Châtiment de Prométhée

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Petite anthologie

 
ESCHYLE Prométhée enchaîné [traduction de Ph. Le Bas et Th. Fix, 1843]

v.1-35
LE POUVOIR. Nous voici parvenus aux extrémités de la terre, dans la Scythie, au fond d'un désert inaccessible ;  Vulcain, c'est à toi de songer aux ordres que ton pète t'a donnés. Sur ces rocs escarpés, enchaîne indissolublement ce criminel avec des entraves du fer le plus dur. Il a dérobé ton attribut, le feu, principe de tous les arts ; il en a fait part aux hommes ; c'est un crime dont les dieux doivent avoir satisfaction, afin qu'il apprenne à respecter le pouvoir de Jupiter et qu'il renonce à son amour pour les mortels.
VULCAIN. Pouvoir, Violence, pour vous les ordres de Jupiter sont accomplis : il ne vous reste plus rien à faire. Mais moi, comment aurais-je le courage d'enchaîner, sur ce roc voisin des orages, un dieu à qui le sang m'unit. Cependant la nécessité m'y contraint ; car il est dangereux de différer la volonté de mon père. fils ingénieux de la sage Thémis, malgré moi, malgré toi, je vais t'attacher avec des chaînes indissolubles sur ce roc inhospitalier, où tu n'entendras la voix ni ne verras le visage d'aucun mortel ; où, brûlé lentement par les rayons ardents du soleil, tu sentiras tes chairs se dessécher. Là, trop tard au gré de tes désirs, la nuit parsemée d'étoiles viendra dérober le jour à tes yeux, et trop tard le soleil viendra sécher la rosée du matin ; sans cesse la douleur du mal présent t'accablera ; car ton libérateur n'est pas né. Voilà le fruit de ton amitié pour les humains. Dieu toi-même, sans redouter la colère des dieux, tu as fait aux mortels des présents qui passaient tes droits ; en punition de cette audace, tu vas rester sur cette roche affreuse, debout, sans sommeil et sans repos ; tu pousseras des soupirs et des cris inutiles, car le cœur de Jupiter est inexorable ; un nouveau maître est toujours dur. 

Prométhée refuse d'entendre raison face aux arguments de Mercure et appelle sur lui le châtiment, non sans orgueil et avec un certain goût pour la provocation.

v.997-1083
MERCURE. Mais vois si cette obstination peut te servir.
PROMÉTHÉE. Tout est vu : mon parti est pris dès longtemps.
MERCURE. Insensé ! ose, ose une fois apprendre de tes malheurs à devenir sage.
PROMÉTHÉE. En vain tu m'importunes de tes instances ; je suis sourd comme les flots. Garde toi de penser que jamais redoutant les dessins de Jupiter, devenu timide comme une femme, j'aille tendre humblement les mains, et conjurer l'objet de toute ma haine de me délivrer de mes liens : non, jamais !
MERCURE. Tous mes discours, je le vois, sont inutiles ; mes prières ne peuvent te toucher ni t'amollir. Tel qu'un jeune coursier soumis pour la première fois au joug, tu mords le frein et résistes violemment à la rêne. Mais c'est vainement que tu mets une orgueilleuse confiance dans ton savoir : car l'orgueil d'un insensé n'a par lui-même aucune force. Envisage au moins, si je ne puis te persuader, l'orage inévitable, la tempête de maux qui va t'assaillir. Jupiter, à coups de foudre et de tonnerre, brisera ce roc escarpé et ton corps enseveli, demeurera caché sous les éclats de la pierre. Bien longtemps après tu reparaîtras au jour ; mais alors viendra le chien ailé, l'aigle sanglant de Jupiter, qui, dans son avidité, arrachera de ton corps d'énormes lambeaux, et, convive non invité, se nourrira chaque jour de ton foie, noire pâture? La fin de ces tourments, n'espère point la voir, à moins que quelque dieu ne succède à ta place, et ne veuille descendre dans le sombre empire de Pluton, dans les abîmes ténébreux du Tartare. Maintenant, consulte-toi. Ce n'est point ici un un vain étalage de menaces ; l'arrêt est prononcé : la bouche de Jupiter ne connaît point les discours mensongers ; sa parole s'accomplit toujours ? Considère, et réfléchis : crois enfin que l'opiniâtreté ne vaut pas la sagesse.
LE CHŒUR. Mercure nous semble tenir un langage convenable ; il veut que renonçant à ton opiniâtreté, tu prennes un parti sage et prudent : crois-le, il est honteux pour un sage de persévérer dans une faute.
PROMÉTHÉE. Je savais déjà ce qu'il vient de m'annoncer ; mais qu'un ennemi souffre de la part de son ennemi, ce n'est point un déshonneur. D'ailleurs, que surmoi tombent les carreaux tortueux de la foudre ; que le tonnerre, que la fureur des vents déchaînés déchire les airs ; que leur souffle ébranle dans ses fondements la terre et ses racines, et, d'un effort impétueux, confonde les flots de la mer avec les astres de la voûte céleste ; que, dans le tourbillon de la dure nécessité, Jupiter précipite mon corps au fond du noir Tartare ; quoiqu'il fasse, il ne pourra me donner la mort.
MERCURE. Ces discours, ces vœux, ne sont-ils d'un insensé ? Que manque-t-il à son délire, si, dans une semblable fortune, il ne met aucun frein à sa fureur ? Mais vous qui compatissez à ses maux, éloignez-vous promptement de ces lieux : l'horrible mugissement du tonnerre peut ébranler trop fortement vos esprits.
LE CHŒUR. Ah ! donne-nous des conseils que nous puissions écouter ; notre oreille ne peut supporter de pareils discours. Comment peux-tu me conseiller l'infâmie ? Non, je partagerai ce qu'il doit souffrir. J'ai appris à détester la trahison ; c'est de tous les vices celui que j'abhorre davantage.
MERCURE. Souvenez-vous au moins de ce qui vous est annoncé. Si le malheur qui le menace vous atteint, n'imputez rien au sort ; ne dites point que Jupiter vous frappe d'un coup imprévu ; n'en accusez que vous-mêmes. Vous êtes prévenues : ce ne sera ni à l'improviste, ni à la dérobée, mais par votre propre imprudence, que vous serez enveloppées dans l'inextricable piège du malheur. 
PROMÉTHÉE. En effet, ce n'est plus une menace : la terre tremble ; l'écho sourd du tonnerre a mugi ; la foudre brille à replis enflammés ; des tourbillons de poussière s'élèvent ; tous les vents déchaînés bondissent et se déclarent mutuellement la guerre ; la mer soulevée se confond avec les cieux : c'est bien contre moi que Jupiter envoie cette épouvantable tempête ..... Ô mon auguste mère ! et toi divin Æther qui dévoiles à nos yeux la commune lumière, vous voyez quels injustes tourments j'endure ! 

 
LUCIEN DE SAMOSATE Prométhée ou le Caucase [Traduction d'Eugène Talbot, 1866]

Nous proposons le début et la fin du dialogue.

MERCURE, VULCAIN, PROMÉTHÉE.

Mercure. Vulcain, voici le Caucase, où il faut clouer ce malheureux Titan : cherchons donc autour de nous quelque rocher commode, qui soit privé de neige, afin que les chaînes y entrent plus solidement et que celui-ci soit en vue de tout le monde, bien cloué.

Vulcain. Cherchons, Mercure ; il ne faut pas, en effet, l’enchaîner dans un lieu bas et voisin de la terre, de peur que les hommes qu’il a fabriqués ne viennent l’y délivrer ; et cependant il ne faut pas que ce soit trop haut, parce qu’on ne le verrait plus d’en bas ; mais, si tu veux bien, attachons-le à une hauteur moyenne, ici, au-dessus de ce précipice, les mains étendues, l’une sur ce rocher, l’autre sur celui qui est en face.

Mercure. Tu as raison. Ces roches sont escarpées, inaccessibles et pendantes de tous côtés : ce précipice n’offre qu’une place étroite où l’on puisse poser le pied ; à peine s’y peut-on tenir sur la pointe : nous ne saurions trouver de croix plus commode. Allons, Prométhée, pas de retard : monte ici, et laisse-toi de bonne grâce clouer à cette montagne.

Prométhée. Ô Vulcain ! Ô Mercure ! prenez pitié d’un malheureux qui n’a pas mérité son malheur.

Mercure. Voilà un : « Prenez pitié » que tu nous dis sans doute, Prométhée, pour que nous soyons attachés à ta place, si nous n’obéissons pas aux ordres que nous avons reçus. Est-ce que le Caucase ne te semble pas assez grand, pour qu’on y enchaîne encore deux malheureux ? Voyons ; étends la main droite. Toi, Vulcain, attache, cloue et frappe vigoureusement de ton marteau. Maintenant, donne l’autre main, qu’on l’attache aussi solidement. Voilà qui est fait : bientôt va descendre l’aigle qui doit te ronger le foie, et tu seras payé de tes belles et ingénieuses découvertes.

Prométhée. Ô Saturne ! Ô Japet ! et toi, Terre, qui m’as donné le jour, quels maux on fait souffrir à un infortuné qui n’a commis aucun mal !

Mercure. Aucun mal, Prométhée ? Chargé jadis de faire la distribution des viandes, n’as-tu pas poussé l’injustice et la fourberie au point de te réserver les meilleurs morceaux, et de ne servir à Jupiter que des os

        Recouverts d’une graisse blanche ?

Je me rappelle bien, par Jupiter ! Les vers où Hésiode dit cela. Ensuite, n’as-tu pas fait les hommes, animaux des plus malfaisants, et, chose pire encore, les femmes ? En outre, n’as-tu pas dérobé l’apanage le plus précieux des immortels, le feu, pour le donner aux hommes ? Après de tels méfaits, tu dis que tu n’as commis aucun mal ?

Prométhée. Tu as bien l’air, Mercure, de vouloir, comme dit le poète, inculper un innocent. Tu me reproches des choses pour lesquelles je mériterais, à mon avis, si l’on me rendait justice, d’être nourri au Prytanée. Si tu avais le temps de m’entendre, je me justifierais volontiers auprès de toi de toutes ces accusations, et te prouverais les torts de Jupiter envers moi. Mais toi, qui es un peu babillard et chicaneur, plaide pour lui et démontre qu’il a porté un jugement équitable, en me faisant clouer près des portes Caspiennes, sur le Caucase, triste spectacle pour tous les Scythes.

Mercure. L’appel est un peu tardif, Prométhée, et le plaidoyer inutile ; parle cependant : aussi bien faut-il que je demeure ici jusqu’à l’arrivée de l’aigle qui doit prendre soin de ton foie, et je consens à passer le temps qui va s’écouler d’ici là à entendre les déclamations sophistiques d’un parleur habile comme toi.

Prométhée. Parle le premier, Mercure ; et, pour donner à ton accusation la plus grande véhémence, ne néglige rien de ce qui peut justifier ton père. Toi, Vulcain, je te prends pour arbitre.

Vulcain. Par Jupiter ! je serai ton accusateur plutôt que ton arbitre, car tu m’as volé mon feu et laissé refroidir ma forge.

Prométhée. Eh bien ! partagez-vous l’accusation ; toi, Vulcain, accuse-moi de larcin ; Mercure me citera pour avoir fabriqué les hommes et distribué les viandes : tous deux vous paraissez bons artisans de parole et versés dans l’art oratoire.

Vulcain. Mercure parlera pour moi : je ne suis pas au fait du langage de la chicane : je ne m’occupe guère que de ma forge ; mais nous avons là un bon orateur, et des mieux ferrés à ces sortes de causes.

Prométhée. Je ne me serais jamais figuré que Mercure se chargeât d’accuser quelqu’un de larcin, ni qu’il voulût me reprocher d’avoir volé, étant aussi du métier. Cependant, fils de Maïa, puisque tu tentes l’aventure, il est temps d’arriver à l’accusation.

Mercure. Elle exigerait de longs discours, Prométhée ; car il faudrait une certaine préparation pour énumérer tous tes délits, et il ne suffirait pas de faire un exposé sommaire de tes méfaits, de dire comment, le soin de distribuer les viandes t’ayant été dévolu, tu as gardé pour toi les meilleurs morceaux, trompé ton souverain, fabriqué des hommes, œuvre parfaitement inutile, dérobé le feu à nous autres dieux, pour en faire présent à tes créatures ; et il me semble, mon cher, qu’après tant de crimes, tu ne comprends pas l’excessive clémence dont Jupiter use envers toi. Si donc tu niais ces actions, il me serait nécessaire, afin de te convaincre, de développer mon plaidoyer et de faire effort pour mettre la vérité dans tout son jour ; mais si tu avoues avoir fait cette distribution des viandes, fabriqué des hommes par une invention nouvelle, et dérobé le feu, l’accusation est finie, je n’ai plus rien à dire, et le reste n’est plus que sornettes.

Prométhée. C’est tout ce que tu viens de dire qui n’est que sornettes, et nous le verrons bientôt. Pour moi, puisque tu dis que l’accusation est suffisante, je vais essayer, autant que possible, de me laver de tous ces crimes. [...]

S'ensuit un long argumentaire de Prométhée.

Mercure. Il n’est pas facile, Prométhée, de lutter avec un si vigoureux sophiste. Cependant félicite-toi de ce que Jupiter ne t’a pas entendu : je suis sûr qu’il aurait attaché sur toi seize vautours pour te déchirer les entrailles, tant tu as mis de violence à l’accuser, en paraissant te défendre. Mais je suis étonné qu’étant devin tu n’aies pas prévu le supplice que tu subis.

Prométhée. Je le savais, Mercure, et je sais aussi que je dois être délivré : avant peu un Thébain, de tes amis, viendra ici et tuera à coups de flèches l’aigle dont tu m’annonces l’arrivée.

Mercure. Puisse-t-il en être ainsi, Prométhée ! puissé-je te voir délivré, assis à table avec nous, pourvu seulement que tu ne fasses pas le partage des viandes !

Prométhée. Sois tranquille, Mercure, je m’assiérai bientôt à votre table, et Jupiter me délivrera pour lui avoir procuré un bien grand bonheur.

Mercure. Lequel ? Parle vite.

Prométhée. Tu connais Thétis n’est-ce pas, Mercure ?… mais il ne faut rien dire ; mieux vaut garder mon secret, afin qu’il soit le prix et la rançon de ma délivrance.

Mercure. Garde-le donc, Titan, si tu crois ce parti le meilleur. Pour nous, Vulcain, allons-nous-en ; voici l’aigle qui arrive. Du courage, Prométhée ! Je voudrais déjà voir paraître l’archer thébain, qui doit mettre fin aux cruelles morsures de cet oiseau.

 

HÉSIODE Théogonie [Traduction de A. Bignan, 1841]

Japet épousa Clymène, cette jeune Océanide aux pieds charmants ; tous deux montèrent sur la même couche, et Clymène enfanta le magnanime Atlas, l'orgueilleux Ménétius, l'adroit et astucieux Prométhée et l'imprudent Epiméthée, qui dès le principe causa tant de mal aux industrieux habitants de la terre, car c'est lui qui le premier accepta pour épouse une vierge formée par l'ordre de Jupiter. Jupiter à la large vue, furieux contre l'insolent Ménétius, le plongea dans l'Érèbe, après l'avoir frappé de son brillant tonnerre, pour châtier sa méchanceté et son audace sans mesure. Vaincu par la dure nécessité, Atlas, aux bornes de la terre, debout devant les Hespérides à la voix sonore, soutient le vaste ciel de sa tête et de ses mains infatigables. Tel est l'emploi que lui imposa le prudent Jupiter. Quant au rusé Prométhée, il l'attacha par des noeuds indissolubles autour d'une colonne ; puis il envoya contre lui un aigle aux ailes étendues qui rongeait son foie immortel ; il en renaissait autant durant la nuit que l'oiseau aux larges ailes en avait dévoré pendant le jour. Mais le courageux rejeton d'Alcmène aux pieds charmants, Hercule tua cet aigle, repoussa un si cruel fléau loin du fils de Japet et le délivra de ses tourments : le puissant monarque du haut Olympe, Jupiter, y avait consenti, afin que la gloire de l'Hercule thébain se répandît plus que jamais sur la terre fertile. Dans cette idée, il honora son illustre enfant et abjura son ancienne colère contre Prométhée, qui avait lutté de ruse avec le puissant fils de Saturne. En effet, lorsque les dieux et les hommes se disputaient dans Mécone, Prométhée, pour tromper la sagesse de Jupiter, exposa à tous les yeux un bœuf énorme qu'il avait divisé à dessein. D'un côté, il renferma dans la peau les chairs, les intestins et les morceaux les plus gras, en les enveloppant du ventre de la victime ; de l'autre, il disposa avec une perfide adresse les os blancs qu'il recouvrit de graisse luisante. Le père des dieux et des hommes lui dit alors : "Fils de Japet, ô le plus illustre de tous les rois, ami ! avec quelle inégalité tu as divisé les parts !"
Quand Jupiter, doué d'une sagesse impérissable, lui eut adressé ce reproche, l'astucieux Prométhée répondit en souriant au fond de lui-même (car il n'avait pas oublié sa ruse ingénieuse) : "Glorieux Jupiter ! ô le plus grand des dieux immortels, choisis entre ces deux portions celle que ton cœur préfère."
A ce discours trompeur, Jupiter, doué d'une sagesse impérissable, ne méconnut point l'artifice ; il le devina et dans son esprit forma contre les humains de sinistres projets qui devaient s'accomplir. Bientôt de ses deux mains il écarta la graisse éclatante de blancheur ; il devint furieux, et la colère s'empara de son âme tout entière quand, trompé par un art perfide, il aperçut les os blancs de l'animal. Depuis ce temps, la terre voit les tribus des hommes brûler en l'honneur des dieux les blancs ossements des victimes sur les autels parfumés. Jupiter qui rassemble les nuages, s'écria enflammé d'une violente colère ; "Fils de Japet, ô toi que nul n'égale en adresse, ami ! tu n'as pas oublié tes habiles artifices." Ainsi, dans son courroux, parla Jupiter, doué d'une sagesse impérissable. Dès ce moment, se rappelant sans cesse la ruse de Prométhée, il n'accorda plus le feu inextinguible aux hommes infortunés qui vivent sur la terre. Mais le noble fils de Japet, habile à le tromper, déroba un étincelant rayon de ce feu et le cacha dans la tige d'une férule. Jupiter qui tonne dans les cieux, blessé jusqu'au fond de l'âme, conçut une nouvelle colère lorsqu'il vit parmi les hommes la lueur prolongée de la flamme, et voilà pourquoi il leur suscita soudain une grande infortune. D'après la volonté du fils de Saturne, le boiteux Vulcain, ce dieu illustre, forma avec de la terre une image semblable à une chaste vierge. Minerve aux yeux bleus s'empressa de la parer et de la vêtir d'une blanche tunique. Elle posa sur le sommet de sa tête un voile ingénieusement façonné et admirable à voir ; puis elle orna son front de gracieuses guirlandes tressées de fleurs nouvellement écloses et d'une couronne d'or que le boiteux Vulcain, ce dieu illustre, avait fabriquée de ses propres mains par complaisance pour le puissant Jupiter. Sur cette couronne, ô prodige ! Vulcain avait ciselé les nombreux animaux que le continent et la mer nourrissent dans leur sein ; partout brillait une grâce merveilleuse, et ces diverses figures paraissaient vivantes. Quand il eut formé, au lieu d'un utile ouvrage, ce chef-d'œuvre funeste, il amena dans l'assemblée des dieux et des hommes cette vierge orgueilleuse des ornements que lui avait donnés la déesse aux yeux bleus, fille d'un père puissant. Une égale admiration transporta les dieux et les hommes dès qu'ils aperçurent cette fatale merveille si terrible aux humains ; car de cette vierge est venue la race des femmes au sein fécond, de ces femmes dangereuses, fléau cruel vivant parmi les hommes et s'attachant non pas à la triste pauvreté, mais au luxe éblouissant. Lorsque, dans leurs ruches couronnées de toits, les abeilles nourrissent les frelons, qui ne participent qu'au mal, depuis le lever du jour jusqu'au soleil couchant, ces actives ouvrières composent leurs blanches cellules, tandis que renfermés au fond de leur demeure, les lâches frelons dévorent le fruit d'un travail étranger : ainsi Jupiter, ce maître de la foudre accorda aux hommes un fatal présent en leur donnant ces femmes complices de toutes les mauvaises actions.
Voici encore un autre mal qu'il leur envoya au lieu d'un bienfait. Celui qui, fuyant l'hymen et l'importune société des femmes, ne veut pas se marier et parvient jusqu'à la triste vieillesse, reste privé de soins ; et s'il ne vit pas dans l'indigence, à sa mort, des parents éloignés se divisent son héritage. Si un homme subit la destinée du mariage, quoiqu'il possède une femme pleine de chasteté et de sagesse, pour lui le mal lutte toujours avec le bien. Mais s'il a épousé une femme vicieuse, tant qu'il respire, il porte dans son cœur un chagrin sans bornes, une douleur incurable. On ne peut donc ni tromper la prudence de Jupiter ni échapper à ses arrêts. Le fils de Japet lui-même, l'innocent Prométhée n'évita point sa terrible colère ; mais, vaincu par la nécessité, malgré sa vaste science, il languit enchaîné par un lien cruel.

 

Iconographie


Héraclès libérant Prométhée de son tourment par l'aigle

Coupe attique à figures noires, env. 500 av. J.-C. © Wikimedia Commons

Coupe attique à figures noires. Hérakès libère Prométhée.

Héra et Prométhée

Médaillon d'un kylix à figures rouges de Douris, 490-480 av. J.-C.
Provenance : Vulci (Étrurie) - Cabinet des Médailles, Paris 
© Wikimedia Commons 

Héra et Prométhée

Création de l'homme par Prométhée (Athéna se tient à gauche)

Bas-relief en marbre, Italie, IIIe siècle, Musée du Louvre © Wikimedia Commons 

Création  de l'homme par Prométhée

La création de l'homme par Prométhée

Sarcophage romain, IVe siècle ap. J.-C., Marbre
Musée archéologique national de Naples 
© Wikimedia Commons 

Création de l'homme par Prométhée

Mythe de Prométhée, Piero di Cosimo, XVIe siècle

Ancienne Pinacothèque, Munich © Wikimedia Commons 

Mythe de Prométhée

Prométhée supplicié, Pierre-Paul Rubens, Frans Snyders, 1611-1618

Musée d’art de Philadelphie © Wikimedia Commons
Photographie © Jean-Pol Grandmont


Prométhée, Théodore ROMBOUTS,  XVIIe siècle

Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique © Wikimedia Commons

Prométhée

Prométhée enchaîné, Nicolas-Sébastien Adam, 1762

Marbre - Musée du Louvre, Paris © Wikimedia Commons

Prométhée enchaîné. Statue.
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