L’histoire de la cité
À l’origine, Éleusis est une cité-état indépendante. C’est d'abord un des douze royaumes de l'Attique gouverné par la famille des Eumolpides, qui détiennent à la fois le pouvoir religieux et politique. Le nom de la cité est certainement d’origine crétoise, à rapprocher des villes d'Ἐλεύθερνα (Éleutherna), d’Ἠλύσια (Elusia) et peut-être d’Εἰλείθυια (Eileithuia). Les noms des déesses Déméter et Perséphone ne sont pas grecs non plus ; leurs cultes agraires sont certainement d’origine minoenne, donc crétoise.
Éleusis est ensuite rattachée à Athènes lorsque Thésée, héros et roi mythique d’Athènes, unifie politiquement l’Attique au VIIè siècle avant J.-C., après sa lutte contre le Minotaure à son retour de Crète. C’est à cette époque qu’est composé par un auteur inconnu – même s’il a longtemps été attribué à Homère – l’Hymne à Déméter, relatant l’errance de Déméter lorsqu’elle recherche sa fille Perséphone. La légende raconte qu'à la suite d'une guerre entre le roi Eumolpe d'Éleusis et le roi Erechthée d'Athènes, les Éleusiniens, vaincus, reconnaissent la domination athénienne, excepté en ce qui concerne les Mystères. En tant que dème de l'Attique, la cité conserve de grands privilèges : le titre de πόλις (polis, cité) et le droit de battre monnaie.
Au cours du Vè siècle, comme le personnage de Thésée prend une importance considérable en tant que fondateur de la cité d’Athènes et de la démocratie, la cité d’Éleusis tient une place de choix dans le dème attique : son sanctuaire est d’une importance capitale. Elle fait partie des cinq cités sacrées de Grèce avec Athènes, Delphes, Olympie et Délos.
Pendant les Guerres Médiques, en 480-479 avant J.-C., la ville est dévastée par les armées perses et, selon Hérodote et Eschyle, auteurs du Vè siècle avant J.-C., le temple de Déméter est brûlé. Elle l'est à nouveau pendant la Guerre du Péloponnèse quand l'Attique est envahi les Spartiates.
En 404 avant J.-C., les Trente tyrans s’y réfugient pour ne pas être inquiétés après la période de terreur qu’ils ont imposée à Athènes.
Après une longue période de paix, la cité est à nouveau envahie par les Barbares à partir du IIè siècle après J.-C. L'Empereur Marc-Aurèle, philhellène convaincu, contribue à rétablir la prospérité de la cité. Hadrien fait des travaux de grande envergure pour développer de la ville : reconstruction du Télestèrion, construction d’un aqueduc mais aussi d’un pont facilitant la procession sacrée.
Le déclin d’Éleusis est attribué à l’interdiction progressive du paganisme par l’Empereur Théodore le Grand à la fin du IVè siècle après J.-C.
Ensuite le sanctuaire d’Éleusis est définitivement détruit par Alaric et les Wisigoths en 396 siècle après J.-C. : il est ruiné et déserté par sa population.
La cité garde pourtant sa renommée à cause de son τελεστήριον (Télestèrion), cœur du sanctuaire et lieu conçu pour les cérémonies d’initiation par Iktinos, l’architecte du Parthénon.
Haut lieu de pèlerinage pendant des siècles dans l’Antiquité, Éleusis est devenue l'une des principales communes de la banlieue Nord d'Athènes et a été choisie pour être la Capitale Européenne de la Culture en 2021.
L’architecture de la cité
Plan du sanctuaire des Mystères d’Eleusis, © Wikimedia commons
Après avoir longé la mer et traversé le fleuve Céphise, on arrive sur la partie orientale d'une colline rocheuse constituée d’une Acropole et, à son extrémité orientale, de grands terrassements supportant des édifices sacrés regroupés autour du temple de Déméter. La ville s'étend au Sud de la colline, formant un triangle d'environ 500 m de côté. Le mur oriental se prolonge dans la mer par un des môles longs de 100 m qui forment le port artificiel d'Éleusis.
Le τέμενος (temenos, sanctuaire sacré) est entouré de murs d’enceinte imposants datant du VIè siècle avant J.-C. et reconstruits à l’époque romaine ; leur épaisseur est double à l’entrée du sanctuaire. On y pénètre à l’Est par la ἱερά ὀδός (iera odos), Voie Sacrée qui relie le cimetière du Céramique d’Athènes à la cité d’Éleusis.
A droite de l’entrée, se trouve le ναός Ἄρτεμιδος (naos artemidos), temple d’Artémis, de style dorique : c’est une reconstruction romaine d’un temple du VIIIè siècle avant J.-C. Il n’en subsiste presque plus rien aujourd’hui : seulement le soubassement et quelques éléments de l’entablement.
On traverse ensuite deux προπύλαια (propulsa), Propylées qui permettent de pénétrer dans le sanctuaire et qui ont été construits au VIè siècle avant J.-C. sur le modèle des Propylées de l’Acropole d’Athènes, construits par Périclès. Les μεγάλα προπύλαια, Grands Propylées sont construits sur un podium de six marches d’accès et sont constitués d’une façade de six colonnes doriques ; ils ont été érigés sous l’Empereur romain du IIè siècle après J.-C. Antonin le Pieux, dont le portrait est peut-être représenté sur le fronton du temple, à moins qu’il ne s’agisse de celui de Marc-Aurèle, son successeur. A côté des Grands Propylées, on trouve le Καλλίχορον φρέαρ (kallichoron phrear), le puits Kallichoron où les femmes d'Éleusis chantent et dansent pour Déméter en souvenir de la disparition de sa fille dans un précipice. Un peu plus loin, après avoir traversé l’enceinte intérieure, on accède au sanctuaire par les μικρά προπύλαια (mikra propulaia), Petits Propylées reconstruits en 54 avant J.-C. par un ami de Cicéron.
À droite des Petits Propylées, au creux d'une falaise, se trouvent deux grottes adjacentes : le Πλουτώνιον, Ploutonion, représentant l'endroit où Hadès enleva Perséphone. Devant la plus grande des deux grottes se tiennent les vestiges du temple d'Hadès, de type μέγαρον ἰν ἀντίς (megaron in antis), c’est-à-dire avec deux colonnes en face, entre les antes, piliers dans le prolongement des murs.
Au cœur du sanctuaire, se trouve le τελεστήριον, Télestérion, salle d'initiation immense où se réunit l’assemblée des initiés. Il est construit à l’emplacement d’un μέγαρον (megaron) mycénien et orienté en direction de la Voie Sacrée venant d’Athènes. Selon Strabo, géographe du Ier siècle avant J.-C., ce temple est le plus vaste de la Grèce : il peut contenir autant de personnes qu'un théâtre, soit environ 4000 personnes. Après avoir été détruit par les Perses en 480 avant J.-C., le plan du temple est de nouveau conçu par Iktinos, l'architecte du Parthénon et son exécution prend environ deux siècles ; il connaît dix phases de construction. Ce temple de Déméter est orienté au Sud-Est ; la κέλλα (cella, chambre du Dieu) mesure environ 50 m de côté et est soutenue par 28 colonnes doriques disposées sur une double rangée ; on y accède par un portique de 12 grandes colonnes doriques, ajoutées en 318 avant J.-C. La plate-forme située derrière le temple domine le pavé du portique de 6 m environ et permet d’accéder, par des escaliers, à l'Acropole.
Les Mystères d’Eleusis
D’après la mythologie, Hadès enlève Korè alors qu’elle cueille des fleurs en Sicile, pour l'épouser et la rebaptiser Perséphone. Déméter, sa mère, inconsolable, parcourt le monde à la recherche de sa fille : c’est pourquoi les cultures cessent de croître dans les champs. Un jour, errant en Grèce sous les traits d'une vieille mendiante, Déméter arrive à Éleusis et demande l'hospitalité. Le roi du pays et ses filles l'accueillent avec générosité ; la déesse reconnaissante dévoile sa véritable identité et récompense ses bienfaiteurs en leur révélant ses mystères : les secrets de l’agriculture ; les princes d'Éleusis, les Eumolpides, sont alors chargés de son culte. Déméter retrouve ensuite Perséphone, mais ne peut la libérer entièrement des Enfers car elle a mangé la nourriture des morts, six pépins d'une d’un grenade offerte par son époux. Zeus décide que Perséphone passera la moitié de l'année avec sa mère, sur terre, durant la saison des cultures, et le reste de l'année, l’hiver, aux côtés d'Hadès, aux Enfers.
Grand relief d'Éleusis montrant Déméter (à gauche), Perséphone (à droite) et Triptolème (au centre),
Copie romaine d'après un original grec de 450-425 av. J.-C., © Vikidia
En souvenir de cette légende, on célèbre, d’abord tous les quatre ans puis chaque année, à l’automne, les Mystères où sont révélés dans le Télestérion aux μύσται (mustai) ou Mystes initiés, les reliques sacrées de Déméter ainsi que la nuit sacrée, certainement un feu représentant la vie dans l’au-delà. Les Mystères se divisent en Petits et Grands Mystères : les Petits, consacrés à Perséphone, sont célébrés à Agra près d'Athènes dans le mois d'Ἀνθεστηριών (Anthestèrion) du 22 février au 21 mars pour les citoyens méritants, étrangers à Éleusis et servent à préparer les Grands Mystères qui suivent un déroulement rituel très réglementé. Ces derniers débutent le 13 de Βοηδρομιών (Boèdromiôn, période située entre la deuxième moitié de septembre et la première moitié d’octobre) et se déroulent pendant neuf jours consécutifs.
A l’origine, la procession des Mystères se déroule à Éleusis mais, dès l’époque de Solon, la procession part d’Éleusis pour aboutir dans l’Ἐλευσίνιον ἐν ἄστει (Éleusinion en astei), le temple d’Eleusis situé dans la cité d’Athènes à la base de l’Acropole.
Même si, selon les époques et les sources, le déroulé de la procession est variable, on sait qu’elle durait neuf jours au total, en référence à la durée de l’errance de Déméter lorsqu’elle recherchait sa fille. Elle suivait approximativement le déroulement suivant :
- Le 1er jour, à Athènes ou à Éleusis selon les époques, on pratique des rites de purification individuelle, on procède aussi au baptême et au sacrifice purificatoire d’un porcelet. On offre alors des sacrifices aux dieux : du millet et de l’orge recueillis dans un champ. Ces offrandes sacrées ne peuvent être offertes qu’aux dieux, pas même aux prêtres du culte. C’est alors que débute une période de jeûne et de prières.
- Le 2ème jour, se déroule une procession solennelle, où les éphèbes font route jusqu’à Éleusis pour y aller chercher le καλάθιον (calâthion), corbeille sacrée transportant les ἱερά (hiéra), objets sacrés, et les placer, le lendemain, à leur retour à Athènes, dans l’Éleusinion, sous des acclamations du peuple.
- Le 3ème jour s'appelle ἀγυρμός (agurmos) ou jour d'assemblée. On pratique la πρόρρησις (prorrèsis) au cours de laquelle on exclue les candidats impurs, à savoir les meurtriers et les sacrilèges dont les mains sont souillées et ceux qui, affligés d'un défaut physique, sont incapables de moduler correctement les formules rituelles.
- Le 4ème jour est celui de la purification générale accompagnée des cris « ἅλαδε μύσται » (aladé mustai), « A la mer, les Mystes ! » puis on procède au sacrifice d'un porcelet, en référence au porcher mythique Euboulos, englouti avec son troupeau dans le même abîme que Perséphone lors de son enlèvement par Hadès.
- Le 5ème jour est nommé Ἴακχος (Iacchos), autre nom de Dionysos, qui avait assisté la déesse Déméter dans ses recherches. C’est alors que commence la grande procession solennelle des Mystes qui suivent la statue d’Iacchos, les hiéra et les prêtres en direction d’Éleusis, en suivant la Voie Sacrée. Le cortège fait quelques haltes, observé par des spectateurs railleurs visant à éloigner le mauvais œil. Aux portes d'Éleusis, le cortège passe devant le palais de Crocôn, l'ancêtre d'une famille sacerdotale, et les Mystes entourent alors leur main droite et leur jambe gauche avec des bandelettes couleur de safran, κρόκος (krokos) en Grec, en référence à l’Hymne à Déméter où Korè cueille un narcisse/crocus au moment de sa chute dans l’abîme. L’arrivée du cortège à Éleusis se déroule le soir et la cérémonie a lieu de nuit : on allume des torches autour du puits Kallichoron et on court dans les rues, flambeaux à la main, comme Déméter cherchant Perséphone. C’est le début de la cérémonie de danse aux flambeaux, dite de l’εἰκάς (eikas) en hommage à Iacchos. Après les purifications rituelles et de nombreuses prières relevant d’un rituel de fécondité, les Mystes peuvent contempler les ὄργια (orgia), objets sacrés au milieu d’une alternance de lumière et de ténèbres. Le déroulement des jours suivants est mal connu car il relève de rites secrets.
- Le 6ème jour est appelé πλημοχόη (plèmochoè), du nom des vases à vasque larges et peu profonds posés sur un pied élevé, car on remplit d'eau et de vin deux récipients, dont l'un est placé à l'Est, l'autre à l'Ouest, et on les renverse en répétant des formules mystiques. Le prêtre assis sur un trône lors de la cérémonie appelée θρόνωσις (thrônosis), rompt le jeûne en buvant le κυκεών (kykéôn) et sacrifie un porcelet au milieu d’un vacarme épouvantable, rythmé par la musique et des danseurs qui l’entourent.
- Le 7ème jour est consacré aux loisirs : des jeux gymniques où le vainqueur est récompensé d’une mesure d'orge ; le soir, la représentation d’un drame sacré racontant l’histoire de Déméter et Korè.
- Le 8ème jour est employé à initier ceux qui ne le sont pas encore. Alors se déroulent les Ἐπιδαύρια (Epidauria), les Epidauries, en mémoire d’Asklépios, dont le culte a été introduit à Athènes en 420, et qui s’est rendu à Éleusis pour être admis à l'initiation.
- Le 9ème jour est consacré à la représentation d’un second drame mystique racontant l’union de Zeus et Déméter : ce n’est pas un simple spectacle, mais un rituel où on simule un mariage sacré entre la prêtresse de Déméter et l’hiérophante, le prêtre qui révèle les mystères du sacré. C’est une façon de représenter le pacte de la déesse avec Éleusis et de la remercier pour ses deux bienfaits, l’agriculture et l’initiation. La cérémonie s’achève par l’ἐποπτεία (épopteia), contemplation de ce qui est montré, certainement des épis de blé nouvellement moissonnés qui ont une signification métaphysique et promettent l’accès au salut individuel après la mort.
Les Mystères sont donc un culte à mi-chemin entre le privé et le public. En effet, le bonheur personnel est promis à tout être humain qui a pu apercevoir les ὄργια (orgia), objets sacrés dont la vision est le point culminant de la révélation faite aux initiés. Ce bonheur promis est similaire à celui que Déméter a éprouvé lors des retrouvailles avec sa fille Perséphone mais aussi à celui des princes éleusiniens, héros mythiques de la cité auxquels Déméter a fait ces révélations : Triptolème, fils de Céléos, roi d’Eleusis, héros ayant transmis les secrets de l’agriculture – donc de la civilisation – aux hommes ; Céléos, le conducteur de peuples ; Dioclès, le dompteur de cavales ; Eumolpos, le vaillant. Pour cela, deux conditions sont nécessaires : parler Grec et avoir les mains pures, c’est-à-dire non souillées par le sang d’un crime. Hormis ces deux conditions, l’initiation est ouverte à tout être humain, quelle que soit sa condition sociale, son sexe et son genre de vie. Il s’agit donc d’un bonheur privé, domestique fait de prospérité matérielle et de santé, qui se poursuivra après la mort et intégrera l’initié dans une communauté mystique. En revanche, les rites initiatiques révélés ne doivent, sous aucun prétexte, être transgressés, appris par ouï-dire ou révélés.
Par ailleurs, en prônant ce bonheur individuel, l’objectif de l’initiation est aussi d’unir le peuple attique, de réaliser l’εὐνομία (eunomia), la bonne observation des lois. On observe donc peu à peu une transposition du bonheur individuel en un bonheur politique, au moment où Éleusis passe sous domination athénienne. Ainsi, les prêtres athéniens préposés au culte d’Éleusis sont payés par les impôts de la cité ; c’est l’archonte-roi qui a la charge de la cérémonie, c’est un tribunal public qui la surveille ; une trêve sacrée a lieu pendant les cérémonies ; un enfant symbolique de la cité est initié aux frais de la cité. C’est pourquoi, à partir de l’époque du législateur Solon, on voit croître le nombre des initiés jusqu’à 2200 lors de l’année 408-407. Bien qu’officiellement interdits, les cultes à Mystères, dont celui d’Éleusis, étaient officieusement tolérés car ils étaient utiles à la communauté et servaient d’exutoire au peuple.
Ce qu’en dit Pausanias :
Ἐλευσινίοις δὲ ἔστι μὲν Τριπτολέμου ναός, ἔστι δὲ Προπυλαίας Ἀρτέμιδος, καὶ Ποσειδῶνος πατρός· φρέαρ τε καλούμενον Καλλίχορον, ἔνθα πρῶτον Ἐλευσινίων αἱ γυναῖκες χορὸν ἔστησαν καὶ ᾖσαν ἐς τὴν θεόν. Τὸ δὲ πεδίον τὸ ῾Ράριον σπαρῆναι πρῶτον λέγουσι καὶ πρῶτον αὐξῆσαι καρπούς, καὶ διὰ τοῦτο οὐλαῖς ἐξ αὐτοῦ χρῆσθαί σφισι καὶ ποιεῖσθαι πέμματα ἐς τὰς θυσίας καθέστηκεν. Ἐνταῦθα ἅλως καλουμένη Τριπτολέμου καὶ βωμὸς δείκνυται·
Τὰ δὲ ἐντὸς τοῦ τείχους τοῦ ἱεροῦ τό τε ὄνειρον ἀπεῖπε γράφειν, καὶ τοῖς οὐ τελεσθεῖσιν, ὁπόσων θέας εἴργονται, δῆλα δήπου μηδὲ πυθέσθαι μετεῖναί σφισιν. Ἐλευσῖνα δὲ ἥρωα, ἀφ᾽ οὗ τὴν πόλιν ὀνομάζουσιν, οἱ μὲν Ἑρμοῦ παῖδα εἶναι καὶ Δαείρας Ὠκεανοῦ θυγατρὸς λέγουσι, τοῖς δέ ἐστι πεποιημένα Ὤγυγον εἶναι πατέρα. Ἐλευσίνιοι γὰρ ἀρχαῖοι τῶν λόγων ἅτε οὐ προσόντων σφίσιν γενεῶν, ἄλλα τε πλάσασθαι δεδώκασι, μάλιστα ἐς τὰ γένη τῶν ἡρώων.
Les Éleusiniens ont chez eux le temple de Triptolème, ceux d’Artémis Propylée, et de Poséidon surnommé le Père. Ils vous montrent le puits Kallichoron autour duquel les femmes d'Éleusis formèrent le premier chœur de danse et de chant en l'honneur de Déméter ; le champ Rharos*, le premier, dit-on, qui ait reçu des semences et produit des fruits ; aussi l'orge qu'on y recueille est-il employé à faire de la farine pour répandre sur la tête des victimes, et des gâteaux pour les sacrifices. On vous montre aussi l'aire qui porte le nom de Triptolème, et l'autel de ce héros.
Quant à ce qui est dans l'intérieur des murs du temple, un songe m'a défendu de le décrire, les non-initiés à qui il n'est pas permis de voir cet intérieur, ne devant pas même connaître ce qu'il renferme. Le héros Éleusis, dont la ville a pris le nom était, suivant quelques poètes, fils d’Hermès et de Daïra, fille de l'Océan ; d'autres disent qu'il était fils d'Ogygès ; car les anciens Éleusiniens n'ayant point d'ouvrages sur les généalogies, on a pu imaginer beaucoup de fables, surtout sur l'origine de leurs héros.
Pausanias, Description de la Grèce, I, 38, 6-7, traduction M. Clavier, 1821.
* Rharos : père du prince et héros fondateur Triptolème