Sabratha, un des trois joyaux de la Tripolitaine

La fondation légendaire de la Tripolitaine

On ne peut pas envisager la fondation de la cité de Sabratha sans celle de la Tripolitaine dans son ensemble.

Selon une légende grecque rapportée par le Périple du Pseudo-Scylax datant du IVe ou IIIe siècle avant J.-C., les deux cités de Carthage – habitée par les Phéniciens – et de Cyrène – habitée par les Grecs – veulent délimiter leurs territoires respectifs. Au lieu de se faire la guerre, elles conviennent d’envoyer chacune le même jour une expédition qui doit longer la côte ; la frontière entre les deux peuples se trouvera à leur point de rencontre.

Conduits par les frères Philènes, les Carthaginois marchent jour et nuit et rencontrent les Cyréniens bien plus près de Cyrène que de Carthage, dans le golfe de la Grande Syrte. Les Cyréniens, mécontents, les accusent d’être partis avant la date fixée et acceptent de reconnaître la frontière à la seule condition que les frères Philènes se fassent enterrer sur place.

Dévoués à leur cité, les frères Philènes acceptent l’accord, délimitant ainsi la frontière économique et politique de leur territoire. L’emplacement, bien que difficile à définir précisément, est marqué par un autel en leur honneur. Cette frontière sert alors de limite à l’Empire romain pour séparer, au Ier siècle avant J.-C., la province d’Afrique (Africa Provincia) et la province de Crète et Cyrénaïque (Cyrenaica Provincia) puis, plus tard, sous Constantin, la province de Tripolitaine ou Libye inférieure (Libya inferior) – dont fait partie la cité de Sabratha – et la province de Libye supérieure (Libya superior) ou Pentapole (Libya pentapolis).

L’histoire de la Tripolitaine et de Sabratha

Carte de la Lybie IIe siècle après J.-C.

Carte de la Libye antique au IIe siècle après J.-C., © C. Berthon

Dès le deuxième millénaire avant J.-C., la Libye est habitée par un peuple indigène berbère, les Libous, installés en Cyrénaïque et redoutés par leurs voisins égyptiens.

Au premier millénaire avant J.-C., les premiers comptoirs de commerce (emporia) des Phéniciens (peuple de marins venus du Liban actuel) sont fondés sur la côte libyenne. Ils servent d’escales temporaires pour développer le commerce avec les tribus locales.

Avant que n’existe la Tripolitaine, le golfe des Syrtes est ainsi divisé en deux territoires distincts situés sur la côte d’Afrique du Nord : la Petite Syrte (golfe de Gabès actuel) à l’Ouest et la Grande Syrte (golfe de Syrte actuel) à l’Est. La navigation y est particulièrement risquée mais cette région compte quelques villes et ports importants comme Sabratha – alors connue sous le nom de Tsabatan –, Leptis Magna ou Oea – nom antique de Tripoli – qui servent au commerce transsaharien. Alors que la côte est globalement dominée par les Carthaginois, ces trois villes forment une enclave indépendante.

Dès le VIIIe siècle avant J.-C., Sabratha est habitée par la tribu berbère des Maces. Ce peuple indigène revendique sinon une possession, du moins le libre accès à la côte et vit en symbiose avec les cités puniques, qui ne sont pas encore organisées en grandes villes. Notons que les Maces appartiennent aux tribus des Gétules, ce qui a une grande importance politique au regard de l’Empire romain. En effet, on sait qu’au IIe siècle avant J.-C., Marius a concédé des terres aux Gétules mais aussi que, pendant la guerre d’Afrique, contre les Numides de Juba, Jules César a pu compter sur le ralliement des Gétules et enfin que, malgré une courte crise gétule rapidement maîtrisée sous Auguste, en 6-7 après J.-C., la cohabitation entre les Gétules et les Romains est parfaitement pacifique.

À partir du VIIe siècle avant J.-C., la Lybie est divisée en trois parties :

  • la Cyrénaïque (Cyrenaica), voisine de l’Égypte et fondée en 631 avant J.-C. par des Grecs venus de l’île de Santorin ;
  • la Tripolitaine (Tripolitania), colonie phénicienne comprenant les trois villes de Sabratha, Leptis Magna et Oea ;
  • le Fezzan (Phazania) qui s’étend sur la région saharienne et désertique et qui est occupé par les tribus indigènes des Garamantes.

Au VIe siècle avant J.-C., les Libyens indigènes tentent de chasser les Grecs avec l'aide des Égyptiens, mais sont vaincus vers 570 avant J.-C. En 514-512 avant J.-C., les Maces, alliés aux Carthaginois, réussissent à expulser les Grecs de la côte de Libye, notamment de la Cyrénaïque.

La cité de Sabratha est fondée au IVe siècle avant J.-C. par les Phéniciens.

À partir du IIIe siècle après J.-C., Oea et Sabratha, comme Leptis Magna, font partie de la regio Tripolitana (région Tripolitaine), province romaine fondée entre 294 et 305 après J.-C. Cette appellation provient du Grec Τριπολιτάνια / Tripolitania et signifie « les trois cités », soit un ensemble de villes liguées dont Oea - Tripoli est la capitale.

Après la défaite de Carthage, lors de la deuxième Guerre Punique (de 218 à 202 avant J.-C.), Sabratha, comme toute la Tripolitaine, passe aux mains des Numides et de leur roi Massinissa de 202 à 148 avant J.-C. puis son petit-fils Jugurtha de 118 à 105 avant J.-C. Ces derniers, d’abord alliés des Carthaginois, passent dans le camp romain et prennent conscience de la position géographique stratégique de la cité : ils transforment ce comptoir en ville permanente afin d'éviter que les Phéniciens installés à Carthage ne s'en emparent. Comme le montre la légende des frères Philènes, toute la côte est sous domination carthaginoise, mais les grandes cités prospères de Sabratha, Oea et Leptis Magna échappent au sort funeste de Carthage, passant sous l’autorité du royaume numide.

Aux II-IIIe siècles après J.-C., Sabratha passe ensuite sous domination romaine : d’abord municipium (municipe) en 111 après J.-C. – ce qui permet la promotion de la ville d'origine indigène à l'intérieur de la cité romaine et lui laisse une importante autonomie –, Sabratha est ensuite incluse dans la province d’Africa Nova (Nouvelle Afrique) et devient colonie romaine en 157 après J.-C.

En 303 après J.-C., les Romains créent la Provincia Tripolitana (province tripolitaine). Les relations avec Rome sont riches : Sabratha fournit à Rome beaucoup d’animaux et de marchandises exotiques – notamment pour les jeux du cirque – comme le prouvent les mosaïques retrouvées à Ostie, le port de Rome ; en échange, Rome récompense la ville en la dotant au cours des IIe et IIIe siècles après J.-C., d’un théâtre, d’un amphithéâtre, de temples et de monuments publics divers. Par ailleurs, Rome fait construire des centenaria, fermes fortifiées qui servent de limes tripolitanus, c’est-à-dire de système défensif au Sud de la Libye contre les invasions des tribus du désert : on en compte plus de 2 000 au IIIe siècle après J.-C.dans le Sud de la Tripolitaine.

De plus, la région de Cyrénaïque cultive des céréales (orge, blé), produit de l’huile d’olive, du vin, des fruits (figues, pommes), élève du bétail (moutons notamment) et produit du silphium, une herbe qui ne pousse qu’en Cyrénaïque et qui sert de remède médicinal et d’aphrodisiaque. Cyrène devient une capitale intellectuelle et artistique grecque très importante.

Au IVe siècle après J.-C., Sabratha est presque totalement détruite et enfouie sous le sable par deux séismes successifs en 310 et 365 ; elle est alors abandonnée par une grande partie de sa population. En outre, les raids de plus en plus fréquents des populations indigènes venues de l’intérieur de l’Afrique affaiblissent la prospérité de Sabratha.

À partir du Ve siècle après J.-C., Sabratha est envahie par des barbares, les Vandales.

Après le retour des Romains en 533-534 après JC, c’est le début d’une histoire mouvementée. Les villes côtières sont partiellement restaurées et fortifiées, mais on observe de nombreuses insurrections dans les villes intérieures de la Tripolitaine. Les Maces sont supplantés par les Maures et d’autres « barbares » jusqu’à la victoire des Byzantins en 548.

Au VIe siècle après J.-C., l’Empire byzantin essaie de faire revivre la cité de Sabratha, sans succès. Leptis Magna ayant subi le même déclin que Sabratha, les Romains s’installent alors à Oea qui devient la ville-phare de la Tripolitaine.

 Sabratha est ensuite conquise par les musulmans au VIIe siècle après J.-C.

L’architecture de la cité de Sabratha

Plan de Sabathra

Plan de Sabathra, © Wikipédia

Distante d’Oea de 70 kilomètres environ vers l'Ouest, Sabratha a été partiellement enfouie sous le sable depuis l’Antiquité.

Il ne reste presque plus rien du port (n°9 sur le plan) de la cité qui fut cependant une plateforme commerciale capitale pour les convois de blé africain en partance pour Rome : on sait que les armateurs de Sabratha (navicularii Sabratenses) possédaient un mouillage (statio) à Ostie sur la Place des Corporations ; une mosaïque décorée d’un éléphant y marque encore l’emplacement de leur bureau par lequel transitait le commerce transsaharien, notamment celui des bêtes sauvages qui servaient aux jeux du cirque. À côté du port, on trouve un pressoir à huile (n°10 sur le plan) qui permettait de presser les olives localement avant de les exporter dans le reste de l’Empire romain.

Les premières murailles phéniciennes de Sabratha sont celles d’une petite cité fortifiée au tracé géométrique. Peu à peu, sous la domination romaine, la ville s’étend vers le Sud selon deux grands axes : le cardo (axe Nord-Sud) et le decumanus (axe Est-Ouest). À partir du IIe siècle après J.-C., la ville étant prospère, elle se développe vers l’Est où l’on construit un théâtre.

On peut classer les monuments retrouvés à Sabratha en deux catégories :

  • ceux d’époque libyco-punique datant du IIe siècle avant J.-C. ;
  • ceux d’époque romaine datant des II-IIIe siècle après J.-C. ;

Les monuments d’époque libyco-punique

Au Sud du forum, le mausolée de Bès (n°13 sur le plan) est un monument qui témoigne d'une communauté économique et culturelle composée des divers peuples : puniques, grecs et égyptiens. On ne sait pas pour qui il a été érigé. Son nom provient du dieu égyptien de la fertilité et de la protection qui y est représenté. C’est un exemple de syncrétisme car il est à la fois décoré de motifs égyptiens – une fausse porte, des disques solaires ailés, le dieu Bès domptant des lions de plus d’un mètre de haut – et de motifs grecs : Héraclès combattant le lion de Némée, des kouroi (jeunes hommes), de trois mètres de haut environ, à cheval. Les colonnes ioniques engagées qui le décorent sont ornées de chapiteaux phénico-cypriotes. L’ensemble du monument est surmonté d’une flèche pyramidale. Il s’agit d’un mausolée hexagonal à côtés droits et concaves : cette forme particulière prend son origine dans l’Égypte hellénistique. Il devait atteindre 23 mètres de haut à l’origine. D’après les sculptures qui le décorent, on peut penser que ce monument a pour but de conjurer le mauvais sort, Bès étant le protecteur des morts, Héraclès ayant un lien avec l’au-delà et les portes représentant le passage vers une autre vie.

Un tophet néo-punique du IIIe siècle avant J.-C. a aussi été retrouvé à 300 mètres à l'Est des ruines de Sabratha non loin de la côte. Une nécropole de l'époque romaine tardive lui est superposée. Il s’agit de la partie centrale d’un sanctuaire à ciel ouvert, où l’on pratiquait les sacrifices en l’honneur des dieux. On y a retrouvé trente stèles en calcaire (hautes de 50-60 centimètres, longues de 35-40 centimètres et épaisses de 10 centimètres), dont certaines sont peintes ou décorées du symbole de Tanit, déesse punico-libyque présidant à la fertilité, aux naissances, à la croissance et à la beauté féminine. Ces stèles sont aussi décorées d’astres, de caducées, de feuilles de palmier. On y a aussi retrouvé des urnes funéraires contenant les os de petits animaux brûlés dont un capridé : il s'agit d'un rite sacrificiel qui remplace un rite plus ancien de sacrifice des enfants.

Les monuments d’époque romaine

La particularité de la cité tient dans son abondance de monuments, notamment dans ses nombreux temples, dédiés à la fois aux divinités étrangères et aux divinités romaines, ce qui témoigne d’un syncrétisme religieux à Sabratha. Comme toute ville romaine, Sabratha est organisée autour du forum (n°7 sur le plan), le cœur économique, religieux, politique et social de la cité. Il est bordé d’une série de tabernae, petites boutiques, de la curie, lieu de réunion du Sénat (n°6 sur le plan) et de divers temples : celui de Jupiter, celui de Sérapis, celui de Liber Pater, celui des Antonins notamment.

À l’Ouest du forum, se situe le plus grand temple, celui de Jupiter (n°3 sur le plan), considéré aussi comme un capitolium (Capitole) par certains archéologues. Ce temple, pseudo-périptère (c’est-à-dire entouré de colonnes seulement sur une partie de son pourtour, généralement en façade et sur une partie des côtés), est élevé sur un podium creux et tourne sa façade principale tétrastyle (comprenant quatre colonnes) vers le forum (c'est-à-dire vers l’Est, où se lève le soleil). Il est construit en grès avec un revêtement en marbre et mesure 32,70 mètres sur 22 mètres pour 4,20 mètres de haut. L'intérieur est accessible par deux portes, situées à l'extrémité Ouest des côtés Nord et Sud du podium. Un mur transversal et deux petits murs longitudinaux le divisent en six pièces de dimensions irrégulières. Sur la face Est du podium, on peut voir deux séries d’escaliers, contenant au total trente-trois marches, séparés par une plateforme presque carrée (12,70 mètres par 12,50 mètres) qui servait de tribune aux orateurs ou de base d'autel. Une citerne se situe sous le dallage de cette plate-forme. La cella (maison du dieu) du temple, qui mesure 15,90 mètres sur 7,15 mètres, était vraisemblablement divisée en trois parties à l’origine, qui furent ensuite rassemblées en une seule pièce. Sur le pavement du temple, on a recueilli deux bustes colossaux, l'un de Jupiter, l'autre de la Concorde, dons d'un certain Africanus ; des chambres aménagées dans le soubassement, on a retiré des débris de toute sorte :  inscriptions, statues, lampes, objets de bronze. Dans un petit magasin voisin du sanctuaire, on a trouvé quelques-uns des ex-voto qui s'y vendaient aux dévots. La datation de ce temple n’est pas clairement définie : entre le Ier siècle avant J.-C. et le début du IIe siècle après J.-C.

À l’Est du forum, se trouve le temple de Liber Pater (n°11 sur le plan) placé au centre d'une cour bordée de portiques sur les côtés latéraux et en arrière, ce qui l’isole tout particulièrement de l’agitation de la cité. L'épigraphie et un texte littéraire nous confirment le culte de Liber Pater à Sabratha en mentionnant la présence de prêtres ou de mystes de ce dieu. Liber Pater est l’équivalent phénicien de Dionysos et l’un des dieux tutélaires de la famille de Septime Sévère. L’édifice, orienté à l’Ouest, est un temple périptère (intégralement entouré de colonnes) et hexastyle (avec six colonnes en façade), dont trois seulement subsistent. Il est construit en grès ; ses colonnes sont surmontées de chapiteaux corinthiens, décorées de stuc et à fûts cannelés. Il est surélevé grâce à un podium qui incorpore des éléments d'édifices antérieurs. Il est constitué d’un vestibule in antis (les murs latéraux s’étendent jusqu’à l’avant du porche et se terminent par deux antae / antes) et d’une cella, peut-être d’un ὀπισθόδομος (opisthodomos / opisthodome, partie cachée du temple, située à l’arrière de l’édifice et en souterrain). Construit au milieu du Ier siècle après J.-C., il est reconstruit et remanié à plusieurs reprises jusqu’au IVe siècle après J.-C.

Au Nord-Ouest du forum, à côté du temple de Jupiter, est situé le temple de Sérapis (n°1 sur le plan). Le temple pseudo-périptère, construit en grès local recouvert de stuc, se dresse sur un podium de 50 centimètres contre le portique Ouest du forum, à l'intérieur d'une enceinte de 40 mètres sur 28 mètres. Le temple mesure 19,20 mètres sur 11,60 mètres ; sa façade est tournée vers l'Est. Le temple ne comprend pas de vestibule mais est composé d’une cella. À côté du temple, se situe une aire sacrée qui complétait le sanctuaire. Construit vraisemblablement à l’époque d’Auguste, il a été abandonné au IVe siècle après J.-C.

Au Sud du forum, se trouve un temple anonyme (n°8 sur le plan). Il est orienté à l'Est et mesure 23,50 mètres sur 13,5 mètres environ. Il est construit de blocs de grès réguliers et, par endroits, de différents types de marbre. Il se dresse au-dessus d’un podium de 2 mètres de haut. Il s’agit d’un temple tétrastyle d'ordre corinthien avec un pronaos (vestibule) profond. La façade du temple uniquement est recouverte de marbre. Cet édifice date peut-être du IIe siècle après J.-C. On ne sait pas avec certitude à qui il est dédié : le Génie de la Colonie ? Caelestis, divinité carthaginoise assimilable à Tanit ?

Au Sud du temple de Liber Pater, on trouve le temple des Antonins (n°16 sur le plan) dont l’entrée se situe à l’Ouest. Il s’agit d’un temple pseudo-périptère comprenant une cella et un vestibule tétrastyle élevés sur un podium creux, au-dessus de 23 marches, mesurant 23,70 mètres sur 10,50 mètres et haut de 4 mètres. Il est bâti en calcaire et probablement recouvert d'un enduit fin ou de marbre. Une porte, percée ultérieurement à la construction de l’édifice, dans le mur Nord du podium donne accès à deux grandes fauissae (caveaux sous les temples servant de dépôt pour le matériel) situées sous la cella du temple ; celle du Nord est transformée en citerne. Le vestibule présente quatre colonnes corinthiennes en façade et deux sur les côtés. L'architrave en marbre porte la dédicace mentionnant les Antonins et permet de dater la construction du temple entre 166 et 169 après J.-C. Le temple est bordé d’une zone d’habitations domestiques comme la Villa Brogan (n°15 sur le plan) qui doit son nom à Olwen Brogan, l’archéologue qui a fouillé le site au début du XXe siècle.

Le temple d'Hercule (n°20 sur le plan) s'élève au Nord du théâtre, dans le nouveau quartier, sur le côté Sud du decumanus maximus. II est orienté au Nord et il mesure 20 mètres sur 10,12 mètres. Il est construit sur un podium, mais il ne reste aucun vestige du plan de la cella et de ses dépendances. L'attribution du temple à Hercule repose sur la découverte, devant les escaliers, d’une statue du dieu assis. D’après la dédicace et le quadrillage urbain, la construction du temple aurait commencé dès 160 environ et se serait terminée en 186-190 après J.-C.

Le sanctuaire d’Isis (n°25 sur le plan) est situé en bord de mer, au Nord-Est de la nouvelle ville, à 100 mètres à l'Est des thermes de l'océan. Le temple d’Isis est orienté à l’Est et se dresse sur un podium de 22,40 mètres sur 13,21 mètres, de hauteur inconnue, abritant une importante citerne et plusieurs pièces ; il est situé au centre d'une cour rectangulaire entourée d'un quadriportique et close par une enceinte. Les murs sont construits avec des blocs parallélépipédiques en calcaire local liés entre eux. Le temple contient une crypte ayant une fonction cultuelle, qu’on ne considère pas comme une fauissa. Il ne subsiste que peu d'éléments du niveau supérieur du temple mais les vestiges de neuf colonnes corinthiennes laissent envisager l'existence d'une colonnade, peut-être périptère et tétrastyle en façade. Son vestibule devait mesurer 4,90 mètres sur 9,61 mètres et sa cella 7,50 mètres sur 9,61 mètres. Le temple est inscrit dans un sanctuaire plus complet composé d’autels, d’une crypte, d’un puits, de citernes d’eau pour les libations et purifications, ainsi que d’un enclos sacré. Le premier temple remonte à l'époque hellénistique ou à l'époque d'Auguste ; le temple est reconstruit, après un tremblement de terre, sous Vespasien en 77-78 après J.-C., d'après la dédicace. L'identification du sanctuaire repose sur les inscriptions et les statues d'Isis, mais on pense que le sanctuaire était peut-être aussi être dédié au dieu Sérapis, souvent représenté en compagnie d’Isis, comme à Leptis Magna.

Sur le côté Sud du forum, s’élève une basilique appelée « basilique d’Apulée » (n°4 sur le plan) car le procès de l’écrivain Apulée se serait certainement tenu ici en 157 après J.-C. : d’origine berbère, Apulée y fut acquitté, alors qu’il était accusé par sa femme et sa belle-famille d’avoir recouru à la magie pour épouser une riche héritière, rencontrée à Oea. La salle de la basilique mesure 48,5 mètres sur 26 mètres, contient un portique intérieur et une abside à une extrémité, selon les prescriptions de Vitruve. Dans l'exèdre de la basilique d’origine, où est située la tribune des juges, on a découvert un groupe de statues impériales qui datent du Ier siècle après J.-C., ce qui suggère l'existence d'un autel du culte impérial à cet endroit. Au IIe siècle après J.-C., l'édifice est agrandi pour passer à 72 mètres de long. Au Ve siècle après J.-C., la basilique est transformée en église chrétienne. Au VIe siècle après J.-C., sous Justinien, sont construites d’autres basiliques chrétiennes (n°2 et n°26 sur le plan).

Au Sud de la cité, se trouve un établissement thermal (n°18 sur le plan) de dimensions assez modestes, mais décoré de mosaïques dans le frigidarium (bain froid).

Au Nord de la cité, en bord de mer, les thermes de la Mer (n°14 sur le plan) datent des Ier et IIe siècles après J.-C. : ce sont les plus grands de Sabratha. Ils conservent de magnifiques pavements de mosaïques à motifs géométriques ainsi qu’une mosaïque représentant la tête de Neptune. Leurs latrines hexagonales en marbre sont également très bien conservées.

À l’Est de la cité, le théâtre (n°27 sur le plan) est l’élément phare de la ville car c’est le plus grand d’Afrique romaine et celui dont le mur de scène est le mieux conservé : il comprend trois niveaux de colonnades et une série de bas-reliefs qui décorent le pulpitum (petit mur qui sépare la scène de l’orchestre). On ne sait ni exactement quand ni pourquoi il a été construit : il date vraisemblablement de la fin du IIe siècle après J.-C. ou du début du IIIe siècle après J.-C. et a certainement été édifié à l’initiative de commanditaires privés. Il pouvait accueillir environ 5 000 spectateurs. Le théâtre est endommagé par les tremblements de terre de 310 et 365 après J.-C., mais on sait, d’après des inscriptions, qu’il sert encore au IVe siècle après J.-C. Abandonné après un incendie au IVe siècle après J.-C., il est occupé par des habitations privées puis sert de carrière de pierre pour la reconstruction de nouveaux édifices. Le théâtre est construit à même le sol, selon le plan type des théâtres romains et disposé de manière à ce que les spectateurs aient la mer pour toile de fond derrière le mur de scène. À l’extérieur, il est constitué de trois étages d’arcades dont le rez-de-chaussée est percé de 25 entrées permettant d’accéder à la cavea et aux gradins grâce à cinq vomitoria (vomitoires permettant la circulation des spectateurs). À l’intérieur, la cavea, de 92,6 mètres de diamètre, est divisée en trois maeniana (niveaux de gradins) : ima cavea (niveau inférieur) constitué de 12 gradins divisés en 6 cunei (sections de gradins) et dont 4 gradins étaient réservés aux notables ; media cavea (niveau médian) constitué de 7 gradins divisés en 7 cunei ; summa cavea (niveau supérieur), aujourd’hui disparu, qui devait égaler la hauteur du frons scenae (mur de scène) soit 22 mètres et être constitué de 15 gradins. Le mur de scène, percé traditionnellement de trois portes, est d’un aspect monumental à la fois par sa taille et sa décoration : il contient 96 colonnes corinthiennes toutes différentes, sculptées dans des marbres de différentes provenances et couleurs. La scena (scène) mesure 42,7 mètres sur 8,55 mètres pour 1,38 mètres de haut. L’orchestra (orchestre) – mesurant 25 mètres de diamètre pour les notables et 15 mètres pour le reste de la population – est recouvert de marbre importé de Proconnèse (Turquie actuelle) et est délimité par des balustrades représentant des dauphins sculptés. Le pulpitum est ponctué alternativement de trois niches semi-circulaires et quatre niches rectangulaires, décorées de sculptures riches et variées : des danseuses, des acteurs, des mimes, des pantomimes, des philosophes, des colonnades, le Soleil, la déesse Fortune, les Neuf Muses, une allégorie de la cité de Sabratha, des troupes de soldats, des scènes de sacrifice religieux, les dieux Mercure et Bacchus, des masques de la Tragédie et de la Comédie, le héros Hercule, le jugement de Pâris, les Trois Grâces, l’allégorie de la Victoire…

Situé à l’extérieur de la ville, à un kilomètre à l’Est environ, un amphithéâtre du IIe siècle après J.-C. trouve place en bord de mer ; sa capacité d’accueil était de 20 000 spectateurs au maximum. Il était très fréquenté lors des grandes fêtes liées au commerce avec l’Afrique centrale où l’on vendait de l’or, de l’ivoire, des animaux et des esclaves. On venait y voir d’impressionnants munera (combats de gladiateurs) et même des naumachia (naumachies, reconstitutions de batailles navales). L’édifice est orienté Est-Ouest et est implanté dans d’anciennes latomies, carrières de calcaire à ciel ouvert ; il est constitué de plusieurs rangées de gradins (dont douze subsistent) étagés sur trois niveaux formant un total de 10 mètres de haut. L’arena (arène) forme une ellipse de 45 mètres sur 30 mètres. D’après une inscription retrouvée à Sabratha, on sait qu’un duumvir (magistrat qui exerce sa fonction conjointement avec un autre) de la cité y offrit cinq jours de spectacles comprenant des combats de gladiateurs.

La Tripolitaine et Sabratha aujourd’hui ?

Le site archéologique des trois cités d’Oea, Sabratha et Leptis Magna a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1982. Cependant, ces cités sont exposées à l’érosion des vents et des embruns marins ainsi qu’au tourisme et aux pillages divers qui dégradent les sites archéologiques. Par ailleurs, la situation politique instable de la Libye explique que les sites de Leptis Magna et Sabratha aient été inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril en 2016.

Ce qu’en dit Pline l’Ancien :

 

Tertius sinus dividitur in geminos, duarum Syrtium vadoso ac reciproco mari diros. Ad proximam, quae minor est, a Carthagine CCCM passus Polybius tradit : ipsam centum mille passuum aditu, CCC mille ambitu. Et terra autem, siderum observatione, ad eam per deserta arenis, perque serpentes iter est.

 

Un troisième golfe se partage en deux golfes, les Syrtes, périlleuses par la marée et les hauts-fonds. La plus voisine, qui est la plus petite, est, d’après Polybe, à 300 000 pas de Carthage, et a une entrée de 100 000 pas et un circuit de 300 000. Par terre, pour s’y rendre, il faut se guider sur les astres et traverser des déserts remplis de sables et de serpents.

 

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, V, IV, 1, traduit par Emile Littré, 1778.

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