L’acropole et les mythes fondateurs d’Athènes
- Cecrops, monstre anguipède (mi-homme mi-serpent), comme les êtres nés de la Terre, fut d’après la tradition mythologique le premier roi de l’Attique. Un culte lui était rendu dans L’Erechthéion, un des temples de l’acropole, qui abritait son tombeau.
- La querelle de Poséidon et Athéna : cet épisode eut lieu sur l’acropole pendant le règne de Cécrops. Les deux dieux se disputaient la région. Athéna offrit aux Grecs l’olivier (utilisé pour son bois et son huile) et le dieu une source d’eau (ou un cheval selon les sources), mais salée. Les habitants et leur roi légendaire choisirent Athéna et lui dédièrent la ville qui porta son nom. Athéna devint ainsi la déesse « poliade » (de polis = cité), c’est-à-dire protectrice d’Athènes. Le culte de Poséidon lui resta toutefois associé.
- Erechthée, deuxième roi mythologique d’Athènes, était également honoré dans l’Erechthéion, temple qui porte son nom. On lui attribue l’instauration de la fête des Panathénées. Ce personnage est souvent confondu avec Erichthonios, être mi-homme mi-serpent, né d’une tentative de viol d’Héphaïstos sur Athéna. La déesse avait essuyé des gouttes de sperme avec un bout de laine, qui une fois jeté au sol féconda la Terre. Les Aglaurides, filles de Cécrops, devaient garder le bébé caché dans une corbeille ; elles ne purent toutefois résister à la curiosité. Prises de panique à la vue du monstre, elles se jetèrent du haut de l’acropole.
- La mort d’Egée : selon Pausanias (I, 22, 5), c’est du haut du rocher de l’acropole et précisément depuis le temple d’Athéna Nikè que le roi Egée se suicida à la vue de la voile noire du navire de son fils Thésée, de retour d’expédition contre le Minotaure. L’idée selon laquelle la mer Egée tire son nom de la chute du roi dans ses flots n’est sans doute que postérieure, peut-être même romaine, car la mer Egée se trouve à plus de six kilomètres de l’acropole !
- Thésée, héros descendant d’Erechthée, libéra sa patrie de la domination crétoise et réalisa le synœcisme de l’Attique : il fonda autour de la colline sacrée de l’acropole une seule cité, Athènes, dont le nom est au pluriel car elle est née du rassemblement de plusieurs villages, comme Delphes et Thèbes.
- La chouette d’Athéna : l’association de l’oiseau à la déesse tutélaire d’Athènes et sa représentation sur les monnaies antiques pourraient s’expliquer entre autres par la présence de nombreuses chouettes nichant dans les crevasses et fissures du rocher de l’acropole.
Les Grandes Panathénées
Cette fête en l’honneur d’Athéna avait lieu tous les quatre ans au mois de juillet. Après des concours dont la récompense était l’huile des oliviers sacrés contenue dans les amphores spéciales dites « panathénaïques », la population d’Athènes (femmes, enfants et esclaves compris) se rendait en procession sur l’acropole. Les Ergastines, jeunes filles de familles de citoyens, offraient à la statue de culte d’Athéna (le xoanon conservé dans l’Erechteion) le peplos, vêtement de laine qu’elles avaient tissé pendant ces quatre ans. La fête se terminait par un sacrifice géant de cent bœufs (en grec « hécatombe ») devant le Parthénon.
L’acropole (du grec « polis », la ville, et « akro » : haute) désigne la partie la plus élevée d’une cité grecque, servant initialement de forteresse et de refuge en cas d’attaque. Il existe de nombreuses acropoles dans toute la Grèce mais celle d’Athènes est la plus célèbre. Culminant à 156 mètres, sur un plateau rocheux artificiellement agrandi de 27000 mètres carrés, elle offre encore aujourd’hui le spectacle majestueux des temples que les Grecs édifièrent au cours des VIe et Ve siècles avant J.-C. L’acropole d’Athènes devint en effet la colline sacrée des Athéniens, dédiée notamment au culte d’Athéna, déesse protectrice de la ville.
L’histoire de l’acropole est agitée : différents peuples ont occupé le site, construisant, détruisant ou transformant des bâtiments. Le travail d’interprétation des vestiges archéologiques y est complexe.
Qui furent les premiers occupants de l’acropole ?
L’acropole a sans doute été habitée dès 5000 avant J.-C., à l’époque néolithique. Vers 1200 avant J.-C., les Mycéniens construisent autour du plateau un imposant rempart de 3 à 4 mètres d’épaisseur, donnant au site sa configuration quasi-actuelle. À l’Est et au Nord, ces murs « cyclopéens », (terme qui désigne ce type de construction avec de grosses pierres) construits directement sur l’à-pic du rocher, surplombent le site où s’élèvera plus tard l’agora. Une entrée est aménagée à l’Ouest, seul côté d’où cette forteresse naturelle est accessible. Des premiers travaux de terrassement agrandissent le flanc Sud. Il ne reste rien en revanche du palais vraisemblablement édifié.
De l’époque archaïque aux Guerres médiques
Au cours des siècles suivants, le pouvoir politique s’établit dans la basse ville : l’acropole devient alors un sanctuaire religieux. Le « vieux temple d’Athéna », imposant bâtiment en calcaire, de style dorique, est construit vers la fin du VIIe siècle. Ses fondations sont encore visibles. Au cours du VIe siècle, Athènes devient une cité de plus en plus prospère et florissante : dès 566 avant J.-C., on fête les Grandes Panathénées, dont la grande procession finale montait sur l’acropole pour honorer Athéna. Les temples sont embellis et des statues de korés (jeunes filles) sont élevées sur le plateau sacré. Un « pré-Parthénon » est probablement construit après la victoire de Marathon. Mais tous ces bâtiments sont détruits lors de l’invasion des Perses en septembre 480. Après la bataille de Platées en 479, les Athéniens, qui avaient déserté la ville et s’étaient réfugiés dans l’île de Salamine, reprennent possession des lieux. Ils ne relèvent pas tout de suite les bâtiments : on aurait fait en effet le serment de laisser les ruines telles quelles pour preuve de la fureur des Barbares. En 467, Cimon fait toutefois déblayer et élargir le plateau du côté sud, et réaliser par Phidias la statue colossale d’Athéna Promachos. Haute de 9 mètres, c’était la plus grande statue antique en bronze.
Les grands travaux de Périclès
C’est Périclès qui engage véritablement à partir de 447 la construction des édifices qui feront plus tard la célébrité de l’acropole : Parthénon, Propylées, temples d’Athéna Nikè et Erechthéion. Sous les ordres de l’architecte Ictinos, les ouvriers travaillent sans relâche. Phidias, le célèbre sculpteur et ami personnel de Périclès, réalise les décors sculptés du Parthénon ainsi que la majestueuse statue chryséléphantine (d’or et d’ivoire) d’Athéna Parthenos pour laquelle l’édifice est conçu. Un scandale (Phidias est accusé d’avoir détourné de l’or destiné à la statue et emprisonné) puis la guerre du Péloponnèse, en 432, mettent brutalement fin à cette politique de grands travaux. L’ensemble suscite néanmoins dès l’Antiquité l’admiration : on vient de tout le bassin méditerranéen visiter les lieux. Peu de modifications ultérieures sont faites alors : on ajoute surtout des statues, des ex-voto privés ou publics, comme la série de statues en bronze de Gaulois mourants pour commémorer les victoires d’Attale II vers 160 avant J.-C. Au Ier siècle après J.-C., les Romains n’ajoutent que la tholos de Rome et d’Auguste, petit temple rond à 9 colonnes ioniques.
Quelle fut l’histoire de l’acropole après l’Antiquité classique ?
Par la suite, les bâtiments durent leur salut à leur transformation en église au VIe et VIIe siècles après J.-C. : le Parthénon fut même doté d’un clocher ! Au Moyen-Âge, les Propylées devinrent château fort, palais épiscopal puis résidence des ducs francs d’Athènes. Devenu palais pendant l’occupation franque, l’Erechthéion servit de harem au XVe siècle. Converti en mosquée à la même époque, le Parthénon fut utilisé comme poudrière par les Ottomans lors de la guerre contre les Vénitiens : un tir de mortier le fit exploser en 1687, détruisant le toit, le mur et plusieurs colonnes. Une nouvelle mosquée fut construite puis définitivement rasée au XVIIIe siècle. Lord Elgin, ambassadeur britannique à Constantinople, fit envoyer à Londres les décors sculptés : ils sont toujours exposés au British Museum, quoique le gouvernement grec en réclame la restitution. Des bâtiments furent encore endommagés pendant la guerre d’indépendance grecque. Enfin en 1882 commença la période des grandes recherches archéologiques et restaurations. Protégé par des décrets législatifs, le site et les monuments de l’acropole sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Inauguré en 2009 et situé au pied du site antique, le musée de l’acropole, création des architectes Bernard Tschumi et Michalis Photiadis, expose les vestiges et objets provenant des fouilles.
Les monuments de l’acropole d’Athènes ont été considérés comme des modèles architecturaux : ils ont inspiré la construction d’édifices néo-classiques dans le monde entier (parlements, assemblées, universités…). Ils sont comme le souligne l’Unesco « le témoignage d’une précieuse partie du patrimoine culturel de l’humanité ». Avec près de 3 millions de visiteurs en 2019, l’acropole est aujourd’hui le site le plus visité en Grèce.
Les principaux monuments
Le Parthénon
Le plus grand et le plus connu des édifices de l’acropole (70 mètres de long, 31 mètres de large) fut construit entre 447 et 432 avant J.-C. par l’architecte Ictinos. Entièrement en marbre du Pentélique et composé de 46 colonnes doriques, ce temple a une architecture tout à fait remarquable. Il n’avait pas pour fonction de recevoir des fidèles mais d’abriter la statue chryséléphantine (d’or et d’ivoire) d’Athéna, œuvre du sculpteur Phidias, qui réalisa également la longue frise sculptée qui entourait le bâtiment. Il servait également à garder le trésor de la cité et de la ligue de Délos.
Le Parthénon, © Wikimedia commons
L’Erechthéion
Ce temple de style ionique, construit entre 421 et 406, a une architecture particulièrement complexe et osée : asymétrique et implanté en porte à faux sur la terrasse du « Vieux temple », il doit compenser une dénivellation de 3 mètres. Il abritait la statue de culte en bois d’olivier d’Athéna Polias (le xoanon), ainsi que les tombeaux de rois mythiques de l’Attique : Cécrops et Erechthée. Situé à l’endroit mythique de la dispute entre Athéna et Poséidon, il englobait enfin des lieux primitifs parmi les plus sacrés de l’histoire d’Athènes : l’olivier d’Athéna et l’empreinte du trident du dieu de la mer. Aujourd’hui très endommagé, l’Erechthéion est célèbre pour son portique des « caryatides », ces six colonnes sculptées en forme de femmes, toutes légèrement différentes. Leur cou est renforcé par une longue chevelure enveloppante tandis que les plis de leurs peplos rappellent les cannelures des colonnes.
L’Erechteion, vue d’ensemble, © Wikimedia Commons
Le Brauroneion, ou sanctuaire d’Artémis Brauronia
Il ne reste que les fondations de ce monument en U, composé d’un portique (ou stoa) encadré de deux ailes. II était dédié à Artémis, déesse de la chasse et protectrice des femmes enceintes, historiquement honorée à Brauron à l’est de l’Attique.
Le temple d’Athéna Nikè
Ce très petit temple (5,45m par 8,25m), destiné à abriter la statue d’Athéna Nikè (« Athéna la Victorieuse ») fut construit entre 427 et 424, lors de l’affrontement entre Athènes et Sparte. Selon Pausanias, les Athéniens auraient supprimé les ailes de la statue de la déesse pour qu’elle ne puisse jamais quitter leur ville. Simple naos (une salle centrale) carré encadré à l’est et à l’ouest par quatre fines colonnes ioniques, juché sur un étroit promontoire rocheux, ce temple élégant surplombe telle une figure de proue la rampe d’accès de l’acropole. Il était richement décoré d’une frise représentant la plaidoirie d’Athéna en faveur d’Athènes devant les divinités de l’Olympe, mais aussi, - et cela est une exception dans l’iconographie architecturale grecque - un sujet historique : des affrontements entre Grecs et Perses lors des batailles de Platées et de Salamine. Vers 410, un parapet fut élevé face à la pente, orné sur 30 mètres de long de bas-reliefs de marbre d’un goût nouveau, annonçant certains aspects de la sculpture hellénistique : des Victoires ailées, figures féminines sensuelles, avec un effet de « drapé mouillé » (avec le nombril visible !), dont la fameuse Niké détachant sa sandale, préparant une fête.
Temple d’Athena Nikè, © Wikimedia Commons
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Les Propylées
Il fallait à l’acropole une entrée majestueuse, digne de la splendeur de ses bâtiments et du Parthénon en particulier. Ce sera l’œuvre de Mnésiclès, qui dut tenir compte du terrain escarpé et des Propylées archaïques, très endommagées par les Perses. Construites entre 438 et 432, les Propylées forment un monument complexe et original : deux ailes saillantes à murs pleins, utilisées sans doute comme salles de banquets, encadrent un bâtiment central rectangulaire, aéré par des portiques mais sans décor : il constitue l’entrée proprement dite. Les colonnes sont d’ordre dorique à l’extérieur, pour faire écho au Parthénon, mais ionique dans le couloir central, passage des processions : elles sont très élancées (10 m de hauteur pour 1 m de diamètre seulement à la base). Mnésiclès décala l’axe de l’entrée de 30 degrés pour aligner les Propylées sur le Parthénon : ainsi les fidèles débouchaient directement sur la statue d’Athéna Promachos. Ils accédaient au site depuis la ville par une rampe d’accès de 80 mètres de long et 22 m de largeur, sur une déclivité de 31 degrés.
Les Propylées et le temple d’Athéna Nikè © Wikimedia Commons
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La statue d’Athéna Promachos
Cette statue colossale en bronze, œuvre du sculpteur Phidias, n’existe plus aujourd’hui. Déplacée au Ve siècle après J.-C. à Constantinople, elle fut détruite en 1203 lors du siège de la ville par les croisés. Le titre « Promachos » signifie « celle qui marche en tête du combat » ; la déesse était toutefois vraisemblablement représentée en position statique, armée d’un bouclier représentant une centauromachie. Environ quatre fois plus grande qu’un homme, juchée sur un socle et atteignant une hauteur totale de près de 10 mètres, la statue dépassait des Propylées, d’après les représentations sur les monnaies antiques. Pausanias écrit même que la pointe de sa lance se voyait depuis le cap Sounion. La déesse avait le visage tourné vers l’ouest, posant ainsi son regard sur les fidèles montant à l’acropole depuis les Propylées.
Ce qu’en dit Strabon...
Τὸ δ’ ἄστυ αὐτὸ πέτρα ἐστὶν ἐν πεδίῳ περιοικουμένη κύκλῳ· ἐπὶ δὲ τῇ πέτρᾳ τὸ τῆς Ἀθηνᾶς ἱερὸν ὅ τε ἀρχαίος νεὼς ὁ τῆς Πολιάδος ἐν ᾧ ὁ ἄσβεστος λύχνος, καὶ ὁ παρθενὼν ὃν ἐποίησεν Ἰκτίνος, ἐν ᾧ τὸ τοῦ Φειδίου ἔργον ἐλεφάντινον ἡ Ἀθηνᾶ.
La ville proprement dite est un rocher au milieu d’une plaine avec des habitations tout autour. Ce rocher porte le sanctuaire d’Athéna avec le temple archaïque de la déesse protectrice de la cité, où brûle la lampe qui ne s’éteint jamais, et le Parthénon, oeuvre d’Ictinos, qui contient l’Athéna d’ivoire de Phidias.
Strabon Géographie, IX, 1, 16 C396 (trad. Raoul Baladié, Paris, Les Belles Lettres, collection des universités de France, 1996)