Jean de La Fontaine, L'huître et les Plaideurs et Boileau, Épître 2

Confrontation : littératures et cultures antiques/littératures et cultures française et étrangère.

"L’ouverture vers le monde moderne et contemporain constitue l’un des principes essentiels des programmes de langues et cultures de l’Antiquité, dont l’étude, constitutive d’une solide et indispensable culture générale, n’est pas réservée aux seuls élèves qui se destinent à des études littéraires." 

"Travailler de manière méthodique sur les différences et les analogies de civilisation, confronter des œuvres de la littérature grecque ou latine avec des œuvres modernes ou contemporaines, françaises ou étrangères, conduit à développer une conscience humaniste ouverte à la fois aux constantes et aux variables culturelles."

Programmes LCA et LLCA, Préambule.

Un jour deux Pèlerins sur le sable rencontrent   -1
Une Huître que le flot y venait d'apporter :
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
À l'égard de la dent il fallut contester.
    L'un se baissait déjà pour amasser la proie ;        5
L'autre le pousse, et dit : « Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l'apercevoir
En sera le gobeur ; l'autre le verra faire.
                    - Si par là on juge l'affaire,                   10
Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon, Dieu merci.
- Je ne l'ai pas mauvais aussi,
Dit l'autre, et je l'ai vue avant vous, sur ma vie.
- Eh bien ! vous l'avez vue, et moi je l'ai sentie. »
                 Pendant tout ce bel incident,                   15
Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin fort gravement ouvre l'Huître, et la gruge,
Nos deux Messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d'un ton de Président :
  « Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille     20
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille. »
Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui ;
Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles ;
Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.

 

La Fontaine   (livre IX, fable 9)

 

Boileau : épître 2  (vers 41-52)

Un jour, dit un auteur, n’importe en quel chapitre,
Deux voyageurs à jeun rencontrèrent une huître.
Tous deux la contestaient, lorsque dans leur chemin
La justice passa, la balance à la main.
Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose.
Tous deux avec dépens veulent gagner leur cause.
La justice, pesant ce droit litigieux,
Demande l’huître, l’ouvre, et l’avale à leurs yeux,
Et par ce bel arrêt, terminant la bataille :
« Tenez ; voilà, dit-elle à chacun, une écaille ;
Des sottises d’autrui nous vivons au palais.
Messieurs, l’huître était bonne. Adieu. Vivez en paix. »

C’est sous le signe du défi stylistique que La Fontaine écrivit cette fable. Aussi l’enjeu de ce texte est-il, plus que sa moralité, la gloire du poète, son sacre poétique. Car La Fontaine connaissait le texte de Boileau sur le même sujet, et il a essayé de faire mieux que son rival. On peut alors essayer de chercher s’il n’y aurait pas un rapport entre la rivalité fictive des deux plaideurs et la rivalité réelle des deux poètes ; rapport complexe certainement puisqu’il est manifeste qu’ici La Fontaine triomphe de son rival. On cherchera donc où se trouve exactement la moralité de la fable, après avoir étudié ce qui en fait la valeur, à savoir la légèreté du récit et l’humour du trait satirique.

I. La légèreté du récit

            Le choix d’une énonciation particulière, la présence d’une syntaxe simple, et une structure strophique particulièrement adaptée au mouvement du texte donnent à la fable une grande vivacité.

1. Énonciation

a) Trois formes différentes d’énonciation : un récit, puis des paroles, et enfin un discours au lecteur. Onze vers de paroles (+ les quatre du fabuliste lui-même) sur 21 vers, c’est beaucoup, et c’est montrer la scène « en direct », presque comme si c’était une saynette de théâtre. (et ces paroles sont d’autant plus  alertes que le fabuliste ne précise pas qui parle exactement pendant la dispute)

b) Le récit lui-même est vif parce qu’il se fait au présent, et il y a un savant passage de l’actuel (le verbe au présent « rencontrent » au vers 1) à l’inactuel : vers 4 « Il fallut contester » par l’intermédiaire de l’imparfait (temps valable sur les deux plans temporels) (« venait d’apporter », vers 2). Donc le présent est en réalité un présent « historique ». Mais ce récit se donne dans le temps du discours et s’incorpore plus naturellement à tous les vers au style direct qui rapportent les paroles des personnages.

c) Enfin le récit se borne à montrer des gestes, c’est-à-dire, à concrétiser le litige. Par rapport à Boileau, La Fontaine préfère un récit plus long, mais plus concret : il fait voir la scène comme un auteur de théâtre écrirait des didascalies pour mieux faire comprendre le dialogue. Le seul mot abstrait utilisé est le verbe « contester » mais il est plaisamment modifié par son complément : « à l’égard de la dent ». Tous les autres verbes sont des verbes d’action (montrer, baisser, amasser, pousser).

2. Une syntaxe simple

La légèreté du ton est due aussi à une syntaxe caractérisée par des séries de propositions indépendantes qui s’enchaînent sans aucune transition. Ces parataxes sans asyndètes créent la rapidité du récit.

a) Les rapports temporels ne sont jamais indiquée âr des subordinations mais avec des tours plius économiques : soit le jeu des temps (présent/passé cf. v. 4 et 5), soit un simple complément de temps (« pendant tout ce bel incident » v. 15), soit des participes apposés, présents (v. 18 « le regardant ») ou passés (v. 19 « Ce repas fait »).

b) L’implicite permet aussi cette économie : inutile d’expliquer pourquoi Perrin Dandin est choisi comme juge : c’est un personnage du Tiers-livre de Rabelais, qui justement sait fort bien mettre des plaideurs d’accord. Les deux points au milieu du vers 16 font l’économie d’une liaison. Ailleurs aussi les oppositions sont implicites : ainsi les yeux et le doigt (disposés en chiasme d’ailleurs) s’opposent grâce au seul point-virgule à la dent (complément placé en évidence par un contre-rejet interne).

c) Signalons le cas isolé de la longue relative descriptive du vers 2 : outre un intérêt phonétique que l’on verra plus bas, elle donne, outre le décor, une note poétique au vers, qui va, de façon presque ironique, entrer en discordance avec la réaction prosaïque (l’appétit) des deux pélerins.

3. La structure strophique

Elle s’adapte admirablement à toutes les phases de la fable.

a) Le récit lui-même (la voix du fabuliste) est en rimes croisées, au début (v. 1 à 4) et à la fin (v. 22 à 26)ce qui donne une unité à l’ensemble.

b) les paroles : la dispute est d’abord en rimes croisées (pour faire la transition entre le récit et le dialogue) puis en rimes plates mais, pour ménager la transition entre rimes croisées et rimes plates, les rimes croisées du dialogue sont assonancées (« proie-savoir-joie-apercevoir »), et inversement les rimes plates sont assonancées aussi (« merci-aussi-vie-sentie »).

c) L’épisode de la justice : un récit en rimes embrassées avec un cinquième vers reprenant la première rime (incident) « président ». Quant aux paroles du juge, le distique d’alexandrins leur confère la solennité d’un verdict.

Enfin l’alternance du mètre (qui donnera lieu à une étude plus détaillée) introduit aussi de la vivacité : en général le fabuliste et le juge parlent en alexandrins et les plaideurs utilisent les vers mêlés, qui montrent mieux le caractère spontané de la dispute.

II. Une fable satirique

La satire que La Fontaine fait de la justice et de ceux qu’en définitive elle gruge est rendue sensible par une utilisation particulière du vocabulaire, des sonorités et des rythmes.

1. Les discordances du vocabulaire

Elles permettent de se moquer des plaideurs comme du juge.

a) Les plaideurs : ce sont deux pèlerins : le terme, certainement employé avec malice dans son sens le plus particulier (voyage de pèlerinage) s’oppose aux synecdoques prosaïques auxquelles le fabuliste réduit les deux hommes : des yeux, des doigts, des dents. C’est un thème traditionnel dans la veine rabelaisienne, où l’on aime à dénoncer les appétits du corps chez ceux qui disent se consacrer aux choses spirituelles.

b) Le juge : la componction de son discours contraste avec la simplicité de son geste cf. l’adverbe « fort gravement » qui s’oppose à « et la gruge » : ce verbe, qui implicitement garde son sens actuel (« duper » dans un registre populaire – ici ce sont les plaideurs qui sont « grugés ») renvoie aussi au bruit que l’on fait en croquant des croûtes (cf. des rats dans un grenier dit Furetière). Le même Furetière ajoute « se dit, de façon figurée  en en morale, de la chicane qui consomme en peu de temps le bien d’un plaideur ».

Appliqué à l’huître, le terme est on ne peut mieux choisi, puisque la consommation est immédiate (ce que souligne aussi la rime juge/gruge). Même contraste également entre cette consommation et la sentence cf. « d’un ton de président », « la cour » (il représente à lui seul toute la cour d’un parlement) et le « et qu’en paix chacun rentre chez soi » qui sonne comme une bénédiction de fin de messe.

Le fabuliste, par cet effet de discordance, montre bien cette hypocrisie des juges qui sous des phrases ronflantes cachent les profits réels qu’ils ont faits au cours des procès.

2. Les sonorités

Il semble que le schéma des sonorités lui-même fasse sens et invite aussi au rire.

a) La composition du texte et la composition de l’huître : le texte entier en effet met en scène l’objet du litige : une huître dont il ne reste plus que les écailles après  le coup de dent d’un  président (de parlement), Perrin Dandin. L’huître est d’abord annoncée par la rime « TR » (rencontrent) avant que les vers 2, 3, 4, multiplient cette sonorité finale (apporter, montrent, à l’égard de ). Au contraire la fin du récit montre ce qu’il en reste : rime « écaille» / s’en aille », reprise par toutes les occlusives gutturales (la cour, chacun, qu’en, ce qu’il en coûte, compter), tandis que la voix du moraliste récupère l’ensemble de l’huître : l’htre elle-même : aujourd’hui, et ses écailles (sac-quilles). Ainsi cette réduction de l’huître à ses deux écailles est-elle due à la convoitise des deux plaideurs.

b) La dent : c’est la sonorité de ce mot qui relie les deux parties du texte puisque la  « contestation » de la dent  où s’opposent les deux pèlerins entraîne la venue du « président ». Et ce son « dent » que nous avons déjà fait apparaître quelques lignes plus haut se trouve chaque fois à des endroits clés du texte : à la césure pour sa première occurrence (« à l’égard de la dent »), à la rime (incident-président), (avec dans le vers 15 une même allitération « pendant »), dans le nom du président, Dandin, à la césure dans l’adverbe « fort gravement », et dans la rime « le regardant » rime anormale, puisque rime d’un vers surnuméraire, venant interrompre le quatrain formé par les rimes « incident / président, juge / gruge ».

Dernier écho dans la double nasale « sans dépens » et les deux assonances de ce même vers : « en paix, s’en aille »

c) Enfin le récit de la dispute de l’huître utilise un  dernier phonème, le « i » qui sera repris ensuite dans la moralité (cf. les rimes) et les quatre vers assonancés en « i » de la dispute font encore sonner, outre les cris de la dispute, l’objet du litige (merci, aussi,vie, sentie).

3. Les rythmes

Ils participent eux aussi de la même moquerie :

a) Les vers hétérométriques de la dispute montrent bien le désaccord : chacun veut tirer la couverture à lui, d’où le dessin en zigzag : un alexandrin au vers 6 suivi par un octosyllabe au vers 7 (avec une discordance supplémentaire puisque ces vers de mètres différents riment entre eux), puis deux alexandrins pour les vers 8 et 9, un octosyllabe au vers 10, etc. : la querelle est en quelque sorte rendue visible.

b) La satire de la justice apparaît aussi dans le déséquilibre  de la structure des vers 15 à 19, le quatrain est perturbé par un cinquième vers : en principe le quatrain ici est composé de deux octosyllabes et de de deux alexandrins avec des rimes embrassées (dent-juge-gruge-dent) mais le quatrième octosyllabe n’a qu’une rime pour l’oreille et non pour l’œil (le regardant) alors qu’un cinquième vers, un alexandrin, qui syntaxiquement inaugure une nouvelle phrase a bien la bonne rime en -dent (président). Cette incertitude de la structure semble une prise de distance face au sérieux du juge et à sa prétendue justice. On dirait que le fabuliste moque cette gravité affichée dans des vers fantaisistes.

c) Enfin l’utilisation des rejets est souvent comique : au vers 2 la coupe lyrique, entraînée par le rejet du mot « huître » (et prolongée par le long hémistiche poétique) est en discordance avec le désir prosaïque que ce coquillage suscitera. De même le rejet de l’expression « sans dépens », par l’arrêt qu’il impose donne une plus grande importance au mot « dépens », qui veut dire « sans dépense » mais on pense à l’expression « aux dépens de » ce qui en réalité est le contraire de ce que dit Perrin Dandin car c’est à leur dépens qu’il s’est régalé !

III.  De qui se moque-t-on ?

   On a vu que l’œil moqueur de La Fontaine ne s’en prenait pas qu’au juge. En effet, moins manichéenne et moins simple que la le texte de Boileau, sa fable n’épargne aucun des personnages. La satire de la justice est comme justifiée par la bêtise des hommes. Il y a donc deux moralités qui apapraissent mais qui, quand on y réfléchit, pourraient en cacher une troisième.

1. La satire de la justice

a) Reprenant une tradition ancienne, (depuis le Moyen-âge jusqu’à Rabelais) la Fontaine se moque de cette justice qui sous prétexte d’être équitable, spolie les deux parties en procès. La satire est explicite dans la moralité, cf. l’opposition entre « ce qu’il en coûte » et « ce qu’il en reste », et « tire l’argent à lui » et « ne laisse que le sac et les quilles » : c’est une expression populaire qui veut dire « s’enrichir aux dépens d’autrui en ne lui laissant rien » et qui ici reprend tout son sens grâce au mot « sac » (qui apparaît aussi dans Rabelais) : il s’agit dans ce contexte de la justice du sac où l’on entasse toutes les pièces du procès ; et comme, de plus,  l’expression reprend phonétiquement le mot « écailles »,  l’expression est encore plus chargée de sens.

b) On peut aussi souligner que para rapport à Boileau la satire prend une expression plus concrète. Chez Boileau, la justice n’est qu’une allégorie. Ici elle prend le visage précis de Perrin Dandin, qui vient de Rabelais. Ce juge avisé sait intervenir quand les plaideurs n’ont presque plus d’argent (donc quand le procès est mûr) et sont ainsi beaucoup plus disposés à s’entendre. C’est dans Rabelais un juge qui n’est pas comme ici un simple profiteur. Mais peut-être ce souvenir est-il une façon de justifier le juge,  voulant punir la bêtise des plaideurs ?

c) Enfin la satire apparaît dans le contraste entre  le sérieux du ton dans le jugement prononcé et l’objet du litige, une vulgaire huître ; c’est qu’intervient ici une autre satire : si la gravité du juge peut se manifester, c’est que les plaideurs prennent au sérieux des enjeux qui n’en valent pas la peine :

2. Une satire plus générale de la bêtise

Ce qui permet en effet l’existence d’une justice profiteuse, c’est la bêtise des hommes, que le fabuliste excelle à faire apparaître soit indirectement soit par de brèves interventions qui laissent dans leur discrétion toute la place à l’implicite.

a) Le jugement du narrateur : il apparaît à deux reprises : ainsi dans « tout ce bel incident » l’adjectif « bel » modalise le substantif et prend un sens ironique (cet « incident » n’a en réalité aucune importance). De même la proposition participe « Nos deux messieurs le regardant » est une double moquerie : le terme respectueux de « messieurs » contraste avec leur situation (ils sont en train d’être grugés) tandis que le possessif « nos » accentue la moquerie en établissant une connivence entre le lecteur et le fabuliste. Et d’autre part, l’inscription de cette participiale dans un seul vers, après le verbe « gruger » manifeste cette stupéfaction de nos deux plaideurs qui n’en reviennent pas ! le juge, sous leurs yeux, gober cette huître !

b) le dialogue des deux plaideurs révèle aussi un choix du narrateur. Ils se disent des absurdités, cf. le terme de « gobeur », terme populaire, mais qui ici est employé comme une fonction dans une formule pseudo-raisonnable. Et la dispute apparaît dans toute sa mesquinerie, dans cet argument absurde qui oppose la vue à l’odorat (soutenu par le retour de ce « v » de la « vue » qui exprime toute leur avidité (à la rime : savoir-apercevoir, verra, mauvais, je l’ai vue…).

c) De façon générale, La Fontaine a voulu montrer le caractère absolument interchangeable des deux plaideurs. Redoublement comique, bien-sûr ; les mots pour les désigner sont neutres « l’un, l’autre, son compagnon, nos deux messieurs… » et chacun des deux se targuent d’avoir une aussi bonne vue que l’autre (« j’ai l’œil bon / je ne l’ai pas mauvais aussi) ; donc une sorte d’équivalence constante, qui sera justifiée par le don des deux écailles.

3. Des rivaux non interchangeables : La Fontaine et Boileau

Mais si les deux rivaux sont tellement identiques, n’est-ce pas pour mieux montrer, comme par un effet savant de contraste la réelle différence entre les deux autres rivaux que sont, à propos de l’huître – qui la croquera le mieux – La Fontaine et Boileau ? Car la comparaison des deux textes fait conclure sans appel à la supériorité du fabuliste qui, au lieu de raconter, montre et mime : au lieu de dire platement la cause du désir (ils sont à jeun, dit Boileau), il montre le désir (« ils l’avalent des yeux » : notons, à ce propos comment La Fontaine a transformé l’expression employée par Boileau pour décrire l’action du juge qui « l’avale à leurs yeux » : expression dans laquelle « leurs yeux » est un équivalent banal pour dire « devant eux »et le verbe « avaler » a son sens propre ; La Fontaine en fait une expression beaucoup plus parlante,  qui suggère la convoitise  et l’expression, au lieu de désigner la plate réalité prend un sens métaphorique où « les yeux » expriment toute l’avidité du désir.

De même Boileau résume en un vers la double plaidoirie des deux adversaires : « A grand bruit ils expliquent la chose », alors que La Fontaine nous fait assister en direct à l’histoire. Même chose pour le juge : c’est une allégorie, et non un personnage chez Boileau, et son esprit de justice et sa gravité sont évoqués par l’attribut habituel de la justice : « la balance à la main ». Chez La Fontaine, ce sont les sonorités, les rythmes, l’équilibre des vers, le ton sentencieux qui miment la justice sans qu’il y ait besoin de la nommer.

Quelle est donc l’ultime moralité de la fable ? C’est que l’anecdote et sa signification sont en définitive moins importantes que le traitement qu’on lui applique : le but n’est pas la satire de la justice ou des sots qui confient leurs litiges à un juge profiteur et voleur, mais la littérature, ce plaisir d’une représentation où le sens émane d’abord d’une forme artistique. Chez La Fontaine, c’est la forme elle-même qui se fait tour à tour huître, dent, plaideur, juge, alors que chez Boileau, la forme n’est que le véhicule d’une signification qui lui est extérieure. Et c’est pour cela que La Fontaine l’emporte. La fable opposerait alors deux usages identiques et explicites de la langue (les deux plaideurs interchangeables) à deux usages différents : un usage sérieux et un usage ludique où l’usage ludique permettrait au juge, le lecteur en l’occurrence, de déguster avec beaucoup plus de plaisir ces mots qui miment ce qu’ils signifient.

Confrontation : littératures et cultures antiques/littératures et cultures française et étrangère.

"L’ouverture vers le monde moderne et contemporain constitue l’un des principes essentiels des programmes de langues et cultures de l’Antiquité, dont l’étude, constitutive d’une solide et indispensable culture générale, n’est pas réservée aux seuls élèves qui se destinent à des études littéraires." 

"Travailler de manière méthodique sur les différences et les analogies de civilisation, confronter des œuvres de la littérature grecque ou latine avec des œuvres modernes ou contemporaines, françaises ou étrangères, conduit à développer une conscience humaniste ouverte à la fois aux constantes et aux variables culturelles."

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