Symboles chrétiens Le langage crypté d’une « exitiabilis superstitio »

Après Néron, le christianisme est accusé d'être une « superstition déraisonnable et sans mesure » (supertitio prava et immodica) ou une « folie » (amentia) par Pline le Jeune, de « superstition pernicieuse » (exitiabilis superstitio) par Tacite. Les chrétiens sont parfois traités de « race adonnée à une superstition nouvelle et coupable » (genus hominum superstitionis nouae ac maleficae) notamment par Suétone ; leur religion est qualifiée de « simple opposition » (κατὰ ψιλὴν παράταξιν) par Marc Aurèle.

Un peu d’étymologie :

  • Le mot « symbole » a un sens concret à l’origine : c’était une poterie brisée par des personnes qui signaient un accord mutuel de confiance, et qui se la partageaient en un nombre de tessons correspondant. Plus tard, tous les morceaux étaient rassemblés (συμμβάλλω, summballô : jeter ensemble) pour que les parties correspondent et pour que les emprunteurs remboursent leur dette à leur créancier, ce qui créait des liens de confiance, voire d’amitié. Ainsi, le symbole est devenu un moyen de réunir deux réalités : l’une concrète (la poterie) et l’autre abstraite (la confiance) ; il a donc acquis le rôle d’un langage à double sens, le tesson de poterie acquérant un autre dimension que celle qui lui était attribuée à l’origine.
  • Le mot « catacombe » provient du mélange de deux mots : l’un est issu du grec, le préfixe « kata » (κατά-) signifiant « en bas » ; l’autre du latin chrétien tumba (la tombe) transformé en cumba par analogie avec le verbe latin cumbere (être couché).
  • En grec, le mot « sarcophage » (σαρκοφάγος, sarcophagos) signifie « qui ronge la chair » : c’est un cercueil en pierre caustique qui consumait la chair des corps placés à l’intérieur ; il se distingue par sa richesse iconographique et sa qualité d'exécution. Il se compose d’une cuve et d’un couvercle plat avec un fronton ou en forme de bâtière (toit).
  • En grec, le mot « Évangile » provient de l’adverbe εὖ (eu, bien) et du verbe ἀγγέλω (angellô, annoncer, apporter une nouvelle) ; il signifie " Bonne Nouvelle ".

Constantin fut le premier empereur romain à populariser l’insigne du Chrisme en remerciant, lors de la bataille au Pont Milvius près de Rome en 312 après J.-C., le Christ de lui avoir permis de remporter la victoire contre l’empereur romain Maxence alors que sa propre armée était bien inférieure à l’adversaire en nombre. La veille de la bataille, selon Lactance et Eusèbe de Césarée, Constantin aurait entendu en songe l’expression grecque ἐν τούτῳ νίκα (En touto nika, Par ceci – c’est-à-dire ce signe – tu vaincras). Même si Constantin était encore païen à cette époque de sa vie, il décide de faire graver ce symbole, appelé labarum, sur les boucliers de tous ses soldats, en signe de remerciement envers le Christ. Il interdit alors la persécution des Chrétiens et promulgue, en 313, l’édit de Milan qui accorde la liberté de culte à tous. Les empereurs chrétiens qui succèdent à Constantin utilisent aussi le Chrisme comme emblème.

Beaucoup de thèmes religieux reprennent des légendes grecques et romaines en les christianisant. En effet, les fidèles ne peuvent effacer de leur culture des siècles de légendes païennes antiques. Ainsi, le concile de Nicée remplace avec succès la fête païenne de Sol invictus par la Nativité du Seigneur mais échoue totalement dans la christianisation de la fête du Premier de l’An. On observe donc, par exemple, des assimilations évidentes entre plusieurs figures : le Christ et Apollon / Bellérophon / Orphée / un philosophe antique au banquet ; les apothéoses des empereurs romains et l’ascension des Saints, des Prophètes, du Christ, de la Vierge… ; le personnage d’Hercule face aux monstres et l’Archange Saint-Michel face au Dragon, celui de David face au lion ; le couple de la Vierge et l’Enfant face à son homologue égyptien, Isis allaitant Horus.

Dans les Églises actuellement, on peut encore voir de nombreux symboles chrétiens : les plus fréquents sont le Chrisme, l’Alpha / Oméga et le poisson. Aux Alyscamps (expression venant du Latin Elysii campi et signifiant « Champs Elysées » en Provençal, en référence à la mythologie grecque), ancien cimetière chrétien d’Arles en Provence, on peut encore voir de nombreux sarcophages sur lesquels sont gravés ces symboles chrétiens.

Les premiers chrétiens notamment au cours du Ier et IIe siècle après J.-C. vivaient dans une société polythéiste qui témoignait d'une relative méfiance à leur égard. Après le grand incendie de Rome, en 64 après J.-C., les chrétiens sont persécutés par Néron et l’opinion publique ne leur est pas toujours favorable. Les propos tenus par différents auteurs à leur encontre (voir encadré de droite) ne font-ils que traduire une forme de mépris envers une religion encore peu répandue ? La communauté chrétienne se distingue-t-elle encore mal, aux yeux des Romains, de la religion juive ? Les chrétiens sont-ils un contre-pouvoir si gênant pour l’empereur ? Ce qui est sûr, c’est que la religion chrétienne, mal connue, est parfois accusée par certains des pires maux : misanthropie, débauche, inceste…Pourtant, l'empire romain connaîtra son premier empereur romain avec Constantin. 

Bien que le christianisme ne soit pas un culte à mystère réservé à des initiés, les chrétiens sont donc obligés, non seulement à cause de leurs convictions, mais aussi à cause de l’attitude hostile de la population à leur égard, d'être particulièrement vigilants. Les persécutions chrétiennes sont moins nombreuses qu’on ne le croit souvent. Cependant, cette communauté a pu faire l'objet de discrimination : certains d'entre eux ont pu être emprisonnés, voire parfois condamnés à l'exil ou à la mort. Pour communiquer, ils utilisent des symboles, issus de l’Ancien et du Nouveau Testament ; ils les peignent ou les gravent sur les parois des catacombes et sur les sarcophages ; plus tard, quand le christianisme sera solidement installé dans la société romaine, ils n’hésiteront pas à décorer leurs maisons de mosaïques ou de fresques à la symbolique chrétienne évocatrice. Même si le Décalogue de la Bible interdit toute représentation d’être vivant et de Dieu, les symboles utilisés résument les principes de la foi chrétienne. On notera qu’on y trouve beaucoup d’animaux symboliques, dont certains ont des rôles similaires. Voici une liste non exhaustive des symboles chrétiens fréquemment utilisés :

Tableau1Tableau2

 

Ce qu'écrit Tacite :

 

Repressaque in praesens exitiablilis superstitio rursum erumpebat, non modo per Iudaeam, originem eius mali, sed per Vrbem etiam, quo cuncta undique atrocia aut pudenda confluunt celebranturque. […] Vnde quamquam aduersus sontes et nouissima exempla meritos miseratio oriebatur tamquam non utilitate publica sed in saeuitiam unius absumerentur.

 

Contenue pour un temps, cette superstition pernicieuse perçait à nouveau, non seulement en Judée, où ce mal avait pris naissance, mais à Rome même où tout ce qu'il y a partout d'affreux et de honteux afflue et trouve des gens pour l'accueillir. […] Dès lors, bien que ces gens fussent coupables et dignes des dernières rigueurs, on les prenait en pitié car on se disait que ce n'était pas en raison de l'intérêt public, mais pour la cruauté d'un homme qu'ils étaient massacrés.

 

Tacite, Annales, XV, 44

Après Néron, le christianisme est accusé d'être une « superstition déraisonnable et sans mesure » (supertitio prava et immodica) ou une « folie » (amentia) par Pline le Jeune, de « superstition pernicieuse » (exitiabilis superstitio) par Tacite. Les chrétiens sont parfois traités de « race adonnée à une superstition nouvelle et coupable » (genus hominum superstitionis nouae ac maleficae) notamment par Suétone ; leur religion est qualifiée de « simple opposition » (κατὰ ψιλὴν παράταξιν) par Marc Aurèle.

Un peu d’étymologie :

  • Le mot « symbole » a un sens concret à l’origine : c’était une poterie brisée par des personnes qui signaient un accord mutuel de confiance, et qui se la partageaient en un nombre de tessons correspondant. Plus tard, tous les morceaux étaient rassemblés (συμμβάλλω, summballô : jeter ensemble) pour que les parties correspondent et pour que les emprunteurs remboursent leur dette à leur créancier, ce qui créait des liens de confiance, voire d’amitié. Ainsi, le symbole est devenu un moyen de réunir deux réalités : l’une concrète (la poterie) et l’autre abstraite (la confiance) ; il a donc acquis le rôle d’un langage à double sens, le tesson de poterie acquérant un autre dimension que celle qui lui était attribuée à l’origine.
  • Le mot « catacombe » provient du mélange de deux mots : l’un est issu du grec, le préfixe « kata » (κατά-) signifiant « en bas » ; l’autre du latin chrétien tumba (la tombe) transformé en cumba par analogie avec le verbe latin cumbere (être couché).
  • En grec, le mot « sarcophage » (σαρκοφάγος, sarcophagos) signifie « qui ronge la chair » : c’est un cercueil en pierre caustique qui consumait la chair des corps placés à l’intérieur ; il se distingue par sa richesse iconographique et sa qualité d'exécution. Il se compose d’une cuve et d’un couvercle plat avec un fronton ou en forme de bâtière (toit).
  • En grec, le mot « Évangile » provient de l’adverbe εὖ (eu, bien) et du verbe ἀγγέλω (angellô, annoncer, apporter une nouvelle) ; il signifie " Bonne Nouvelle ".

Constantin fut le premier empereur romain à populariser l’insigne du Chrisme en remerciant, lors de la bataille au Pont Milvius près de Rome en 312 après J.-C., le Christ de lui avoir permis de remporter la victoire contre l’empereur romain Maxence alors que sa propre armée était bien inférieure à l’adversaire en nombre. La veille de la bataille, selon Lactance et Eusèbe de Césarée, Constantin aurait entendu en songe l’expression grecque ἐν τούτῳ νίκα (En touto nika, Par ceci – c’est-à-dire ce signe – tu vaincras). Même si Constantin était encore païen à cette époque de sa vie, il décide de faire graver ce symbole, appelé labarum, sur les boucliers de tous ses soldats, en signe de remerciement envers le Christ. Il interdit alors la persécution des Chrétiens et promulgue, en 313, l’édit de Milan qui accorde la liberté de culte à tous. Les empereurs chrétiens qui succèdent à Constantin utilisent aussi le Chrisme comme emblème.

Beaucoup de thèmes religieux reprennent des légendes grecques et romaines en les christianisant. En effet, les fidèles ne peuvent effacer de leur culture des siècles de légendes païennes antiques. Ainsi, le concile de Nicée remplace avec succès la fête païenne de Sol invictus par la Nativité du Seigneur mais échoue totalement dans la christianisation de la fête du Premier de l’An. On observe donc, par exemple, des assimilations évidentes entre plusieurs figures : le Christ et Apollon / Bellérophon / Orphée / un philosophe antique au banquet ; les apothéoses des empereurs romains et l’ascension des Saints, des Prophètes, du Christ, de la Vierge… ; le personnage d’Hercule face aux monstres et l’Archange Saint-Michel face au Dragon, celui de David face au lion ; le couple de la Vierge et l’Enfant face à son homologue égyptien, Isis allaitant Horus.

Dans les Églises actuellement, on peut encore voir de nombreux symboles chrétiens : les plus fréquents sont le Chrisme, l’Alpha / Oméga et le poisson. Aux Alyscamps (expression venant du Latin Elysii campi et signifiant « Champs Elysées » en Provençal, en référence à la mythologie grecque), ancien cimetière chrétien d’Arles en Provence, on peut encore voir de nombreux sarcophages sur lesquels sont gravés ces symboles chrétiens.

Voir aussi :

Pistes de recherche : 

  • Néron et les premiers chrétiens
  • Arles et les Alyscamps
  • Constantin, premier empereur chrétien
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