Dans les différentes listes des sept merveilles du monde antique, la statue chryséléphantine de Zeus de Phidias est une œuvre à part car elle est une représentation du dieu des dieux qui, par sa taille et sa magnificence, inspira l'admiration pour l'artiste mais aussi le respect pour le dieu.
Si les critères de sélection des merveilles ont été la taille, la prouesse technique et la richesse, cette colossale statue enfermée dans le temple d'un des plus importants sanctuaires panhelléniques antiques devait en effet figurer parmi les réalisations humaines les plus remarquables de l'antiquité. Il faut imaginer le sentiment que devaient éprouver ceux qui, présents à Olympie à l'occasion des Jeux ou pour un pèlerinage plus personnel, apercevaient, quand les portes du temple étaient ouvertes, cette immense statue briller au fond de la pénombre du naos : petitesse de l'homme et puissance du dieu dont la chevelure d'or, visible à ceux qui avançaient dans le naos, touchait presque le toit du temple.
La difficulté que pose cette « merveille » pour qui veut l'étudier aujourd'hui est qu'il n'en reste aucun vestige archéologique.
Du temple qui l'abritait aucune colonne n'est restée debout, la statue a brûlé bien loin d'Olympie, à Constantinople (Istanbul), et l'atelier de Phidias ne révèle que quelques outils et des éclats de matériaux… La seule image antique que nous en ayons est celle figurée sur une petite pièce frappée à Élis à l'époque d'Hadrien (une statue de 13 mètres représentée en quelques millimètres…). Même si on peut penser que l'incendie de la grande bibliothèque d'Alexandrie en 47 avant J.-C. a dû réduire en cendre bon nombre de témoignages, certains textes nous sont heureusement parvenus. Grâce à eux, en croisant leurs informations avec des données archéologiques, il est possible non seulement d'imaginer le chef-d'œuvre de Phidias grâce à Pausanias, mais aussi de suivre les interrogations plus philosophiques de Dion Chrysostome sur la représentation de la divinité, ou d'Épictète sur la place de l'homme dans l'univers et son rapport à la divinité.
Lieu
Un sanctuaire en Élide : Olympie
À l'ouest du Péloponnèse, l'Élide est une région fertile et bien arrosée par deux rivières, l'Alphée et le Kladéos. La cité Élis dut lutter contre Pise, cité voisine d'Arcadie, pour asseoir son autorité dans la gestion du sanctuaire d'Olympie car l'une et l'autre voulaient profiter de son rayonnement panhellénique.
Pour qui entre aujourd'hui sur le site d'Olympie, il est difficile d'imaginer que, dans l'antiquité, ce lieu était un important sanctuaire panhellénique dédié à Zeus où, tous les quatre ans, régnait une grande effervescence.
En effet, l'action de l'homme (interdiction des pratiques religieuses), puis celle de la nature (tremblements de terre et inondations) ont eu raison des bâtiments. Il faut désormais une imagination certaine pour visualiser, à partir des fûts couchés sur le sol, des marches d'escalier, des bases de mur, des colonnes de péristyle, des zones d'herbe ou de sable… l'immense temple de Zeus, l'autel où était allumée la flamme olympique, le portique de l'écho, mais aussi la foule encourageant les athlètes sur le stade, la palestre, le gymnase… Une maquette comme celle présentée sur le site du Ministère grec de la culture peut nous y aider.
La légende raconte que Pélops, pour commémorer son mariage avec Hippodamie, instaura des fêtes dédiées à Héra, épouse de Zeus et déesse du mariage.
En 776 av. J.-C., furent célébrés les premiers jeux olympiques et cette date servit de référence pour l'établissement du calendrier grec antique. L'archéologie révèle qu'au VIIe siècle avant J.-C. fut construit à Olympie, au pied du Mont Kronion, un premier temple dédié à Zeus et à Héra : la tête de la statue archaïque d'Héra a été retrouvée dans le naos. Pendant deux siècles, ce temple fut celui du sanctuaire : d'ordre dorique, les colonnes qui avaient été bâties en bois furent peu à peu remplacées par des colonnes de pierre.
Au Ve siècle, en 470 av. J.-C., pour célébrer la victoire des Éléens contre Pise, un nouveau temple fut construit : le temple de Zeus.
Le temple de Zeus
Au Ve siècle, en 470 av. J.-C., pour célébrer la victoire des Éléens contre Pise, fut édifié un temple dédié uniquement à Zeus : la réalisation en fut confiée à un architecte local, Libon d'Élide. Le bâtiment de style dorique fut construit avec un matériau qu'on trouvait dans la région, le calcaire coquillé qui pour des raisons esthétiques fut revêtu ensuite de stuc blanc. Les travaux financés par le butin de guerre durèrent à peu près quinze ans.
On sait qu'il était achevé en 457 parce que les Spartiates firent accrocher au sommet du toit un bouclier d'or pour célébrer leur victoire sur les Athéniens à Tanagra cette même année. À son achèvement, c'était le plus grand temple de Grèce continentale, avec une longueur de 64,12 m et une largeur de 27,68 m. Les travaux du Parthénon à Athènes débutèrent près de huit ans plus tard.
Le temple resta un des plus importants lieux de culte panhellénique durant près de neuf siècles de 456 av. J.-C. à 397 apr. J.-C. (date de l'interdiction des jeux par l'empereur Théodose), puis il fut complètement détruit par un tremblement de terre au VIe siècle apr. J.C. et les ruines furent recouvertes par la boue de l'Alphée jusqu'au XVIIIe siècle (en 1776) où l'archéologue anglais Richard Chandler localisa le site. Des fouilles systématiques furent entreprises à la fin du XIXe pendant six ans, puis poursuivies après 1936 jusqu'en 1966. Pour se faire une idée exacte du temple, il faut confronter les résultats des fouilles archéologiques au texte que Pausanias écrivit après son séjour en Élide au IIe siècle après J.-C.
Extérieur
Aucune des colonnes hautes de plus de 10 mètres n'est debout aujourd'hui à cause de plusieurs tremblements de terre et d'inondations provoquées par le changement de cours des deux rivières le Kladéos et l'Alphée.
C'était un temple périptère (une rangée de colonnes entourait le bâtiment) dont l'entrée était à l'est, ainsi la lumière pouvait éclairer le pronaos (vestibule) et parvenir le matin jusqu'au naos (l'endroit le plus sacré où au fond siégeait la statue du dieu).
Les fouilles archéologiques ont mis à jour des fragments de métopes des frontons du pronaos et de l'opisthodome (littéralement « chambre de derrière » ; lieu où l'on entrepose le trésor du dieu et les offrandes qui lui sont faites ; il n'y a pas de communication avec le naos) qui mettent en scène les travaux d'Héraklès. On peut voir actuellement ces vestiges au musée du Louvre.
Le fronton Est mettait en scène les préparatifs de la course de char qui opposa, dit la légende, Œnomaos et Pélops pour la main d'Hippodamie. Au centre de cette composition se dresse Zeus.
Le fronton Ouest représente la bataille des Centaures contre les Lapithes. Au milieu du fronton se tient Apollon. La reconstitution de ces deux frontons est actuellement présentée au musée d'Olympie. De rares traces de couleurs sont visibles au niveau des yeux et des cheveux de certaines figures. Voir sur le site de l'université de Richmond, quelques images des frontons.
Le sommet du temple devait dépasser 22 mètres, les tuiles du toit étaient en marbre.
Intérieur
Une double colonnade dorique supportait au nord et au sud la structure en bois du plafond du naos sur deux niveaux.
Une cage d'escalier en spirale conduisait à une galerie de bois qui reposait sur la colonnade.
Le sol était constitué de plaques de calcaire posées sur une couche de caillou, mais, à l'époque romaine, un pavement de marbre couvrait le sol du pronaos et du naos.
La statue de Zeus, comme objet de culte, est l'élément principal de ce temple mais celui-ci contenait bien d'autres objets offerts par différentes personnalités (Pausanias V, 12) :
- des personnalités politiques : Ariumnus, roi des Étrusques, donne son trône ; Antiochus IV, roi de Syrie, donne une tenture de laine teintée de pourpre de Phénicie « magnifiquement brodée à la mode des Assyriens » (M. Martin J. Price écrit que ce drap de laine provient probablement du temple de Salomon à Jérusalem, qu'Antiochus détruisit puis fit rebaptiser temple de Zeus Olympien) et Néron donne des couronnes ;
- des athlètes vainqueurs : Cynisca, femme cocher, offre des chevaux de bronze, vingt-cinq boucliers d'airain pour honorer ceux qui pratiquent la course en armes ;
- des cités y déposent aussi des statues d'hommes politiques : une statue d'Auguste et du roi Nicomède de Bithynie dont les piédestaux étaient pour l'une en ambre, pour l'autre en ivoire, ou encore des statues en marbre de Paros dédiées à Hadrien et Trajan…
Réalisation de la statue
Contexte et fonction
Le temple d'Olympie était construit depuis une vingtaine d'années et les Jeux attiraient les Grecs depuis plus de deux siècles, quand les Éléens demandèrent à Phidias de réaliser une statue digne d'un tel sanctuaire.
Les textes antiques ne nous fournissent que peu de détails sur le financement de cette colossale statue d'or et d'ivoire dont le trône était aussi incrusté d'autres matériaux précieux, comme en témoigne Pausanias : « en ce qui concerne le coût, car tu es friand d'avoir aussi cette information de ma part… c'est impossible à calculer » Callimaque ; dans le Discours Olympique, Dion Chrysostome rappelle aux Éléens que leurs ancêtres ont « atteint des sommets en dépense » (XII, 25) pour cette statue, et que les frais occasionnés totalisent non seulement le coût des matériaux précieux, mais aussi le ravitaillement et le salaire, pendant plusieurs années, de tous les ouvriers et d'artistes de renom comme Phidias et Panoenos (XII, 49).
Un artiste renommé : Phidias
La biographie de Phidias n'est pas encore établie avec certitude car les textes à son sujet sont parfois contradictoires, notamment en ce qui concerne son procès à Athènes et l'antériorité ou non de la statue de Zeus par rapport à celle d'Athéna. La découverte et la datation des objets de l'atelier n'ont pas encore permis de proposer une chronologie totalement satisfaisante.
Pline l'Ancien mentionnant les œuvres de Phidias et le Zeus d'Olympie écrit : « floruit autem olympiade LXXXIII, circiter CCC urbis nostrae annum ».
Voici néanmoins les éléments vers lesquels convergent, pour l'heure, les spécialistes : Phidias, fils de Charmidès, est né à Athènes vers 490 av. J.-C. Il apprit l'art de la sculpture auprès d'Agéladas qui avait exécuté plusieurs statues d'athlètes du sanctuaire d'Olympie ; il eut aussi une certaine renommée en peinture.
Vers l'âge de 20 ans, il fit preuve d'une remarquable maîtrise technique et d'originalité en réalisant, pour la cité de Platées, une statue d'Athéna de 8 mètres dont le corps était en bois recouvert de plaques d'or et les mains et la tête en marbre du Pentélique (Attique). À la même époque débutaient les travaux de construction du temple d'Olympie.
Il réalisa ensuite, entre 464- 450, sur l'Acropole deux statues de bronze, l'Athéna Promachos (9 mètres) dont, dit Pausanias, les navigateurs doublant le cap Sounion pouvaient distinguer la pointe de la lance et l'aigrette du casque, et l'Athéna Lemnia.
À partir de 447, (il avait 43 ans), Périclès lui confia la décoration du Parthénon, les frontons et l'exécution de la statue chryséléphantine du naos l'Athéna Parthénos (11,5 m de haut). Phidias travailla à cette statue de 447 à 438, soit près de 9 ans. C'est cette technique d'assemblage de feuilles d'or et de pièces d'ivoire pour réaliser des statues colossales qui va faire de Phidias un sculpteur admiré de tous.
Mais, son succès ainsi que son amitié avec Périclès vont lui porter préjudice, et Phidias est accusé en 433 d'avoir détourné une partie de l'or et de l'ivoire destinés à la statue. Il est condamné et les témoignages divergent sur sa peine : pour les uns (Plutarque, Vie de Périclès, 31) il meurt en prison, pour d'autres, il est contraint à l'exil et se rend à Olympie où il réalise la statue chryséléphantine de Zeus.
En l'état actuel des connaissances, il est impossible d'affirmer avec certitude que la statue chryséléphantine de Zeus, reconnue par la postérité comme chef-d'œuvre de Phidias et « merveille du monde », est postérieure à celle d'Athéna Parthénos à Athènes, mais il est reconnu que l'architecture du Parthénon a été pensée pour accueillir en son naos une statue colossale de 11,5 m, alors que le temple d'Olympie était terminé lorsque Phidias y réalisa la statue de 13 m.
La période durant laquelle Phidias a travaillé à Olympie est incertaine, mais l'inauguration du Parthénon aux Grandes Panathénées de 438, a consacré sa renommée et il est fort probable que les commandes comme celle des Éléens devaient dès lors affluer. D'autre part, comme l'écrit M. Martin J. Price, « Pausanias note, sur un des reliefs de la statue, la présence d'un personnage "qui se met un ruban de la victoire dans les cheveux ; on dit qu'il représente Pantarkès, un jeune homme d'Élis, favori de Phidias. Il avait gagné à la lutte à la 86e Olympiade" (436 av. J.-C.). Cette référence à Pantarkès nous permet de situer assez exactement l'époque où Phidias travailla à Olympie. »
Phidias signa son œuvre de ces mots inscrits aux pieds de Zeus : « C'est Phidias, fils de Charmides, un Athénien, qui m'a fait. »
Si la vie de Phidias reste pleine d'ombres, l'artiste est une figure incontestée de l'art grec antique : Ingres représente Phidias sur un plafond du Louvre Apothéose d'Homère, Jacques Pradier le réalise méditatif… Est-ce pour son projet de statue de Zeus ?
Les témoignages sur Phidias sont des textes tardifs dont voici un petit aperçu, par ordre chronologique :
- Cicéron
- Strabon
- Pline l'Ancien
- Quintilien
- Dion Chrysostome
- Plutarque
- Pausanias
Organisation matérielle : l'atelier à Olympie
En 1958, les fouilles d'un bâtiment à l'extérieur du sanctuaire constituent une découverte majeure pour lever quelque peu le voile sur le travail de Phidias à Olympie. En effet, à l'ouest du temple de Zeus, se dresse un bâtiment qui a survécu aux destructions du site au début du christianisme puis fut transformé en basilique à l'époque byzantine.
L'identification du bâtiment comme atelier de fabrication de la statue est mentionnée par Pausanias et a été confirmée par la découverte d'outils de sculpteur, de divers objets liés au travail du verre et de l'or (moules), des fragments d'ivoire et d'os, de petits éclats de pierres semi-précieuses (quartz, obsidienne…), des morceaux de bronze, d'ébène et d'ambre, du plâtre, des restes de matières colorantes, ainsi qu'une petite œnochoé à figures noires portant le graffiti « j'appartiens à Phidias ».
Le plan de l'atelier concorde avec le plan du naos du temple, il est probable que la statue ait été conçue pièce par pièce dans cet atelier, et assemblée progressivement dans le temple lui-même dont les fondations pouvaient supporter le poids d'une œuvre si colossale.
Technique et durée de construction
Une lecture attentive des textes de Pausanias et de Lucien permet de mettre en évidence tous les corps de métier qui ont travaillé à cette statue et les découvertes archéologiques faites dans l'atelier corroborent ces éléments (voir à ce sujet l'activité « Matériaux précieux pour une merveille »).
La statue n'est pas la réalisation d'un seul homme mais le résultat du travail d'une équipe d'artisans sous la direction d'un artiste. La chronologie de la vie de Phidias étant floue, si l'on admet qu'il a travaillé sur la statue chryséléphantine à Athènes de 447 à 438, soit 9 ans, il est probable qu'il ait travaillé sur une durée au moins équivalente à Olympie, à moins que les Éléens aient mis à sa disposition plus de moyens que ne l'avait fait Périclès. Mais il est certain qu'à Athènes, Phidias était chargé de superviser la construction et la décoration de l'ensemble du Parthénon.
Pline l'ancien mentionne l'œuvre de Phidias au livre XXXIV et développe les techniques de peinture aux livres XXX et XXXV mais il n'indique rien sur le travail de l'or et l'ivoire.
Le travail de l'or et de l'ivoire
Les auteurs anciens ne spécifient pas la provenance des matériaux nécessaires à la réalisation de la statue. L'argent de la couronne de Zeus venait-il des mines du Laurion en Attique ou du mont Pangée en Macédoine ? l'or, des mines de Macédoine, des mines de Sifnos, de Thasos, d'Afrique, ou d'Espagne ? Quant à l'ivoire, Pausanias écrit : « Au reste, rien à mon avis ne marque mieux la piété des Grecs et leur profusion, où il s'agit de décorer les temples, que la prodigieuse quantité d'ivoire qu'ils ont tirée des Indes et de l'Éthiopie, pour faire les statues de leurs dieux. » Dans le passage qui précède cet extrait, Pausanias s'emploie à expliquer la spécificité de l'ivoire.
Parmi tous les sculpteurs de son temps, Phidias se distingue non par sa maîtrise du travail de la pierre ou du bronze, mais par sa technique chryséléphantine pour réaliser des statues colossales : « Une structure en bois, dont les contours suivaient exactement les dimensions et le dessin définitif de l'œuvre, était dressée sur l'emplacement de la statue. De minces plaques d'ivoire étaient ensuite taillées et sculptées de manière à recouvrir les endroits figurant la peau ; pour les drapés ou d'autres détails, on moulait des feuilles de métaux précieux que l'on plaquait sur la forme en bois de manière à lui donner son enveloppe externe. Tous les fragments devaient s'ajuster exactement et les joints étaient soigneusement camouflés de façon que la statue, une fois achevée, ait l'air d'être en or et en ivoire massifs. » in La Statue de Zeus à Olympie, Les Sept merveilles du monde de Peter A. Clayton et Martin J. Price, Le Promeneur, éditions Gallimard.
Kenneth Lapatin (président de la Boston society of the Archaeological Institute of America) a cherché à comprendre la technique de Phidias pour donner forme à l'or et à l'ivoire puis fixer les plaques sur la structure de bois. En fines plaques, l'or est un métal malléable qui devait être cloué sur la structure ou ajusté grâce à de fines cannelures, mais donner forme à de l'ivoire pose un réel problème technique. Pour la statue chryséléphantine d'Athéna, Phidias avait pu éprouver sa technique sur le visage de la déesse mais à Olympie le défi était plus important car c'était tout le torse du dieu qu'il fallait réaliser en ivoire. En fait, explique Kenneth Lapatin, il est possible de « dérouler » la défense d'éléphant en fines feuilles et l'on obtient des plaques plus grandes qu'en découpant. Mais il faut les mettre en forme. Dans la liste des artisans qui ont travaillé au Parthénon, Plutarque mentionne les « χρυσοῦ μαλακτῆρες καὶ ἐλέφαντος » les artisans qui amollissent l'or et l'ivoire (Vie de Périclès, XII). Dès lors, on peut s'interroger sur le procédé : Pausanias pense que cela se fait sous l'action de la chaleur, Plutarque écrit qu'il faut tremper l'ivoire dans de la bière, des textes médiévaux donnent d'autres méthodes : le faire bouillir dans du vin, l'oindre d'huile, le plonger dans du vinaigre… On ignore quelle était exactement la technique utilisée par Phidias mais peut-être était-ce avec de la vapeur. Une fois amolli, l'ivoire était mis en forme à l'aide de moules dans lesquels il était pressé. Puis il restait à fixer les plaques préformées sur la structure. Était-ce à l'aide d'une colle très coûteuse comme celle utilisée à Épidaure pour la marqueterie des portes du temple d'Asklépios ? Une expérience menée par Kenneth Lapatin montre que si l'on ajuste deux plaques d'ivoire encore humides d'avoir trempé dans du vinaigre, ces plaques, une fois sèches, restent solidaires. Mais les joints sont fragiles. L'ivoire était poli avant et après la mise en place. Quelle qu'ait été la technique de Phidias, on sait que son œuvre était fragile. Pausanias raconte que les Éléens furent très reconnaissants à Damophon de Messène pour la qualité de sa restauration de l'œuvre de Phidias.
Pour réaliser ces statues colossales chryséléphantines, il fallait donc non seulement avoir des compétences de sculpteur mais aussi d'architecte – afin d'évaluer le poids d'une telle statue et donc les fondations nécessaires pour le socle –, de charpentier – afin de choisir un bois imputrescible (cyprès et thuya d'après Dion Chrysostome, XII, 49) et bâtir la structure (à l'époque moderne, les structures des statues colossales, comme la statue de la Liberté de New York, sont en acier) –, de fondeur, de ciseleur, de marqueteur…
Lucien nous amuse en décrivant l'intérieur de ces augustes statues habitées par les rats mais l'extérieur était, lui, resplendissant. Dans Jupiter tragique, Mercure est bien embarrassé par des questions de préséance pour l'assemblée des dieux : « Il me semble, Jupiter, que les barbares vont occuper seuls les bancs de devant : car les Grecs que tu vois ici, beaux, agréables, bien faits, sont tous de marbre ou d'airain ; les plus magnifiques sont d'ivoire relevé d'un peu d'or, qui leur donne de l'éclat et de la couleur ; mais à l'intérieur ils sont de bois et recèlent de nombreux troupeaux de rats, qui y ont établi leur république ».
La peinture
Phidias avait un certain talent de peintre (cf. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXV, 34) mais il confie la réalisation de la décoration des cloisons du trône à un parent (son cousin d'après Strabon, son frère d'après Pline l'Ancien et Pausanias) Panaenos.
Pausanias décrit très longuement ces scènes mythologiques car ces peintures l'ont manifestement ébloui au même titre que la statue elle-même. Il est probable que le fond du naos du temple ait été éclairé lorsque les visiteurs étaient autorisés à entrer dans le temple car, sans cela, il eût été impossible de voir tous les détails des peintures de Panaenos (voir à ce sujet l'activité « Leçon de mythologie dans le temple de Zeus »).
Le travail du verre
L'une des découvertes les plus étonnantes lors des fouilles de l'atelier de Phidias fut celle de moules de terre cuite. Des analyses scientifiques ont montré qu'ils avaient servi à mettre en forme de fines plaques de verre représentant des drapés d'une statue qui aurait trois fois la taille humaine. On pense qu'il s'agit des drapés de la Victoire que tenait Zeus. Au Ve siècle av. J.-C., le verre est un matériau précieux importé de l'est de la Méditerranée et son utilisation a dû renchérir le coût de la statue.
Pausanias, dans sa description pourtant détaillée de l'œuvre, ne mentionne pas cette particularité mais un iambe de Callimaque indique que le trône était fait à la manière des artisans de Lydie et on sait que ceux-ci marquetaient l'ivoire avec des pierres et du verre colorés.
Description
Apparence générale de la statue
Œuvre de Phidias, la statue chryséléphantine de Zeus se dressait au fond du naos du temple. Réalisée vers 436 av. J.-C., elle était sept fois plus grande que nature et atteignait, avec sa base, une hauteur de 13 m environ, soit l'équivalent d'un immeuble de quatre étages. Les dimensions exactes de la statue sont impossibles à connaître car si un texte de Callimaque donne certaines d'entre elles, d'une part le texte est très lacunaire, d'autre part mesurer une telle œuvre en place était un véritable défi. Une activité propose de petits exercices de conversion à notre système métrique.
Les parties nues du corps étaient en ivoire, le manteau, la barbe et la chevelure en or. La tête était ceinte d'une couronne d'olivier en argent. Zeus, assis sur son trône, tenait une Victoire sur la main droite (la Victoire de Samothrace sans le socle est à peu près de la dimension de celle tenue par la statue d'Olympie…) et un sceptre dans la main gauche. D'après Strabon et Pausanias, le vêtement en or était orné de « toutes sortes de motifs » aux « couleurs éclatantes ».
Cette représentation de Zeus n'est pas seulement remarquable parce qu'elle est colossale et faite de matériaux précieux, elle est aussi une « nouveauté » à l'époque de Phidias parce qu'elle représente un dieu dont le visage exprimait le calme, la noblesse et la douceur, un dieu maître des hommes et de l'univers (se reporter aux motifs du trône et du socle décrits par Pausanias), un dieu vainqueur (couronne de laurier, Victoire dans sa main, guerres victorieuses légendaires et historiques peintes sur le socle). L'artiste du Ve siècle a renoncé à l'éclair et à la foudre qui pouvaient être une menace pour les dieux et les mortels. Dans le Discours Olympique, Dion Chrysostome, faisant parler Phidias, montre la difficulté artistique de représenter toutes les qualités du dieu des dieux (XII, 74-77).
Transportée à Constantinople en 395 apr. J.-C., la statue fut détruite en 475 lors de l'incendie du Lauseion.
Pausanias décrit la statue telle qu'il a eu le privilège de la contempler plus de six siècles après sa réalisation par Phidias. Le regard de Pausanias sur le temple et la statue est un peu comme celui d'un profane visitant Notre Dame à Paris : c'est une observation, une contemplation d'ouvrages réalisés dans le passé que les générations s'efforcent d'entretenir.
À l'époque de Pausanias, il était possible de pénétrer dans le temple de Zeus, d'avancer jusqu'au naos, de faire le tour du trône pour admirer les peintures, mais est-il monté dans la galerie pour observer la statue de plus près ? Son texte indique la posture du dieu des dieux et les attributs qui l'accompagnent : couronne d'olivier, Victoire, sceptre et aigle puis s'attache à décrire minutieusement la décoration du trône qui était, elle, à taille plus humaine.
Image de synthèse réalisée dans le cadre de « Virtual Olympia », projet collaboratif entre le Powerhouse Museum de Sydney et le ministère grec de la Culture à l'occasion des jeux olympiques de Sydney en 2000.
Vision de Pausanias
Le dieu est assis sur un trône d'or et d'ivoire ; il a sur la tête une couronne qui imite le branchage de l'olivier. Il porte sur sa main droite une Victoire aussi d'or et d'ivoire, qui a une bandelette et une couronne sur la tête. Zeus tient dans la main gauche un sceptre travaillé avec goût, et émaillé de toutes sortes de métaux, l'oiseau qui repose sur ce sceptre est un aigle. La chaussure du dieu est en or, ainsi que son vêtement, sur lequel on voit toutes sortes de figures et des fleurs de lys.
Le trône est tout incrusté d'or, de pierres précieuses, d'ébène et d'ivoire, et il est orné de différents sujets, les uns peints, les autres sculptés. Quatre Victoires, en attitude de danseuses sont aux quatre coins du trône, et deux autres au bas. Sur chacun des pieds antérieurs on a représenté des sphinx thébains enlevant des enfants, et au-dessus de ces sphinx les enfants de Niobé qu'Apollon et Artémis tuent à coups de flèches.
Les pieds du trône sont réunis par quatre traverses, dont chacune va de l'un à l'autre. Sur celle qui se présente d'abord à la vue en entrant dans le temple, on voit sept figures ; la huitième ayant disparu on ne sait comment. Ces personnages représentent probablement d'anciens combats ; car les exercices auxquels ils se livrent, n'étaient pas encore en usage pour les enfants à l'époque où vivait Phidias : celui d'entre eux qui a la tête ceinte d'une bandelette, ressemble, dit-on, à Pantarcès, jeune Éléen que Phidias aimait, et qui remporta le prix de la lutte parmi les enfants, en la quatre-vingt-septième olympiade.
On a représenté sur les autres traverses le bataillon qui combattit avec Héraclès contre les Amazones : le nombre des figures, y compris les Amazones est de vingt-neuf ; Thésée se fait remarquer parmi les compagnons d'Héraclès. Ce trône n'est pas soutenu seulement par ses pieds, mais encore par nombre égal de colonnes intermédiaires. On ne peut pas aller sous ce trône comme sous celui d'Amyclès, dont j'ai visité l'intérieur ; des cloisons en forme de murs empêchent d'entrer sous celui d'Olympie.
La partie de cette cloison qui est en face des portes est seulement enduite de bleu ; les autres côtés ont été peints par Panainos. On y voit Atlas soutenant le ciel et la terre, et Héraclès auprès de lui qui se dispose à prendre son fardeau ; on y voit aussi Thésée et Pirithoüs, la Grèce, et Salamis, qui tient à la main ce qui sert d'ornement aux éperons des vaisseaux ; celui des travaux d'Héraclès qui a pour objet le lion de Némée ; l'attentat d'Ajax sur Cassandre ; Hippodamie, fille d'Œnomaos, avec sa mère ; Prométhée encore enchaîné et Héraclès le regardant ; car on dit aussi qu'Héraclès tua l'aigle qui dévorait Prométhée sur le Caucase, et qu'il le délivra lui-même de ses chaînes. Les dernières de ces peintures représentent Penthésilée rendant l'âme, et soutenue par Achille ; enfin deux Hespérides qui portent les pommes dont on dit que la garde leur est confiée. Ce Panainos était frère de Phidias, et c'est lui qui a peint dans le Poecile d'Athènes la bataille de Marathon.
Dans les parties supérieures du trône, Phidias a fait au-dessus de la tête du dieu, d'un côté trois Grâces, et de l'autre trois Saisons ; car on sait que les poètes disent que ces dernières étaient aussi filles de Zeus : et suivant Homère, dans l'Iliade, les Saisons ont dans le ciel les mêmes fonctions que certains gardes dans la cour des rois. Le marchepied qui est sous les pieds de Zeus, et que les Athéniens nomment Thranion, est orné de sculptures représentant des lions en or, et le combat de Thésée contre les Amazones, qui est la première action d'éclat des Athéniens contre des troupes étrangères.
Le socle qui supporte le trône et la statue de Zeus avec ses accessoires, est lui-même orné d'ouvrages en or qui représentent le Soleil sur son char, Zeus, Héra et Charis auprès d'eux, Hermès suivi d'Hestia, et après celle-ci l'Amour recevant Aphrodite qui sort de la mer, et qui est couronnée par Peitho. On y voit aussi Apollon et Artémis, Athéna et Héraclès, et au bas du piédestal, Amphitrite et Poséidon, et la Lune montée, je crois, sur un cheval. Quelques personnes disent que c'est un mulet et non un cheval, et rapportent sur ce mulet une fable qui n'a pas le sens commun.
Je sais que plusieurs auteurs ont consigné dans leurs écrits la hauteur et la largeur de la statue de Zeus Olympien, mais je me méfierais de ceux qui l'ont mesurée, car les dimensions qu'ils donnent paraissent bien au-dessous de l'idée qu'on s'en forme en voyant la statue de ses propres yeux. Au reste, Zeus lui-même a donné son approbation à cet ouvrage, car Phidias, lorsqu' il l'eut terminé, supplia ce dieu de lui faire connaître par quelque signe s'il était satisfait de son travail, et aussitôt, dit-on, la foudre frappa le pavé du temple à l'endroit où l'on voit encore une urne de bronze avec son couvercle.
Toute la partie du pavé qui est devant la statue n'est point en marbre blanc, mais en marbre noir entouré d'un rebord en marbre de Paros, qui sert à contenir l'huile qu'on y verse ; l'huile en effet est nécessaire à la conservation de la statue d'Olympie, elle empêche l'humidité de l'Altis, qui est un endroit marécageux, de gâter l'ivoire. Dans la citadelle d'Athènes, au contraire, on verse de l'eau autour de la statue de Minerve, surnommée la Vierge, pour conserver l'ivoire ; car la citadelle étant très sèche à cause de son élévation, une statue d'ivoire a besoin pour sa conservation de cette eau et des vapeurs qu'elle produit.
Je me suis informé à Épidaure pourquoi on ne verse ni eau ni huile autour de la statue d'Esculape, et ceux qui desservent le temple m'ont répondu que cette statue ainsi que le trône étaient placés sur un puits.
Pausanias, Le Tour de la Grèce, livre V, Chapitre 11.
Traduction M. Clavier, 1820, revue et corrigée.
Entretien et restauration
Les statues chryséléphantines demandent un entretien régulier : l'or doit être frotté régulièrement pour rester brillant et l'ivoire supporte mal la sécheresse. Les « polisseurs », personnel chargé de l'entretien de la statue à Olympie, passaient pour être des descendants de Phidias : « Les descendants de Phidias sont chargés du soin de nettoyer la statue de Jupiter, et de la tenir toujours dans une grande propreté. Avant que de se mettre à l'ouvrage, ils font un sacrifice à Minerve Ergané. » (Pausanias Le Tour de la Grèce, livre V, 14, 4, Hodoi Elektronikai).
En l'été 97 apr. J.-C., Dion Chrysostome assiste à la 219e Olympiade et prononce un discours dans le temple. En conclusion, il se permet de conseiller aux Éléens de prendre plus de soin de la statue : faisant parler Zeus, il les félicite tout d'abord pour l'organisation des jeux et des sacrifices, puis il cite l'Odyssée (XXIV, 249) : « Tu n'es pas soigné au mieux, l'âge triste pèse sur tes épaules, et tu portes des traces de souillures sur de mauvais vêtements ».
En achevant sa description de la statue, Pausanias précise la façon dont on luttait, écrit-il, contre l'humidité du temple d'Olympie : « ... Toute la partie du pavé qui est devant la statue n'est point en marbre blanc, mais en marbre noir entouré d'un rebord en marbre de Paros, qui sert à contenir l'huile qu'on y verse ; l'huile en effet est nécessaire à la conservation de la statue d'Olympie, elle empêche l'humidité de l'Altis, qui est un endroit marécageux, de gâter l'ivoire. Dans la citadelle d'Athènes, au contraire, on verse de l'eau autour de la statue de Minerve, surnommée la Vierge, pour conserver l'ivoire ; car la citadelle étant très sèche à cause de son élévation, une statue d'ivoire a besoin pour sa conservation de cette eau et des vapeurs qu'elle produit.
Je me suis informé à Épidaure pourquoi on ne verse ni eau ni huile autour de la statue d'Esculape, et ceux qui desservent le temple m'ont répondu que cette statue ainsi que le trône étaient placés sur un puits. » (Pausanias, Le Tour de la Grèce, livre V, 11, traduction M. Clavier, 1820, revue et corrigée).
L'interprétation de Pausanias sur l'utilisation de l'huile pour préserver la statue de l'humidité est remise en cause aujourd'hui. En effet, l'ivoire n'a pas à redouter l'humidité, Kenneth Lapatin explique que les plus beaux vestiges en ivoire ont été retrouvés dans des milieux fort humides comme un puits à Kalhu et l'Artémision inondé à Éphèse. Il faut donc trouver d'autres raisons à la présence du bassin d'huile dans le temple : était-elle utilisée par les « polisseurs » pour nettoyer la statue ? le bassin était-il là pour refléter la statue et donner un effet de lumière au fond du naos (l'huile s'évaporant moins que l'eau) ?…
Pausanias s'émerveille de la magnificence de cette statue six siècles après son achèvement, pourtant celle-ci a déjà fait l'objet d'une restauration au IIe siècle av. J.-C. : un sculpteur de la ville de Messène, Damophon, y avait travaillé avec beaucoup de soin. On suppose que les quatre colonnes sous le siège du trône ont été mises en renfort à cette époque pour le soutenir.
Mais les fondations et les matériaux n'étaient pas les seuls éléments à surveiller pour la préservation de l'œuvre de Phidias : si l'on en croit Lucien, la statue pouvait tenter les pillards. Dans Jupiter tragique, la statue se plaint qu'on lui ait volé deux boucles de ses cheveux d'or : « Autrement, si la chose m'était permise, penses-tu que j'eusse laissé sortir de Pise, sans les avoir foudroyés, les sacrilèges qui, dernièrement, m'ont coupé deux boucles de cheveux pesant chacune six mines ? » (Lucien de Samosate).
Au IVe siècle apr. J.-C., à l'époque des Théodose, la volonté de sauvegarder les sculptures antiques païennes considérées comme des œuvres d'art se manifeste : en novembre 382, un édit stipule de laisser ouverts les temples païens qui contenaient des statues appréciées pour leur valeur artistique plus que pour le culte religieux. Mais dix ans plus tard, la fermeture des temples païens est décrétée, les Jeux Olympiques sont interdits. Pour sauvegarder l'œuvre de Phidias, il est décidé de la transporter dans la capitale de l'empire. Un texte de Cédrène, auteur byzantin du XIe s., recense les œuvres conservées au Lauseion, sorte de palais-musée à Constantinople à la fin du IVe s., parmi elles, la statue de Phidias qu'il qualifie d'« éléphantine ». Faut-il comprendre qu'elle avait été dépouillée de son or avant ou à l'occasion du transport ?
En 475, un incendie ravage Constantinople, le Lausieon est détruit et l'œuvre de Phidias est perdue à jamais.
Le culte de Zeus à Olympie
Les sacrifices
À l'origine, le sanctuaire n'était pas exclusivement dédié au culte de Zeus mais, comme en témoignent les fouilles archéologiques, au couple Zeus-Héra. Le temple, aujourd'hui appelé Héraion, fut construit vers 600 av. J.-C., alors que les travaux pour celui de Zeus débutèrent en 470 av. J.-C. Nos connaissances des rites accomplis à Olympie sont dues essentiellement à Pausanias, qui écrit au IIe siècle apr. J.-C.
Les sacrifices habituels
Les Éléens accomplissaient régulièrement des rites en l'honneur de Pélops, Héra et Zeus, soit à l'extérieur sur les autels de Zeus ou d'Héra, soit à l'intérieur du prytanée. Les offrandes habituelles prenaient la forme de libations (vin versé sur l'autel), de dépôt de rameaux d'olivier (plante de Zeus), et de galettes et les prières étaient chantées.
« Chaque mois les Éléens sacrifient sur tous les autels dont j'ai fait mention. Ils couvrent l'autel de feuilles d'olivier, brûlent de l'encens et de la farine de froment pétrie avec du miel, et usent de vin dans leurs libations, excepté lorsqu'ils sacrifient aux Nymphes, ou à cette divinité qu'ils nomment la Maîtresse, ou à tous les dieux en général, car alors ils ne se servent point de vin. Le soin de ces sacrifices est confié au prêtre qui est en tour de présider, car chacun a son mois d'exercice. Il est assisté des devins, de ceux à qui il appartient d'apporter les libations, des interprètes, d'un joueur de flûte, et de celui qui fournit le bois. Quant aux paroles qu'ils prononcent en faisant les libations dans le prytanée, et aux hymnes qu'ils chantent, je me crois dispensé de les rapporter dans ces mémoires. Non seulement les Éléens font des libations aux dieux de la Grèce, mais ils en font encore à Jupiter Ammon, à Junon Ammonia, et à Parammon : Parammon est un surnom de Mercure. On voit que de tout temps ils ont eu recours à l'oracle de Lybie : des autels consacrés par les Éléens dans le temple de Jupiter Ammon en font foi ; l'inscription marque et la nature des choses sur quoi ils consultaient l'oracle, et la réponse de l'oracle, et les noms de ceux qu'ils avaient envoyé le consulter. Ils font aussi des libations en l'honneur de leurs héros et des femmes de ces héros. Dans ce nombre ils comprennent les héros d'Étolie comme ceux d'Élide. Tout ce qui se chante dans le prytanée est écrit en langue dorique ; mais ils ne savent pas eux-mêmes qui est l'auteur de ces cantiques. Enfin ils ont dans le prytanée une salle pour les festins publics vis-à-vis de l'endroit où ils gardent le feu sacré ; et c'est là que sont traités ceux qui remportent la victoire aux jeux olympiques. […] Les étrangers sont reçus tous les jours à faire des sacrifices, sans qu'il soit besoin d'attendre les jours plus solennels, comme les temps de foires. Pour les Éléens, il ne se passe point de jour qu'ils ne sacrifient à Jupiter Olympien.
Chaque année, le dix-neuf de Mars, les devins apportent de la cendre du prytanée ; ils la délayent dans de l'eau du fleuve Alphée, et en font une espèce de mortier dont ils enduisent l'autel : ce mortier ne se peut faire avec d'autre eau. C'est pourquoi l'Alphée passe pour être de tous les fleuves le plus agréable à Jupiter. […] Dans tous les sacrifices que les Éléens font à ce Dieu, ils observent inviolablement de ne brûler que du peuplier blanc. Je crois que la raison de cette préférence, est qu'Hercule a le premier apporté cet arbre de la Thesprotie en Grèce, et qu'il ne se servait pas d'un autre bois pour faire rôtir les cuisses des victimes. Il trouva cet arbre sur les bords de l'Achéron, et l'on croit que c'est pour cela qu'Homère en parlant du peuplier blanc, le nomme le chêne de l'Achéron. […]
Une autre merveille que l'on raconte de l'autel de Jupiter à Olympie, c'est que les milans qui de tous les oiseaux de proie sont les plus carnassiers, respectent le temps du sacrifice. Si par hasard un milan se jetait sur les entrailles ou sur la chair des victimes, on en tirerait un mauvais augure. On conte aussi qu'Hercule fils d'Alcmène sacrifiant un jour à Jupiter dans Olympie, fut si incommodé des mouches, que sur le champ, soit de son propre mouvement, soit par le conseil de quelqu'un des assistants, il immola une victime à Jupiter Apomyius ; et le sacrifice ne fut pas plutôt achevé que l'on vit toutes les mouches s'envoler au-delà de l'Alphée.
Depuis ce temps-là les Éléens ont coutume de faire tous les ans un sacrifice pour être délivrés de l'importunité des mouches durant les jours de fêtes qui sont consacrés à Jupiter. » (Pausanias, Le Tour de la Grèce, livre V, 13-14- 15, traduction Abbé Gédoyn 1794 sur le site Méditerrannées).
De là l'épithète étrange de « Zeus chasse-mouche… »
Prêtres et prêtresses
La tablette de Pitsa met en image une scène de sacrifice où l'on voit deux vases à libations, les instruments de musique, les rameaux, l'autel et la bête à sacrifier. Sur cette tablette, des femmes accomplissent le rituel. À Olympie, seize femmes étaient chargées des rites attachés au temple d'Héra, mais le culte de Zeus était assuré par des hommes.
« Ces seize matrones, ainsi que les directeurs des jeux olympiques au nombre de dix, n'entrent point en fonction qu'elles ne se soient purifiées par le sacrifice d'un porc et avec de l'eau de la fontaine Piera, qui est dans la plaine par où l'on va d'Olympie à Élis. Toutes ces choses me sont connues telles que je les rapporte. […] Parmi les ministres du temple de Jupiter il y en a un qui a soin de faire provision de bois, et d'en fournir pour un certain prix, soit aux villes, soit aux particuliers qui viennent faire des sacrifices, et ce bois est du peuplier blanc. Que si quelqu'un soit Éléen ou étranger mangeait des chairs de la victime immolée à Pélops, l'entrée du temple de Jupiter lui serait interdite. » (Pausanias, Le Tour de la Grèce, livre V, 15, traduction Abbé Gédoyn 1794 sur le site Méditerrannées).
Des sacrifices à l'intérieur du temple ?
On pense habituellement que les sacrifices (sanglants ou non) avaient toujours lieu à l'extérieur des temples, or Pausanias indique l'existence d'un autel à l'intérieur même du temple de Zeus :
θύουσι […] τῷ Ὀλυμπίῳ Διὶ ἰόντες ἐπὶ τὸν βωμὸν τὸν ἐντὸς τοῦ ναοῦ
Pausanias, Le Tour de la Grèce, livre V, Chapitre 14, 4.
Il faut donc imaginer des rites d'offrandes et de prières dans le temple même, comme dans le temple d'Apollon à Delphes ou à Éleusis.
La fête religieuse panhéllénique
Les jeux olympiques étaient la fête religieuse la plus grandiose car elle réunissait tous les grecs tous les quatre ans en l'honneur de Zeus.
À fête exceptionnelle, rites exceptionnels : des sacrifices d'animaux domestiques avaient lieu alors sur le grand autel de Zeus situé au nord du temple de Zeus non loin du Pélopéion. Conduits à l'autel en procession, les animaux étaient abattus et partagés entre les dieux qui recevaient la fumée des graisses et de la carcasse et les hommes qui mangeaient la viande.
Préparatifs
La cérémonie religieuse attachée aux jeux olympiques antiques suivait une organisation très précise : à la pleine lune, entre la fin du mois de juin et le début du mois de septembre, les spondophores et les théores (ambassadeurs sacrés) partaient dans les cités pour annoncer la date précise et proclamer l'ouverture de la trêve sacrée qui, à partir du IVe siècle, interdisait aux armées d'entrer en Élide et assuraient la sécurité des pèlerins. Les athlètes qui, depuis dix mois, s'entraînaient dans leur propre cité devaient alors aller s'entraîner à Élis pendant un mois.
Les pèlerins commençaient à converger à Olympie ; les représentants des cités étaient logés dans les bâtiments voisins de l'Altis et nourris au Prytanée, tandis que les simples pèlerins s'installaient sous des tentes en dehors de l'Altis. Après un mois d'entraînement, les athlètes et leurs entraîneurs (les aliptes) devaient parcourir en procession les 57 km qui séparent Élis d'Olympie. cet itinéraire sacré durait deux jours.
Cinq jours de fête
Premier jour : la fête s’ouvrait par une grande procession qui pénétrait dans l’Altis : les hellanodices (juges des jeux élus parmi les représentants des grandes familles) vêtus de pourpre, les prêtres, les délégations officielles des cités avec leurs offrandes, les athlètes et les animaux qui vont être sacrifiés avançaient au son des trompettes.
On sacrifiait les animaux et on faisait des libations à Zeus, à Hestia et au tombeau de Pélops, puis concurrents et hellanodices prêtaient le serment Olympique. Avait lieu ensuite le tirage au sort de la place des concurrents dans les différentes épreuves, enfin les notables mangeaient au prytanée.
Deuxième jour : courses de chevaux et courses de chars, début du pentathle.
Troisième jour : hécatombe (sacrifice de cent bœufs) à l'autel de Zeus, courses du diaulos et du dolichos.
« L'autel de Jupiter Olympien est placé à une égale distance du temple de Pélops et de celui de Junon, en face de l'un et de l'autre. Les uns disent qu'il a été élevé par Hercule Idéen, les autres par des héros du pays, environ deux générations après Hercule. Quoi qu'il en soit, cet autel est fait de la cendre des victimes offertes à Jupiter. Il y en a un de même à Pergame, un autre à Samos, érigé à Junon, et qui n'est guère plus propre que ces foyers sacrés faits à la hâte que l'on voit dans l'Attique.
L'enceinte où l'on présente les victimes, est fermée par une balustrade qui a pour le moins cent vingt-cinq pieds de circuit. Depuis cette balustrade jusqu'à l'autel il y a trente-deux marches : l'autel a vingt-deux pieds de hauteur. On amène les victimes jusqu'à la balustrade : là on les égorge. On en prend les cuisses, et on les porte en haut pour les faire rôtir sur l'autel.
On arrive à cette balustrade par des marches de pierres qui sont aux deux côtés. De là jusqu'au haut de l'autel ce sont des marches faites avec la cendre des victimes. Les femmes et les filles peuvent approcher jusqu'à la balustrade, aux jours qu'il leur est permis d'être à Olympie ; mais il n'y a que les hommes qui puissent monter jusqu'à l'autel. » (Pausanias V, 15 traduction Abbé Gédoyn 1794 sur le site Méditerrannées).
Quatrième jour : lutte, pugilat, pancrace et course armée.
Cinquième jour : proclamation des vainqueurs et remises des couronnes d'olivier sauvage qui se trouvaient sur le trépied à l'entrée du temple de Zeus. Inscription des résultats sur les registres. Derniers sacrifices à Zeus. Banquet des vainqueurs offert dans le prytanée.
Une statue adorée ?
On peut se demander quelle place tenait la statue chryséléphantine dans les rites habituels ou la fête panhellénique dédiés à Zeus. La statue était-elle un objet de culte auprès duquel les pélerins venaient se recueillir ou n'était-elle qu'un trésor qu'on venait admirer ?
Dans la croyance antique, la statue est une représentation du dieu, la plus belle possible afin qu'elle réjouïsse le dieu (les statues sont des ἀγάλματα) qui en retour accordera sa protection et sa bienveillance aux hommes. Le temple est sa demeure, les prêtres prennent soin de son entretien. On tend alors à penser que seuls les prêtres et les magistrats avaient un accès au temple. Mais comment expliquer dès lors les témoignages de Callimaque, Antipater de Sidon, Strabon, Philon, Dion Chrysostome, Epictète et Pausanias ? À quelle occasion ont-ils pu contempler la statue ? Les circonstances ne sont claires que pour Dion, qui est invité à faire un discours lors des Jeux de 97 apr. J.-C.
Quand pouvait-on voir la statue ? Les portes du temple étaient-elles toujours ouvertes ? Ou n'étaient-elles ouvertes que durant les Jeux ?
Le fait que Pausanias mentionne l'existence d'un autel à l'intérieur même du temple laisse penser que des rites étaient accomplis dans le temple. Mais tout pèlerin, pourvu qu'il soit pur, pouvait-il y assister ? Quand ces sacrifices auprès de la statue avaient-ils lieu ? Tous les jours ? Tous les mois ? Uniquement lors des Jeux ? Faute de témoignages écrits, on l'ignore.
Il reste néanmoins que, grâce aux témoignages des auteurs cités plus haut, il est possible d'entrevoir ce que représentait la statue pour des grecs de l'époque classique et la postérité.