Le Panthéon de Rome un emblème éternel

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Le Panthéon : une architecture impressionnante

Les fouilles réalisées à la fin du XIXè siècle révélèrent que le plan du premier Panthéon était celui d’un temple grec classique : rectangulaire, large de 43,76 m et profond de 19,82 m, fait de trois assises de blocs de travertin, pourvu sur sa face Sud d'une avancée de 21,26 m de large, où se faisait l’entrée.

Après la destruction du monument par des incendies, le monument fut vraisemblablement reconstruit, de manière novatrice, par l’architecte Apollodore de Damas sous Hadrien (76-138). L’Empereur, passionné d’architecture et soucieux de laisser une image de bâtisseur, mobilisa une main-d’œuvre nombreuse, maîtrisant des techniques multiples : le travail de la pierre, de la brique, du béton (fait à partir de chaux mêlée à des cailloux), la décoration recherchée faite de matériaux provenant de tout l’Empire romain, le jeu sur l’éclairage intérieur provenant de la lumière extérieure. Le Panthéon est ainsi restructuré avec :

  • Un portique, le pronaos, marquant la frontière entre les mondes profane et sacré :
    • Il est large de 33,10 m et profond de 15,5 m, soutenu par 16 colonnes monolithiques de granite égyptien gris et rose, hautes de 14,15 m, surmontées de chapiteaux corinthiens en marbre grec blanc : huit sur la façade, deux sur chaque côté divisant le portique en trois parties dans le sens de la largeur.
    • Le fronton triangulaire, actuellement nu, était certainement décoré d’aigles en bronze aux ailes déployées.
    • Ainsi structuré, le pronaos ressemble à un temple à trois nefs contenant trois grandes niches : l’une, centrale, composée de la porte en bronze rectangulaire, et deux latérales, circulaires, contenant certainement à l’origine les statues d’Auguste et d’Agrippa.
  • Après un cube de transition, on observe une partie intérieure, la cella, d’un diamètre extérieur de 58 m et d’un rayon intérieur de 21,7 m égal à sa hauteur, ce qui implique que la voûte s’inscrit dans une sphère parfaite de 150 pieds romains, soit près de 40 m ; elle est construite en blocs de travertin de 6 m d’épaisseur et revêtue autrefois de plaques de marbre. Cette partie du monument l’a fait surnommer « la rotonde » en raison de son plan sphérique innovateur :
  • L’intérieur de la cella est rythmé par une suite de colonnes monolithes aux piliers corinthiens creux, taillés dans des marbres d’Afrique et d’Orient, réparties de chaque côté de 8 niches alternativement arrondies et rectangulaires.
Colonnes corinthiennes

Colonnes corinthiennes et marbres colorés, © Wikimedia Commons

  • Au sol, on peut voir des figures géométriques (rondes et carrées) polychromes sculptées dans des matériaux importés d’Égypte, aussi riches et divers que le marbre, le porphyre et le granite, disposés en opus sectile (technique qui utilise des marbres taillés pour la décoration des pavages), comme le prouve la photographie suivante : 
Intérieur du Panthéon

Intérieur du Panthéon, © Wikipédia Commons

 

  • La salle circulaire est constituée de fenêtres carrées, qui sont aujourd’hui recouvertes de plaques de marbre mais qui devaient être grillagées pour laisser entrer la lumière.
  • La rotonde est surmontée d’une coupole de 50 m de diamètre environ, formée de cinq anneaux de taille décroissante, ornés de vingt-huit caissons chacun dans lesquels étaient insérés des éléments en bronze, peut-être des étoiles. A l’extérieur, la coupole était revêtue de tuiles de bronze et de marbre.
  • La coupole est percée en son centre d’un oculus (œil) de 9 m de diamètre qui laisse entrer la lumière du jour. Cet élément architectural était fréquent dans les thermes mais inédit dans les temples.
La coupole et son oculus

 La coupole, ses caissons et son oculus, © Wikimedia Commons

  • On peut se demander comment une coupole de plus de 5000 tonnes subsiste depuis plus de 2000 ans. Les architectes qui l’ont bâtie connaissaient parfaitement la résistance des matériaux et le jeu des poussées exercées par la voûte ; c’est pourquoi l’oculus est renforcé par un cercle de bronze. De plus, les bâtisseurs ont utilisé différents mortiers en fonction des différents endroits du bâtiment à ériger : le socle de la coupole est en opus caementicium, un type de béton composé de sable et de chaux mêlés à des écailles de calcaire, coulé entre deux parements de briques ; la coupole elle-même est réalisée en béton coulé sur coffrage en forme de caissons et renforcée par une armature d’arcs de briques. A l’approche du sommet, le béton est allégé en y intégrant de la pouzzolane, une sorte de pierre ponce.
  • Pour évacuer les eaux de pluie qui pénètrent par l’oculus, le dallage au sol est légèrement convexe avec une surélévation de 30 cm à environ 2 m du centre de la rotonde.

La symbolique du monument

Si le premier temple du Panthéon n’avait qu’une fonction religieuse, on sait que, sous Hadrien, il acquit une fonction juridique puisque l’Empereur y rendait la justice. Ainsi, la lumière directe du soleil, projetée à l’intérieur, rythmait le temps et éclairait le trône impérial, mettant ainsi l’Empereur sous la protection du divin Hélios et de tous les dieux.

De plus, lorsqu’Hadrien fit reconstruire le Panthéon, il orienta la façade du Panthéon vers le Nord, en direction du Champ de Mars, lieu réservé aux funérailles impériales, et lieu mythique où aurait disparu Romulus lors d’un violent orage au moment où il inspectait ses troupes. Le monument devint donc un emblème de l’Imperium romanum, un moyen de propagande impériale, au même titre que les arcs de triomphe. La politique de grands travaux entreprise par l’Empereur est effectivement impressionnante : il fit aussi construire à Rome, son mausolée (actuel château Saint-Ange), les temples de Vénus et de Rome ; à Tibur (Tivoli), la fastueuse villa Hadriana ; en Egypte, à la mémoire de son ami Antinoüs, la ville d’Antinoupolis ; et, pour délimiter l’Empire romain, le mur d’Hadrien.

Ce qui frappe surtout dans l’architecture du Panthéon, ce sont ses formes symboliquement parfaites, qui en font un véritable symbole cosmique, lié au divin :

  • Selon l’historien Dion Cassius, au début du IIIè siècle, la coupole du Panthéon, certainement ornée d’étoiles en bronze, traversée de jeux de lumière presque magiques, symbolisait la voûte céleste, au centre de laquelle se trouvait le cœur mythologique de Rome.
  • Dans les sept niches de la cella, on trouvait certainement les statues des sept divinités planétaires connues à l’époque ; peut-être faisaient-elles aussi référence au nombre des sept jours de la semaine.
  • Les 28 caissons, nombre pythagoricien multiple de 7, recouverts de bronze, faisaient certainement référence aux 28 jours que comporte un mois lunaire.
  • Le Panthéon, même s’il est dédié à tous les dieux, a un point commun avec le Parthénon d’Athènes, au nom fortement similaire : il est secrètement dédié à Pallas Athéna, dont chacun des deux temples possédait une statue à l’origine. Ce n’est pas un hasard si l’on se souvient de l’admiration que portait Hadrien à la Grèce. Tout comme le Parthénon est le centre de l’Empire grec, le Panthéon se voulait être le centre de l’Empire romain.
  • Le monument présente un équilibre parfait entre cercles et carrés d’abord par son architecture extérieure mais aussi par sa décoration intérieure, au sol notamment. Cette alliance de contraires permet d’unir la ligne droite, symbolisant le monde mortels, à la ligne courbe, symbolisant celui des immortels. Les nombre π (qui réconcilie la droite du diamètre et la circonférence du cercle), le "Nombre d'or" *, les chiffres 3 et 5 qui sont ceux du "carré magique" ** ou l'hypoténuse d’un triangle rectangle de côtés 3 et 4 sont des moyens de les allier. Or, ils sont à la base de la structure architecturale du Panthéon.

* La formule algébrique de cet "irrationnel" est (√5 ± 1) : 2. La valeur décimale des deux racines est 1, 618 et 0, 618, (inverses, dont le produit vaut donc l'unité).

** Le carré magique d’ordre n est composé de n2 entiers positifs, écrits sous la forme d’un tableau carré, disposés de sorte que leurs sommes sur chaque rangée, sur chaque colonne et sur chaque diagonale principale soient égales.

  • Dans la coupole du Panthéon, peut s’inscrire un pentagone étoilé, ou pentagramme, le signe de reconnaissance secret de la Confrérie Pythagoricienne, dont il représente le lien étroit entre le Ciel et la Terre. En effet, les deux parties du monument, temple et cella, sont étroitement imbriquées l’une dans l’autre. Cet équilibre architectural ainsi créé relève de l’"Harmonie des sphères" si chère aux Anciens.
  • L’oculus du Panthéon fait référence au Mythe de la Caverne raconté par Platon car, de la "caverne" qu’est la coupole peut naître, par son ouverture unique, la vraie lumière.

Le Panthéon est donc un monument où Ciel et Terre, Feu solaire et Eau de pluie, ligne droite et courbe, Soleil de l’oculus et Lune liée aux 28 caissons sont des contraires qui peuvent se réconcilier. On pense que c’est l’architecte Vitruve qui aurait supervisé l’ouvrage d’Apollodore de Damas ; or Vitruve était pythagoricien. Selon lui, un monument devait être constitué de la présence des quatre éléments : Terre, Eau, Air et Feu. Or, la brique, utilisée dans la construction du Panthéon, en est un mélange ; le marbre, par son éclat et sa structure cristalline, représente leur synthèse, le cinquième élément, théoriquement invisible ; leur association permet donc d’accéder à l’Ether, domaine des Dieux.

Ainsi, communiquant avec le Ciel, la coupole du Panthéon représentait donc, comme l’écrit Marguerite Yourcenar dans les Mémoires d’Hadrien en 1951, « la forme du globe terrestre et de la sphère stellaire, du globe où se renferment toutes les semences du feu éternel, de la sphère creuse qui contient tout ».

Le Panthéon après l’Antiquité

Au IIè siècle après J.-C., une première restauration eut lieu sous Antonin le Pieux puis, en 202 après J.-C., une seconde restauration fut effectuée par les Empereurs Septime-Sévère et Caracalla, comme l’atteste une inscription plus petite que celle gravée sur le premier fronton du temple.

Au IVème s., le Panthéon, lieu païen, fut fermé par les Empereurs chrétiens. Au Vè siècle, il fut pillé par les Barbares. Donné au Pape Boniface IV en 608 après J.-C. par l’Empereur byzantin Phocas, il fut ensuite transformé en église, Sante Marie des Martyres, ce qui lui permit de conserver son aspect d’origine.

Pourtant, le Panthéon fut dépouillé à plusieurs reprises : de ses tuiles dorées et de ses marbres extérieurs par l’Empereur byzantin Constant II au VIIè siècle, de ses bronzes au XVIIè siècle par le Pape Urbain VIII pour orner la Basilique Saint-Pierre. Au XVIIè siècle encore, Le Bernin lui ajouta des clochers, surnommés « les oreilles d’âne » ; ils furent enlevés au XIXè siècle.

Après la Révolution, le Panthéon devint un édifice dédié à tous les hommes et non plus à tous les dieux. Dans ce sanctuaire reposent notamment aujourd’hui deux rois d’Italie, Victor-Emmanuel II et Umberto Ier, ainsi que des artistes comme Raphaël.

Ce qu’en dit Pline l’Ancien : Histoire naturelle, XXXVI, 25

Agrippae Pantheum decoravit Diogenes Atheniensis; in columnis templi eius Caryatides probantur inter pauca operum, sicut in fastigio posita signa, sed propter altitudinem loci minus celebrata.

 

Diogène d'Athènes décora le Panthéon d’Agrippa ; sur les colonnes de ce temple, les Caryatides passent pour des chefs-d'œuvre, de même que les statues posées sur le faîte : mais à cause de leur hauteur, ces dernières sont moins appréciées.

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