VI- LE COLOSSE DE RHODES

Mon nom, Lux ; ma hauteur, soixante-dix coudées ;
Ma fonction, veiller sur les mers débordées ;
Le vrai phare, c'est moi.
(...)
On m'a nommé Soleil, mais le bronze est nocturne ;
Vulcain forgea de l'ombre et fit l'airain ; j'ai beau
Jeter sur l'océan le frisson d'un flambeau,
J'ai beau porter au poing une flamme qui guide
L'homme, battu des mers, dans cette nuit liquide,
Autour de moi, sur l'île et sur l'eau, clair miroir,
L'aube a beau resplendir, je suis le géant noir.

Victor Hugo, La Légende des siècles, « Les Sept Merveilles du monde »

Deux statues figurent dans la liste des sept merveilles du monde antique : l'œuvre chryséléphantine de Phidias vers 437 à Olympie avec 13 mètres de haut, et la statue en bronze de Charès de Lindos commencée vers 303 dans la cité de Rhodes avec 31 mètres environ. Les travaux durèrent cinq ans pour la première, douze ans pour la seconde. L'une et l'autre honorent un dieu : Zeus à l'intérieur du temple resplendit de matériaux précieux, or, ivoire, argent, ébène, pierres précieuses et Hélios, exposé aux éléments, est fait de bronze.

De ces deux statues colossales, témoignages de l'art des hommes, il ne reste pratiquement rien : après avoir fait l'admiration des hommes pendant dix siècles, l'une est détruite par le feu à Constantinople, l'autre est brisée par un tremblement de terre 66 ans après son achèvement puis dispersée à dos de chameaux.

Le colosse de Rhodes reste beaucoup plus énigmatique que la statue de Phidias : aucun texte, comme celui de Pausanias pour le Zeus d'Olympie, ne donne l'emplacement précis de l'œuvre de Charès de Lindos, ni même sa description. Si le large bloc de pierre qui fonde aujourd'hui encore un bâtiment à l'entrée du port est interprété comme un morceau de la base de la statue, la silhouette d'Hélios n'est pas encore reconstituée avec certitude : tous les spécialistes s'accordent à dire que la position jambes écartées est une erreur de représentation qui perdure depuis le XIVe siècle, mais outre la couronne de rayons, quels étaient ses attributs et quelle était la position du bras droit ? Ces questions ne sont toujours pas résolues.

Au XXIe siècle, pourtant, le colosse reste à ce point emblématique qu'un nouveau projet a été rendu public en novembre 2008 : une nouvelle statue devrait être construite à ce qui passe pour être son emplacement d'origine, à l'entrée du port de Rhodes. Elle serait plus haute que l'original, entre 60 et 100 mètres, serait constituée en partie d'armes fondues, en célébration de la paix et serait une sculpture de lumière dans laquelle on pourrait pénétrer. Le projet confié au sculpteur allemand Gert Hof est dirigé par Dimitris Koutoulas. Il devrait coûter 200 millions d'euros selon To Vima (La Tribune) 16 novembre 2008.

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