On appelle « Jeux olympiques » les jeux fêtés tous les quatre ans au sanctuaire d’Olympie, dans la région du Péloponnèse, dans le cadre de fêtes religieuses en l’honneur de Zeus. Durant six jours, les meilleurs athlètes des diverses cités, hommes libres et citoyens grecs, s’affrontaient lors d’épreuves sportives individuelles, sous les yeux d’une foule immense, venue de toute la Grèce mais dont les femmes étaient exclues. Une trêve sacrée était proclamée entre les cités qui devaient alors cesser toute rivalité et tout combat : athlètes et spectateurs pouvaient ainsi faire le trajet sans encombre jusqu’au site.
Les Jeux olympiques faisaient partie d’un ensemble de quatre autres grands jeux « panhelléniques » (c’est-à-dire rassemblant la Grèce autour de son unité linguistique et religieuse) : les jeux Pythiques à Delphes en l’honneur d’Apollon, les jeux Isthmiques à Corinthe en l’honneur de Poséidon et les jeux Néméens à Némée en l’honneur d’Héraclès. Une olympiade, (un cycle de quatre année), voyait ainsi se succéder harmonieusement ces grandes fêtes.
Naissance des Jeux olympiques antiques
L’histoire des Jeux olympiques couvre près de douze siècles ! Leur origine se perd entre mythologie et Histoire. Les Grecs évoquaient deux principaux héros fondateurs : Pélops le plus souvent et Héraclès. Le premier aurait fondé les jeux pour expier un crime dont il était responsable : la mort de son beau-père Oenomaos, roi de Pisa en Élide, lors d’une course de chars dont le prix était la main de sa future épouse Hippodamie. Selon une autre tradition, c’est Héraclès qui les aurait instaurés soit en l’honneur de Pélops, soit après avoir tué le roi Augias. En faisant six cents pas pour tracer l’enceinte sacrée dans laquelle se dérouleraient les jeux, le héros créa ainsi la longueur du « stade » (qui est une unité de longueur antique), soit 192,27 mètres à Olympie. Un pied olympique mesure donc 32,045 centimètres : Héraclès chaussait du 45 !
Du point de vue de l’Histoire et malgré des traditions divergentes, la date officiellement retenue est celle de 776 avant J.-C. Iphitos, roi d’Élide, aurait réinstauré les jeux (qui existaient donc sans doute auparavant) sur les conseils de la Pythie, à qui il avait demandé comment sauver la Grèce de guerres intestines et d’une épidémie de peste. Un certain Koroibos aurait remporté la course du stade : il est donc pour nous le premier « olympionique » (Ὀλυμπιόνικος = vainqueur aux Jeux olympiques).
Le site d’Olympie
Le site d’Olympie comportait plusieurs bâtiments : le temple de Zeus au centre de l’enceinte sacrée, mais aussi un temple d’Héra, plus ancien. On trouvait également un gymnase (lieu d’entraînement pour les lancers et courses), la palestre (lieu d’entraînement pour les luttes), le stade pouvant accueillir 40 000 spectateurs et l’hippodrome. Tout autour du site, une véritable foire s’installait pendant toute la durée des jeux. Les spectateurs logeaient sous des toiles tendues. Des marchands venaient vendre leurs produits ; musiciens, poètes, artistes et philosophes déclamaient leurs œuvres ou prenaient des commandes. On pouvait admirer les sculptures de Phidias ou de Polyclète. Comme le montrent les nombreuses céramiques représentant des athlètes, l’art et le sport étaient étroitement liés. Les Jeux olympiques répondaient en effet à l’idéal grec de la beauté des corps liée à celle des esprits : l’athlète est le modèle de l’homme « καλὸς κἀγαθός », « kalos kai agathos », à la fois « beau et brave ».
Les épreuves et le déroulement des Jeux
Les épreuves se déroulaient en plein air, au stade et à l’hippodrome. Elles étaient toujours individuelles : il n’y avait pas de sports d’équipes. Les athlètes concouraient nus, le corps enduit d’huile d’olive et de sable, afin d’assouplir les muscles, se protéger du soleil et gêner l’adversaire lors des luttes.
Une grande cérémonie religieuse signalait l’ouverture des Jeux olympiques : après la procession, sacrifices et libations étaient offerts aux dieux. Juges et participants prêtaient serment, promettant d’être loyaux, de respecter les règles et de refuser toute corruption !
Les épreuves sportives commençaient le lendemain. À l’origine, il s’agissait seulement de la course du stade (dromos), dont le but était d’aller allumer la flamme de l’autel de Zeus. Le vainqueur avait l’immense honneur de donner son nom à l’olympiade. Progressivement, les épreuves se diversifièrent et la durée des jeux s’accrut. En 724 avant J.-C., on ajouta ainsi le diaulos ou double stade, puis en 720 avant J.-C. le dolichos ou long stade, sorte de course de fond qui pouvait mesurer jusqu’à 4,6 kilomètres (24 stades) et qui était l’épreuve la plus pénible. Pour la course en armes ou hoplitodromos, les athlètes revêtaient leurs armes ou au moins leur bouclier.
Le deuxième jour avaient lieu les épreuves de lutte, de pugilat (ancêtre de la boxe) et de pancrace (sport de combat pour lequel tous les coups étaient permis, hormis d’introduire le doigt dans les yeux de l’adversaire, ou de lui arracher une partie du corps !)
Le troisième jour, les courses hippiques et courses de chars, dont le fameux quadrige (char à quatre chevaux) prenaient place à l’hippodrome, long de 780 mètres : les accidents graves étaient fréquents.
Le quatrième jour se déroulait le pentathlon, composé des cinq épreuves suivantes (pente = cinq) : dromos, saut en longueur, lancer de disque, de javelot et lutte. Pour le saut en longueur, les concurrents utilisaient des poids de bronze ou de pierre pour aller plus loin. La technique du lancer de disque était en revanche similaire à celle d’aujourd’hui.
Le cinquième et dernier jour, les épreuves étaient aménagées et réservées aux plus jeunes.
Les récompenses
Nul podium à Olympie : seul le vainqueur était récompensé ! Immédiatement après l’épreuve, il recevait une palme et sa tête était ceinte d‘un ruban de laine pourpre. Le dernier jour, les hellanodices le coiffaient d’une couronne d’olivier devant le temple de Zeus. On pouvait réciter des poèmes en son honneur voire ériger sa statue ! De retour dans la cité d’origine, ces distinctions redoublaient. On le voit, les récompenses n’étaient donc à l’origine honorifiques et les athlètes jouissaient d’une immense gloire.
Toutefois, ce désintéressement ne dura pas et les récompenses monétaires modifièrent l’esprit des jeux. Les cités accordèrent par exemple à leurs champions des logements ou leur permirent d’être nourris gratuitement à vie. On commença à engager des athlètes, à s’arracher les meilleurs d’entre eux : c’était le début de la professionnalisation du sport !
Des Jeux sans femme
Même en tant que spectatrices, les femmes ne pouvaient participer aux Jeux olympiques, sous peine de condamnation à mort. Les jeux Héréens leur étaient réservés deux semaines après les Jeux Olympiques. Pausanias raconte cependant l’histoire de Kallipateira, issue d’une famille d’athlètes, qui se serait costumée en homme pour pouvoir suivre les exploits de son fils. Au moment de la victoire, comme elle sautait de joie et franchissait la barrière, son vêtement serait resté accroché ! Le renom de la famille lui permit d’être épargnée. Kyniska, fille du roi de Sparte, parvint à remporter deux courses de char sans être présente dans l’hippodrome … Elle était simplement la propriétaire des chars !
Encore refusées à la première édition des Jeux olympiques modernes, les femmes ne représentaient ensuite que 2% des athlètes à Paris en 1900. Selon l’engagement du Comité International Olympique, les Jeux Olympiques de Paris de 2024 devraient être la première édition dans laquelle l’équilibre des sexes sera atteint.
Fin et renaissance des Jeux Olympiques
En 146 avant J.-C., la Grèce devint romaine : les épreuves athlétiques intéressaient moins les Romains qui leur préféraient de loin les courses de chars, ou le divertissement des jeux de l’amphithéâtre. Ce n’est toutefois qu’en 393 après J.-C. que les Jeux furent supprimés, quand l’empereur chrétien Théodose Ier condamna toutes les fêtes païennes, parmi lesquelles les jeux grecs. Son successeur Théodose II fit détruire les monuments : des catastrophes naturelles (tremblements de terre, raz-de-marée) les mirent définitivement en ruines au Vè siècle après J.-C.
C’est au XIXè siècle, alors que des fouilles avaient été entreprises sur le site du temple de Zeus, que se ralluma la flamme olympique ! Plusieurs tentatives (grecques, allemandes, françaises…) pour faire revivre les Jeux avaient déjà été effectuées mais avaient échoué. Pourtant le Baron Pierre de Coubertin y parvint en 1894 en fondant le Comité International Olympique. À sa demande, le premier président fut un Grec, Demetrias Vikelas. Les premiers Jeux olympiques modernes se déroulèrent à Athènes en 1896, réunissant 245 athlètes de 14 pays, mais toujours sans participation féminine. On doit aussi à Pierre de Coubertin la charte et le protocole olympiques, le serment des athlètes, le cérémonial d’ouverture et de clôture des Jeux. Les épreuves et le déroulé ont évolué, mais comme leur ancêtre antique, les Jeux Olympiques sont aujourd’hui pour tous un symbole de paix, de fraternité : le plus grand événement sportif mondial.
Ce qu'écrit Lucien de Samosate :
Εἰ καιρὸς ἦν, ὦ Ἀνάχαρσι, Ὀλυμπίων ἢ Ἰσθμίων ἢ Παναθηναίων, αὐτὸ ἄν σε τὸ γιγνόμενον ἐδίδαξεν ὡς οὐ μάτην ἐσπουδάκαμεν ἐπὶ τούτοις. Οὐ γὰρ οὕτω λέγων ἄν τις προσβιβάσειέν σε τῇ ἡδονῇ τῶν ἐκεῖ δρωμένων, ὡς εἰ καθεζόμενος αὐτὸς ἐν μέσοις τοῖς θεαταῖς βλέποις ἀρετὰς ἀνδρῶν καὶ κάλλη σωμάτων καὶ εὐεξίας θαυμαστὰς καὶ ἐμπειρίας δεινὰς καὶ ἰσχὺν ἄμαχον καὶ τόλμαν καὶ φιλοτιμίαν καὶ γνώμας ἀηττήτους καὶ σπουδὴν ἄλεκτον ὑπὲρ τῆς νίκης. Εὖ γὰρ δὴ οἶδα ὡς οὐκ ἂν ἐπαύσω ἐπαινῶν καὶ ἐπιβοῶν καὶ ἐπικροτῶν.
Si nous étions, Anacharsis, à l'époque des jeux olympiques, des jeux isthmiques ou des Panathénées, tu apprendrais, en voyant ce qui s'y passe, que nous n'avons pas tort de montrer tant de passion pour ces spectacles. Je ne peux, en effet, par la parole, te donner une idée du plaisir que tu aurais, assis au milieu des spectateurs, à voir la bravoure des athlètes, la beauté de leur corps, leurs poses admirables, leur souplesse merveilleuse, leur force infatigable, leur audace, leur émulation, leur courage invincible, leurs efforts incessants pour la victoire. Je suis bien persuadé que tu ne cesserais de les combler de louanges, de crier, d'applaudir.
Lucien de Samosate, XLIX, Anarchasis ou Les Gymnases - Traduction d’Eugène Talbot, Tome1, 2è édition, Paris, Librairie Hachette et Cnie, 1866