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Petite anthologie
APOLLODORE Épitome I, 20 [Traduction de Ugo Bratelli, 2001]
Ixion tomba amoureux d'Héra et il chercha à lui faire violence ; quand Héra le lui répéta, Zeus voulut s'assurer qu'il en allait bien ainsi. Alors il prit une nuée, il lui donna l'aspect d'Héra, et il la mit dans le lit à côté d'Ixion. Celui-ci sortit pour se vanter d'avoir fait l'amour avec Héra, et aussitôt Zeus l'attacha à une roue, qui, sans aucune cesse, le fit tourner dans le ciel au gré du vent : et encore aujourd'hui Ixion expie ainsi son crime. De l'union d'Ixion et de cette nuée naquit ensuite un Centaure.
DIODORE DE SICILE Bibliothèque historique IV, 69-70 [Traduction de l'abbé Terrasson, 1865]
D'après les mythes, Océan et Thétis eurent plusieurs enfants, qui portèrent les noms d'autant de fleuves. Parmi eux était Pénée, qui a laissé son nom à un fleuve de la Thessalie. Celui-ci engendra, avec une nymphe appelée Creüse, Ypsée et Stilbé. De Stilbé et d'Apollon naquirent Lapithès et Centaurus. Lapithès s'établit sur les bords du fleuve Pénée, et devint roi de la contrée. Il épousa Orsinome, fille d'Eurynome, et en eut deux fils, Phorbas et Périphas, qui lui succédèrent an trône. Ses sujets furent appelés, d'après son nom, Lapithes. Phorbas se rendit à Olénum. Alector, roi des Éliens, redoutant la puissance de Pélops, appela Phorbas à son secours et partagea avec lui son royaume. Phorbas eut deux fils, Egée et Actor, qui eurent en héritage le royaume des Éliens. Périphas, second fils de Lapithès, épousa Astiagée, fille d'Ypsée, et en eut huit enfants, dont l'aîné, Antion, engendra Ixion avec Périmèle, fille d'Amythaon. Ixion, ayant promis beaucoup de présents à Hésionée, épousa Dia, fille d'Hésionée, et en eut Pirithoüs. Comme Ixion ne livra pas à la femme les présents qu'il avait promis, Hésionée enleva à leur place ses cavales. Ixion fit venir Hésionée auprès de lui, en lui annonçant qu'il se soumettrait à tout ; mais dès qu'Hésionée fut arrivé, Ixion le précipita dans un gouffre de feu. Rien ne pouvait faire expier un crime aussi énorme. Enfin Jupiter réhabilita, selon les mythes, Ixion, qui devint ensuite amoureux de Junon, et osa lui déclarer sa passion. Jupiter envoya un nuage ayant la ressemblance de Junon ; Ixion en approcha et engendra les Centaures de forme humaine. Enfin la tradition rapporte qu'en punition de ses forfaits, Jupiter attacha Ixion, après sa mort, à une roue, et lui infligea un châtiment éternel.
PINDARE Les Pythiques, II - «À Hiéron, roi de Syracuse» [Traduction d'Aloys Perrault-Maynand, 1843]
Rapidement entraîné sur la roue à laquelle l'a fixé l'ordre des dieux, Ixion ne crie-t-il pas aux mortels qu'ils aient à payer la bienfaisance d'un juste retour. Une funeste expérience l'a instruit de ce devoir. Admis par la bonté des fils de Saturne à couler auprès d'eux des jours délicieux, il ne put longtemps soutenir l'excès de son bonheur, il conçut dans son aveugle délire une furieuse passion pour Junon, que la couche du grand Jupiter est seule digne de recevoir. Mais son orgueilleuse audace le précipita dans un abîme de maux ; doublement coupable, et lorsque vivant sur la terre, il se souilla le premier du sang de son beau-père, et lorsque, dans l'enceinte du sacré palais, il osa attenter à la pudeur de Junon, l'épouse du puissant Jupiter. Un supplice inouï devint bientôt le juste châtiment de ses crimes. Mortels, apprenez ainsi à ne jamais former des vœux au-dessus de votre faible nature.
Ixion, pour assouvir sa passion sacrilège, se précipita dans l'excès du malheur, aveugle qu'il était, il n'avait embrassé qu'un nuage, et son amour trompé s'était enivré de ce doux mensonge ! La nue, brillant fantôme, pour l'entraîner à sa perte, avait pris sous la main de Jupiter la forme de la céleste fille de Saturne. Alors le maître des dieux l'attacha à celle roue... Ses membres y sont à jamais serrés par d'invincibles nœuds, et ses tortures, hélas ! trop célèbres attestent à la terre la vengeance des Immortels.
Cependant la nue, mère unique de son espèce, conçut, sans l'assistance des Grâces, un fruit unique aussi dans la sienne ; sa nourrice le nomma Centaure ; monstre également étranger aux formes humaines et aux attributs de la divinité, il courut dans les vallées du Pélion perpétuer sa race en s'accouplant avec les cavales de la Thessalie. C'est de cette union qu'est née la race extraordinaire des Centaures, participant à la forme de leur père et de leur mère, hommes jusqu'à la ceinture, et chevaux dans la partie inférieure du corps.
Ainsi Dieu dispose de tout à son gré : plus rapide que l'aigle qui fend les airs, que le dauphin qui fuit au milieu des ondes, il brise l'orgueil des mortels ambitieux et comble les autres d'une gloire impérissable.
VIRGILE Géorgiques III, 38 [Traduction de Maurice Rat, 1932]
Virgile, dans son préambule au livre III «Les troupeaux», convoque la figure d'Ixion pour conjurer tout désir funeste, convoitise, jalousie ou avidité.
[3,10] C'est moi qui, le premier, si ma vie est assez longue, ferai descendre les Muses du sommet Aonien pour les conduire avec moi dans ma patrie; le premier, je te rapporterai, ô Mantoue, les palmes d'Idumée, et, dans la verte plaine, j'élèverai un temple de marbre, au bord de l'eau où en lents détours erre le large Mincius et où le roseau tendre a couronné ses rives. Au milieu je mettrai César, qui sera le dieu du temple. Moi-même en son honneur, vainqueur et attirant les regards sous la pourpre de Tyr, je pousserai cent chars quadriges le long du fleuve. À mon appel, la Grèce entière, quittant l'Alphée et les bois sacrés des Molorchus , [3,20] disputera le prix des courses et du ceste sanglant, et moi, la tête ornée des feuilles d'un rameau d'olivier, j'apporterai des dons. Tu jouis déjà d'avance du plaisir de conduire aux sanctuaires les pompes solennelles, et de voir les jeunes taureaux égorgés, ou comme la scène mobile fait tourner ses décors, ou comme les Bretons lèvent les rideaux de pourpre tissés de leur image. Sur les portes, je représenterai en or et en ivoire massif le combat des Gangarides et les armes de Quirinus vainqueur ; et là le Nil aux ondes guerrières et au grand cours, et les colonnes dressées avec l'airain naval. [3,30] J'ajouterai les villes d'Asie domptées, et le Niphate repoussé, et le Parthe mettant son espoir dans sa fuite et dans les flèches qu'il lance en se retournant, et deux trophées ravis de haute lutte à des ennemis qui habitent des contrées opposées, et le double triomphe remporté sur des peuples qui habitent l'un et l'autre rivage. Là se dresseront aussi dans la pierre de Paros les images vivantes de la postérité d'Assaracus, et cette race renommée descendue de Jupiter, et Tros, leur père, et le Cynthien, fondateur de Troie ; l'Envie infortunée y aura peur des Furies, et du fleuve sévère du Cocyte, et des serpents d'Ixion enroulés, et de la roue monstrueuse, et de l'insurmontable rocher.
Iconographie
Le roi Ixion, roi des Lapithes, trompé par Junon, qu'il voulait séduire, Pierre-Paul Rubens, 1615, Musée du Louvre-Lens © Wikimedia Commons
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Ixion, José de Ribera, 1632, Musée du Prado, Madrid © Wikimedia Commons
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Supplice d'Ixion, gravure de B. Picart (1673-1733), In Le temple des muses, orné de LX tableaux [par A. de La Barre de Beaumarchais], © BnF Gallica
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