OVIDE Les Métamorphoses IV, 432-463 [Traduction de Charles Nisard, 1850]
Junon qui poursuit de sa vengeance la descendance de Cadmos veut châtier également Ino, une des quatre filles de Cadmos, encore épargnée. Elle se rend alors aux enfers pour demander l'aide des Furies et punir Athamas et son épouse Ino de leur impiété à son égard. Le poète Ovide s'appuie sur cette légende pour nous proposer une évocation du monde infernal.
Il est un chemin dont la pente, ombragée par des ifs funèbres, conduit aux demeures infernales à travers un profond silence. Là, des vapeurs s’exhalent des eaux dormantes du Styx ; c’est par là que descendent, au sortir de la vie, les ombres des mortels qui ont reçu les honneurs du tombeau. La Pâleur et le Froid habitent ces déserts incultes, où l’on voit errer les mânes nouveaux, incertains de la route qui mène à la cité des morts, au palais terrible du noir Pluton ; des avenues sans nombre et des portes ouvertes de tous côtés conduisent à cette cité immense : semblable à l’Océan qui, de tous les points de la terre, reçoit les fleuves dans son sein, elle donne accès à toutes les âmes. Jamais elle n’est trop étroite pour la foule qui s’y presse : elle ne la sent pas même approcher. On voit errer çà et là de pâles fantômes, sans chair et sans os ; les uns accourent au Forum, d’autres dans le palais du souverain des ombres ; plusieurs se livrent à divers travaux, image de ceux qui occupèrent leur vie. La fille de Saturne se résout à quitter les célestes demeures pour descendre dans cet affreux séjour, tant elle s’abandonne à sa haine et à sa colère. À peine est-elle entrée, à peine, foulé par ses pieds sacrés, le seuil a-t-il tremblé, que Cerbère relève sa triple tête et fait résonner sa triple voix. Junon appelle les trois sœurs, filles de la Nuit, divinités implacables et terribles. Assises devant les portes de diamant qui ferment la prison des enfers, elles peignaient leurs cheveux hérissés d’horribles serpents. Dès qu’elles reconnaissent la déesse à travers les vapeurs du brouillard, elles se lèvent. Ce lieu se nomme le séjour du crime. Là Titye, dont le corps s’étend sur neuf arpents de terre, présente ses entrailles au vautour, qui les déchire ; là, Tantale, l’onde t’échappe sans cesse, et l’arbre fuit ta main prête à le saisir ; et toi, Sisyphe, tu cours après ton rocher qui tombe, ou tu le roules pour le voir retomber encore ; là, Ixion tourne sur sa roue, et se poursuit et s’évite sans cesse ; là, pour avoir osé donner la mort à leurs époux, les filles de Bélus puisent sans relâche des ondes qui s’écoulent toujours.
Est via decliuis funesta nubila taxo :
dudit ad infernas per muta silentia sedes ;
Styx nebulas exhalat iners, umbraeque recentes
435 descendant illac simulacraque functa sepulcris :
pallor hiemsque tenent late loca senta, nouique,
qua sit iter, manes, Stygiam quod ducat ad urbem,
ignorant, ubi sit nigri fera regia Ditis.
mille capax aditus et apertas undique portas
[4, 440] urbs habet, utque fretum de tota flumina terra,
sic omnes animas locus accipit ille nec ulli
exiguus populo est turbamue accedere sentit.
errant exsangues sine corpore at ossibus umbrae,
parsque forum celebrant, pars imi tecta tyranni,
445 pars aliquas artes, antiquae imitamina uitae.
{exercent, aliam partem sua poena coercet.
Sustinet ire illuc caelesti sede relicta
(tantum odiis iraeque dabat) Saturnia Iuno ;
quo simul intrauit sacroque a corpore pressum
[4, 450] ingemuit limen, tria Cerberus extulit ora
et tres latratus semel edidit ; illa sorores
Nocte uocat genitas, graue et inplacabile numen :
carceris ante fores clausas adamante sedebant
deque suis atros pectebant crinibus angues.
455 quam simul agnorunt inter caliginis umbras,
surrexere deae ; sexes scelerata uocatur :
uiscera praebebat Tityos lanianda nouemque
iugeribus distentus erat; tibi, Tantale, nullae
deprenduntur aquae, quaeque inminet, effugit arbor ;
[4, 460] aux petis aut urgues rediturum, Sisyphe, saxum ;
uoluitur Ixion et se sequiturque fugitque,
molirique suis letum patruelibus ausae
adsiduae repetunt, quas perdant, Belides undas.
VIRGILE Énéide, VI, 548-627 [Traduction d'Auguste Nisard, 1868]
Tout à coup Énée regarde derrière lui, et voit à gauche sous une roche une vaste forteresse, flanquée d'une triple muraille : (6, 550) le Phlégéthon, rapide torrent, l'entoure de ses ondes enflammées, et roule avec fracas des débris de rochers. L'enceinte est fermée par une porte immense, que soutiennent des colonnes de diamant massif : aucune force humaine, les dieux eux-mêmes ne pourraient les arracher de leurs fondements : une tour de fer s'élève jusqu'aux nues. Sur le seuil est assise Tisiphone, couverte d'une robe ensanglantée dont elle relève les plis : là jour et nuit elle veille, et jamais elle ne ferme sa paupière. De là partent des voix gémissantes, les cruels sifflements des fouets, d'affreux bruits de fer et de chaînes traînées. Énée s'arrête épouvanté, et il écoute. (6, 560) « Dites-moi, ô vierge, quels sont ces criminels ? Quelles peines les accablent ? D'où viennent ces clameurs lamentables ? » Alors la prêtresse : « Illustre chef des Troyens, nul mortel au cœur pur ne peut toucher ce seuil du crime. Mais lorsqu'Hécate me confia la garde du bois de l'Averne, elle m'apprit elle-même les châtiments des dieux, et me conduisit partout dans le Tartare. Rhadamanthe de Crète étend son dur empire sur ces lieux, il châtie les coupables, et se fait dérouler leurs trames criminelles : il force chacun à avouer les forfaits cachés dont il a vainement joui sur la terre, et dont il a différé l'expiation jusqu'à l'heure tardive de la mort. (6, 570) Aussitôt Tisiphone, armée d'un fouet vengeur, frappe les coupables en insultant à leur douleur ; et de la main gauche agitant devant eux ses terribles serpents, elle appelle à son aide l'effroyable cohorte de ses sœurs. »
En ce moment les portes sacrées du Tartare s'ouvrirent, en tournant sur leurs gonds avec un bruit épouvantable : « Vois-tu, dit la Sibylle, la garde postée sous ce vestibule ? vois-tu ce monstre qui défend le seuil du Tartare ? Au dedans veille, immense et encore plus cruelle, l'Hydre avec ses cinquante têtes aux gueules toujours béantes : enfin le Tartare et ses abîmes s'ouvrent et plongent sous les ombres, deux fois aussi bas que de ces profondeurs où nous sommes, l'œil mesure d'espace jusqu'à la voûte de l'Olympe. (6, 580) Là sont les Titans, antiques enfants de la Terre, qui, foudroyés par Jupiter, roulent dans le fond de l'abîme. Là j'ai vu les deux fils d'Aloüs et leurs corps immenses ; ils avaient essayé avec leurs seules mains d'arracher la voûte immense des cieux, et de précipiter Jupiter du haut de son trône éternel. J'ai vu dans les horreurs d'un cruel supplice l'impie Salmonée, qui osa bien imiter les feux de Jupiter et les bruits de l'Olympe. Porté sur un char que traînaient quatre coursiers, et agitant une torche flamboyante, il allait triomphant à travers les peuples de la Grèce et dans sa nouvelle ville d'Élis, et se faisait rendre les honneurs qu'on ne rend qu'aux dieux : (6, 590) insensé qui, par le bruit des pieds de ses chevaux et par son pont d'airain, pensait imiter les nuages et l'inimitable foudre ! Mais le père tout-puissant des dieux lança du sein des nuées épaisses, non pas de vains flambeaux, ni les pâles feux des torches enfumées, mais le foudre véritable, et, enveloppant l'impie d'un immense tourbillon, il le précipita dans le Tartare. J'ai vu encore Tityus, ce monstrueux nourrisson de la Terre, dont le corps étendu couvre neuf arpents : un énorme vautour au bec recourbé ronge son foie immortel et ses entrailles fécondes en tourments, les fouille pour s'en repaître, et habite éternellement au fond (6,600) de sa poitrine : il n'y a pas de repos pour ses fibres sans cesse renaissantes. Te parlerai-je des Lapithes, d'Ixion et de Pirithoüs ? Sur eux pend un roc affreux qui va tomber, qui déjà tombe sur leurs têtes éternellement menacées. Devant eux brillent des lits somptueux aux pieds d'or, et des tables étalent sous leurs lèvres les mets et le luxe des rois : mais là est assise la plus redoutable des Furies ; elle leur défend de porter la main sur les tables, et, brandissant sa torche, elle se dresse et fait tonner sa voix. Là sont ceux qui ont haï leurs frères pendant la vie, ceux qui ont frappé leurs pères, ourdi des trahisons contre leurs clients ; (6,610) ceux (leur troupe est innombrable) qui ont couvé seuls des richesses entassées, et n'en ont point réservé une part pour leurs proches ; ceux qui ont été tués pour crime d'adultère ; ceux qui ont suivi des drapeaux impies, et qui n'ont pas craint de trahir la foi jurée à leurs maîtres : tous enfermés dans ces lieux y attendent leur supplice. Ne me demande point quel il est, et les formes infinies du châtiment, et tout cet abîme de misères. Les uns roulent un énorme rocher ; d'autres, attachés aux rayons d'une roue qui les emporte, y demeurent suspendus : là est assis, assis pour jamais, sur la pierre l'infortuné Thésée ; et le plus malheureux de tous, Phlégyas, élevant sa grande voix dans l'ombre du Tartare, atteste la justice des dieux, et crie sans cesse aux mortels instruits par son supplice : (6,620) Apprenez par mon exemple à n'être point injustes, et à ne pas mépriser les dieux. Celui-ci a vendu sa patrie, et lui a imposé un tyran ; celui-là pour de l'or a fait et défait les lois. Ce père incestueux est entré dans le lit de sa fille, et s'est souillé d'un abominable hymen : tous ces coupables ont osé d'énormes forfaits, et en ont joui. Eussé-je cent bouches et cent langues, avec une voix de fer, je ne pourrais jamais te décrire tous ces crimes, compter tous ces supplices.
STACE La Thébaïde IV, 470-589 [Traduction sous la direction de Charles Nisard, 1878]
Les sept chefs argiens ont lancé la guerre contre Thèbes. Les premiers livres content l'origine de la guerre et en montrent les préparatifs, d'un côté et de l'autre. Au livre IV, les Argiens sont en route contre Thèbes. A Thèbes les guerriers se préparent là la riposte. Le devin Tirésias, sur l'ordre d'Étéocle, a recours à la nécromancie pour interroger la volonté des dieux. Il évoque alors les Enfers en une vision terrifiante.
[4,470] Tirésias, dont les joues sont atteintes par de brûlantes exhalaisons, et les orbites creuses remplies de fumée, s'écrie, et sa voix fait trembler les bûchers et croître la violence du feu :
« Séjour du Tartare, formidable royaume de l'insatiable Mort, et toi, le plus terrible des trois frères, toi qui règnes sur les Mânes et sur les éternels supplices des coupables, toi qui vois ramper à tes pieds le monde souterrain, ouvrez, je frappe à vos portes, ouvrez ces lieux muets, et le vide empire de la sévère Proserpine ! Cette foule plongée dans les abîmes de la nuit, faites-l'en sortir, et que le nautonier du Styx repasse ce fleuve sur sa barque pleine. [4,480] Qu'ils accourent, qu'ils reviennent tous ensemble à la lumière, ces mânes, mais non de la même manière ! Toi, mets à part, fille de Persée, les hôtes pieux de l'Élysée, et que de sa verge puissante le sombre dieu de l'Arcadie les conduise ; ceux au contraire en plus grand nombre qui, morts dans le crime, habitent l'Érèbe; et sont la plupart de la race de Cadmus, secouant trois fois le serpent qui te sert de fouet, et les précédant, un if enflammé à la main, ô Tisiphone, guide-les jusqu'au jour qu'elles sont avides de revoir, et que Cerbère ne fasse pas de ses trois têtes un obstacle au départ de ces ombres" !
Il dit, et tous deux également, le vieillard et la prêtresse de Phébus, attendent avec confiance.
Eux, ils ne redoutent rien, [4,490] car ils ont le dieu dans leur cœur; mais une incroyable terreur accable le fils d'Œdipe, et, tandis que le devin prononce son horrible évocation, il presse tour à tour ses épaules, ses mains, ses bandelettes ; et, dans son épouvante, il voudrait interrompre le mystère commencé. Tel, dans les fourrés d'une forêt de Gétulie, un chasseur qui par ses cris prolongés a réveillé un lion, l'attend, s'excite au courage, et serre convulsivement ses traits, que ses efforts baignent de sueur ; la peur glace son visage, ses genoux tremblent, car il ne sait ni quel est l'animal qui s'approche, ni quelle est sa force ; mais un rugissement, affreux signal, retentit à son oreille, et il le mesure à ses craintes aveugles.
[4,500] Tirésias, voyant que les ombres n'arrivent pas encore : "Je le jure, s'écrie-t-il, divinités pour qui j'ai alimenté ces feux et vidé de la main gauche ces coupes dans le sein creusé de la terre, je ne puis plus supporter votre retard. Est-ce en vain que vous m'entendez, moi, votre prêtre ? Et si par des chants furieux une Thessalienne vous appelle, vous viendrez ? Et chaque fois qu'armée des poisons de Scythie, la princesse de Colchos vous évoquera, le Tartare, pâle d'épouvante, se mettra en mouvement ? Vous n'aurez nul souci de moi, si je n'arrache pas des cadavres de leurs bûchers, si je ne tire pas des tombeaux des urnes pleines d'antiques ossements, si je ne mêle pas les Dieux du Ciel et de l'Érèbe [4,510] pour profaner les uns et les autres, si je ne mutile pas les visages livides, si je ne découpe pas les entrailles corrompues des morts ? Ne méprisez pas ma vieillesse et ce nuage qui s'épaissit sur mon front, ne me méprisez pas, je vous en avertis ! et moi aussi, je peux employer la violence. Je sais tout ce que vous craignez d'entendre, tout ce que vous craignez de voir révéler; et je pourrais troubler Hécate, sans le respect que j'ai pour toi, dieu de Thymbrée ! Je sais le nom du souverain du triple monde, qu'il est défendu de prononcer, mais je le tais; rendez-en grâces à ma vieillesse, amie du repos. Cependant, si ..." !
L'inspirée Manto l'interrompt avec empressement : "Tu es obéi, mon père ! le peuple pâle s'approche. [4,520] Le chaos des enfers s'ouvre; l'ombre immense des lieux souterrains crève ; les sombres forêts et les sombres fleuves se montrent au jour ; l'Achéron vomit son sable livide ; le Phlégéthon roule avec ses ondes enflammées des flots d'une noire fumée; et le Styx, qui coule entre les mânes, s'oppose au passage de ceux qui ne doivent pas revoir la lumière. Voici Pluton lui-même, pâlissant sur son trône, entouré des Euménides, ces ministres de ses funestes volontés, voici le sévère appartement de la Junon infernale, voici sa triste couche. En sentinelle se tient l'affreuse Mort, faisant à ses maîtres le dénombrement du peuple silencieux des ombres ; il en reste encore plus qu'elle n'en a compté. [4,530] Le juge crétois ballotte leurs noms dans l'urne terrible, leur arrache la vérité par ses menaces, et les force à dérouler toute leur vie passée, à faire enfin des aveux qui aggravent leurs châtiments. Que te dirai je ? je vois tous les monstres de l'Érèbe, les Scylles, les Centaures animés d'une rage impuissante, les Géants enlacés de chaînes de diamant, et l'ombre rapetissée d'Égéon, ce Titan aux cent bras".
"O toi , dit-il , le guide et l'appui de ma vieillesse, ne m'en dis pas davantage. Qui pourrait ne pas connaître Sisyphe et son rocher qui toujours retombe, Tantale et son lac trompeur, Titye, pâture d'un oiseau de proie; Ixion, qu'éblouit le mouvement rapide et sans fin de la roue qui l'emporte ? [4,540] Moi-même, quand mon sang coulait avec plus de chaleur, j'ai visité ces mystérieuses demeures sous la conduite d'Hécate, avant qu'un dieu, retirant la lumière de mes yeux, l'eût fait descendre tout entière dans mon cœur. Appelle ici de préférence par tes conjurations les âmes des Argiens et des Thébains : quant aux autres, par des aspersions de lait quatre fois répétées, écarte-les de nous, fais-les sortir, ô ma fille, de cette triste forêt ; puis, le visage de chaque ombre, son extérieur, son avidité à boire le sang répandu, celle des deux nations qui se présente avec le plus de fierté, décris-moi tout ; allons, dissipe par degrés la nuit qui m'entoure".
Elle obéit, et compose un charme pour disperser une partie des ombres [4,550] et rassembler les autres, semblable, au crime près, à Médée, et à la magicienne d'Ea, Circé. Alors elle adresse ces paroles au prêtre son père : "Le premier qui plonge sa bouche glacée dans le lac de sang, c'est Cadmus, et près de son époux se tient la fille de Cythérée ; de leurs têtes s'échappent deux serpents ; les enfants de la Terre, cette race de Mars, les entourent : leur vie n'a duré qu'un jour ; toute la troupe est armée de pied en cap, tous ont la main sur la garde de leurs épées; ils se gênent, ils se poussent, ils se ruent les uns sur les autres avec la rage qui les animait vivants; et ce n'est pas de se pencher sur l'affreux sillon [4,560] qu'ils ont souci, c'est le sang de leurs frères qu'ils voudraient boire. Après eux vient la foule des filles de Cadmus et ses déplorables petits-fils. Je vois Autonoé, privée d'Actéon ; je vois Ino, haletante, les yeux fixés sur l'arc d'Athamas, presser tendrement sur son sein le fruit de son amour, et Sémélé faire de ses bras une défense à ses flancs où son enfant tressaille. La mère de Penthée a brisé son thyrse, elle est délivrée du dieu qui l'obsédait, elle déchire, elle ensanglante sa poitrine, et suit le corps en poussant des cris : pour lui, il fuit, à travers les obstacles du Léthé et du Styx, jusqu'aux lacs de l'Élysée, où, plus tendre, son père Échion le pleure, et rajuste ses membres arrachés. [4,570] Je reconnais le triste Lycus et le fils d'Éole, la main droite ramenée sur les reins, portant en triomphe un cadavre sur son épaule. Il conserve encore cette métamorphose qui l'accuse, le fils d'Aristée : son front est hérissé de cornes, sa main tient des traits, et il repousse ses chiens, dont la gueule s'ouvre pour le dévorer. Mais voici venir, accompagnée d'un nombreux cortège, la jalouse fille de Tantale : orgueilleuse encore dans sa douleur, elle compte les cadavres de ses enfants, et ses maux ne l'ont point abattue ; elle se félicite d'avoir échappé à la puissance des Dieux, et de pouvoir donner libre carrière aux fureurs de sa langue".
Tandis que la chaste prêtresse parle ainsi à son père, [4,580] les cheveux blancs du vieillard se dressent sur son front et soulèvent les bandelettes, et son visage s'anime d'une légère rougeur. Il cesse de s'appuyer sur son bâton, sur sa vierge chérie, et debout sur le sol :
"Tais-toi, ma fille, s'écrie-t-il, je n'ai plus besoin d'une lumière étrangère ; le nuage glacé s'entr'ouvre, les ténèbres n'obstruent plus mon regard."
A catechism of mythology (with 75 engravings) - William Darlington, 1832, New York Public Library, © Wikimedia Commons