Démosthène, à l'Assemblée ou au tribunal, invite son auditoire à une réflexion collective, nous ne pouvons le suivre comme le faisaient ses contemporains, car il nous manque l'implicite.
Pourtant, nous sentons que l'homme s'exprime avec émotion, et nous comprenons l'inquiétude sincère d'un esprit lucide sur l'avenir de la démocratie athénienne. En interpellant vigoureusement ses concitoyens dans une période où le régime politique de sa cité est en danger, il les invite manifestement, par-delà leurs querelles, à s'unir derrière ce qui les rassemble et que nous ne pouvons appeler autrement que des valeurs.
Comment essayer de les approcher ? Pouvons-nous prendre comme base de réflexion nos propres valeurs démocratiques modernes ? Nous est-il possible, sans anachronisme, de nous demander ce que valaient, à Athènes, au V° et au IV° siècle, des notions telles que le mérite personnel, la liberté d'opinion et d' expression, l'égalité, les garanties individuelles...
Nous disposons de quelques textes qui nous permettent de formuler des hypothèses. La liste n'est bien entendu pas exhaustive.