Auguste : Une biographie en douze questions

Octave, une double origine ?

Caius Octavius est né à Rome en 63 avant J.-C. Son père est issu d'une famille provinciale : c'est un homo novus qui a suivi le cursus honorum jusqu'à la charge de proconsul en Macédoine, la mort l'ayant empêché d'accéder au consulat. Octave n'est donc pas de grande famille, mais, par sa mère, il est le petit-neveu de César.

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César pour grand-oncle, quelle éducation ?

Très vite, César s'intéresse à son petit-neveu et lui fait donner l'éducation d'un jeune noble de riche famille ; Octave apprend la rhétorique, la philosophie, la littérature, et se montre un jeune homme plein de talent. Dès 45 avant J-.C., César en fait son principal héritier, et secrètement, l'adopte, le faisant ainsi entrer dans une lignée aussi prestigieuse que mythique. Il le prépare à une carrière politique à ses côtés, en particulier, en le faisant participer à la guerre en Espagne.

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Que faire après la mort de César ?

Lors de l'assassinat de César aux Ides de Mars 44 avant J.-C., le jeune Octave est en Grèce pour parfaire sa culture. Il rentre à Rome et revendique l'héritage et la succession politique de César. Ce qui ne manque pas d'irriter Marc Antoine, qui a les mêmes ambitions qu'Octave. Ce dernier n'a pas vingt ans. Antoine, quant à lui, en a presque le double : il a le soutien de l'armée. Mais Octave a sur son rival l'avantage d'être le fils d'un "dieu", puisque César est rapidement divinisé après sa mort.

La lutte pour le pouvoir commence, âpre et confuse, entrecoupée de trêves et d'alliances avec un second triumvirat. Elle va durer treize ans. Elle conduit les deux hommes à poursuivre les meurtriers de César, Brutus et Cassius, et à se répartir les provinces, puis à s'affronter jusqu'à la victoire navale d'Octave en 31 avant J.-C. sur Marc Antoine. Peu après sa défaite, Antoine meurt, mais rien n'est réglé.

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Guerre de Modène ; Antoine est battu

 

 

 

 

Antoine vit avec Cléopâtre, reine d'Égypte

Antoine répudie Octavie

 
Victoire d'Octave sur Antoine à Actium

Antoine, vaincu, se suicide avec Cléopâtre

Pacte de Brindes : Octave maître de l'occident, Antoine de l'Orient, Lépide de l'Afrique.

 

Octave écarte Lépide, sans l'accord d'Antoine

Triumvirat : Octave, Antoine et Lépide s'allient pour liquider les meurtriers de César

 

 

Antoine épouse Octavie, soeur d'Octave

 

 


Comment devenir "Le Prince" ?

Les Romains ont beaucoup souffert de la guerre civile (qui leur rappelle des périodes noires de leur histoire : les conflits entre Marius et Sylla, puis entre César et Pompée). Ils ont pris parti pour l'un ou l'autre, ce qui a engendré la haine jusqu'au sein des familles. Le Sénat lui-même est divisé.

Le peuple romain aspire à la paix et la prospérité. Il est temps pour l'homme ambitieux qu'est Octave d'asseoir son pouvoir. Mais il sait que les Romains craignent toujours le retour de la Royauté.

Aussi, en janvier 27 avant J.-C., Octave proclame la restauration de la Res publica, annonce qu'il abandonne la vie publique et rend au Sénat tous les pouvoirs qu'il s'est fait accorder. Mais le Sénat refuse et lui confère le titre d'Auguste.

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Auguste : un fin stratège ?

Auguste organise et met en scène la réconciliation entre les Romains : le souvenir de la guerre civile (dont il a été partie prenante) doit être effacé. La propagande d'Auguste est efficace : il remet en avant les vieilles valeurs romaines (le mos majorum) ; leur abandon est donné comme la cause des guerres civiles. Auguste se veut un nouvel intermédiaire entre les hommes et les dieux, en rétablissant deux valeurs morales, la virtus et la pietas : il sera celui qui applique la justice avec clémence.

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Un pouvoir sans partage ?

En apparence, les institutions républicaines (magistratures, Sénat) continuent à fonctionner. Mais Auguste cumule désormais durablement des fonctions qu'occupaient sous la République des hommes différents et pour des durées limitées (un an).
L'ambition d'Auguste et la concentration des pouvoirs se heurtent à l'opposition, parfois violente, de certains Romains, qui n'hésitent pas à fomenter des complots, en particulier en 23 avant J.-C.
Mais peu à peu le régime s'affermit, et Rome ne connaît bientôt plus qu'exceptionnellement le mécontentement populaire, surtout dû aux famines et aux inondations. En 17 avant J.-C., les jeux séculaires rappellent les valeurs sur lesquelles s'appuie le régime augustéen : Piété, Paix, Prospérité, Consensus ; en bref, l'avènement d'un nouvel âge d'or...

 

L'Empire, source d'enrichissement ?

Auguste, déjà enrichi par l'héritage de César, a profité de la guerre civile et de sa victoire sur Antoine pour augmenter sa fortune (butin, confiscation de biens). Dès 27 avant J.-C., la répartition des provinces de l'Empire entre provinces sénatoriales et provinces impériales - c'est-à-dire dirigées par des représentants de l'Empereur - lui assure un revenu considérable. L'Égypte, qui fournit de grandes quantités de blé (destinées à nourrir la population pauvre de Rome) lui appartient personnellement. Il apprécie aussi d'être couché sur le testament de ses riches contemporains. Il est sans conteste l'homme le plus riche de l'Empire, et trouve ainsi, par ses largesses, le moyen de s'attirer les faveurs du peuple ; c'est ce qu'on appelle l'évergétisme.

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L'empereur : un chef inaccessible ou un homme simple ?

Auguste aime à donner de lui-même l'image d'un homme simple, préoccupé du bien public, accablé de travail. Son mode de vie et sa maison sont volontairement ceux d'un Romain riche certes, mais sans faste particulier. Selon l'écrivain Suétone (dont l'oeuvre, Vies des douze César, colporte volontiers de multiples ragots et " on-dit "), Livie, la seconde épouse d'Auguste, file les toges de son époux. Sa nourriture est frugale et il est sobre ; il vit entouré de médecins, car il est de santé fragile. Volontiers moralisateur, surtout à la fin de son règne, " il ne se départit jamais ", selon Suétone, " de sa passion pour les femmes ".

Trouver un héritier ?

Auguste a établi un pouvoir solide, mais se pose à lui la question de la pérennité de ce pouvoir après sa mort. Il n'a pas de descendant mâle direct (il n'a qu'une fille, Julia, et la tradition romaine interdit tout pouvoir aux femmes). De surcroît, ayant donné au pouvoir qu'il exerce l'apparence d'un retour à la République, il ne peut agir comme le ferait un roi. Il va donc chercher dans son entourage un successeur possible. Son choix se porte d'abord sur son neveu, le jeune Marcellus, auquel il donne pour épouse sa fille Julie en 25 avant J.-C. Mais ce dernier meurt à dix neuf ans, en 23 avant J.-C., avant d'avoir été adopté. Auguste se tourne alors vers un de ses proches, Agrippa, général vainqueur, avec lui, à Actium, et que Julie épouse, toujours pour herit1_0.jpg des raisons d'état, en 21 avant J.-C. De leur union vont naître Caius César (20 avant J.-C.) et Julius César (17 avant J.-C.). Auguste les adopte tous deux en 17 avant J.-C. Il leur donne le titre de " Princes de la Jeunesse " (titre qui n'a aucun fondement légal), en 5 avant J.-C. pour l'aîné et en 2 avant J.-C. pour le second, et les désigne pour le consulat avec cinq ans d'avance sur l' âge légal. Il hâte aussi leur carrière militaire. L'avenir de la dynastie paraît assuré. Mais tous deux meurent en 2 et 4 après J.-C, à la suite de campagnes militaires.

herit2.jpg Auguste rappelle alors à Rome Tibère, le fils né du premier mariage de son épouse Livie (et troisième époux de Julie depuis 11 avant J.-C.), qui s'était de lui-même écarté du pouvoir lorsqu'Auguste avait commencé à favoriser la carrière de ses petits fils. Il l'adopte, lui transmettant ainsi son nom et sa fonction.

Tibère deviendra dès lors le deuxième Empereur de Rome après la mort d'Auguste en 14 après J.-C.

Auguste, homme de guerre ou de paix ?

Après la bataille navale d'Actium, en partie gagnée grâce à la collaboration d'Agrippa, Octave va s'efforcer d'apparaître comme un homme de paix. " Auguste n'avait rien d'un chef de guerre ; il est même, avec Cicéron, l'un des rares romains parvenus très haut sans exploits de cet ordre. " Paul Petit, Histoire générale de l'Empire romain, Le Haut-Empire, collection Points, Seuil, p.36.

Il a cependant la tâche de remettre de l'ordre dans l'Empire romain et d'en assurer les frontières. Entre 28 et 25 avant J.-C., il mène campagne dans le Nord-Ouest de l'Espagne. À partir de 25, et jusqu'en 14 avant J.-C., ce sont Tibère et Drusus, les fils de Livie, qui soumettent les Alpes. Les troupes romaines vont aussi combattre au delà du Rhin et dans les régions danubiennes, pour contenir les Germains qui constituent, depuis la conquête de la Gaule, une véritable menace. L'armée romaine, qui peut un moment penser avoir conquis la Germanie jusqu'à l'Elbe, connaît en 9 après. J.-C., à Teutobourg, une terrible défaite qui marque la fin de l'entreprise de conquête.

Auguste tire surtout sa gloire de son rôle de pacificateur. À ce titre, il souligne qu'il a fait fermer les portes du Temple de Janus, et qu'il a fait restituer, en 20 avant J.-C., les aigles  des légions romaines perdues par Crassus dans sa campagne contre les Parthes en 53 avant J.-C. Cette  restitution fut une victoire plus diplomatique que militaire, et devait assurer une paix durable avec les Parthes. Ce sera le motif représenté sur la cuirasse de la statue dite de la Prima Porta, qui représente Auguste tenant dans sa main droite les insignes (aujourd'hui disparus).

 

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Auguste, à l'origine d'une nouvelle administration ?

Il serait exagéré de prétendre qu'Auguste a inventé l'administration. Mais il a mis en place plusieurs fonctions qui connaîtront un grand développement sous l'Empire.

À Rome, il crée de grands services :
- la préfecture des vigiles, vigilum praefectura, s'occupe de la lutte contre l'incendie et du maintien de l'ordre la nuit.
- la préfecture de la ville, Urbis praefectura, a en charge la police et dirige la ville de Rome en l'absence de l'Empereur.
- la préfecture de l'annone, annonae praefectura, assure le ravitaillement.
- les curatèles sont des services techniques : cura viarum, cura aquarum, cura operum publicum.
Certaines fonctions sont occupées par des sénateurs, mais la plupart des services sont dirigés par des chevaliers, qui deviennent le groupe social dans lequel on puise les hauts fonctionnaires de l'Empire ; leur carrière est désormais strictement organisée.

 

Dans les provinces, à partir de 27 avant J.-C., une partie de l'administration est confiée au Sénat : d'anciennes provinces réputées pacifiées ont à leur tête des proconsuls issus du sénat.

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Une accumulation de titres ?

Auguste dispose dès 30 avant J.-C. de deux types de pouvoir. Certains ont une base légale, d'autres ne se justifient que par son autorité personnelle, l'auctoritas. Cependant, les pouvoirs officiels d'Auguste sont exceptionnels car il s'attribue le droit de les cumuler, et ils sont donnés pour des durées très longues, parfois à vie. Auguste ne conserve que l'apparence du partage des pouvoirs en oeuvre à l'époque républicaine. Très vite, il sera plus que le princeps senatus, " le premier à prendre la parole au Sénat " — le nom de principat dérive de ce titre : il sera le véritable maître de Rome.

 
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