À lire sur Odysseum
En deux mots : Théophraste par Jean de La Bruyère
Philosophe et successeur d'Aristote
Après avoir fréquenté Platon, Théophraste devint disciple d’Aristote. Celui-ci enseignait sa philosophie sur le site du Lycée, un jardin comprenant un gymnase situé près du temple d’Apollon lycien. À la mort d’Aristote, Théophraste fut choisi pour lui succéder à la tête de son école, l’école péripatéticienne. Démétrios de Phalère, homme politique et philosophe d'origine athénienne, l’aida à acquérir les lieux car Aristote, en tant que métèque, n’avait pu s’en rendre propriétaire. S’y trouvaient, comme l’indique le testament de Théophraste, des portiques, des maisons d’habitation, des statues, un temple dédié aux Muses, une palestre, des cartes représentant le monde. L’école continua à accueillir jusqu’à deux mille disciples. Théophraste fut contraint de la fermer temporairement quand un édit fut promulgué pour interdir le séjour des philosophes à Athènes mais, très vite, il put reprendre son enseignement et permit à la pensée d’Aristote de perdurer et de se diffuser dans le cadre stable d’une institution.
Une oeuvre considérable
Si son nom est moins connu que celui du maître fondateur Aristote, Théophraste suit néanmoins la même démarche : une étude raisonnée et méthodique du vivant et des phénomènes naturels. Toute sa vie y fut consacrée. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur des sujets aussi variés que les vents, les syllogismes, la calomnie, les animaux qui changent de couleur…Dans sa Métaphysique, il revient sur le questionnement philosophique d’Aristote. Son livre sur les Opinions des philosophes de la nature resta longtemps le premier ouvrage de référence. Père de la botanique comme discipline scientifique, Théophraste a écrit deux oeuvres majeures : en neuf livres, Sur L’histoire des plantes où sont décrits leurs organes et leurs fonctions, et en six livres, Sur les causes des plantes où le développement des végétaux est lié à la température de leur milieu et à la présence de l’eau.
Auteur des Caractères qui inspirèrent La Bruyère
Aujourd’hui Théophraste reste célèbre pour avoir écrit les Caractères, un ouvrage de moindre importance qui a pourtant inspiré l’écrivain français La Bruyère pour la rédaction (beaucoup plus développée) de ses propres Caractères.
Les Caractères de Théophraste se composent d’une trentaine de textes courts peignant les défauts des hommes classés selon un trait dominant : le flatteur, le rustre, le brutal… Les personnages y sont caricaturés et mis en scène dans de multiples situations, ainsi le superstitieux dont la vie est accaparée par l’interprétation de signes toujours néfastes, le passage d’une belette, la vue d’un serpent, un rêve surgi pendant la nuit qu'il faut impérativement soumettre aux devins. Théophraste n’ajoute pas de morale à ses récits. La leçon est à tirer du plaisir du texte même et de sa valeur comique.
On ignore si un second volume devait suivre en prenant pour sujet cette fois-ci les qualités de hommes. Les Caractères n’était peut-être qu’un simple exercice de rhétorique. Une certaine portée philosophique demeure cependant dans la condamnation des passions et de leurs excès. Elle ne pouvait échapper à La Bruyère dont l’hommage appuyé a assuré la postérité de Théophraste. En se plaçant sous l’autorité d’un auteur antique, La Bruyère s’inscrit pleinement dans une tradition humaniste qu’il revendique. L’un et l’autre fondent un genre littéraire à part entière à mi-chemin entre traité philosophique et exercice de rhétorique, à la double portée éthique et esthétique.
Ce qu'écrit Diogène Laërce :
θᾶττον (...) πιστεύειν δεῖν ἵππῳ ἀχαλίνῳ ἢ λόγῳ ἀσυντάκτῳ
Mieux vaut se fier à un cheval sans bride qu'à une pensée confuse.
Théophraste in Vies des philosophes illustres, Diogène Laërce