Chapitre 1 : Ronsard dans son époque Ronsard : Les oeuvres engagées.

1. Humanisme et Réforme

L’Évangélisme : L’humanisme de la Renaissance, dans la mesure où il exalte la sagesse antique, où il développe l’esprit de libre examen (critique des textes sacrés, et non plus croyance confiante) va menacer l’autorité de la Sorbonne (c’est-à-dire la faculté de théologie de Paris, fondée au XIIIè siècle par les Papes comme foyer mondial d’études religieuses).

Le premier conflit oppose la Sorbonne à Lefèvre d’Etaples qui prônait le retour au pur texte évangélique (débarrassé donc de toutes ses gloses), à la vie sainte en esprit (et non pas seulement selon le dogme). On trouve dans ce qu’il préconise des analogies avec les thèses de Luther. Sa  traduction de la bible  (parue en 1530 à Anvers) est brûlée. Il doit s’exiler.

Faillite de l’Évangélisme : dès lors les attaques se multiplient contre cet humanisme qui avait rêvé d’épurer les pratiques religieuses, de confondre science et foi, de réunir paganisme et christianisme. On brûle des gens suspects de luthérianisme, et c’est en octobre 1634 la fameuse affaire des placards : un pamphlet contre la messe et la cour romaine est placardé à Paris, et à Amboise jusque sur la porte de l’appartement royal. La réaction est brutale. On poursuit les luthériens (On en brûla vingt). Ces conflits brutaux provoquent une nouvelle répartition des forces : l’humanisme souhaitait une réforme intérieure de l’Eglise. Or Calvin constitue à part sa doctrine, ce qui entraîne certains humanistes à retourner vers le catholicisme, comme Amyot. D’autres, comme Th. De Bèze se tournent vers le protestantisme. Un certain nombre cherche à ménager les droits du libre examen, comme Rabelais, mais leur position est difficile.

Les conflits religieux : la génération de la Pléiade (1550) dont on sit l’idéal qui participe à leur formation (goût des langues anciennes, connaissance du grec, volonté de donner naissance à une poésie de langue française) apparaît quand la répression catholique se fait de plus en plus dure (cf. massacre des Vaudois à Mérindol en 1545). A Paris création d’une « chambre ardente » qui entre 1547 et 1549 prononcera plus de cinq cents condamnations, dont soixante à mort. En 1557, l’édit de Compiègne prévoit que la mort serait la seule sanction contre les hérétiques.
Or la Réforme ne cesse de progresser : en 1559, il y a 72 églises réformées en France, mais plus de 2000 en 1561 ! Le concile de Trente réuni dès 1547 (il se tiendra par intermittence jusqu’en 1563) marque l’impossibilité de rétablir l’unité chrétienne. Dès 1560, les guerres de religion éclatent pour 30 ans.

2. Le Calvinisme

Il faut bien distinguer le luthérianisme spécifiquement étranger à notre tempérament national, du Calvinisme, fondé par un français (né à Noyon) qui sera contraint à l’exil à la suite de l’affaire des Placards (Calvin se réfugie à Bâle puis à Genève). Il est acquis aux idées de la Réforme et veut lutter contre les abus de l’Eglise. Mais ce français va avoir une action particulièrement grande dans les pays de langue française, ce qui explique la propagation rapide de ce mouvement.

L’institution de la religion chrétienne : publiée d’abord en latin puis en français : pour la première fois, une œuvre de théologie paraissait en langue vulgaire. C’est une date pour la prose française : densité, mouvement, on peut dire que Calvin est le créateur de la prose française.

- La doctrine reprend des points déjà présents chez ses prédécesseurs :

  • pas d’intermédiaire entre le Fidèle et le Sauveur (ni la Vierge, ni les Saints, ni le prêtre),
  • pas de sacerdoce particulier,
  • pas d’ornements ni de pompe,
  • deux sacrements seulement : baptème et Cène (en tant que cérémonie symbolique et commémoration),
  • culte réduit à la prédication, à la prière, au chant des psaumes, dans une salle nue, ; où la chaire remplace l’autel.

- Mais la doctrine innove sur certains points :

  • la question de la présence réelle : pas de miracle de transubstanciation, même s’il y a bien communion dans ce sacrement, mais en esprit (pour les catholiques, au contraire, le corps du Christ est réellement consommé et Jésus est réellement présent,
  • l’interprétation des Ecritures : elles ont pour Calvin un sens très clair (… qu’il imposera !) et directement sensible au fidèle (ne nécessitent pas de savoir spécifique),
  • la prédestination : pour le principe, proche de Luther : chaque être est prédestiné au salut ou à la damnation. Mais pour inciter cependant à faire le bien, Calvin rajoute que la grâce ne porte pas seulement sur le salut éternel mais sur la propension au bien, que la Grâce a pour effet de créer dans l’âme de l’élu. De ce fait, celui qui a la grâce agit forcément bien !

Calvin s’installe à Genève en 1541, et il y reste jusqu’en 1564, en maître tout puissant. Il y crée un nouveau foyer d’ étude et de propagande (Calvin avait le culte de la science et des fortes études ; et Genève devient le plus remarquable centre culturel européen). Il était très intolérant, et faisait régner une vraie tyrannie morale (cf. condamnation au bûcher de  Michel Servet en 63, pour avoir nié le dogme de la Trinité et discuté le sens traditionnel des prophéties bibliques : Aux réformés, très émus, Calvin et De Bèze répondent en proclamant la légitimité de la peine de mort contre les hérétiques).

Notons, chose curieuse, que le caractère individualiste de la Foi aboutira au contraire à donner à la conscience le droit de lutter contre tous les autoritarismes des Eglises d’Etat et donc de lutter pour la tolérance.

Toujours est-il que toutes les classes sociales, toutes les provinces de France furent touchées par la religion nouvelle, et l’audace avec laquelle plusieurs milliers de réformés prirent l’habitude de se réunir en plein Paris (au Pré-aux-Clercs) en 1558 pour chanter des psaumes publiquement, témoigne de la puissance du mouvement.

Henri II fait la paix avec l’Espagne par le traité de Cateau-Cambrésis (1559) pour mieux se consacrer à la lutte contre l’hérésie.

3. Les guerres de religion

La situation politique : elle est très délicate : François II meurt en 1559, laissant deux frères mineurs. Donc on constitue un conseil de régence, mais l’autorité royale, malgré l’énergie de Catherine de Médicis se trouve affaiblie ; deux factions se disputent à la Cour : les Guise (avec le cardinal de Lorraine et le duc de Guise) pour la cause catholique, et les Bourbon (Antoine, le père du futur Henri IV, le cardinal de Bourbon, et Louis de Condé, qui adhère au protestantisme) Mais Guise est puissant, on continue à brûler les hérétiques.

- En mars 1560, la conjuration d’Amboise, dirigée contre les Guise échoue et entraîne une atroce répressions, malgré la Reine et Michel de l’Hôpital, partisans d’accommodements politiques. Pourtant l’Edit de Romorantin atténue les persécutions. Ce qui n’empêche pas les Guise de faire arrêter Louis de Condé, qui est condamné à mort en novembre 1560. Là-dessus, François II meurt (Février 60). A la cour, des sympathies se font jour pour les Calvinistes, et Catherine voudrait secouer la tutelle du Duc de Guise et du « triumvirat » qu’il forme avec Montmorency et Saint André.

- En septembre-octobre 1561, au colloque de Poissy, Catherine, et M. de l’Hôpital, fidèles à leur politique d’équilibre, s’efforcent de concilier les deux religions tout au moins au plan politique, et tentent de réconcilier les deux partis. Les députés protestants purent exposer leur conception, et l’éloquent De Bèze remporta un vif succès personnel. Mais quelques points de la doctrine révoltèrent les prélats catholiques, (cf. celui de la présence réelle) et finalement on n’arriva pas à s’entendre.

- Le 17 janvier 1562 un édit accorde cependant aux huguenots le droit de célébrer leur culte hors des villes closes. C’était déjà un précieux avantage.

Les guerres de religion 

- 1er mars 1562 : massacres de Vassy : ce fut cet événement qui déclencha les guerres : les 1200 protestants qui tenaient un prêche à Vassy furent massacrés par la troupe des Guise. Et le triumvirat veut agir sur Catherine pour accélérer la répression.

Première guerre civile (1562 – 1563) : Bataille de Dreux : les deux camps disent chacun qu’ils veulent libérer le Roi. En 63 Guise est assassiné tandis que Condé est fait prisonnier à Dreux.

- 19 mars 1563 : délivrée par la mort de Guise, Catherine réconcilie Condé et Montmorency : c’est l’édit de pacification d’Amboise : le culte est autorisé mais les temples doivent se trouver dans les faubourgs des villes.

- Deuxième guerre (1567 – 1568) : mais Montmorency et Condé recommencent à se battre : ce sont les combats de Saint-Denis.

- Troisième guerre (1569 – 1570) : les calvinistes sont vaincus à Jarnac et Moncontour. Condé est assassiné. Un édit accorde aux Protestants quatre places de sûreté.

- Quatrième guerre de religion (1572 – 1573) : Jalouse de l’autorité de Coligny sur le jeune Charles IX, Catherine déchaîne la Saint-Barthélémy (23 août 72). La ville de La Rochelle, citadelle protestante résiste, et Charles IX accorde aux Français la liberté de conscience.

(cf. XVIè Clio PUF)

C’est dans ce contexte où éclate en morceaux le bel optimisme si unificateur du premier humanisme que Ronsard va se faire le défenseur de la cause catholique

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