Pistes pour la classe
- Les personnages célèbres de l'Antiquité
- Gloire et victoire
- Les empereurs romains et les jeux
Devenir athlète, devenir héros
Devenir athlète, c’est prendre la suite des héros grecs. Lors des jeux pour les funérailles de Patrocle dans l’Iliade ou des jeux de divertissement donnés par les Phéaciens dans l’Odyssée, les plus célèbres des héros grecs montrent leur adresse, leur force ou leur vitesse lors d’épreuves physiques. Ulysse s’illustre ainsi à la lutte contre Ajax dans l’Iliade, ou encore au lancer de disque dans l’Odyssée.
Mais le héros le plus couramment associé au sport est Héraclès, considéré d’ailleurs comme le fondateur légendaire des jeux olympiques. Pindare nous rapporte ainsi qu’il les aurait institués lors des prémices de ses travaux. Et par l’accomplissement de ses douze travaux (ἄεθλοι ou ἄθλοι : aethloi ou athloi) il est peut-être le premier athlète (ἀθλητής : athlétès) de l’Antiquité. L’association de son nom au sport a d’ailleurs traversé les époques : aujourd’hui encore, un Hercule est un modèle de musculature développée.
Des jeux pour devenir célèbre
Les jeux les plus célèbres se déroulent à Olympie, en l’honneur de Zeus. Mais trois autres jeux se disputent cette célébrité : les jeux isthmiques, qui auraient été fondés ou au moins réorganisés, selon la légende, par Thésée ; les jeux néméens, dont l’origine serait la guerre des Sept et enfin les jeux pythiques, selon la tradition ouverts par Jason lors de la conquête de la toison d’or. Ces jeux sont devenus tellement célèbres dans l’Antiquité qu’ils ont fini par donner leur nom aux olympiades, époques sur lesquelles les Grecs et les nations voisines établissent leur chronologie.
Une seule ambition : la gloire
Les athlètes entrent en compétition pour la gloire, la doxa (δόξα), pour entendre leur nom proclamé par le héraut devant tous les Grecs réunis. C’est poussés vers elle qu’ils luttent, qu’ils s’entraînent, qu’ils tentent d’arracher la victoire. Vaincre aux jeux, et en particulier à Olympie, c’est s’assurer une immense renommée personnelle et familiale.
Une gloire encore plus grande est assurée pour le vainqueur des quatre jeux principaux. On lui attribue l’appellation de periodonikès (περιοδονίκης), le « vainqueur de la période ». À Olympie s’exprime donc la passion des Grecs pour l’émulation, le désir d’être le premier (πρῶτοϛ : protos), le meilleur (ἄριστος : aristos), d’obtenir la victoire (νίκη : nikè). La fierté des athlètes vainqueurs s’exprime dans les nombreuses inscriptions qui proclament leur gloire.
L’émotion de la victoire est parfois si forte qu’elle en devient dangereuse. L’athlète Ainetos, vainqueur au pentathlon au début du IIe siècle, serait mort de joie au moment de l’emporter. Chilon de Sparte aurait, lui, trouvé la mort en voulant féliciter son fils pour sa victoire au pugilat.
Symboles de victoire
La victoire se symbolise par un couronnement de l’athlète vainqueur. S’ensuit une procession grandiose qui conduit le vainqueur au prytanée, sous les cris et les chants en l’honneur d’Héraclès. Est organisé un banquet solennel qui rassemble les juges, les vainqueurs et leurs proches, tous en habit d’apparat.
Le nom des vainqueurs est aussi gravé sur le catalogue officiel des olympionike, les vainqueurs d’Olympie, exposé en permanence au gymnase.
Montrer sa puissance : la statuaire de la victoire
L'aurige de Delphes, © Wikipedia commons
La gloire de l’athlète se matérialise dans l’érection de statues, qui peuvent se trouver à Olympie ou dans son gymnase d’origine. Ces statues, décrites longuement par Pausanias, témoignent de la grandeur de leurs exploits. Le coût de cette statue peut être pris en charge par l’athlète lui-même mais aussi par sa cité, sur qui rejaillit sa gloire.
La statue d’athlète la plus célèbre est celle de l’aurige de Delphes, une statue de bronze découverte sur le sanctuaire de Delphes. L’aurige, les yeux incrustés d’émail et de pierres colorées, avait vaincu lors de la course de char aux jeux pythiques de 478 avant J.-C.
Chanter sa victoire : une renommée poétique
Plusieurs poètes chantent la gloire de l’athlète dans un genre appelé l’épinicie. On peut citer parmi eux Simonide, Euripide ou encore Bacchylide. Mais celui qui s’est le plus illustré dans ce genre est Pindare, considéré comme le maître de l’épinicie. Sa première ode est consacrée à Hiéron de Syracuse, athlète qui a vaincu lors de l’épreuve olympique de course hippique montée en 476 avant J.-C. Ces poèmes mettent en exergue l’exploit de l’athlète, ses vertus familiales et sa cité d’origine.
La gloire de la cité
Les cités grecques s’enorgueillissent de posséder l’un des athlètes vainqueurs aux jeux. Lui est réservé, lorsqu’il rentre chez lui, un accueil triomphal. Une nouvelle procession a lieu où le vainqueur, richement vêtu de pourpre et d’or, salue la foule, monté sur un char.
Une monnaie est même parfois frappée pour commémorer la victoire, comme c’est le cas en Sicile pour les vainqueurs des courses de chars.
L’athlète vainqueur reçoit aussi d’autres avantages : il est exempté d’impôts, reçoit parfois de l’argent, est nourri aux frais de la cité jusqu’à la fin de ses jours. Il profite de la proedria au théâtre ou au stade. S’il vient d’un milieu aristocratique, il devient souvent un homme politique influent ; si son origine est plus modeste, il peut prendre les rênes d’un gymnase qui profite de sa célébrité.
Certains athlètes reçoivent même un culte après leur mort. Des temples sont élevés dans leur cité d’origine. Solon précise, chez Lucien, que le vainqueur est honoré à l’égal des dieux (τὸν δὲ καὶ νικήσαντα αὐτῶν ἰσόθεον νομιζόμενον).
Quelques athlètes célèbres
Parmi les athlètes célèbres, on peut citer, à l’exemple de Philostrate, Polydamas de Scotusse, athlète thessalien vainqueur lors des jeux de la 93e Olympiade (Ve siècle avant J.-C), surnommé d’après une inscription « l’invincible Polydamas ». Pausanias, dans sa Description de la Grèce, nous relate ses exploits : il aurait réussi à tuer un lion sans aucune arme, par ambition de se comparer à Héraclès, à retenir un taureau tellement fortement que celui-ci a dû abandonner sa corne pour s’en défaire. Il serait mort enseveli en pensant pouvoir retenir à lui seul la voûte d’une caverne qui s’effondrait.
On peut aussi citer Hipposthénès de Sparte, vainqueur olympique du VIIe siècle, qui a remporté plusieurs épreuves de lutte, à la fois en tant qu’enfant et en tant qu’adulte, prenant la suite des victoires de son père. Pausanias précise qu’un temple lui a été élevé et qu’on lui rend des honneurs comme à Neptune.
Promaque de Pellène, vainqueur plusieurs fois en 404 avant J.-C., a sa statue en bronze à Olympie, mais aussi dans son gymnase d’origine, en marbre. Les Pellénéens prétendent d’ailleurs qu’il aurait vaincu Polydamas.
Glaucos de Carystos est un vainqueur au pugilat qui a quant à lui vécu entre la fin du VIe siècle et le début du Ve siècle avant J.-C. Son père l’aurait conduit à Olympie après l’avoir vu rajuster le soc de sa charrue en utilisant son poing comme marteau. Alors que complètement étranger aux usages de ce sport, il recevait de nombreux coups, son père lui aurait alors crié de frapper comme sur la charrue. Portant un coup alors très violent à son adversaire, Glaucos aurait obtenu la victoire. Il a aussi donné naissance à toute une descendance de vainqueurs.
Et l'on ne peut parler de vainqueurs sans mentionner Milon de Crotone, dont la gloire est devenue légendaire, voire proverbiale. Outre son régime alimentaire pantagruélique, il est connu pour sa force surhumaine. Galien prend son exemple pour parler de grandeur dans un de ses traités. Galien utilise aussi une expression qui semble consacrée, « l’excellente santé de Milon ».
La célébrité à Rome : fan-clubs et produits dérivés
À Rome, le sport le plus prisé est celui des courses de chars, seulement attelés et non montés comme en Grèce. Plusieurs équipes, soutenues par des fan-clubs, s’affrontent. On y trouve les Verts et les Bleus, les Blancs et les Rouges. Les auriges peuvent accéder à une immense célébrité, ainsi qu’à une grande richesse. Ce sont de véritables stars. Lors des courses, tout le monde est à l’hippodrome. Pline le Jeune nous décrit ainsi la ville de Rome vidée de ses habitants.
Les empereurs n’étaient pas en reste : Caligula était un fervent supporter de courses de chars. Néron n’hésitait pas à prendre part à des courses et a même été sacré champion olympique de quadrige ! Mais il aurait acheté sa victoire…
Quelques auriges célèbres
Parmi les auriges célèbres, on peut citer Gaius Appuleius Dioclès, qui a vécu au IIe siècle et qui a pris part à 4257 courses pour 1462 victoires.
Flavius Scorpus est aussi l’un des plus célèbres auriges, comme le prouve une des épigrammes de Martial, qui nomme Scorpus « la gloire de ton cirque bruyant, l’objet de tes applaudissements ». Au terme de sa carrière de 24 ans, il a reçu le titre de meilleur aurige de l’histoire. Il avait reçu tellement d’argent qu’il était plus riche que l’empereur lui-même.
Porphyre l’Aurige a aussi été très connu au Ve et VIe siècles, lors de l’apogée des courses de chars romaines. Sept monuments ont été construits en son honneur à l’hippodrome de Constantinople. Il est célèbre pour avoir été le seul à remporter le diversium deux fois dans la même journée, le diversium consistant à remporter la victoire dans deux équipes différentes, signe de sa grande adresse.
Les gladiateurs : des sportifs ?
À Rome, les gladiateurs triomphants accèdent aussi à une grande renommée et à une fortune très importante. Contrairement à ce que laissent penser certains films hollywoodiens, les combats étaient très codifiés et la mort peu fréquente. Cela coûte cher de former des gladiateurs !
Aujourd’hui, les historiens ont de plus en plus tendance à étudier ces combats d’un point de vue sportif, en opposition avec la vision critique des textes chrétiens, dont nous sommes héritiers. Il apparaîtrait que la gladiature serait un grand sport romain à l’image de la boxe.
La rançon de la gloire ?
Alors qu’au commencement des jeux les vainqueurs ne recevaient que des couronnes, petit à petit des prix monétaires ont commencé à faire leur apparition. En 590 avant J.-C.,, l’Athénien Solon promulgue une loi précisant que chaque vainqueur athénien recevra 500 drachmes. Les cités redoublent ensuite de générosité pour attirer des champions. Les transferts d’athlètes se généralisent à cette période, donnant lieu à un véritable mercato.
En 80 avant J.-C., Sylla multiplie les prix pour faire venir les meilleurs athlètes de la Grèce et assurer un spectacle grandiose, au détriment des jeux olympiques.
Les jeux et leurs athlètes ne sont pas exempts de critique. Galien fustige leur vanité, selon lui, nuisible à la cité. Les athlètes ne rendent aucun service valable, contrairement aux médecins et vieillissent mal, tandis que les jeux participent à la corruption de la jeunesse, attirée par la promesse de gloire et de richesse.
Ce qu’en dit Lucien :
« Ἡ δὲ […] δόξα τοῦ παντὸς ἀξία τοῖς νενικηκόσιν, ὑπὲρ ἧς καὶ λακτίζεσθαι καλῶς ἔχει τοῖς θηρωμένοις τὴν εὔκλειαν ἐκ τῶν πόνων. »
« La gloire […] est d'un prix inestimable pour les vainqueurs : c'est pour elle qu'on trouve beau même de recevoir des coups de pied, quand on poursuit par ses travaux une bonne renommée ; car on ne peut l'obtenir sans peine. »
Lucien, Anacharsis ou Les Gymnases