Guerre de succession et félonie en Haute Égypte P. Bouriant 10 et 12, Pausanias

À RETROUVER EN VIDÉO

L'exposé donné par

 

Benoît Laudenbach (Maître de conférences en langue, littérature et papyrologie grecque à Sorbonne Université, Directeur de l’Institut de papyrologie de la Sorbonne)

 

le 06 décembre 2023 à l’ENS

 

à visionner à l'adresse suivante : Savoirs ENS - Guerre de succession et félonie en Haute Égypte

Partie 1 - Guerre de succession et félonie en Haute Égypte (Benoît Laudenbach)

En 88 avant J.-C., l’Égypte est en proie aux querelles dynastiques qui opposent Ptolémée X Alexandre à son frère aîné Ptolémée IX Sôter II. En Thébaïde* (voir Glossaire), certains groupes semblent en faveur du premier et sèment le trouble tandis que le second reprend le pouvoir. À cette occasion, un certain Platon, stratège* de la région, écrit successivement deux lettres : l’une, en mars, à l’un des responsables de la ville de Pathyris (aujourd’hui Gebelein, à 35 kilomètres au Sud de Louqsor) et l’autre, en novembre, aux autorités religieuses et aux habitants de cette même ville ; entre les deux, le pouvoir a changé de mains mais Platon est resté en place. Dans sa dernière lettre, il annonce l’arrivée imminente d’une force armée envoyée par le nouveau roi pour mater ses opposants. Cette lettre fait écho à un passage de la Périégèse de Pausanias (I, 9, 3) qui mentionne cette campagne d’une façon équivoque.

Documents

Texte 1 : P. Bouriant 10

Édition : Collart, Paul, Les papyrus Bouriant, Paris, 1926, no 10, p. 56 (révision et traduction B. Laudenbach)

Images disponibles en ligne - image 1 et image 2 - et en Annexe h

Les lignes sont numérotées de 5 en 5, les | signalent les changements de ligne dans le papyrus.

Recto : Π̣λ[άτω]ν Νεχθύρει | χαί[ρειν].

Ἐξωρμή|κα[μεν] ἐγa Λάτων | πόλ̣[εω]ς ἀντιληψό|με[ν]ο̣ι̣ τῶν ἐνεστη|κ̣[ότων] κατὰ τὸ | σ[υμφέρο]ν τοῖς πράγμασι | κ̣[αὶ γεγ]ραφότες | τ̣[οῖς] [κα]τοικοῦσι |10 σ̣υ̣γ̣[γ]ί̣νεσθαί σοι. | Καλῶς ποιήσεις | συντηρῶν τὸν τόπον καὶ προ|ϊστάμενος· |15 [το]ὺς δʼ ἐπιχει|[ροῦ]ν̣τας μὴ | [ὑπ]α̣κούειν σου | [. .]υ̣τέραιb στάσει | [ἐ]χ̣ο̣μένους |20 [ἀσ]φ̣αλισάμενος | [μέ]χρι τοῦ καὶ | [ἡμᾶ]ς ὅτι τάχος | [ἐπι]βαλεῖν πρὸς σέ.

24[Ἔρ]ρ̣(ωσο). (ἔτους) κϛ Φαμε(νὼθ) ιϛ¯

Verso : ἐπισ̣(τάτῃ ? τοῦ) Παθυ(ρίτου) Νεχθύρει

a. lire ἐκ b [. .]υ̣τέραι : [δε]υ̣τέραι ou plus probablement [ὀξ]υ̣τέραι.

Τraduction

Platon à Nechthyris, salut.

Nous avons quitté Latopolis en toute hâte pour nous occuper de la situation présente conformément aux intérêts de l’État et après avoir écrit aux habitants de t’assister. Je te remercie de surveiller le lieu et d’être vigilant ; et ceux qui tenteraient de ne pas t’obéir en montant une [nouvelle] sédition, mets-les en sûreté jusqu’à ce que nous arrivions au plus vite à tes côtés.

Porte-toi bien, an 26, 16 Phaménôth.

(verso) à l’épistate* (?) du Pathyrite, Nechthyris

Texte 2, P. Bouriant 12

Édition : Collart, Paul, Les papyrus Bouriant, Paris, 1926, no 12, p. 58-59 (traduction B. Laudenbach)

Images disponibles en ligne - image 1 et image 2 - et en Annexe i :

Recto : 1 Πλάτων τοῖς ἐν Παθύρει | ἱερεῦσι καὶ τοῖς ἄλλοις | τοῖς κατοικοῦσι | χαίρειν.

Γέγραφεν |5 ἡμῖν Φιλόξενος |ὁ ἀδελφὸς διʼ ὧν κεκό|μικεν ἡμῖν Ὄρσης |γραμμάτων περὶ τοῦ |τὸν μέγιστον Θεὸν |10 Σωτῆρα βασιλέα | ἐπιβεβληκέναι |εἰς Μέμφιν, Ἱέρακα δὲ |προκεχειρίσθαι |μετὰ δυνάμεων |15 μυρίων ἐπὶ κατα|στολὴν τῆς Θηβαίδος. |Ὅπως οὖν εἰδότες |εὐθαρσεῖς ὑπάρ|χητε ἐκρίναμεν |20 σημῆναι.

21 Ἔρρ(ωσθε), (ἔτους) λ Φαῶφι ιθ¯

Verso : Τοῖς ἐν Παθύρει ἰερεῦσι καὶ τοῖς ἄλλοις.

Τraduction

Platon aux prêtres de Pathyris et aux autres habitants, salut.

Mon collègue (ou : mon frère) Philoxénos nous écrit, par une lettre que nous a apportée Orsès, que le très grand dieu roi Sauveur (Ptolémée IX Sôter II) est parvenu à Memphis* et que Hiérax a été désigné avec une très grande force pour la répression de la Thébaïde*. De façon à ce que, à cette nouvelle, vous preniez courage, nous avons jugé bon de vous l’annoncer.

Portez-vous bien, an 30, 19 Phaôphi.

(verso) Aux prêtres de Pathyris et aux autres (habitants).

Texte 3, Pausanias, Périégèse I, 9, 3

Édition : Casevitz Michel, Pouilloux Jean, Chamoux François, Pausanias, Description de la Grèce. Tome I : Introduction générale. Livre I : L'Attique, Les Belles Lettres, CUF, Paris, 1992, (traduction B. Laudenbach)

VIII 6. Τοῦ θεάτρου δὲ ὃ καλοῦσιν ᾨδεῖον, ἀνδριάντες πρὸ τῆς ἐσόδου βασιλέων εἰσὶν Αἰγυπτίων. Ὀνόματα μὲν δὴ κατὰ τὰ αὐτὰ Πτολεμαῖοί σφισιν, ἄλλη δὲ ἐπίκλησις ἄλλῳ· καὶ γὰρ Φιλομήτορα καλοῦσι καὶ Φιλάδελφον ἕτερον, τὸν δὲ τοῦ Λάγου Σωτῆρα παραδόντων ῾Ροδίων τὸ ὄνομα. (…)

IX 1. Ὁ δὲ Φιλομήτωρ καλούμενος ὄγδοος μέν ἐστιν ἀπόγονος Πτολεμαίου τοῦ Λάγου, τὴν δὲ ἐπίκλησιν ἔσχεν ἐπὶ χλευασμῷ. Οὐ γάρ τινα τῶν βασιλέων μισηθέντα ἴσμεν ἐς τοσόνδε ὑπὸ μητρός, ὃν πρεσβύτατον ὄντα τῶν παίδων ἡ μήτηρ οὐκ εἴα καλεῖν ἐπὶ τὴν ἀρχήν, πρότερον δὲ ἐς Κύπρον ὑπὸ τοῦ πατρὸς πεμφθῆναι πράξασα· τῆς δὲ ἐς τὸν παῖδα τῇ Κλεοπάτρᾳ δυσνοίας λέγουσιν ἄλλας τε αἰτίας καὶ ὅτι Ἀλέξανδρον τὸν νεώτερον τῶν παίδων κατήκοον ἔσεσθαι μᾶλλον ἤλπιζε.

2. Καὶ διὰ τοῦτο ἑλέσθαι βασιλέα Ἀλέξανδρον ἔπειθεν Αἰγυπτίους· ἐναντιουμένου δέ οἱ τοῦ πλήθους, δεύτερα ἐς τὴν Κύπρον ἔστειλεν Ἀλέξανδρον, στρατηγὸν μὲν τῷ λόγῳ, τῷ δὲ ἔργῳ δι᾽ αὐτοῦ Πτολεμαίῳ θέλουσα εἶναι φοβερωτέρα, τέλος δὲ κατατρώσασα οὓς μάλιστα τῶν εὐνούχων ἐνόμιζεν εὔνους, ἐπήγετο σφᾶς ἐς τὸ πλῆθος ὡς αὐτή τε ἐπιβουλευθεῖσα ὑπὸ Πτολεμαίου, καὶ τοὺς εὐνούχους τοιαῦτα ὑπ᾽ ἐκείνου παθόντας. Οἱ δὲ Ἀλεξανδρεῖς ὥρμησαν μὲν ὡς ἀποκτενοῦντες τὸν Πτολεμαῖον, ὡς δὲ σφᾶς ἔφθασεν ἐπιβὰς νεώς, Ἀλέξανδρον ἥκοντα ἐκ Κύπρου ποιοῦνται βασιλέα.

3. Κλεοπάτραν δὲ περιῆλθεν ἡ δίκη τῆς Πτολεμαίου φυγῆς ἀποθανοῦσαν ὑπὸ Ἀλεξάνδρου, ὃν αὐτὴ βασιλεύειν ἔπραξεν Αἰγυπτίων. Τοῦ δὲ ἔργου φωραθέντος καὶ Ἀλεξάνδρου φόβῳ τῶν πολιτῶν φεύγοντος, οὕτω Πτολεμαῖος κατῆλθε καὶ τὸ δεύτερον ἔσχεν Αἴγυπτον· καὶ Θηβαίοις ἐπολέμησεν ἀποστᾶσι, παραστησάμενος δὲ ἔτει τρίτῳ μετὰ τὴν ἀπόστασιν ἐκάκωσεν, ὡς μηδὲ ὑπόμνημα λειφθῆναι Θηβαίοις τῆς ποτε εὐδαιμονίας προελθούσης ἐς τοσοῦτον ὡς ὑπερβαλέσθαι πλούτῳ τοὺς Ἑλλήνων πολυχρημάτους.

VIII 6. Devant l’entrée du théâtre [d’Athènes] qu’on appelle l’Odéon se trouvent des statues des rois égyptiens, qui reçoivent le même nom de Ptolémée, mais chacun ayant un surnom distinct. Par exemple on en appelle un Philomètor (litt. « qui aime sa mère, que sa mère aime ») et un autre Philadelphe (Ptolémée II), et le fils de Lagos (Ptolémée Ier) Sôter (litt. « Sauveur »), surnom donné par les Rhodiens (…).

IX 1. Celui qu’on appelle Philomètor (Ptolémée IX) est le huitième descendant de Ptolémée fils de Lagos. Son surnom lui a été donné par ironie, car aucun de ces rois, à ma connaissance, ne fut autant haï par sa mère. Quoiqu’il fût l’aîné de ses enfants, sa mère (Cléopâtre III) l’empêcha de régner en faisant d’abord en sorte qu’il soit envoyé à Chypre par son père. L’hostilité de Cléopâtre envers son fils, dit-on, s’explique entre autres par le fait qu’elle espérait que son plus jeune fils, Alexandre, serait plus soumis. C’est pourquoi elle persuada les Égyptiens de choisir Alexandre comme roi.

2. Comme la foule s’y opposa (au profit de Ptolémée IX), elle envoya à son tour Alexandre à Chypre, en théorie comme général en chef, mais en réalité parce qu’elle voulait, grâce à lui, se faire craindre davantage de Ptolémée. Enfin, elle fit blesser ses eunuques qu’elle pensait les plus dévoués pour les conduire devant la foule en disant que c’était contre elle que Ptolémée avait comploté et que c’était de son fait à lui que ses eunuques avaient ainsi souffert. Les Alexandrins se jetèrent sur Ptolémée pour le tuer, mais il leur échappa en s’embarquant sur un navire, et Alexandre, de retour de Chypre, fut proclamé roi.

3. Cléopâtre fut punie pour la fuite de Ptolémée, car elle fut tuée par Alexandre qu’elle avait réussi à mettre sur le trône d’Égypte. Convaincu de ce meurtre, Alexandre prit peur devant les citoyens d’Alexandrie et s’exila ; ainsi Ptolémée revint et tint l’Égypte pour la seconde fois ; il fit campagne contre les Thébains révoltés et, remportant la victoire la troisième année après le soulèvement, il ravagea la région au point de ne laisser aux Thébains aucun vestige de la prospérité de jadis, prospérité telle pourtant qu’elle dépassa en richesse les Grecs les plus riches.

Commentaires

Commentaire papyrologique

N.B. N’est intégralement commenté que le papyrus du texte 2, le plus complet. Les éléments donnés ci-dessous sont énoncés dans un ordre logique qui ne va pas forcément du plus simple au plus complexe. L’enseignant pourra choisir à son gré les informations qu’il jugera pertinentes.

Ce coupon de papyrus mesure environ 33 centimètres de haut pour 8,5 centimètres de large. Sa hauteur correspond à celle du rouleau de papyrus dans lequel il a été découpé. Comme un feuillet est constitué de bandes de papyrus disposées en deux couches perpendiculaires, les fibres sont horizontales sur le recto et verticales sur le verso. Mais des deux côtés l’écriture est parallèle aux fibres, puisque le coupon a été tourné à 90° pour recevoir l’adresse au verso. Le coupon présente un défaut de fabrication : au niveau de la l. 3, deux bandes horizontales de la couche supérieure ne sont pas jointives, laissant voir les fibres verticales de la couche inférieure, si bien que le mot κατοικοῦσι est écrit partiellement sur les fibres de la couche supérieure, mais les trois dernières lettres υσι ont été écrites sur celles de la couche inférieure.

Le format allongé, ici particulièrement étroit, est typique des lettres grecques antiques. On distingue au verso trois marques de plis horizontaux et, de façon moins distincte, une marque verticale médiane à droite de l’adresse : la lettre, une fois écrite, a été repliée horizontalement sur elle-même en quatre en partant du bord supérieur, puis encore pliée en deux verticalement.

Le texte est écrit en scriptio continua*, c’est-à-dire que les mots ne sont pas séparés par des espaces, ce qui était habituel. Les lettres sont aussi souvent ligaturées*. On observe toutefois une mise en page soignée, avec un blanc séparant l’en-tête du corps de la lettre (l. 4) et un autre entre les deux informations principales (l. 11) ; enfin, comme c’est habituel, la formule de salutation finale (formula valetudinis) et la date sont bien séparées du corps de la lettre, en eisthesis* (indentation) par rapport à lui. Un trait horizontal, appelé paragraphos*, signale que le corps de la lettre est terminé.

L’écriture est une majuscule ressemblant beaucoup aux majuscules actuelles. Toutefois, il y a quelques différences : le sigma est régulièrement lunaire (ϲ) et l’epsilon a une forme arrondie ; la première hampe de l’êta est plus haute que la seconde qui est, elle, systématiquement ligaturée à la lettre qui suit, ce qui annonce son futur développement en forme de h. Elle combine des traits ornementaux (voir par exemple les υ et les τ très sinueux et que l’on peut confondre, l’apex* initial de certains η, et les fausses ligatures* dans les séquences νφ, l. 5, et μφ, l. 12) et des traits cursifs, notamment dans certains mots courants (χαίρειν, γράμματα, ἔρρ(ωσθε), Φαωφι), si bien que certaines lettres, comme l’alpha, présentent deux formes différentes (par ex. dans Πλάτων et Πατύρει). Autres signes de cursivité, l’abréviation de la formula valetudinis réduite à la séquence ερρ, dont les présentent une boucle ouverte, et le mot ἔτους figuré par le symbole usuel d’origine démotique. Le scripteur a une main assez experte. Il a opéré une correction à la l. 8 (περὶ τοῦ au lieu de περὶ τὸν influencé par le sujet de l’infinitive qui suit) et a dû resserrer un peu son écriture à la l. 11 pour loger la séquence Ἱέρακα δέ – où le dernier ε est prolongé jusqu’au bord du papyrus (procédé qu’on appelle filler*).

La lettre P. Bour. 10 a été rédigée le 16 Phaménôth de la 26e année du règne Ptolémée X Alexandre, soit le 28 mars 88 avant J.-C.

La lettre P. Bouriant 12 a été rédigée le 19 Phaôphi de la 30e année du règne (restauré) de Ptolémée IX Sôter II, soit le 1er novembre 88 avant J.-C.

Pistes d’étude :

  • débutants : décrire le document et identifier les lettres soit à partir du texte imprimé, soit à partir d’un abécédaire qui aura été préparé à l’avance (cf. annexe b) ; identifier des mots du langage courant ou connu, comme Πλάτων, ἀδελφός (mot ambigu ici), θεόν, βασιλέα, μετὰ δυνάμεων, οὖν, περί, ἡμῖν...
  • intermédiaires : faire déchiffrer le texte avec un minimum d’aides, à l’exclusion de la dernière ligne du recto. Chacun peut se constituer son propre abécédaire en commençant par identifier les lettres aisément reconnaissables (ε, ο, ι, ω, β, θ, κ, ν, ξ, ρ, φ, χ, certains α et π) et en faisant observer que certaines lettres se ressemblent (υ/τ, γ/τ, π/μ, α/λ, ϲ/ε). Faire observer le formulaire de la lettre (χαίρειν, ἔρρωσθε).
  • confirmés : en plus du déchiffrement du corps du texte, on peut faire deviner la formule de salutation finale abrégée et la date, par exemple à l’aide d’une liste de mois égyptiens et un rappel sur la numération alphabétique en grec ancien – noter le trait supralinéaire au-dessus du quantième du mois, pour distinguer les signes numériques des simples signes alphabétiques, absent du quantième de l’année régnale.
  • On peut aussi faire étudier de la même manière le papyrus du texte 1, plus endommagé et édité selon les conventions papyrologiques (voir annexe c). On peut remarquer que l’écriture est phonétique, puisqu’est notée l’assimilation de ἐκ devant λ sous la forme ἐγ.

Commentaire historique

Il n’est pas si courant qu’un papyrus corrobore de façon aussi précise une information transmise par ailleurs par la littérature antique. Réciproquement, le texte de Pausanias nous éclaire sur le contexte de la lettre, à savoir les luttes de pouvoir au sein de la dynastie lagide au tournant des IIe et Ier siècle avant J.-C. Mais il n’est pas certain que l’auteur, qui se fait sans doute l’écho de propagandes diverses sans le savoir, ait bien compris toute la situation.

Niveau débutant

Pour la chronologie des événements voir l’Annexe e.

Le texte 3, de Pausanias, donne un contexte historique aux textes 1 et 2, deux lettres contemporaines des événements conservées sur papyrus : les luttes de pouvoir au sein de la famille royale des Ptolémées.

Observer les dates des deux papyrus : le texte 1 est daté du règne de Ptolémée X, tandis que le texte 2, plus tardif, est daté du règne de Ptolémée IX revenu au pouvoir, comme l’explique Pausanias. Pourtant, malgré le changement à la tête du pouvoir, Platon semble être resté à son poste de stratège* de Thébaïde*, fonction assez élevée dans la hiérarchie ptolémaïque.

Dans les deux cas, Platon en appelle d’une façon ou d’une autre à la loyauté de ses interlocuteurs et témoigne de la sienne propre. Mais cette loyauté a changé de destinataire. Cela se reflète dans le ton des deux lettres : la première est assez factuelle et administrative, à la manière d’une circulaire ; la seconde emploie un ton plus emphatique montrant que Platon veut se faire bien voir du nouveau pouvoir.

Niveau intermédiaire

Pour la chronologie des événements, voir l’Annexe e.

Le 28 mars 88 avant J.-C., dans la 26e année du règne de Ptolémée X Alexandre (en comptant depuis son accession au trône de Chypre en 114 avant J.-C.), le stratège* de Thébaïde* Platon quitte en hâte la ville de Latopolis, chef-lieu du nome* du même nom en Haute-Égypte (texte 1, ἐξωρμήκαμεν ἐκ Λάτων πόλεως, ὅτι τάχος). Il se rend à Pathyris, à moins de 30 kilomètres de là, pour répondre à une situation de troubles intérieurs et rétablir l’ordre. Il est possible que ces troubles aient commencés en divers endroits, et d’abord à Latopolis, ce qui expliquerait la présence du stratège* de Thébaïde* en ce lieu, alors que son siège était bien plus au nord, à Ptolémaïs (voir carte en Annexe g). Mais d’autres explications sont possibles, car il peut simplement avoir été en tournée dans ce district à ce moment-là, et l’on sait par ailleurs que sa famille y était implantée.

La lettre que Platon envoie à Nechthyris, sans doute le gouverneur du nome* Pathyrite, le précède de peu, vu la faible distance entre Latopolis et Pathyris. Mais le stratège* est sûrement plus lent à se déplacer, empruntant peut-être le cours du Nil avec tout un entourage, alors qu’un messager peut circuler seul à cheval. En tout cas, l’emploi du parfait ἐξωρμήκαμεν montre que le stratège* est censé être déjà parti de Latopolis lorsque la lettre arrive à Pathyris. Cependant, c’est peut-être aussi un moyen de faire patienter son subordonné : deux jours plus tard, il lui envoie une autre lettre (P. Bour. 11) avec des ordres complémentaires, preuve qu’il est encore en route, voire pas encore parti ! Ἐξωρμήκαμεν n’est peut-être qu’un euphémisme pour dire que les préparatifs de départ commencent tout juste.

Cette lettre donne pour consigne à Nechthyris de veiller à la sécurité des lieux et d’agir contre d’éventuels nouveaux fauteurs de troubles. Qui sont-ils ? La lettre ne le dit pas, mais il est probable qu’il s’agisse de partisans de Ptolémée IX Sôter II sur le point de reprendre le pouvoir, au détriment de Ptolémée X Alexandre encore reconnu comme souverain légitime par Platon. On a par ailleurs conservé la lettre que Platon a écrite plus tôt le même jour aux habitants de Pathyris, par laquelle il leur intimait d’obéir en tout point à Nechthyris (SB III 6300), preuve que la loyauté envers l’autorité royale de Ptolémée X était loin d’être assurée, du moins parmi l’élite locale.

Neuf mois plus tard, Platon écrit cette fois aux prêtres et aux habitants de Pathyris pour leur annoncer l’arrivée imminente d’une armée royale qui viendra mettre fin aux troubles (texte 2) – s’il a aussi écrit à Nechthyris, nous n’en avons gardé aucune trace. Il écrit probablement depuis Ptolémaïs, où les informations en provenance du nord arrivent d’abord. Cette fois-ci, la lettre est datée d’après la 30e année du règne de Ptolémée IX qui a récupéré le pouvoir au milieu du printemps et qui a besoin d’asseoir son autorité sur toute l’Égypte. Platon a opportunément changé d’allégeance, comme le montrent cette datation et l’expression très flatteuse qu’il emploie pour parler du nouveau roi (τὸν μέγιστον Θεὸν Σωτῆρα βασιλέα, « le très grand dieu roi Sôter [Sauveur]). Et cette fois-ci, ce sont donc sans doute les partisans de l’ancien roi, Ptolémée X, qui sèment le trouble depuis septembre et contre lesquels se dirige une très grande armée envoyée par Ptolémée IX sous le commandement de Hiérax, comme l’annonce la lettre. Là encore, l’expression μετὰ δυνάμεων μυρίων est peut-être une exagération flatteuse, en tout cas destinée à rassurer les habitants de Pathyris.

Il est question de cette campagne de répression chez Pausanias (texte 3), qui la replace dans le contexte des luttes dynastiques. Sa version des événements est probablement tributaire de sources favorables à Ptolémée IX et de sources romaines qui s’employaient à dénigrer les Ptolémées. Elle condense en partie les faits pour les dramatiser. Cependant, il indique que cette campagne dura plus de deux ans (« remportant la victoire la troisième année [ἔτει τρίτῳ] après le soulèvement »). Il y a en réalité de bonnes raisons de penser qu’elle fut beaucoup plus courte et que Pausanias aura confondu les règnes des deux Ptolémées. En effet, la 27e année du règne de Ptolémée X coïncide avec la 30e année du règne de Ptolémée IX et elles ont toutes les deux commencé le 14 septembre 88 avant J.-C. : un soulèvement initié en septembre de la 27e année du premier (septembre 88) peut donc avoir été réprimé à partir du mois de novembre de la 30e année du second (novembre 88) et se terminer avant septembre 87.

On remarquera le ton différent employé par Platon en fonction de ses destinataires : dans le texte 1, il s’adresse à un subordonné auquel il donne des ordres, certes poliment (καλῶς ποιήσεις + participe présent), dans le texte 2, il est purement informatif, mais dans un style un peu pompeux (voir en particulier la syntaxe de la dernière phrase). Dans les deux cas, il se veut rassurant, en garantissant la rapidité son arrivée à Nechthyris et, aux Pathyrites, en leur donnant précisément la source de ses informations (Philoxénos son « frère » via Orsès) et en ajoutant des mots d’encouragement. Il montre qu’il maîtrise la situation même si, dans sa dernière lettre, son empressement à se recommander d’autres personnes et le style un peu contourné sont des indices de la position très délicate dans laquelle il se trouve à titre personnel.

Niveau confirmé

Querelles dynastiques chez les Lagides (voir l’arbre généalogique en Annexe f)

La dynastie lagide arriva au pouvoir en 305 lorsque Ptolémée fils de Lagos, compagnon d’Alexandre et satrape d’Égypte depuis 323, se fit couronner roi. À quelques exceptions près, le pouvoir était héréditaire de père en fils. Cette transmission familiale était encore renforcée par le fait que les Ptolémées, à partir de Ptolémée II, adoptèrent souvent la coutume des pharaons égyptiens d’épouser leur sœur, le couple royal fonctionnant parfois comme une véritable dyarchie – même si le roi suivant n’était pas systématiquement issu de cette union. Mais, en raison de la richesse du pays, des conflits extérieurs, de la mort prématurée de certains souverains, de l’influence des courtisans, et de fratries souvent nombreuses, fruit de stratégies matrimoniales complexes, les querelles dynastiques apparurent dès la fin du IIIe siècle avant J.-C. pour ne plus cesser jusqu’à la prise de l’Égypte par Auguste en 30.

Ptolémée IX Sôter II arriva donc au pouvoir en 116 à la mort de son père Ptolémée VIII Évergète II qui avait eu lui-même un règne mouvementé. Il régna conjointement avec sa mère Cléopâtre III jusqu’en 107, date à laquelle celle-ci l’évinça du pouvoir au profit de son autre fils Alexandre, roi de Chypre depuis 114, qui prendra le nom de Ptolémée X et avec lequel elle continua à partager le pouvoir. Elle mourut en 101. Ptolémée X fut à son tour chassé d’Alexandrie par son armée et Ptolémée IX fut rappelé par les Alexandrins, sans doute dès mai 88. La documentation papyrologique permet de dater assez précisément ces différents changements à la tête de l’État puisque, comme dans nos lettres, beaucoup de textes sont datés en fonction des années de règne du souverain ou du couple de souverains, souvent avec leur titulature officielle : la lettre P. Bouriant 10 est datée de la 26e année du règne de Ptolémée X, tandis que la lettre P. Bouriant 12 est datée de la 30e année du règne de Ptolémée IX, sans tenir compte de l’interruption entre 107 et 88 ; datées de deux règnes différents, ces lettres ont néanmoins été écrites la même année selon notre comput, en 88 avant J.-C. (voir le calendrier égyptien en Annexe d).

Titulature royale et sobriquets

Si tous les successeurs de Ptolémée fils de Lagos s’appelèrent comme lui, on les distinguait dans l’Antiquité par leur titulature, c’est-à-dire les surnoms officiels qu’ils recevaient dans le cadre du culte royal. Depuis Ptolémée II, ils faisaient en effet l’objet d’un culte dynastique, d’abord après leur mort, puis de leur vivant, à la manière des anciens pharaons – ce qui explique pourquoi Platon appelle le roi « le très grand dieu » dans le texte 2. Par exemple, Ptolémée IX est le deuxième à avoir reçu le titre de Sôter (le Sauveur) après Ptolémée Ier. L’épithète Philomètôr (qui aime sa mère), commun à plusieurs souverains, fut attribuée à des rois qui régnaient conjointement avec leur mère, ce qui fut le cas de Ptolémée VI (avec Cléopâtre Ire), de Ptolémée IX et de Ptolémée X (tous deux avec Cléopâtre III), le « couple » souverain recevant alors la même épithète.

Le culte dynastique s’appuyait aussi sur un culte d’état rendu à Alexandre en tant que fondateur (κτίστης) et protecteur d’Alexandrie et dont la dépouille se trouvait dans la capitale égyptienne. Cela explique que le fils cadet de Cléopâtre III ait été nommé Alexandre, sans doute à sa naissance, avant de prendre le nom de Ptolémée à son avènement.

Dans certains textes littéraires, les rois sont souvent distingués par des sobriquets que les Alexandrins leur avaient attribués (cf. par ex. Strabon XVII 1, 11) : ainsi Ptolémée IX était-il surnommé Lathyros (de λάθυρος, le pois chiche) ou Lathouros (de λανθάνω, être caché, et οὐρά, la queue, ou οὖρον, l’urine, surnom grivois mettant peut-être en avant sa couardise), surnom qui n’est évidemment pas utilisé dans notre lettre officielle ; quant à Ptolémée X, il était peut-être connu sous le nom de Pareisaktos (l’intrus, celui qui s’est introduit subrepticement), peut-être en référence à la manière dont sa mère et lui évincèrent Ptolémée IX (cf. Strabon XVII 1, 8). Mais il n’est pas certain que ce surnom ait été le sien.

La version de Pausanias

Pausanias écrit longtemps après les faits, au IIe siècle après J.-C., alors que l’Égypte est une province romaine depuis 30 avant J.-C. Si déjà les Alexandrins n’hésitaient pas à se moquer de leurs rois, les Romains se servirent de cette image désastreuse pour mieux faire briller leurs propres actions dans l’administration du pays. Finalement, Pausanias se fait ici l’écho d’une longue tradition historiographique (cf. par exemple, Strabon XVII 1, 8 et 11) et son récit s’en ressent. Par exemple, il ignore que l’épithète Φιλομήτωρ est de nature religieuse, dans le cadre du culte dynastique du « couple » royal, et qu’il n’est pas propre à Ptolémée IX ; il n’en a donc pas été affublé de façon ironique par la foule des Alexandrins. Par ailleurs, il écrase considérablement la chronologie des événements : une inscription (OGIS 143) confirme que Ptolémée IX était gouverneur (τὸν στρατηγὸν καὶ ναύαρχον) de Chypre avant de devenir roi avec sa mère en 116 à la mort de son père ; Ptolémée X Alexandre est arrivé au pouvoir en 107 ; Cléopâtre III est décédée en 101 (d’après les papyrus et les monnaies) ; et Ptolémée X ne s’est exilé à son tour qu’au printemps 88 au plus tard. Il est très improbable que la mort de Cléopâtre ait entraîné une réaction treize ans plus tard. Mais cette condensation des faits crée un effet dramatique qui est encore renforcé par la nature des liens de cause à effet avancés par Pausanias – la haine intrafamiliale. Sur ce point, il est possible que Pausanias ait utilisé, sans vraiment le savoir, des sources favorables à Ptolémée IX. S’il n’est pas impossible que Ptolémée X Alexandre ait fait assassiner sa mère, aucune preuve ne vient étayer cette assertion, même si d’autres auteurs en parlent (Athénée XII 73, Justin XXXIX 4) : Cléopâtre, qui revenait d’une campagne difficile en Syrie, devait avoir une soixantaine d’années en 101 si bien qu’elle a pu tout à fait décéder de mort naturelle. Il est possible qu’on ait ici appliqué un schéma attesté plus tard, Bérénice III ayant été assassinée par Ptolémée XI.

Par ailleurs, Ptolémée IX n’a pu devenir gouverneur de Chypre que par la volonté de son père, même si Cléopâtre a pu jouer un rôle, et enfin, d’après une autre tradition (Justin XXXIX 3), c’est Ptolémée VIII qui, rompant la tradition, aurait laissé à son épouse Cléopâtre III non seulement le pouvoir mais aussi le choix du fils avec lequel elle règnerait.

Si le récit de Pausanias est orienté et sans doute erroné sur bien des points, il n’est pas complètement sujet à caution puisqu’une sédition (ἀποστᾶσι, ἀπόστασιν) en Thébaïde* et sa répression (ἐπολέμησεν, ἐκάκωσεν) par Ptolémée IX sont confirmées par nos deux lettres (P. Bour. 10 l. 18 στάσει, P. Bour. 10 l. 15 ἐπὶ κατα|στολήν). Mais le fait que la répression se soit terminée « la 3e année après la révolte » (ἔτει τρίτῳ μετὰ τὴν ἀπόστασιν) est là encore probablement une erreur de Pausanias. En effet, l’autorité de Ptolémée X n’a pas été reconnue, ou pas enregistrée, au même moment dans toute l’Égypte : en septembre 88, soit la 27e année du règne de Ptolémée X Alexandre (qui commença le 14 septembre), certains documents du sud de l’Égypte étaient encore datés d’après ce dernier (par exemple : TM 48826), si bien qu’officiellement la 27e année de Ptolémée X et la 30e année de Ptolémée IX (qui commença aussi le 14 septembre) se chevauchaient. Ni Pausanias, ni ses sources ne l’auront vu, ni qu’entre les deux le souverain éponyme, de même nom, avait changé !

Résumons. En mars, ceux qui pouvaient être « tentés de ne pas obéir en montant une [nouvelle] sédition » (texte 1, l. 15) devaient être des partisans de Ptolémée IX qui n’était pas encore revenu sur le trône, mais à l’automne la révolte qui éclata effectivement devait être le fait des partisans de Ptolémée X Alexandre en fuite, révolte matée à partir de fin novembre par l’envoi de troupes en nombre sous les ordres de Hiérax (texte 2). Malgré le changement de roi, Platon, pourtant un des plus hauts fonctionnaires égyptiens, est resté en place : l’expression « le très grand dieu roi Sauveur » (P. Bour. 12 l. 9-10) est peut-être une marque de flatterie destinée à prouver sa loyauté au nouveau pouvoir, alors qu’en parlant de Ptolémée X il se contentait d’un simple κύριος βασιλεύς (cf. P. Bad. II 16). Ce devait être d’autant plus nécessaire que Platon, comme on le sait par ailleurs (P. Adler Gr. 10), était en charge depuis 101 et qu’il portait le titre aulique le plus élevé de συγγενής (« parent [du roi] »). Il devait donc être un fidèle de Ptolémée X de longue date. Il n’est pas impossible qu’il ait été remplacé par ledit Hiérax.

Enfin, un dernier effet de dramatisation chez Pausanias se trouve dans l’affirmation qu’à l’occasion de cette campagne le roi « ravagea la région au point de ne laisser aux Thébains aucun vestige de la prospérité de jadis ». Ce commentaire, influencé par un passage d’Homère (Iliade, IX, 381), qui mentionne l’opulence de la Thèbes d’Égypte, « aux cent portes », est certainement exagéré. Il est vrai que la documentation papyrologique décroit substantiellement à Thèbes après 88, et qu’elle disparaît complètement à Pathyris. Si les sources épigraphiques et archéologiques tendent à confirmer une réorganisation administrative et militaire attestant une véritable reprise en main de la région par le pouvoir central, elles témoignent aussi d’une certaine vitalité. Mais Pausanias reprend peut-être, là encore, un lieu commun du pouvoir romain : en visite en Égypte dans les années 20 avant J.-C., Strabon dit de Thèbes que, à son époque, l’ancienne capitale égyptienne était réduite à des villages (XVII 1, 46).

Si Ptolémée IX est bien le huitième descendant de Ptolémée Ier, on notera que les rois d’Égypte n’étaient pas toujours numérotés de la même façon chez les historiens antiques qu’aujourd’hui, puisque ceux-là omettaient Ptolémée VII, dont l’identité et la réalité du règne sont encore discutées (il est absent de notre arbre généalogique donné en Annexe f).

Les révoltes de Thébaïde

La Thébaïde* passe pour être une terre de révoltes. On en connaît plusieurs qui ont toutes longtemps été considérées comme ayant pour fondement une lutte d’une frange de la population égyptienne, éventuellement sous l’égide de son clergé, contre le pouvoir ptolémaïque. En réalité, seule la première, dite la Grande Révolte de Thébaïde, était de cette nature. Elle eut lieu entre 206 et 186 et vit un ou deux Égyptiens, Haronnophris et Chaonnophris, prétendre successivement au titre de pharaon à Thèbes, à un moment où le pouvoir des Ptolémées était peut-être fragilisé par les guerres extérieures (la quatrième guerre de Syrie) et où il tentait d’enraciner son autorité dans un territoire très éloigné d’Alexandrie, et notamment en s’ingérant dans la gestion des temples. La rébellion, qui s’étendit jusque dans le Delta, tenta de créer un nouvel état construit sur un « ordre ancien » et idéalisé remontant aux derniers rois indigènes au VIe siècle avant J.-C., notamment Ahmôsis II.

La révolte suivante eut lieu dans les années 132-126, mais elle prenait son origine dans les conflits dynastiques qui opposèrent Ptolémée VIII et sa nouvelle épouse Cléopâtre III à Cléopâtre II. À cette occasion, certaines villes de Haute Égypte prirent fait et cause pour Cléopâtre II qui tenait Alexandrie. Mais Ptolémée VIII parvint à reprendre le pouvoir.

Enfin, lorsque les Romains s’emparèrent de l’Égypte, en 30 avant J.-C., le nouveau préfet Cornélius Gallus fit également face à une révolte qu’il réprima, en profitant de la situation pour faire une incursion en Basse Nubie. D’après Strabon (XVII 1, 53), ce soulèvement eut lieu pour des raisons fiscales.

La présence grecque en Égypte

Les Grecs étaient présents en Égypte au moins depuis le VIIe siècle avant J.-C. et la venue de mercenaires grecs sous le règne de Psammétique Ier. Ils s’installèrent sur le site de Naucratis, qui servit de port pour les échanges internationaux avant la fondation d’Alexandrie, et une forte communauté de Grecs et de Cariens hellénisés s’installa à Memphis*.

La conquête de l’Égypte par Alexandre le Grand en 332 avant J.-C., la fondation d’une nouvelle capitale et l’instauration d’un pouvoir royal aux mains des Macédoniens firent affluer de nombreuses personnes issues du monde hellénistique. Le nouveau pouvoir développa une administration essentiellement en grec – même si la langue égyptienne continuait à être utilisée pour certains actes, notamment pour les interactions entre Égyptiens. L’élite était donc constituée de Grecs ou de descendants de Grecs et d’Égyptiens plus ou moins hellénisés. C’est auprès d’elle que se diffusa la culture grecque (παιδεία), encouragée par la volonté des premiers Lagides, par exemple avec la fondation du Musée à Alexandrie et leur politique agressive d’acquisition de livres pour abonder le fonds de la bibliothèque.

On ne s’étonnera donc pas que Platon, stratège* de Thébaïde* (c’est-à-dire le gouverneur civil et militaire de tout le sud de l’Égypte), écrive en grec aux prêtres de Pathyris, puisque le grec était la langue de communication quotidienne du pouvoir. On ne s’étonnera pas non plus que les personnages mentionnés dans ce document portent des noms grecs. L’un, Πλάτων, n’est pas si fréquent, sans être rare, et renvoie évidemment au philosophe athénien. Quant à Ἱέραξ, il symbolise parfaitement le syncrétisme gréco-égyptien, puisqu’il peut à la fois faire référence à des personnages mentionnés dans la littérature grecque (c’est le nom d’un amiral spartiate mentionné par Xénophon, Hell. V 1, 5 et 9), à un prince séleucide du IIIe siècle avant J.-C. (Antiochos Hiérax), et au dieu égyptien Horus qui était représenté par un faucon. Tels quels, ces noms, de même que Φιλόξενος, un nom très courant, ne nous disent pas si les individus étaient grecs ou égyptiens, surtout à la basse époque ptolémaïque, puisqu’il était courant que des Égyptiens, notamment hauts placés, adoptent un nom grec, l’inverse étant moins attesté. Dans ce cas, on choisissait l’un ou l’autre nom selon le contexte d’utilisation. Ce double nom n’était pas obligatoire : par exemple, dans la lettre P. Bouriant 10, Platon s’adresse au gouverneur du nome* Pathyrite, un Égyptien du nom de Nechthyris, moins élevé dans la hiérarchie. Enfin, dans le texte 2, le simple messager Orsès porte un nom égyptien (Wrše, le gardien).

Ce syncrétisme s’observe aussi dans les deux lettres par le système de datation. Si dans les années qui suivirent la conquête de l’Égypte par Alexandre, et jusque dans le IIIe siècle avant J.-C. bien avancé, beaucoup de documents contiennent une double datation selon les deux calendriers égyptien et macédonien, ce dernier tomba vite en désuétude et le calendrier égyptien resta en vigueur toute l’Antiquité, avec quelques ajustements sous Auguste – et il est encore en usage dans l’église copte. Les années se comptent à partir de la première année de règne du roi ou du couple royal. Dans la lettre 10, il s’agit bien de la 27e année, puisque Ptolémée X Alexandre reçut un titre royal en 114 ; et dans la lettre 12 il s’agit bien de la 30e année puisque, si Ptolémée IX commença à régner en 116, sa première année débuta théoriquement le 1er Thôth (21 septembre) 117 et la 30e au 1er Thôth (14 septembre) 88, le comput tenant compte des années écoulées pendant le règne intermédiaire de Ptolémée X.

Ouvertures transdisciplinaires contemporaines

Ce petit dossier est complexe, mais il peut être étudier à plusieurs niveaux et en lien avec plusieurs thèmes dont on trouvera des échos dans l’histoire moderne et l’actualité sans trop de difficultés. Voici quelques propositions :

Des objets archéologiques d’origine douteuse

Les deux papyrus ont été découverts par hasard au gré de fouilles illégales et mise sur le marché des antiquités aux alentours de 1891, à une époque où les institutions européennes et américaines, mais aussi les savants à titre individuel et les touristes, cherchaient à se constituer des collections, alors que ce marché n’était pas du tout encadré et que les autorités en Égypte laissaient faire des pratiques illicites. Même si les lois internationales et nationales (en l’occurrence égyptiennes) ont depuis abouti à des règles strictes, le commerce illégal des antiquités reste un problème d’une actualité criante, notamment en raison des conflits à répétition depuis plus de vingt ans au Moyen Orient.

Des documents d’archives

Malgré leur origine douteuse et l’absence de contexte archéologique documenté, les deux papyrus sont actuellement conservés à l’Institut de papyrologie de la Sorbonne et peuvent être étudiés pour eux-mêmes. Ils sont des témoins matériels de leur époque et peuvent servir à étudier :

  • des mots grecs courants ;
  • l’évolution de l’alphabet grec, très proche de nos majuscules d’imprimerie actuelles, mais avec des différences ;
  • l’évolution de la forme épistolaire, avec des points communs avec les pratiques romaines et contemporaines ;
  • le ton (protocolaire et administratif dans le P. Bouriant 10, plus emphatique dans le P. Bouriant 12) ;
  • l’évolution de la matérialité de la lettre (support, pli), très différent d’un courriel, par exemple.

En tant que documents d’archives dépourvus de contexte, il est nécessaire de les étudier avec un regard d’enquêteur, afin de traquer tous les indices possibles pour les interpréter. Leur grande singularité est de bénéficier du texte de Pausanias qui permet de leur donner un contexte historique. Mais l’historien se retrouve confronté à la difficulté suivante : Pausanias s’intéresse aux grands événements (ou ce qu’il croit être de grands événements, qu’il présente à grands traits et pour servir son propre propos), alors que nos documents papyrologiques nous les présentent par le petit bout de la lorgnette, dans le vécu quotidien de certains acteurs. Confronter les deux est une activité nécessaire, stimulante et potentiellement fructueuse, mais peut donner lieu à de grandes variétés d’interprétation et de possibles contresens.

Troubles, trahisons et retournements de veste

Les trois documents proposés nous offrent plusieurs exemples de trahison donnant lieu à des troubles ou peut-être provoqués par des mouvements de population. On y voit les aspects les plus scabreux d’une lutte pour le pouvoir, comme on peut en trouver dans le monde politique, la presse ou au sein de très grandes entreprises, que les films et les séries télévisées actuels ne se privent pas de monter en scénarios en s’inspirant de faits réels (Baron noir, Succession, par exemple).
Mais, ils montrent aussi comment les subalternes sont obligés de positionner lorsque le pouvoir chancèle ou change de main. Notre Platon, visiblement, agit dans le sens du vent qui a tourné, et les prêtres de Pathyris également. En période de troubles, la question de la loyauté et d’à qui on la donne est prégnante et se pose à chaque conflit : par exemple, comment ont été traités et ont agi les simples fonctionnaires de l’État sous le Régime de Vichy et après la Seconde Guerre mondiale ? Les exemples liés aux conflits actuels, comme l’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Russie, sont nombreux.

Intégration, assimilation et questions coloniales ?

Bien que la thématique soit complexe et délicate à aborder en raison des risques d’anachronisme, du manque d’informations sur la situation antique au quotidien et de la partialité de certaines de nos sources, ce petit dossier donne un aperçu d’un territoire habité en majorité par une population au profil culturel déterminé et dominée par une population d’origine partiellement extérieure et hellénophone. S’il n’y a apparemment pas dans cet épisode de conflit interethnique, on y voit des profils culturels variés : les rois sont d’origine macédonienne, et plus largement, et sans doute assez peu mélangée ; l’élite supérieure peut-être d’origine grecque, ou bien égyptienne hellénisée (Philoxène, Platon, Hiérax ?) ou non (les prêtres de Pathyris ?), l’élite inférieure et les subalternes d’origine égyptienne (Nechthyris, Orsès).

La famille

La famille des Lagides n’est pas franchement ce qu’on pourrait appeler une famille traditionnelle. Elle tient plutôt de la famille recomposée, avec des aspects que l’on qualifierait aujourd’hui de dysfonctionnels, comme l’inceste (rituel plus que réel) la présence de concubines. Mais, dans l’image qu’en donne Pausanias, on y retrouve aussi tout ce qui en fait une famille « normale », comme on en trouverait autour de soi, mais vue dans ses aspects les plus négatifs, allant parfois jusqu’au pire : rivalités entre frères, rôle des parents, préférence maternelle. Au contraire, dans la lettre 2, si le terme ἀδελφός signifie bien « frère », alors on a au contraire un exemple discret d’entraide fraternelle.

Partie 2 - Évergète II ou la parabole des épis (Pascal Charvet)

Dans sa Périègèse (I, 9, 3), Pausanias tire parti des informations qui lui ont été fournies sur le conflit qui opposa Ptolémée IX Sôter II (Philométor) à Ptolémée X Alexandre (Philométor). Tous les deux étaient respectivement le fils aîné et le fils cadet de Ptolémée VII Évergète II Tryphon, Le Luxuriant (dit aussi Physcon, Le Boudin) ainsi que de sa nièce, Cléopâtre III, fille de son frère, Ptolémée VI Philométor († 150 avant J.-C.) et de Cléopâtre II, sœur d’Évergète II et de Philométor. La complexité des liens familiaux qui caractérisaient les protagonistes de ces luttes dynastiques au sein de la famille royale lagide, rend difficile de cerner les acteurs clefs et leur rôle dans ce conflit. De plus, le récit de Pausanias est largement influencé au moment où il écrit deux siècles et demi plus tard par la propagande romaine hostile aux Lagides. Pourtant, son récit croisé avec les renseignements donnés par les papyri, permet de mettre en lumière les enjeux de ce qui fut un combat sans merci pour le pouvoir. Deux personnages se distinguent nettement des autres.

Focus sur Ptolémée VII Évergète II et Cléopâtre III :

Évergète II mourut à 82 ans dans son lit, après avoir mis à mort non seulement tous les enfants que sa sœur Cleopâtre II avait eus avec son frère Philométor, mais aussi tous ceux qu’il avait lui-même eus avec elle, puisqu’elle fut sa première femme – ainsi le jeune Ptolémée Memphitès (né à Memphis) qui fut renvoyé à sa mère et découpé en morceaux pour son anniversaire. Évergète II souhaitait à travers l’élimination du jeune garçon, éviter de fournir aux Alexandrins une opportunité pour le détrôner. Il laissa en vie pourtant deux enfants sous la coupe de leur mère, sa seconde femme Cléopâtre III. 

Cléopâtre III, nièce d’Évergète II, choisit de prendre la place de sa mère Cléopâtre II auprès de son oncle, en se laissant séduire par lui. Cléopâtre II, de son côté, avait la faveur des Alexandrins et des Juifs tandis qu’Évergète II, qui avait emmené avec lui Cléopâtre III à Chypre lorsqu’il avait été écarté du pouvoir, avait parié sur le clergé égyptien (1). Le clergé égyptien, sans être d’un antisémitisme affirmé, n’avait guère d’affection pour les Juifs, tandis que Philométor et Cléopâtre II étaient, eux, philosémites. On sait que, vers la fin du règne de Philométor, est apparue la première preuve papyrologique d’un antisémitisme déclaré (2).

Quand Cléopâtre III prit enfin les rênes du pouvoir, à la mort d’Évergète II, en 116 avant J.C elle sembla triompher, travaillant à opposer ses deux fils, Ptolémée Alexandre X, et Ptolémée Sôter II, pour conserver le pouvoir. Mais c’était sans compter sur les Alexandrins qui finirent par prendre position contre elle. Elle échoua cependant à imposer son fils cadet, Alexandre, plus docile, et Sôter II réussit à reprendre l’initiative pour un temps.

Cléopâtre n’hésita pas alors, selon Pausanias, à faire blesser, voire mutiler les eunuques du palais, en rejetant la responsabilité du crime sur Sôter II qui échappa de peu à la colère des Alexandrins. En effet le groupe des eunuques jouait un rôle crucial à l’intérieur du palais, en particulier dans l’entourage des personnes de la famille royale. Ils étaient les pères nourriciers des souverains et des enfants royaux, chargés de leur première éducation. Choisis très tôt et sans aucune famille propre, ils étaient d’une remarquable fidélité à leurs maîtres. S’attaquer aux eunuques qui avaient sur les monarques une forte influence était considéré comme une faute impardonnable. Ptolémée Sôter II, fut contraint alors de se réfugier en Syrie.

Le clergé égyptien semble être demeuré favorable à Cléopâtre III et à Ptolémée Alexandre X, comme il l’avait été à Évergète II, si bien que les Thébains, se révoltèrent contre Sôter II, comme ils l’avaient fait antérieurement sous les règnes de Ptolémée III Évergète et Ptolémée IV Philopator. Sous ces deux règnes, le conflit s’était finalement figé. Ptolémée Sôter II, mit, quant à lui, un terme définitif au souhait d’indépendance du Sud thébain. 

Ptolémée Évergète II n’eut pas le monopole de la violence au sein de la dynastie des Lagides, et même s’il fut semble-t-il un bon administrateur du royaume d’Égypte, il dépassa les limites extrêmes du crime ; sa femme et nièce Cléopâtre III paraît avoir suivi un chemin similaire si l’on en croit Pausanias. On ne peut manquer à leur sujet d’évoquer la leçon sur le pouvoir à l’intérieur des tyrannies, délivrée au fameux tyran de Corinthe, Périandre mort à 80 ans (VI-Ve siècles avant J-C), par Thrasybule, tyran de Milet. Selon Hérodote, (Enquêtes, V, 92), les deux tyrans échangèrent par l’intermédiaire d’un messager. Thrasybule emmena le messager de Périandre dans un champ de blé hors de la ville de Milet et se mit à couper les plus grands et les meilleurs épis qui dépassaient des autres. Puis il les jeta. Le messager ne comprit guère le sens de ce geste mais rapporta à Périandre ce qu'il avait vu. Périandre quant à lui comprit la signification de la parabole des épis. Pour continuer à régner, Périandre devait éliminer les Corinthiens les plus en vue, de manière à écarter ceux qui seraient à même de s’en prendre à lui. Ptolémée Évergète II, se débarrassa de la même manière de sa descendance, comme plus tard Octave qui fit mettre à mort Césarion le jeune fils de César et de Cléopâtre, ainsi qu’Antyllus, le fils de Marc-Antoine et de Fulvie. La tradition des meurtres intrafamiliaux s’est perpétuée dans l’empire ottoman : Mehmed II (1432-1481), qui conquit Constantinople en 1453, codifia la fatwa qui autorisait le sultan à tuer ses frères ou ses fils pour assurer la stabilité du régime. Aujourd’hui, si l’élimination par des dictateurs de rivaux politiques, fussent-ils des compagnons d’armes, ne surprend pas trop (Staline en a donné de terribles exemples), il est plus rare de les voir s’en prendre à leur famille, tel Mussolini qui refusa de signer la grâce de son gendre, le comte Ciano.

Aujourd’hui encore, les assassinats multipliés d’un Évergète II, en proie à une froide logique criminelle, peuvent, parfois, devenir l'objet d'une fascination mortifère par leur double nature d'interdit moral absolu et de pulsion primaire.

  1. Voir J.-C. Grenier, « Ptolémée Evergète II et Cléopâtre II d’après les textes du temple de Tôd », dans N. Bonacasa, A. Di Vita (éd.), Studi in onore di A. Adriani I, Rome, 1983, p. 223-227)

  2. Joseph MÉLÈZE MODRZEJEWSKI, Les Juifs d'Égypte de Ramsès II à Hadrien. Paris, Quadrige/PUF, 1997.

Annexes

Glossaire (mots signalés par *)

  • apex : empattement supérieur d’une lettre
  • eisthesis : indentation du texte
  • épistate : en Thébaïde, gouverneur d’un nome*
  • filler : prolongation d’un trait jusqu’à une fin de ligne pour la remplir
  • ligature : fusion de plusieurs lettres partageant au moins un trait commun. Une fausse ligature ajoute un trait entre deux lettres sans qu’il soit réellement relié à elles
  • nome : district administratif, nommé d’après son chef-lieu
  • Memphis : capitale religieuse égyptienne, ancienne capitale des pharaons avant la fondation d’Alexandrie
  • paragraphos : trait horizontal séparant un texte en plusieurs parties
  • scriptio continua fait d’écrire en ne ménageant aucun espace entre les mots
  • stratège en Thébaïde* : gouverneur civil et parfois militaire ayant autorité sur toute la région (parfois nommé aussi épistratège)
  • Thébaïde : région regroupant plusieurs nomes* de Haute-Égypte

Abécédaire 

Abécédaire

Quelques conventions éditoriales (système de Leyde)

  • α̣ lettre incertaine
  • . lettre présente mais non reconnaissable
  • [αα] lacune dans le papyrus, restituée
  • [. .] lacune dans le papyrus, uniquement nombre de lettres restituées
  • (   ) abréviation développée

Le calendrier égyptien

L'année comprend 12 mois de 30 jours, auxquels s'ajoutent 5 jours supplémentaires dits épagomènes – soit 365 jours. Le calendrier est d’abord lunaire, si bien que le début de l’année, fixé le 1er Thoth, se décale. À partir de la réforme julienne, un cycle quadriannuel met les mois en accord avec le rythme solaire avec l’ajout d’un 6e jour supplémentaire tous les 4 ans à la fin de l'année égyptienne qui précède l'année bissextile romaine, et l’année commence alors le 29 août.

Les jours sont désignés au moyen de l'adjectif numéral ordinal, accordé avec ἡμέρα (en général omis).

Les équivalences données ci-dessous ne sont valables qu’à partir de la période romaine et de la réforme du calendrier, pour les années non bissextiles. En 88 av. J.-C., le 1er Thôth tomba un 14 septembre. Le 1er Thôth marque aussi le début de l’année régnale.

1 Θώθ Thôth 29/8 - 27/9

2 Φαῶφι Phaôphi 28/9 - 27/10

3 Ἁθύρ Hathyr 28/10 - 26/11

4 Χοιάκ Choiak 27/11 - 26/12

5 Τῦβι Tybi 27/12 - 25/1

6 Μεχείρ Mécheir 26/1 - 24/2

7 Φαμενώθ Phaménôth 25/2 - 26/3

8 Φαρμοῦθι Pharmouthi 27/3 - 25/4

9 Παχών Pachôn 26/4 - 25/5

10 Παῦνι Payni 26/5 - 24/6

11 Ἐπείφ Épeiph 25/6 - 24/7

12 Μεσορή Mésorè 25/7 - 23/8

αἱ ἐπαγόμεναι les jours épagomènes 24 - 28 (29)/8

Chronologie probable des événements (toutes les dates sont av. J.-C.)

(d’après A.-E. Veïsse, « De la ‘Grande Révolte de la Thébaïde’ aux événements de 88 : un siècle d’insurrection thébaine ? »)

206-186 Grande Révolte de la Thébaïde pour introniser un pharaon égyptien contre la domination ptolémaïque

130 Guerre civile entre Ptolémée VIII et Cléopâtre II, entrainant une répression en Thébaïde dont certaines villes soutenaient cette dernière

116 Ptolémée IX Sôter II arrive au pouvoir avec Cléopâtre III

114 Ptolémée X roi de Chypre

sept. 107 Ptolémée IX Sôter II est chassé du pouvoir au profit de Ptolémée X Alexandre

103-101 Guerre des Sceptres (conflit syro-judéo-égyptien) ; intervention de Cléopâtre III dans les affaires de Syrie et 1re tentative de Ptolémée IX de reprendre le pouvoir

sept. 101 Mort de Cléopâtre III, Ptolémée X règne avec son épouse Cléopâtre Bérénice III

vers 96/95 2e tentative de Ptolémée IX de reprendre le pouvoir ?

début 88 3e tentative de Ptolémée IX de reprendre le pouvoir

28 mars 88 Lettre de Platon à Nechthyris (texte 1). Troubles en Thébaïde de la part des partisans de Ptolémée IX ?

printemps 88 Fuite de Ptolémée X et ambassade des Alexandrins auprès de Ptolémée IX

août 88 Ptolémée IX reconnu roi à Memphis (au plus tard).

septembre 88 Ptolémée IX reconnu roi en Thébaïde. Troubles en Thébaïde de la part des partisans de Ptolémée X ?

1er nov. 88 Lettre de Platon aux habitants de Pathyris (texte 2). Début de la campagne de répression de Ptolémée IX, sous les ordres de Hiérax.

88/87 Mort de Ptolémée X dans un combat naval

avant sept. 87 Fin de la révolte de Thébaïde

Arbre généalogique

arbre

Carte d’Égypte en 88 avant J.-C.

carte

P. Bouriant 10 recto et verso (Inv. Sorb. 835 © Institut de papyrologie – Sorbonne Université)

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P. Bouriant 12 recto et verso (Inv. Sorb. 837 © Institut de papyrologie – Sorbonne Université)

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Bibliographie indicative

Le commentaire historique a considérablement et essentiellement profité d’un article à paraître d’Anne-Emmanuelle Veïsse, professeure à l’université Gustave-Eiffel : « De la Grande Révolte de 206 aux événements de 88 : un siècle d’insurrection thébaine ? », dans R. Birk et L. Coulon (éd.), The Thebaid in Times of Crisis, BdE, Le Caire. Je la remercie vivement d’avoir accepté de partager avec moi ce travail qui revient sur la bibliographie antérieure, en bonne partie obsolète désormais. On pourra consulter en outre :

Bagnall, Robert & Derow Peter, The Hellenistic Period. Historical Sources in Translation, 2e edition, Malden-Oxford-Victoria, 2004, no 58, p. 106-107.

Casevitz Michel, Pouilloux Jean, Chamoux François, Pausanias, Description de la Grèce. Tome I : Introduction générale. Livre I : L'Attique, Paris, 1992.

Clarysse, Willy, « Ethnic Identity: Egyptians, Greeks, and Roman », dans K. Vandorpe (éd.), A Companion to Greco-Roman and Late Antique Egypt, Hoboken, 2019.

Collart, Paul, Les papyrus Bouriant, Paris, 1926.

Coulon, Laurent, « Quand Amon parle à Platon (La statue Caire JE 38033) », RdE 52, 2001, p. 85-111

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