Tous les grands centres culturels et spirituels du monde grec antique ont leurs fêtes et leurs jeux. Éphèse ne fait pas exception ; les "Artemisia" ou "Ephesia", annoncées partout par les θεωροί (théoroi), sont fort réputées et attirent une foule de visiteurs et de pèlerins.
Dans le calendrier ionien, il existe un mois d'Artémision, qui correspond au Mounichion attique et on sait, grâce à diverses inscriptions, qu'à l'époque romaine du moins, il s'agissait d'un mois sacré pendant lequel se déroulaient la plupart des cérémonies.
L'organisation des fêtes a, sans aucun doute, varié au cours des siècles mais nous pouvons, en nous appuyant sur les sources antiques, en reconstituer partiellement le déroulement, et tenter d'en comprendre la signification.
C'est pour nous l'occasion de mieux comprendre les aspects particuliers que revêt le culte d'Artémis à Éphèse.
La procession de Daïtis (Δαιτίς)
La référence la plus ancienne à la fête de Daïtis nous vient d'une comédie de Ménandre : le Cythariste. Dans un fragment de cette pièce, qui malheureusement nous est parvenue très mutilée, un personnage fait allusion à la "δειπνοφορία" (deipnophoria) rituelle donnée en l'honneur de l'Artémis d'Éphèse. On retrouve le même terme dans une inscription beaucoup plus tardive, de la fin de l'époque romaine, conservée au British Museum, qui mentionne également une "δειπνοφοριακή πομπή"
A six siècles de distance, les deux textes donnent à la fête les mêmes caractéristiques dominantes : l'association d'une procession et d'un banquet.
Une définition beaucoup plus précise nous est donnée dans l' Etymologicum magnum :
"Daïtis est un endroit de la région d'Éphèse, appelé ainsi pour la raison suivante : Clymèné, fille du roi, étant venue là avec des jeunes filles et des jeunes gens, avait apporté avec elle une statue de la déesse Artémis. Après des jeux et des divertissements dans la prairie, elle dit qu'il fallait régaler la déesse. Alors, les jeunes filles, ayant entassé de l'ache et d'autres herbes, firent un lit pour la statue. Et les éphèbes, ayant pris du sel clans les salines voisines, l'offrirent à la déesse en manière de repas. L'année suivante, cette fête n'ayant pas été renouvelée, la colère divine s'appesantit sur la contrée, sous forme d'une maladie contagieuse. Jeunes filles et jeunes gens périssaient : un oracle fut alors rendu, grâce auquel les Éphésiens apaisèrent la déesse et l'on célébra pour elle un festin, à la mode de ceux des jeunes filles et des éphèbes. Par suite de ce fait, la maladie ayant cessé, la déesse et l'endroit furent appelés Daïtis, du mot : 'banquet' ".
(Etymologicum magnum, Daïtis. Traduction Ch. Picard).
Cette précieuse définition, d'époque byzantine, vient à l'appui des deux extraits précédents. Elle a l'avantage de proposer l'étymologie du nom "Daïtis", de situer le lieu de la cérémonie, d'en préciser le déroulement, d'attester de sa survivance au cours des siècles et même de fournir quelques éléments d'interprétation.
Le lieu
Le "σέλινον", que C. Picard traduit par "ache" est une plante plus connue sous le nom de "persil". Or, on sait que l'un des affluents du Caystre était le Sélinos (Σελινοῦς), ainsi nommé, probablement, parce que le persil, qui servait à confectionner la litière de la déesse, proliférait dans toute la zone marécageuse qui s'étendait entre le Caystre au Nord, le Cenchrios à l'Ouest, et la route actuelle. L'emplacement de Daïtis pourrait donc le site de Panormos, port situé à la fois à l'écart de la ville et du sanctuaire, auquel on accédait par une route qui, dans l'Antiquité, devait être en corniche, puisque la mer baignait encore les pentes de la montagne. Strabon nous en donne l'emplacement.
Déroulement et organisation
La définition de l'Etymologicum magnum nous apprend que la procession solennelle reproduisait des événements rapportés par une légende. il s'agit d'un type de cérémonie appelée ἔξοδος (exodos, sortie), dont les rituels n'ont pas dû varier beaucoup au cours des siècles.
- la "κατάκλισιs" (cataclisis, action de coucher la statue) et la "δειπνοφοριακή πομπή" :
- Dans un premier temps, une procession (πομπή, pompe, cortège) partait de l'Artémision pour porter la statue de la déesse, allongée sur une litière, jusqu'à une plage marine, en souvenir de l'épisode dont la jeune Clyméné fut l'héroïne. A l'époque de Ménandre comme à celle de Xénophon d'Éphèse, on sait que la procession était conduite par des jeunes filles de famille libres, suivie par des jeunes gens réunis en chœurs (les μόλποι) qui chantaient les louanges d'Artémis.
- la "θαλασσία" (thalassia, bain purificateur de la statue) : La fête se poursuivait ensuite par des jeux et un banquet sur la plage. Ces divertissements rassemblaient les jeunes gens et les jeunes filles des grandes familles de la cité.
- le "δαίς" (daïs, repas) : On terminait par un banquet solennel en l'honneur d'Artémis. Le sel y tenait une grande importance.
Sur l' inscription dite de Thémistion trouve une liste de fonctionnaires spécialisés. Parmi eux :
- le σελεινοφόρος, responsable de la plante sacré pour la litière de la déesse,
- le κοσμοφόρος, qui porte la parure de la déesse, probablement les étoffes précieuses recouvrant le xoanon doré,
- un σπειροφόρος, chargé du voile d'Artémis, vêtement neuf dont la déesse est revêtue, après la purification du bain,
- un ἁλοφόρος, porteur de sel pour le repas sacré.
Après la cérémonie, la déesse séjournait quelque temps sur la plage, dans un petit temple, peut-être celui que mentionne Strabon.
Signification de la cérémonie
L'exodos, la procession, l' immersion d'une idole et le banquet sacré sont des rites communs à plusieurs religions à travers les âges. Très répandues dans le monde antique, les fêtes de ce genre continuèrent jusqu'à l'avènement du christianisme. Les plus connues sont les "lectisternes" romaines. La procession du Daïtis, présente cependant quelques caractères originaux :
On peut d'abord relever un des caractères de la déesse Artémis : Dans la légende rapportée, on est frappé par le contraste entre l'innocence de la jeune Clyméné et de ses compagnes, dont les jeux sur la plage rappellent beaucoup ceux de Nausicaa avant sa rencontre avec Ulysse, et la dureté de la déesse, qui, après avoir accepté des hommages qui semblent lui avoir été rendus en toute insouciance, en exige ensuite la périodicité rituelle et la pérennité. Cette mésaventure illustre bien les relations complexes que les Grecs entretenaient avec leurs dieux, et surtout avec certains d'entre eux, dont l'ambivalence était connue et redoutée. Tour à tour protecteurs ou destructeurs, il fallait aussi souvent implorer leur secours que prévenir leurs colères. Dans l'expression "ἐξηuμενίσαντο τήν θεόν" ("elles apaisèrent la déesse"), Artémis est mise sur le même plan que les terribles "Euménides", divinités de la vengeance dont il fallait apaiser la violence destructrice par des cérémonies lustrales. La même ambiguïté s'applique à Apollon, l'Oblique (Λοξίας), aussi bien guérisseur que pourvoyeur d'épidémies et capable de terribles vengeances. Le frère n'est jamais très loin de sa sœur jumelle et, dans la légende de Clyméné, son ombre apparaît dans la manifestation de l'oracle. A quelques kilomètres d'Éphèse, on pouvait d'ailleurs aller consulter l'oracle d'Apollon Clarien (de Claros)
Il faut ensuite noter dans cette "exodos", l'attachement des Éphésiens aux origines marines et lacustres de leur déesse.
On note, dans cette procession, l'importance du persil et du sel, tant dans les lieux traversés (le marécage, les salines) et accédés (le bord de mer), que dans les rites pratiqués (litière de la déesse et repas). Le nom même de l'héroïne évoque des origines marines. On connaît en effet d'autres Clymèné : une Océanide, fille d'Océanos et de Thétys et une Néréide, fille de Nérée et Doris. Homère en fait la fille de Minyas et la mère de Jason, chef de l'expédition des Argonautes. (Pour en savoir plus, consulter le dictionnaire Daremberg et Saglio en ligne)
Dans la légende comme dans la cérémonie, tout ramène donc Artémis à l'eau salée et nous invite à réfléchir à l'insistance que mettent les Éphésiens à faire en sorte que leur déesse reste en contact avec la mer.
Rappelons qu'au cours des siècles, malgré l'éloignement du rivage, ils ne déplaceront jamais leur sanctuaire, s'acharnant à consolider le sol marécageux et à creuser des canaux pour maintenir l'existence d'un "port sacré", alors que le port marchand et la cité se déplacent, à plusieurs reprises, de quelques kilomètres. Souvenons-nous aussi aussi qu'une de leurs légendes fondatrices faisait d'Éphésos, fils du fleuve Caystre, un "aubergiste" qui accueillait les étrangers à leur arrivée sur la côte ionienne et que, selon l'Etymologicum Magnum, il faut même voir là l'étymologie de la fête de Daïtis.
On reconnaît, dans ce retour à la mer rituel et purificateur, la double origine du culte d''Artémis éphésienne. La fête de Daïtis, comme d'autres aspects du culte, nous rappelle que la cité d'Éphèse appartient à la fois au monde continental asiatique et au monde grec égéen.
La Panégyrie ( ἡ Πανήγυρις)
" Les Ioniens se réunissaient (à Éphèse) avec leurs femmes et leurs enfants et, aux époques déterminées, ils célébraient en commun des sacrifices et la Panégyrie ; ils célébraient aussi des jeux hippiques et gymniques." (Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, IV, 25)
Une Panégyrie, dans le monde antique est une fête qui rassemble l'ensemble du peuple pour une fête solennelle. Les jeux olympiques en sont un exemple célèbre. Celle d'Éphèse ne nous est connue que par quelques textes et inscriptions. Pline l'Ancien rapporte qu'Alexandre assista, en 334, à "la grande pompe du Mégabyse" et que cette journée fut immortalisée par le peintre Apelle. Dans les Actes des Apôtres, il est fait mention de la "γενέθλια ἡμέρα" (genethlia héméra, journée de la nativité) d'Artémis. Sur l'organisation, le déroulement de la cérémonie, l'inscription de C. Vibius Salutaris nous fournit des renseignements très précis. Enfin et surtout, les Éphesiaques de Xénophon d'Éphèse nous livrent une description assez imagée de qui, au troisième siècle ap. J.-C., fut sans doute une des dernières Panégyries.
Date et organisation
La notation de Denys d'Halicarnasse ("aux époques déterminées") n'est guère explicite. D'après l'inscription de C.Vibius Salutaris, les 5 et 6 du mois de Thargélion lui étaient consacrés mais on sait, par une inscription plus tardive, que la fête, à l'époque d'Antonin le Pieux, avait lieu au mois d'Artémision. Tous ces témoignages, si précieux soient-ils, datent de l'époque romaine et nous savons pas si on peut appliquer les connaissances qu'ils nous apportent aux siècles antérieurs. Qu'en était-il à l'époque archaïque, classique, hellénistique ? En réalité, nous n'avons donc aucune certitude sur la date à laquelle se déroulait la Panégyrie.
On en sait un peu plus sur l'organisation générale, qui était, à l'époque romaine, confiée à un "ἀγωνοθέτης καὶ πανηγυριάρχης τῶν μεγάλων Ἀρτεμισίων". (chef des jeux et de la Panégyrie des grandes fêtes d'Artémis")
Pour le déroulement, nous pouvons nous appuyer sur le récit de Xénophon d'Éphèse.
On y apprend d'abord que, comme pour Daϊtis, la fête consistait en une procession et reposait également sur une exodos (sortie de l'effigie de son sanctuaire) mais aussi que les fidèles effectuaient un aller-retour entre la ville et le sanctuaire.
En effet, l'auteur nous dit : "On partait de la ville pour se rendre au temple" . C'est donc que, que dans un premier temps, les Éphésiennes et les Éphésiens (le texte insiste sur la présence de jeunes gens et de jeunes filles) vont chercher Artémis dans son sanctuaire, d'où ils ressortent ensuite pour reprendre le chemin de la ville.
A la sortie de l'Artémision, la procession est conduite par la grande prêtresse, que Xénophon nomme Anthia, suivie des prêtresses du sanctuaire et d'une meute de chiens. Ce détail, comme le costume qu'elle porte, évoque davantage la Diane chasseresse que l'Artémis éphésienne. Plus loin - l'inscription de C. Vibius Salutaris complète le récit de Xénophon d'Éphèse -, on trouve les servantes porteuses des objets du culte : thymiateria, corbeilles, torches.... Suivaient aussi toutes les corporations du sanctuaire, ainsi que les notables, les magistrats de la cité, les délégations étrangères.
Lors de son retour vers la ville, le cortège est animé par les "acrobates", les "chrysophores" et les "purhrigai", qui exécutent des danses guerrières. On peut supposer qu'il emprunte les voies principales et passe devant les monuments les les plus prestigieux de la cité : la voie sacrée, la porte de Magnésie, la rue des Courètes, la bibliothèque de Celsius, la rue du Port, et on imagine sans peine la foule qui se presse de part et d'autres de ces larges avenues. Le soin que les filles apportent à leurs toilettes et les garçons à leur allure ne laisse aucun doute à ce sujet.
Les jeux
Grâce au texte de Denys d'Halicarnasse, on sait qu'à l'époque romaine, la Panégyrie s'accompagnait de jeux qui, comme la fête elle-même, étaient largement ouverts à toute la population : hommes, femmes, enfants et peut-etre aussi esclaves.
Rien ne dit cependant qu'ils avaient lieu tous les ans. Au Ve av. J.C, Thucydide les compare à ceux qui accompagnaient les fêtes de Délos: "A Délos, on venait voir les fêtes, avec femmes et enfants, comme maintenant les Ioniens vont aux jeux d'Éphèse ; un concours était célébré et les villes amenaient des chœurs" (Guerre du Péloponnèse, III, 104). Or, on sait que les jeux déliens avaient lieu tous les quatre ans, comme à Olympie et dans plusieurs autres sanctuaires grecs.
Il est donc possible que la Panégyrie d'Éphèse ait obéi au même calendrier : une procession annuelle et des jeux tous les quatre ans.
Déroulement et lieux
Les deux lieux les plus importants sont le théâtre et le stade.
Au théâtre avaient lieu les jeux scéniques et musicaux, mentionnés dès l'époque de Thucydide. On y donnait des récitations épiques et tragiques, anisi que des interprétations musicales. Sophocle y fait allusion dans ... ce qui prouve leur ancienneté.
Au stade se déroulaient les compétitions gymniques qui, à l'époque romaine, prirent de plus en plus d'importance. Outre les jeux traditionnellement pratiqués à cette occasion (courses, lancer, lutte...), on relève une spécificité éphésienne : les jeux tauromachiques, appelés ταυρoκαθάψια (taurokathapsia, capture de taureaux) qui connaissaient un vif succès, et pour lesquels il existait des spécialistes aussi entraînés que les gladiateurs romains.
Physiques ou culturels, les jeux donnaient toujours lieu à des concours et à des distributions de récompenses. Les anciens vainqueurs constituaient même une corporation : les "hieroneikai", qui, à l'époque romaine, était associée aux chrysophores pour transporter la statue d'Artémis pendant la procession.
Signification
Tout comme la procession de Daïtis (et beaucoup d'autres fêtes), la Panégyrie et les jeux revêtent une fonction sociale. Ils permettent de rassembler le peuple, de faire se rencontrer les garçons et les filles dans la perspective de futurs mariages. Mais, comme cette fête rassemble tous les Ioniens au-delà même des limites de la cité, c'est aussi l'occasion de rappeler à tous les valeurs morales et civiques. Ainsi, le discours prononcé par Apollonios de Tyane, sur la crépis du temple, met-il les Éphésiens en garde contre les plaisirs qui les guettent au sein même de la célébration :
"Que nous reste-t-il à faire, sinon à nous claquemurer comme de la volaille qu'on engraisse, à nous gorger de nourriture chacun dans notre coin, jusqu'à ce que nous crevions d'embonpoint ? »
Les Mystères
A côté des deux grandes fêtes annuelles que sont Daïtis et la Panégyrie, des cultes particuliers se tenaient dans les montagnes qui entouraient la cité et le sanctuaire. Ils ne sont pas liés directement à l'Artémision mais la déesse acceptait volontiers ces rites puisque des inscriptions attestent de la présence de la Grandre Prêtresse.
L' ancienneté de ces cultes à mystères n'est pas établie mais on constate que, comme ailleurs dans le monde antique, leur audience va croissant à partir du IVe siècle av. J.-C., jusqu'à la fin du paganisme.
La confrérie des Courètes (οἱ Κουρῆται)
Strabon consacre un chapitre entier de sa Géographie à une digression sur les Courètes. Dans cette étude, assez critique, l'auteur rattache leur origine et leur fonction à la naissance périlleuse de certaines divinités. Zeus fut le premier bénéficiaire de leur protection quand il fallut le protéger de l'appétit de son père Cronos, sur le mont Ida, en Crète, comme, plus tard, Dionysos, Apollon et Artémis. Ces "kouretai", souvent représentés sous la forme de "daimones" ailés font parfois penser aux séraphins de l'époque chrétienne. L'auteur indique comme étymologie possible le fait qu'ils étaient des κούροι (kouroi, jeunes garçons). Mais ils permettent aussi au jeune dieu ou à la jeune déesse de grandir en toute sécurité. Ce seraient donc des κουροτρόφοι (kourotrophoi, ceux qui nourrissent et élèvent les jeunes). Ils ont enfin une fonction sonore et guerrière. En frappant sur leurs boucliers avec leurs glaives, ils font un vacarme suffisant pour masquer les vagissements du nouveau-né. Ils accompagnent ce bruit de cris et de danses guerrières pour éloigner toute menace extérieure.
On comprend bien qu'à Éphèse, la confrérie des Courètes est étroitement liée à la légende de la naissance d'Artémis et Apollon à Ortygie. On peut donc faire remonter la constitution de cette confrérie à un ancien et éphémère culte de Léto qui aurait été assimilé totalement au culte d'Artémis.
L'organisation locale de la confrérie est mal connue mais les Courètes d'Éphèse devaient avoir bien des points communs avec leurs homologues des d'autres cultes à mystères, tels les Corybantes ou les Courètes de Messène que nous décrit Pausanias. On peut donc supposer qu'ils pratiquaient les mêmes danses guerrières et proféraient les mêmes incantations.
Strabon indique aussi qu'ils faisaient des sacrifices et célébraient des banquets lors des Mystères. C'est peut-être cette fonction qui leur vaut l'épithète d' εὐσεϐεῖς (eusébeis, pieux).
Les mystères du Solmissos et d'Ortygie
La plupart des cultes à mystères sont en rapport avec le thème de la naissance ou de la renaissance et, à ce titre, souvent liés au cycle des saisons (comme les Mystères d'Eleusis à Athènes, par exemple). A Éphèse, ils sont en fait une reconstitution, une dramatisation de la naissance d'Artémis. A ce titre ils font aussi penser aux Mystères du Moyen âge chrétien.
Les cérémonies se déroulaient en plein en air, pendant deux jours, sur les lieux mêmes de la naissance d'Artémis. Comme indiqué plus haut, les participants "rejouaient" la naissance d'Artémis. Les principaux animateurs de la cérémonie étaient les Courètes. Pour imaginer les scènes on peut se reporter à la reconstitution de Ch. Picard,.
Dans ce tableau, on retrouve tous les éléments du culte mystique :
- la procession aux flambeaux,
- l'oribasie nocturne, héritée sans doute d'un ancien culte de Cybèle et qui fait penser, bien sûr, au culte dionysiaque, empreint, lui aussi, d'éléments orientaux,
- la danse bruyante et le choc des armes qui rappelle le vacarme créé par les "daimones",
- les rites initiatiques,
- les libations et les fumigations d'encens,
- les sacrifices. Il semble que sur les pentes du Solmissos, ces sacrifices pouvaient revêtir un caractère divinatoire. C'est le seul exemple de ce genre dans le culte d'Artémis, qui a abandonné cette prérogative à son frère jumeau Apollon,
- les banquets : la nuit de veille précédant la première journée et la nuit de la procession aux flambeaux. Ces banquets avaient aussi un caractère sacré : la déesse y était invitée et les Courètes faisaient fonction de restautrateurs (istiatores).
Confusion des fêtes
A l'époque romaine, on assiste à une volonté de regrouper toutes les grandes manifestations pour la déesse pendant le mois qui lui était consacré. Toutes les cérémonies qui avaient lieu à l'origine pendant le mois de Thargélion furent déplacées au mois d'Artémision, sans doute sous l'effet d'une volonté romaine de regrouper toutes les grandes manifestations pour la déesse pendant le mois qui lui était consacré. Daïtis, Panégyrie, Jeux, Mystères se retrouvent alors concentrés sur une période assez brève et peut-être même confondus. Voilà pourquoi Strabon appelle "Panégyries" les fêtes du Solmissos. Il s'agit sans doute d'un qualificatif donné par l'auteur plutôt que d'une appellation officielle, mais cela témoigne de la volonté syncrétique qui prévaut à son époque.