Une catastrophe naturelle scelle le destin de l'œuvre de Charès de Lindos
En 226-225 avant J.-C., un fort tremblement de terre secoue les côtes d'Asie mineure (Justin, Histoire universelle, Livre XXX), l'île de Rhodes est très violemment touchée et de nombreux bâtiments de la cité de Rhodes sont détruits. L'événement est mentionné par Pausanias, Géographie, II.7.1 et daté dans le Livre des prodiges de Julius Obsequens.
Cette catastrophe ruine totalement les Rhodiens : les ports et la flotte sont détruits, les remparts sont endommagés, les habitations se sont effondrées, la nourriture manque... Le colosse n'a pas non plus résisté à la secousse. Polybe écrit que dans ces circonstances les Rhodiens font preuve d'intelligence et d'habileté : « ils représentèrent comme immense et terrible le désastre qui les avait atteints mais ils montrèrent toujours une parfaite dignité dans leurs conversations particulières et les ambassades officielles. » Aussitôt les alliés des Rhodiens s'organisent pour leur porter secours et une sorte de solidarité méditerranéenne se met en place : il faut aider les Rhodiens à reconstruire.
Hiéron de Syracuse finance la reconstruction des remparts Diodore de Sicile, XXVI, 6
« La ville de Rhodes ayant été extraordinairement endommagée par un grand tremblement de terre, Hiéron de Syracuse envoya pour la réparation de ses murailles le poids de six talents d’argent et des cuves de ce métal d’un très grand prix, sans parler de tout l’argent monnayé qu’il fit venir aux Rhodiens. Il les exempta aussi du tribut que lui devaient tous les vaisseaux chargés de vivres qui partaient de la Sicile. »
Polybe énumère les souverains et les dons : Hiéron envoie de l'argent, des catapultes et facilite le commerce ; Ptolémée offre du blé, du bois et autres matériaux nécessaires pour reconstruire la flotte, de la main d'œuvre et de l'argent pour reconstruire le colosse ; Antigone, donne du bois, de la poix et du blé ; Séleucos lui aussi exempte les Rhodiens des droits de douane dans les ports de son royaume, fournit dix bateaux, du blé, du bois et de l'argent ; Prusias, Mithridate et tous les autres souverains d'Asie viennent en aide aux Rhodiens selon leurs moyens.
Les Rhodiens disposent donc, grâce en particulier à Ptolémée, de l'argent, des matériaux et de la main d'œuvre nécessaires à la réfection du colosse, pourtant ils n'en font rien « pour obéir à je ne sais quel oracle » écrit Strabon. Ils préfèrent sans doute utiliser tous les dons pour reconstruire leur cité et leur flotte.
Le colosse en ruine durant sept siècles ?
L' empereur romain Hadrien aurait voulu faire redresser la statue d'Hélios à Rhodes vers 130 après J.-C., c'est ce que rapporte Johannes Malalas «Chronographia» XI 279, 14. La véracité de ce fait est souvent mise en doute, mais on peut objecter d'une part l'admiration d'Hadrien pour les œuvres d'art, son goût pour l'Asie, et d'autre part sa décision de déplacer à Rome le colosse de Néron devant l'amphithéâtre Flavien : du point de vue technique, l'entreprise qui consistait à déplacer, fût-ce de quelques mètres, une statue de bronze de plus de trente mètres dut être autrement plus délicate que de reconstruire le colosse d'Hélios.
Il y eut un nouveau tremblement de terre quelques années plus tard, en 148 après J.-C. sous le règne d'Antonin : ce violent séisme est mentionné par Pausanias, VIII. 43.4 (site Méditerranées). À nouveau les îles de Rhodes et de Kos furent détruites. Si le colosse avait été remonté par Hadrien, nul doute que cette fois il retomba et ne fut plus jamais redressé.
Cependant l'anéantissement total du colosse de Charès de Lindos est l'œuvre non de la nature mais celle des hommes cinq siècles plus tard.