La Vénus de Milo

1) Dans la mythologie, Vénus (assimilée à la déesse grecque Aphrodite) était la déesse de la beauté et de l’amour, protectrice de la fécondité. Elle avait pour attributs la pomme, la grenade, le myrte, ou encore le cygne, la colombe, le bouc... Elle fut dès l’Antiquité une source d’inspiration pour les artistes.

2) Au IVè siècle avant J.-C. la Vénus de Cnide attribuée au sculpteur Praxitèle est le premier nu féminin connu de la statuaire grecque. Aujourd’hui disparue, cette œuvre nous est connue par des copies romaines. Elle inspira la Vénus du Capitole aujourd’hui visible à Rome.

3) Il existe dans l’Antiquité de nombreux types de statues de Vénus : Venus Victrix (amenant une victoire), Venus Genitrix (fondatrice de la famille) ou encore Venus Callipyge (mirant le reflet de ses fesses dans l’eau) …

4) Vénus est aussi une muse pour les peintres : citons La Naissance de Vénus (Botticelli, 1485), la Vénus d’Urbin (Titien, 1538). Après le Moyen-Age, la déesse est un beau prétexte pour représenter le nu féminin sans déroger aux convenances !

5) Au Salon de 1863, le nombre de Vénus exposées était tel qu’on le surnomma « salon des Vénus ». Un des tableaux les plus célèbres, La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel fut acheté par Napoléon III lui-même.

6) On appelle « Vénus de la Préhistoire » des représentations féminines du Paléolithique, comme la Vénus de Lespugue ou la Vénus de Willendorf mais ces statuettes n’ont de rapport avec les vénus romaines que leur nudité !

     

    Découverte en 1820 sur l’île grecque de Melos (ou Milo), dans l’archipel des Cyclades, à l’emplacement de ce qui était peut-être un gymnase antique, la « Vénus de Milo » est une statue de marbre en ronde–bosse (développée en trois dimensions et posée sur un socle) mesurant 2,02 mètres de haut et pesant près d’une tonne. Elle représente une jeune femme aux cheveux attachés, à la poitrine dénudée, son vêtement tombant en plis serrés sur ses hanches et ses jambes. La statue a été retrouvée sans bras. En l’absence d’attributs, son identification n’est pas sûre : s’agit-il de Vénus, déesse de l’amour ou d’Amphitrite, divinité marine adorée sur l’île où la statue fut découverte ? D’auteur inconnu, la Vénus de Milo est une œuvre de l’époque hellénistique (IIè siècle avant J.-C.). Exposée au Louvre dès 1821, elle est aujourd’hui, avec la Joconde et la Victoire de Samothrace, une des trois figures de femme les plus célèbres du musée.

    Une histoire mouvementée : les différents voyages de la Vénus de Milo

    C’est un fermier grec qui découvrit par hasard en avril 1820 la statue, alors en deux parties, en creusant dans son champ. Olivier Voutier, élève-officier de la marine française sur la goélette l’Estafette qui faisait alors escale à Milo, assista à la découverte : frappé par la beauté de l’œuvre, il fut l’un de ceux qui prévint les autorités françaises. Après plusieurs tractations et ce qui ressemble presque à une course-poursuite, le marquis De Rivière, ambassadeur de France à Constantinople, acheta l’œuvre entre-temps revendue à un dignitaire ottoman. Elle partit finalement pour la France où le marquis l’offrit au roi lui-même, Louis XVIII. Celui-ci en fit don le 1er mars 1821 au Musée royal (futur Musée du Louvre) pour enrichir ses collections.

    La Vénus de Milo devait connaître cependant bien d’autres déménagements ! Pendant la guerre de 1870 contre la Prusse, elle fut démontée dans des caisses et mise à l’abri dans les caves de la Préfecture de Paris. Avec d’autres œuvres, elle fut encore évacuée en province en 1939 pour éviter les bombardements de la seconde guerre mondiale. Le dernier grand voyage de la statue eut lieu en 1964 : elle fut prêtée au Japon pour une exposition de cinq mois. Légèrement abîmé, le drapé du vêtement dut être restauré en urgence.

    Au sein même du Louvre, la Vénus de Milo occupa plusieurs emplacements, avant d’être présentée, seule, au centre d’une salle de la Galerie des Antiques, permettant au grand nombre de visiteurs de tourner autour de la statue.

    Les restaurations

    La question de la restauration de la statue, avec celle de son emplacement, fit débat dès son arrivée au Musée royal en 1821 : fallait-il entre autres reconstituer les bras manquants ? Comme un consensus ne pouvait être trouvé, l’idée fut finalement abandonnée pour ne pas dénaturer l’œuvre. En revanche d’autres opérations furent menées, comme la restauration du nez et le modelage d’un pied gauche complet en plâtre. Celui-ci fut supprimé en 1871 lors des restaurations menées après le séjour de la statue dans les caves humides.

    Par la suite, plusieurs petites interventions furent menées. La dernière grande opération de nettoyage eut lieu en 2010 pour restaurer la blancheur de la statue. Alors qu’ils enlevaient d’anciens bouchages en plâtre, les restaurateurs découvrirent sous le sein droit un petit message qui y avait été glissé : « restaurée le 5 avril 1936 par Libeau/Marbrier/Louvre » !

    Quelle est la technique de réalisation de la statue ?

    La Vénus de Milo est composée de deux blocs de marbre assemblés discrètement à la taille dans les plis du vêtement, selon une technique propre à l’époque hellénistique : un bloc comprenant la tête et le buste et un deuxième allant des hanches aux pieds. La « gammagraphie » (= examen aux rayons gamma) réalisée en 2010 lors des opérations de nettoyage permit de découvrir dans le corps de la statue deux tenons (pièces d’assemblage) métalliques servant à maintenir ces blocs. Comme le montrent les mortaises (cavités rectangulaires destinées à recevoir une autre pièce d’assemblage) encore visibles dans l’épaule gauche, les bras étaient ajoutés aux blocs principaux. D’autres trous de fixation montrent que la Vénus portait aussi des boucles d’oreille, un diadème et des bracelets de bras. Enfin, il est possible que ses cheveux notamment et ses lèvres aient été légèrement colorés mais il ne reste pas de trace de cette polychromie (plusieurs couleurs) aujourd’hui.

    La technique utilisée et le style même de la Vénus (une divinité à demi-nue, aux traits du visage délicats, le front défini par un triangle…) évoquent les statues de l’époque classique, comme celles de Praxitèle : on a même longtemps cru qu’il s’agissait d’un original grec du Vè ou IVè siècle avant J.-C. Mais la Vénus de Milo a été sculptée quelques siècles plus tard, à l’époque hellénistique, sans doute vers 130 et 100 avant J.-C. : il peut s’agir d’une copie libre d’une Vénus classique ou d’un « style rétrospectif à la manière de », comme le propose Ludovic Laugier, conservateur des sculptures grecques au Louvre.

    Comment étaient les bras de la Vénus de Milo ?

    Comme l’indique le mouvement d’épaule de la Vénus, son bras gauche était levé. Le bras droit en revanche passait sous la poitrine et croisait le ventre : un tenon fixé dans une cavité aujourd’hui bouchée le soutenait au niveau de l’abdomen. Tenait-elle des attributs ? Une main tenant une pomme, sculptée dans le même marbre de Paros, fut retrouvée à proximité de la statue et contribua à son identification comme Vénus. La pomme évoque en effet l’épisode mythologique du jugement de Pâris, qui offrit le fruit à la déesse. Cependant il n’est pas sûr que le fragment, de qualité artistique inférieure, ait appartenu à notre statue ! La Vénus de Milo pourrait avoir été inspirée par une œuvre antique aujourd’hui disparue, l’Aphrodite de Corinthe, dont on sait par ses reproductions sur des pièces de monnaie et des textes qu’elle tenait des deux mains les bords du bouclier d’Arès, dieu de la guerre. La déesse mirait son visage dans le bouclier de son amant désarmé. D’autres propositions ont été faites : Vénus appuyée à un pilier, Vénus écrivant sur le miroir comme la Vénus de Capoue, statue conservée au Musée archéologique de Naples et qui est une réinterprétation romaine de l’Aphrodite de Corinthe (mais son visage serait alors sans doute plus incliné), Vénus accompagnée d’Arès lui-même, à la façon d’autres Vénus romaines... Le débat reste ouvert parmi les spécialistes ! L’absence de bras autorise tous les fantasmes et laisse libre cours à notre imagination. Paradoxalement, Vénus serait peut-être moins contemplée aujourd’hui si elle avait gardé ses bras !

    Pourquoi une telle célébrité ?

    Un regard lointain, d’une grande douceur, des lèvres délicates et une chevelure ondoyante… La Vénus de Milo doit sans aucun doute une grande partie de sa célébrité à sa beauté et à sa sensualité. Ses chairs pleines sont voluptueuses ; son buste, ses jambes, le drapé du vêtement s’enroulent dans un mouvement de torsion gracieux, hélicoïdal, qui accroche la lumière.

    Pourtant ce n’est pas la seule raison qui explique son succès. La Vénus de Milo a été célébrée comme un chef d’œuvre dès sa première exposition au Louvre : le Musée royal avait besoin de regarnir ses collections en partie vidées suite à la défaite de Waterloo et au congrès de Vienne en 1814. A une époque où la Grèce luttait pour son indépendance, la Vénus apparaissait aussi comme un symbole de liberté ! Au XIXè siècle, alors que Paris devenait la capitale des Beaux-Arts, nombreux furent les artistes qui vinrent l’admirer et la dessiner, contribuant à enrichir son mythe. Dans L'Art et les Artistes, en mars 1914, Rodin la louait en ces termes : « Ô Vénus de Milo, le prodigieux sculpteur qui te façonna sut faire passer en toi le frisson de cette nature généreuse, le frisson de la vie même,  […] Quelle splendeur en ton beau torse, assis fermement sur tes jambes solides, et dans ces demi-teintes qui dorment sur tes seins, sur ton ventre splendide, large comme la mer !». Certaines des œuvres du sculpteur, comme la Méditation, la Muse Whistler ou l’Homme qui marche (dépourvu de bras) font directement référence à la Vénus de Milo.

    D’autres artistes plus contemporains s’amusèrent à détourner son image : Dali lui ajouta des pompons (Vénus de Milo aux tiroirs, 1936), Yves Klein lui apposa son intense bleu IKB, Arman la découpa en tranches (Vénus des Arts, 1992, Transculpture, 1996), jusqu’au dessinateur de bande-dessinée Philippe Geluck ! Aujourd’hui l’image de la Vénus est reproduite partout, même pour faire vendre (publicités, objets dérivés…).

    La Vénus de Milo est devenue une icône. Son histoire recèle bien des mystères qui contribuent à son mythe (Qui était-elle vraiment ? Qui l’a vraiment découverte ?). L’étudier permet d’aborder plusieurs questions : Faut-il restaurer les œuvres d’art ? Qu’est-ce qu’un chef d’œuvre ? Même dans les classes de philosophie, la Vénus de Milo n’a pas fini de faire parler d’elle !

    Ce qu'écrit Leconte de Lisle : 

    Marbre sacré, vêtu de force et de génie,
    Déesse irrésistible au port victorieux,
    Pure comme un éclair et comme une harmonie,
    O Vénus, ô beauté, blanche mère des Dieux !

     

    Charles-Marie Leconte de Lisle, 1818 – 1894, « Vénus de Milo », Poèmes antiques, 1891, 5è édition

    À retrouver sur le Musée virtuel de la Méditerranée : 

    1) Dans la mythologie, Vénus (assimilée à la déesse grecque Aphrodite) était la déesse de la beauté et de l’amour, protectrice de la fécondité. Elle avait pour attributs la pomme, la grenade, le myrte, ou encore le cygne, la colombe, le bouc... Elle fut dès l’Antiquité une source d’inspiration pour les artistes.

    2) Au IVè siècle avant J.-C. la Vénus de Cnide attribuée au sculpteur Praxitèle est le premier nu féminin connu de la statuaire grecque. Aujourd’hui disparue, cette œuvre nous est connue par des copies romaines. Elle inspira la Vénus du Capitole aujourd’hui visible à Rome.

    3) Il existe dans l’Antiquité de nombreux types de statues de Vénus : Venus Victrix (amenant une victoire), Venus Genitrix (fondatrice de la famille) ou encore Venus Callipyge (mirant le reflet de ses fesses dans l’eau) …

    4) Vénus est aussi une muse pour les peintres : citons La Naissance de Vénus (Botticelli, 1485), la Vénus d’Urbin (Titien, 1538). Après le Moyen-Age, la déesse est un beau prétexte pour représenter le nu féminin sans déroger aux convenances !

    5) Au Salon de 1863, le nombre de Vénus exposées était tel qu’on le surnomma « salon des Vénus ». Un des tableaux les plus célèbres, La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel fut acheté par Napoléon III lui-même.

    6) On appelle « Vénus de la Préhistoire » des représentations féminines du Paléolithique, comme la Vénus de Lespugue ou la Vénus de Willendorf mais ces statuettes n’ont de rapport avec les vénus romaines que leur nudité !

       

      Pistes de recherche :

      • l’art grec, l’art de la statuaire
      • la période hellénistique
      • mythologie : Vénus, Aphrodite
      • la muséographie et la restauration des œuvres d’art

      Voir aussi sur Odysseum :

       

      Voir aussi :

       

      En deux livres :

      • La Vénus de Milo. Un mythe, Dimitri Salmon, coll. Découvertes, coéditions Gallimard / RMN, 2000
      • La Vénus de Milo et les Aphrodites du Louvre, Alain Pasquier, RMN, 1991

       

      À lire au CDI :

      • Des magazines : Le Petit Léonard, no 239 (octobre 2018) et no 150 (septembre 2010) et no 72 (juillet-août 2003, avec un dossier sur la sculpture grecque)
      • Un récit fantastique d’une Vénus inquiétante… La Vénus d’Ille, Prosper Mérimée, 1837
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