Les sirènes, femmes-oiseaux à la voix ensorcelante

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De mystérieuses femmes-oiseaux

Les Sirènes (Σειρήνες / Seirènes) sont des créatures mythologiques à demi-femmes et à demi-oiseaux. Apollodore nous dit d’elles dans son Epithomé (VII, 18) : « De la taille aux pieds, elles avaient l'aspect d'oiseaux. »  

Plusieurs versions entourent leur généalogie. Selon Apollodore, elles sont les filles du dieu-fleuve Achéloos et de Stérope ou Mélpomène. Pour Servius, leur mère est Calliope ; pour Euripide, il s’agit de Gaïa. Plutarque les mentionne comme les filles du dieu marin Phorcys et de Céto. Quant à Libanios, il rapporte qu’elles sont nées du sang d’Achéloos, lorsqu’il a été blessé par Héraclès.

Elles sont mentionnées une première fois dans l’Odyssée au chant XII, vers 39 et 40 :

Σειρῆνας μὲν πρῶτον ἀφίξεαι, αἵ ῥά τε πάντας
ἀνθρώπους θέλγουσιν, ὅτις σφεας εἰσαφίκηται. 

Il vous faudra d’abord passer près des Sirènes. Elles charment tous les mortels qui les approchent. 

L’emploi du duel Σειρήνοιιν / Seirènoiin aux vers 52 et 167 suggère qu’elles ne sont que deux dans l’épopée homérique. D’autres traditions plus tardives en dénombrent trois, voire quatre. Selon Apollodore, elles étaient trois : Pisinoé (celle qui persuade), Aglaopé (celle au beau visage), Thelxepia (celle qui méduse par le chant épique) et elles étaient considérées comme des musiciennes extraordinaires : l’une jouait de la lyre, une autre chantait, la troisième avait la flûte pour instrument. 

Ovide, dans les Métamorphoses, raconte que les Sirènes n’ont pas toujours eu des ailes d’oiseaux. Autrefois, elles étaient des jeunes filles ordinaires, compagnes de Perséphone. Mais lorsque celle-ci a été enlevée par Hadès, elles ont demandé aux dieux de leur donner des ailes pour pouvoir la chercher aussi bien sur mer que sur terre : 

Quam postquam toto frustra quaesistis in orbe,
protinus, et uestram sentirent aequora curam,
posse super fluctus alarum insistere remis
optastis facilesque deos habuistis et artus 

Après avoir vainement parcouru toute la terre pour retrouver la déesse, vous voulûtes la chercher sur les vastes mers, et vous implorâtes des ailes. Vous éprouvâtes des dieux faciles. Ils exaucèrent vos vœux ; et, pour conserver vos chants, dont la mélodie charme l'oreille, ils vous laissèrent des humains les traits et le langage.   (Livre V, vers 556-560)

D’autres auteurs rapportent que cette transformation est une punition infligée par Déméter parce qu’elles ne s’étaient pas opposées à l’enlèvement de sa fille ou que c’est Aphrodite qui leur a enlevé leur beauté parce qu’elles avaient méprisé les plaisirs de l’amour.

Quoi qu’il en soit, ce lien établi entre les Sirènes et Perséphone fait d’elles des êtres ambigus, proches des divinités chthoniennes et donc de la mort mais restées néanmoins du côté céleste avec leurs nouvelles ailes.

Une fois transformées, très fières de leur voix, elles ont voulu rivaliser avec les Muses qui, vexées, les ont plumées et se sont fait des couronnes de leurs dépouilles. Depuis lors, les Muses portent presque toujours des plumes dans leur chevelure.

Plus tard, la dimension chthonienne des Sirènes s’est renforcée, les associant de plus en plus à des divinités de l’au-delà : c’est à ce titre qu’elles sont souvent représentées sur les sarcophages, symbolisant le passage de la vie à la mort. Euripide évoque dans Hélène ce caractère funéraire des Sirènes aux vers 167 à 178 :

πτεροφόροι νεάνιδες,
παρθένοι Χθονὸς κόραι,
Σειρῆνες, εἴθ´ ἐμοῖς
γόοις μόλοιτ´ ἔχουσαι Λίβυν
a λωτὸν ἢ σύριγγας ἢ
φόρμιγγας αἰλίνοις κακοῖς
τοῖς ἐμοῖσι σύνοχα δάκρυα,
πάθεσι πάθεα, μέλεσι μέλεα,
a μουσεῖα θρηνήμασι
ξυνωιδά, πέμψαιτε
Φερσέφασσα φονία χάριτας
ἵν´ ἐπὶ δάκρυσι παρ´ ἐμέθεν ὑπὸ
μέλαθρα νύχια παιᾶνα
νέκυσιν ὀλομένοις λάβηι. 

Vierges ailées, filles de la Terre, Sirènes mélodieuses, venez accompagner mes gémissements avec le son plaintif du chalumeau ou de la flûte libyenne ; que vos larmes soient en accord avec mes maux déplorables, vos douleurs avec mes douleurs, vos chants avec mes chants ; que Proserpine envoie des chœurs lugubres répondant à mes lamentations, afin que dans le séjour ténébreux l'époux que je pleure reçoive avec joie nos hymnes en l'honneur des morts. 

Un peu d’étymologie…

L’étymologie du nom « Sirène » est obscure et donne lieu à plusieurs interprétations. Certains y voient un rapprochement avec le mot σείριος / seirios qui signifie ardent, brûlant, desséchant. Cela évoquerait la grande chaleur de midi, le moment de la journée où le soleil est le plus dangereux et mortel et peut être associé au calme plat de la mer dardée par les rayons brûlants du soleil. L’affinité des Sirènes avec cet horaire caniculaire contribuerait à leur conférer un caractère funeste. Les marins pris au piège du calme plat de la mer et en proie aux rayons mortifères du soleil n’auraient d’autre choix que d’entendre le chant des Sirènes. Dans l’Odyssée, le vent cesse effectivement de souffler dès qu’Ulysse et ses compagnons arrivent à proximité de l’île des Sirènes :

αὐτίκ᾽ ἔπειτ᾽ ἄνεμος μὲν ἐπαύσατο ἠδὲ γαλήνη
ἔπλετο νηνεμίη, κοίμησε δὲ κύματα δαίμων.

Soudain, la brise tombe ; un calme sans haleine s’établit sur les flots qu’un dieu vient endormir. (vers 168-169)

Une autre interprétation rapproche le nom « Sirène » du nom σειρά / seira qui signifie la corde, le lasso. Là encore la notion de danger est bien présente : les Sirènes seraient de façon métaphorique celles qui attrapent les marins, les attirant à elles par leur chant fascinant et séduisant pour les obliger à l’écouter.

Une troisième étymologie nous vient d’Aristote qui, dans l’Histoire des animaux (livre 9, 27, 2), fait correspondre le nom σειρὴν / seirèn à une sorte d’abeille sauvage. Il se pourrait donc que les Sirènes évoquent les Thries, trois sœurs, filles de Zeus, qui passent pour avoir élevé Apollon, dieu des oracles et de la divination au service duquel elles sont demeurées jusqu’à ce qu’il les offre à Hermès. Ces nymphes sont des prophétesses qui sont considérées comme celles qui ont inventé l’art de la divination à l’aide de petits cailloux. Il peut d’ailleurs être intéressant de noter qu’un des surnoms de la Pythie est l’abeille (Pindare, Pythiques, IV, 60). Ce rapprochement entre les Sirènes et les Thries permettrait de souligner le caractère prophétique du chant des Sirènes.

L’île des Sirènes : un lieu symbolique

Lorsque Circé avertit Ulysse, qui est sur le point de la quitter pour poursuivre sa route vers Ithaque, des dangers qui les attendent ses compagnons et lui, elle mentionne le séjour des Sirènes : 

ἥμεναι ἐν λειμῶνι, πολὺς δ᾽ ἀμφ᾽ ὀστεόφιν θὶς
ἀνδρῶν πυθομένων, περὶ δὲ ῥινοὶ μινύθουσι. 

Elles résident dans une prairie, et tout alentour le rivage est rempli des ossements de corps qui se décomposent ; sur les os la peau se dessèche. 

La situation de l’île des Sirènes a fait l’objet de nombreuses recherches et interprétations. Victor Bérard, traducteur et spécialiste de l’Odyssée, considère qu’elle fait partie des îles Galli aussi appelées îles Sirénuses (îles des Sirènes) et se trouvant dans la mer Tyrrhénienne, le long de la Côte Amalfitaine, près de Capri. La description du rivage blanchi d'ossements se situerait près du cap de Palinure. A proximité de ce cap, dans une grotte appelée « Cala delle Ossa », visible et accessible seulement de la mer, sont entassés des morceaux de stalagmites inclus dans une brèche parsemée d’ossements et de dents d’animaux. L’éclat blanc de l’ensemble tranchant avec la couleur sombre de la paroi rocheuse concorderait ainsi avec la description homérique. Pour d’autres, le séjour des Sirènes ne serait pas en Méditerranée : il pourrait s’agir de l’île de Sein en Bretagne ou encore des îles de Tiree ou de Coll en Écosse.

Quoi qu’il en soit réellement, l’endroit décrit par Homère est ambigu et plante un décor à l’image de ses habitantes. À la fois il est séduisant car il s’agit d’une verte prairie, symbole de vie et de fraîcheur, où tout marin pourrait avoir envie de s’attarder. À la fois il est inquiétant. Dans l’imaginaire grec, la prairie est en effet le lieu du ravissement. Mais surtout les corps qui jonchent le sol correspondent à la hantise de tout homme prenant la mer et en particulier d’Ulysse : mourir sans sépulture, dans l’oubli, être condamné à errer tel un fantôme, sans pouvoir accéder au royaume des Morts.

La voix ensorcelante des Sirènes

Dans l’Odyssée, quand Circé parle des Sirènes à Ulysse pour lui conseiller de les fuir, c’est leur voix qu’elle mentionne comme vecteur de leur dangerosité.

ὅς τις ἀιδρείῃ πελάσῃ καὶ φθόγγον ἀκούσῃ
Σειρήνων, τῷ δ᾽ οὔ τι γυνὴ καὶ νήπια τέκνα
οἴκαδε νοστήσαντι παρίσταται οὐδὲ γάνυνται,
ἀλλά τε Σειρῆνες λιγυρῇ θέλγουσιν ἀοιδῇ
 ἥμεναι ἐν λειμῶνι, πολὺς δ᾽ ἀμφ᾽ ὀστεόφιν θὶς
ἀνδρῶν πυθομένων, περὶ δὲ ῥινοὶ μινύθουσι.  

Mais bien fou qui relâche pour entendre leurs chants ! Jamais en son logis, sa femme et ses enfants ne fêtent son retour ; car, de leurs fraîches voix, les Sirènes le charment, et le pré, leur séjour, est bordé d’un rivage tout blanchi d’ossements et de désirs humains dont les chairs se corrompent. (vers 41 à 46)

La voix dont elles usent pour produire un chant ensorcelant semble donc l’élément constitutif essentiel de leur personnalité. 

En Grec, plusieurs termes renvoient à la voix des Sirènes. Au vers 41 du chant XII, le nom φθόγγος / phthoggos est utilisé signifiant un bruit, différent de la voix, une sorte de cri inarticulé, un son pur qui l’emporterait sur l’énoncé. Contrairement à ce que l’on peut attendre, le chant des Sirènes ne serait donc ni agréable ni mélodieux mais aurait une dimension de tension. Il serait une conséquence de la perte de leur humanité quand elles ont demandé aux dieux de les pourvoir d’ailes pour pouvoir rechercher plus aisément Perséphone. Le chant des Sirènes serait un appel, une manière intense de crier leur désespoir. Le même terme est d’ailleurs utilisé pour désigner la voix terrible et non humaine du Cyclope (chant IX, v. 257). Le rapprochement entre le chant des Sirènes et le grognement monstrueux de Polyphème est éclairant car il souligne la monstruosité de la voix des Sirènes produisant un chant des confins du monde. Certaines théories modernes associent le chant des Sirènes au cri d’un nouveau-né. L’impératif de ce cri primaire le rend irrésistible et matérialise le lien mère/enfant et en particulier le pouvoir de l’enfant / infans (celui qui ne parle pas encore au sens étymologique) sur sa mère qui ne peut résister à son appel. De la même façon, tous les hommes (et en particulier Ulysse) qui entendent ce cri primitif matérialisant la tension extrême inhérente au désir sont irrémédiablement attirés par lui.

Un autre nom, utilisé aux vers 160 ou 187, est ὄψ / ops qui désigne la voix aussi bien humaine que divine. La dimension de langage articulé est présente mais il s’agit davantage d’une voix enchanteresse aux doux accents.

Le troisième terme utilisé notamment aux vers 44 et 183 est ἀοιδή / aoidè signifiant le chant. L’accent est clairement mis ici sur le signifié, le contenu et non plus le contenant, indiquant que les Sirènes chantent pour délivrer un message. Or c’est bien un savoir que les Sirènes omniscientes disent délivrer à ceux qui les entendent, comme elles le soulignent elles-mêmes aux vers 189 et 191 avec l’emploi du verbe εἴδω / eido / voir au parfait sous la forme ἴδμεν / idmèn / nous savons. La dimension visionnaire et donc prophétique du chant apparaît très nettement avec l’emploi de ce verbe qui, s’il signifie savoir au parfait, a le sens de voir au présent.

Le va-et-vient constant au chant XII entre ces trois termes est donc particulièrement parlant car il permet de mettre en évidence les différentes facettes de ce chant si particulier, à la fois un cri déchirant, sorte de désir brut à l’appel duquel aucun homme ne peut résister, à la fois une mélodie enchanteresse et rassurante et à la fois le produit d’une voix monstrueuse venue des confins pour délivrer un savoir prophétique. Entendre ce chant ne peut pas laisser indemne : tout homme l’entendant sort de son lot d’humain et, ce faisant, ne peut donc que courir à sa perte et mourir.

Pourtant il apparaît que les Sirènes ont échoué par deux fois dans leur entreprise de séduction fatale. Apollonios de Rhodes au chant IV des Argonautiques (v. 900 et suivants) raconte qu’au moment où le navire Argo est passé près des Sirènes, les Argonautes ne sont pas tombés dans le piège grâce à Orphée qui, prenant sa lyre, a charmé leurs oreilles d’un chant vif et rapide, effaçant celui des Sirènes. La vitesse de leur navire leur a permis aussi de sortir très vite de cette région dangereuse. Seul Boutès s’est jeté à l’eau pour se rapprocher des Sirènes mais Aphrodite est intervenue pour le sauver en le retirant des eaux. Le deuxième échec essuyé par les Sirènes est rapporté au chant XII de l’Odyssée. Sur les conseils de Circé, Ulysse se fait attacher au mât et bouche avec de la cire les oreilles de ses compagnons qui se mettent à ramer le plus vite possible. Il survit ainsi au chant des Sirènes tout en ayant pu l’entendre. Selon Hygin (Fables, CXLI), à la suite de cela, les Sirènes se seraient jetées par dépit dans la mer où elles seraient mortes.

Les Sirènes, figures centrales de l’Odyssée

L’épisode des Sirènes se situe au chant XII de l’Odyssée, à l’exact milieu non seulement du poème homérique comportant en tout vingt-quatre chants mais aussi du voyage d’Ulysse. Cette rencontre à mi-parcours est extrêmement importante car elle initie le retour vers le point de départ tant recherché, Ithaque.

Ulysse, arrivé chez les Phéaciens après son départ de chez la nymphe Calypso, révèle son identité et, prenant la place de l’aède à la demande du roi Alcinoos, raconte ses aventures passées : ses errances et la perte progressive de ce qui constituait son identité humaine et sociale. Dans ce cadre, il relate au chant IX son passage chez Polyphème en exposant sa ruse : pour se jouer du Cyclope, il dit s’appeler « Personne », perdant ainsi symboliquement son identité, ce qui représente une forme de mort sociale. Au chant XI, il fait le récit de son passage aux Enfers, épisode que l’on peut lire comme une mort symbolique. En revanche, au chant XII, en racontant l’épisode des Sirènes, il rapporte les paroles de celles-ci qui commencent de la sorte : « ᾽δεῦρ᾽ ἄγ᾽ ἰών, πολύαιν᾽ Ὀδυσεῦ, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν / Allons, viens ici, Ulysse, tant vanté, gloire illustre des Achéens ! »  (v. 184). Les Sirènes font donc entendre à Ulysse qui il est et, par ricochet, il le fait lui-même entendre aux Phéaciens, ce qui lui permet de retrouver son identité et de réintégrer sa position sociale. Le passage chez les femmes-oiseaux, au centre du poème, est donc hautement symbolique car il peut se lire comme un point de bascule fondamental dans la quête existentielle d’Ulysse et une annonce de son retour. Les Sirènes ont échoué à attirer Ulysse vers la mort mais l’ont propulsé grâce à leur savoir prophétique sur le chemin du retour à Ithaque. Après s’est défait de son identité première, il retrouve et assume pleinement son nom, sa renommée, sa gloire. L’épisode central des Sirènes est programmatique des douze derniers chants de l’Odyssée au cours desquels Ulysse, enrichi par cette expérience déterminante, va retrouver progressivement son humanité, sa place de père, de mari et de roi d’Ithaque.

Ce qui est chanté dans l’Odyssée 

 

ἀλλ᾽ ὅτε τόσσον ἀπῆμεν ὅσον τε γέγωνε βοήσας,
ῥίμφα διώκοντες, τὰς δ᾽ οὐ λάθεν ὠκύαλος νηῦς
ἐγγύθεν ὀρνυμένη, λιγυρὴν δ᾽ ἔντυνον ἀοιδήν·
"᾽δεῦρ᾽ ἄγ᾽ ἰών, πολύαιν᾽ Ὀδυσεῦ, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν, 

 νῆα κατάστησον, ἵνα νωιτέρην ὄπ ἀκούσῃς.
οὐ γάρ πώ τις τῇδε παρήλασε νηὶ μελαίνῃ,
πρίν γ᾽ ἡμέων μελίγηρυν ἀπὸ στομάτων ὄπ᾽ ἀκοῦσαι,
ἀλλ᾽ ὅ γε τερψάμενος νεῖται καὶ πλείονα εἰδώς.
ἴδμεν γάρ τοι πάνθ᾽ ὅσ᾽ ἐνὶ Τροίῃ εὐρείῃ 

 Ἀργεῖοι Τρῶές τε θεῶν ἰότητι μόγησαν,
ἴδμεν δ᾽, ὅσσα γένηται ἐπὶ χθονὶ πουλυβοτείρῃ.᾽
"ὣς φάσαν ἱεῖσαι ὄπα κάλλιμον· αὐτὰρ ἐμὸν κῆρ
ἤθελ᾽ ἀκουέμεναι, λῦσαί τ᾽ ἐκέλευον ἑταίρους
ὀφρύσι νευστάζων· οἱ δὲ προπεσόντες ἔρεσσον. 

 αὐτίκα δ᾽ ἀνστάντες Περιμήδης Εὐρύλοχός τε
πλείοσί μ᾽ ἐν δεσμοῖσι δέον μᾶλλόν τε πίεζον.
αὐτὰρ ἐπεὶ δὴ τάς γε παρήλασαν, οὐδ᾽ ἔτ᾽ ἔπειτα
φθογγῆς Σειρήνων ἠκούομεν οὐδέ τ᾽ ἀοιδῆς,
αἶψ᾽ ἀπὸ κηρὸν ἕλοντο ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι, 

ὅν σφιν ἐπ᾽ ὠσὶν ἄλειψ᾽, ἐμέ τ᾽ ἐκ δεσμῶν ἀνέλυσαν. 


Quand, dans sa course rapide, le vaisseau n'est plus éloigné du rivage que de la portée de la voix et qu'il ne peut plus échapper aux regards des Sirènes, ces nymphes font entendre ce chant mélodieux : 

« Viens, Ulysse, viens, héros fameux, toi la gloire des Achéens ; arrête ici ton navire et prête l'oreille à nos accents. Jamais aucun mortel n'a paru devant ce rivage sans avoir écouté les harmonieux concerts qui s'échappent de nos lèvres. Toujours celui qui a quitté notre plage s'en retourne charmé dans sa patrie et riche de nouvelles connaissances. Nous savons tout ce que, dans les vastes plaines d'Ilion, les Achéens et les Troyens ont souffert par la volonté des dieux. Nous savons aussi tout ce qui arrive sur la terre féconde. »

Tel est le chant mélodieux des Sirènes, que mon cœur désirait entendre. Aussitôt fronçant les sourcils, j'ordonne à mes compagnons de me délier ; mais au lieu d'obéir ils se couchent et rament encore avec plus d'ardeur. En même temps Euryloque et Périmède se lèvent, me chargent de nouveaux liens qui me serrent davantage. Quand nous avons laissé derrière nous ces rivages et que nous n'entendons plus la voix des Sirènes, ni leurs accents mélodieux, mes compagnons enlèvent la cire qui bouche leurs oreilles et me dégagent de mes liens. 

 

Homère, Odyssée, chant XII, vers 181 à 200, traduit par E. Bareste

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