Caligula, les dérives d'un pouvoir tyrannique Les empereurs julio-claudiens

  • Troisième empereur de la dynastie Julio-Claudienne, Caligula succède à Tibère, fils d’Auguste. Né Caius Julius Caesar Germanicus à Antium en 12, il devient Caius Caesar Augustus Germanicus en 37 lorsqu’il prend le pouvoir. Il règne seulement 4 ans, du 8 mars 37 au 24 janvier 41, date à laquelle il est assassiné.
  • Il était le troisième fils de Germanicus, neveu et fils adoptif de Tibère, et d’Agrippine l’Ancienne, petite-fille de l’empereur Auguste. Caligula se trouve être également l’arrière-petit-fils de Marc-Antoine.  
  • Il doit son surnom aux souliers de soldat qu’il portait (caliga, ae, f). Les soldats du Rhin sous le commandement de son père l'appelaient du diminutif "caligula", "petite chaussure".
  • Son règne, très court, est associé à sa folie. En effet, des troubles mentaux de plus en plus importants le rendent despotique et fou. On le qualifie souvent de tyran décadent. Il était haï par le peuple.
  • Suétone est l’historien romain qui a laissé une trace importante de la vie de l’empereur, mais son travail est remis en cause car sa Vie de Caligula est considérée comme un portait à charge manquant d’objectivité et accentuant l’aspect cruel de l’homme.

Une enfance proche du Princeps

Caligula est né dans l’aristocratie romaine, dans une sphère proche du pouvoir. Fils de Germanicus, consul au moment de sa naissance et grand général en chef apprécié des Romains, il se retrouve très souvent avec son père au cœur des campagnes militaires, notamment contre les peuples germaniques. C’est d’ailleurs, dès son enfance qu’il reçoit son surnom lié aux caligae, c’est-à-dire ces chaussures que portaient les militaires, sorte de sandales en cuir, à semelle épaisse et nouées au niveau de la cheville. Caligula suit notamment son père en Orient où il découvre d’autres cultures. Il va en particulier jusqu’à Antioche, en Syrie où son père meurt en 19.

Il rentre alors à Rome avec sa mère Agrippine, qui abhorre l’empereur Tibère, réputé pour sa grande cruauté. Tibère éloigne Caligula de sa mère en le confiant à sa mère Livie, puis à la grand-mère du jeune homme, Antonia. De petit-neveu de l’empereur, Caligula devient fils adoptif. Tibère fait arrêter Agrippine avec ses fils ainés pour un complot qu’ils auraient fomenté contre lui. Ces derniers meurent assassinés.

L’empereur poursuit l’éducation stricte et austère de Caligula, notamment à Capri où il a une villa. Ce séjour loin de Rome préserve le jeune homme des répressions sanglantes qui ont lieu dans la cité romaine à cette époque. Suétone raconte que le jeune homme parvient à côtoyer un peu les sphères du pouvoir romain, notamment le préfet du prétoire, Quintus Naevius Sutorius Macro, chargé du commandement de la garde prétorienne.

Dans la perspective de sa succession, Tibère a aussi adopté son petit-fils Gemellus, mais seul Caligula se fait reconnaître par le Sénat à la mort de l’empereur.

L’accession au pouvoir et le début du règne

C’est en mars 37 que l’empereur Tibère, vieux et affaibli, meurt à Misène, près de Naples. Le peuple ne cache pas sa joie de voir mourir un empereur impopulaire et haï. La désignation de Caligula est confirmée par le Sénat et par le peuple. C’est le premier princeps qui arrive au pouvoir sans avoir accompli des exploits militaires, ni mené un début de carrière politique. Caligula est assez jeune et surtout inexpérimenté. Il doit néanmoins tirer les leçons du passé car il a vu son grand-oncle échouer dans son principat. Contrairement à son prédécesseur, il souhaite être l’objet d’un culte divin, ce qui n’est pas sans rappeler Auguste, le premier empereur qui avait fait ériger une statue de Jupiter à son effigie. Il se considère comme un monarque absolu et divin : il apparaît alors en costume de Jupiter, en Hercule, ou encore se compare à Neptune.

Assez rapidement, il se montre proche du peuple, hostile au Sénat et aux magistrats intermédiaires. C’est une sorte de monarque populiste qui, par exemple, lève un certain nombre de taxes, aide les plus miséreux, organise des banquets et des jeux, augmente les salaires des soldats, libère les prisonniers politiques de son grand-oncle… Les six premiers mois de son règne sont finalement plutôt heureux.

Mais à la fin de l’année 37, il contracte une maladie qui aurait eu des conséquences sur sa santé mentale. Il convient de préciser que des analyses médicales et psychiques de son comportement ont été faites mais qu’elles n’ont que peu de valeurs car elles ont été réalisées plusieurs siècles après les faits ! Parfois, la folie de Caligula a aussi été expliquée par un pouvoir grisant, par des origines génétiques ou encore un éventuel empoisonnement. Le mystère demeure à ce sujet. Cependant, le contexte politique et la lutte qui oppose Caligula à l'aristocratie peuvent expliquer certaines positions extrêmes de l'empereur. 

Une folie à nuancer

Aucun signe de la folie attribuée à Caligula n’avait été détectée sous le règne de Tibère. Mais, après sa maladie, démence, débauche, exécutions, comportement tyrannique font alors partie du quotidien du despote romain. Les anecdotes de l’historien Suétone à son sujet sont nombreuses. Sa vision de l’Histoire se concentre sur la personnalité des Empereurs, plus que sur les événements généraux. On a donc très souvent une théâtralisation des personnages avec des traits poussés à l’extrême. De plus, Suétone a passé une partie de sa vie à être le secrétaire de l’empereur Hadrien. Il était alors habile pour lui de valoriser son Princeps en insistant sur l’aspect tyrannique et fou de Caligula.

Voici ici quelques-unes de ces histoires, souvent passées à la postérité :

  • il fait exécuter cruellement en sa présence des aristocrates et sénateurs romains, sans procès ;
  • iIl entretient une relation incestueuse avec Drusilla sa sœur ;
  • il a la cruauté de faire retirer le velum d’un amphithéâtre et de forcer le public à rester sous une chaleur torride pendant toute une journée ;
  • il fait nommer son cheval consul ! Suétone se délecte de raconter cela (Vie de Caligula, 50, traduction de M. Cabaret-Dupaty) : « Il lui fit faire une écurie de marbre, une crèche d’ivoire, des housses de pourpre et des licous garnis de pierres précieuses. Il lui donna un palais, des esclaves et un mobilier, afin que les personnes invitées en son nom fussent reçues plus magnifiquement. »

Toutefois, comme ses prédécesseurs, Caligula gouverne avec fermeté, se débarrasse de son rival Gemellus, empêche des complots contre lui… Il ne s’agit ici que d’actes finalement très ordinaires dans la vie d’un empereur romain.

« Toutes les sources dont on dispose sont extrêmement hostiles à Caligula. Elles ne visent pas à décrire un personnage historique, mais à reconstituer l’archétype du tyran. Notons aussi que la source principale, Suétone, écrit 80 ans après les faits ! » écrit Jean-Noël Castorio, maître de conférence, spécialiste de l’Histoire ancienne. Il est à présent courant que tous les écrits antiques concernant les empereurs de la dynastie Julio-claudienne soient remis en cause pour leur manque d’objectivité et leur tendance à ne s’appesantir que sur l’horreur des règnes des empereurs souvent qualifiés de fous. Concernant Caligula, de longues listes de crimes sont présentes dans les œuvres des historiens sans pour autant préciser les intentions du princeps.

On retiendra plus assurément ses excès, une forme de mégalomanie et un exercice du pouvoir reposant sur la violence. Autant de traits que l'on retrouve chez d'autres empereurs tels Néron, Commode et Domitien. 

La succession de Caligula

Caligula a régné sur Rome durant à peine quatre années. Répandant la terreur par des procès de lèse-majesté, il doit déjouer de nombreux complots, notamment celui fomenté par sa propre sœur Agrippine la jeune ; il ne peut éviter celui qu’organisent des tribuns des cohortes prétoriennes qui l’assassinent le 24 janvier 41.

Caligula n’a pas de successeur. De manière inhabituelle, c’est son oncle Claude, dernier survivant de la famille d’Auguste, qui est nommé empereur par la garde prétorienne, c’est-à-dire la garde rapprochée de l’empereur. Tout comme lors de la mort de Tibère son prédécesseur, le peuple romain vit comme un soulagement la mort de son princeps.

Ce que dit Albert Camus au sujet de Caligula...

« Si sa vérité est de se révolter contre le destin, son erreur est de nier les hommes. On ne peut tout détruire sans se détruire soi-même. C’est pourquoi Caligula dépeuple le monde autour de lui et, fidèle à sa logique, fait ce qu'il faut pour armer contre lui ceux qui finiront par le tuer. Caligula est l'histoire d'un suicide supérieur. C'est l'histoire de la plus humaine et de la plus tragique des erreurs. Infidèle à l’homme, par fidélité à lui-même, Caligula consent à mourir pour avoir compris qu’aucun être ne peut se sauver tout seul et qu'on ne peut être libre contre les autres hommes. »

Albert Camus, Œuvres Complètes, tome I : 1931-1944, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006, p. 447

  • Troisième empereur de la dynastie Julio-Claudienne, Caligula succède à Tibère, fils d’Auguste. Né Caius Julius Caesar Germanicus à Antium en 12, il devient Caius Caesar Augustus Germanicus en 37 lorsqu’il prend le pouvoir. Il règne seulement 4 ans, du 8 mars 37 au 24 janvier 41, date à laquelle il est assassiné.
  • Il était le troisième fils de Germanicus, neveu et fils adoptif de Tibère, et d’Agrippine l’Ancienne, petite-fille de l’empereur Auguste. Caligula se trouve être également l’arrière-petit-fils de Marc-Antoine.  
  • Il doit son surnom aux souliers de soldat qu’il portait (caliga, ae, f). Les soldats du Rhin sous le commandement de son père l'appelaient du diminutif "caligula", "petite chaussure".
  • Son règne, très court, est associé à sa folie. En effet, des troubles mentaux de plus en plus importants le rendent despotique et fou. On le qualifie souvent de tyran décadent. Il était haï par le peuple.
  • Suétone est l’historien romain qui a laissé une trace importante de la vie de l’empereur, mais son travail est remis en cause car sa Vie de Caligula est considérée comme un portait à charge manquant d’objectivité et accentuant l’aspect cruel de l’homme.

Lectures antiques :

  • Vie des douze Césars, « Caligula », Suétone
  • Histoire romaine, « Caligula », Livre 59, Dion Cassius

Lectures modernes :

  • Caligula, Albert Camus, 1947 : une pièce tragique qui nuance un peu le personnage : un empereur fou mais aussi révolté, conscient de l'absurdité de la vie, en quête d’un bonheur impossible.
  • Caligula, Jean-Noël Castorio, Ellipses, 2017
  • Caligula, Nicolas Tran, PUF, 2021

Pistes de recherches :

  • La dynastie Julio-claudienne
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