A Athènes, la nature du régime exclut la représentation et exige la participation directe à tous les échelons de la vie politique. Pourtant celle-ci n'a jamais revêtu un caractère obligatoire. Aucun décret n'obligea jamais personne à venir sur la Pnyx, à siéger comme bouleute au Conseil ou comme juré au tribunal. Pour stimuler le sens civique, la cité eut recours à des mesures incitatives plutôt qu'à la coercition. On cite volontiers la corde enduite de vermillon à l'aide de laquelle, au V° siècle, les archers scythes rabattaient les retardataires de l'Agora vers la Pnyx mais on oublie souvent qu'au IV° siècle, la même police servait en fait à réguler l'affluence ! Entre temps, la cité avait adopté le principe de l'instauration d'un misthos (ὁ μισθός) et il est probable que seuls les premiers arrivés étaient payés.
- Les différents types d'indemnités :
Le principe du misthos fut institué au V° siècle par Périclès pour indemniser et les bouleutes et les héliastes. Au IV° siècle il fut étendu à la présence sur la Pnyx pour les séances de l'Ecclesia..
On distingue donc :
- le misthos bouleutikos :ὁ μισθός βουλευτικός
- le misthos heliastikos : ὁ μισθός ἡλιαστικός
- le misthos ecclesiastikos : ὁ μισθός ἐκκλησιαστικός
A l'époque d'Aristote, le misthos était de 6 oboles pour une séance ordinaire de l'Assemblée et de 9 pour l'assemblée principale de chaque prytanie. Il se montait à 5 oboles pour une journée de bouleute (plus une pour les prytanes) et à 3 oboles pour une participation comme juré au tribunal. Les magistrats étaient également indemnisés.
Sachant qu'il n'y avait pas de procès les jours d'assemblée, un citoyen pouvait-il faire vivre sa famille avec cette somme ? Non, sans doute, mais il est certain que ce salaire devait constituer un complément appréciable.
- On peut être choqué par le fait de voir récompensée financièrement une présence à caractère civique mais, dans une démocratie représentative moderne, les fonctions politiques des élus du peuple ne sont-elles pas rétribuées ? Et au vu des contraintes que représentait l'exercice de la citoyenneté, n'était-il pas naturel de dédommager un Athénien du manque à gagner que constituait indéniablement l'abandon fréquent de ses occupations privées ?
Le monde grec a connu d'autres régimes démocratiques mais jamais le demos n'y a eu la même définition qu'à Athènes, la réalité du pouvoir restant réservée à une élite politique. C'est que la misthophorie n'a existé nulle part ailleurs. C'est elle qui a permis la participation effective de tous les citoyens à la vie politique, quelle que soit leur classe et leur fortune.
- En réalité, les critiques se concentrent surtout sur le misthos ecclesiastikos. Les contemporains (Aristophane, Platon, Aristote et, dans une certaine mesure, Démosthène) soulignent une dérive : l'Assemblée se trouve envahie par les citoyens les plus pauvres, attirés par l'indemnité offerte. Le fait est indiscutable et on voit souvent là une des causes de la perte de l'esprit civique. Pourtant, rien n'indique qu'une fois sur la Pnyx, ces derniers ne votaient pas en citoyens. Il est vrai qu'au IV° siècle, le peuple s'est montré plus versatile, plus sensible aux manipulations des démagogues mais cela tient autant à une dégradation générale de la situation sur le plan intérieur et extérieur qu'à la composition de l'Ecclesia. Sur le fond, on ne voit pas, sauf à avoir une conception bien élitiste de la démocratie, en quoi la présence massive des plus démunis dans une assemblée souveraine constituerait un danger pour l'esprit civique.
- Au misthos s'ajoutait le theorikon (τὸ θεωρικόν). A l'origine, il s'agissait d'une somme d'argent attribuée aux plus pauvres afin qu'ils puissent acquitter leur droit d'entrée au théâtre lors des Grandes Dyonysies mais au IV° siècle, il fut étendu à la plupart des cérémonies à caractère religieux et civique. Comme il ne pouvait y avoir d'assemblée ni d'audience pendant les jours fériés, les plus pauvres pouvaient ainsi percevoir alternativement le misthos et le theorikon.