Mycènes, riche en or - La cité d'Agamemnon

L’histoire de la cité

Mycènes, cité du Péloponnèse, en Argolide.

À proximité d’autres cités influentes de l’Argolide, comme Argos ou Tirynthe, Mycènes est une acropole de forme presque  triangulaire qui s’étend sur environ 30 000 m2. De part et d’autre se trouvaient également des maisons privées, entourées de tombes sur toutes les collines situées à l’ouest et au Nord-Ouest. La citadelle domine la plaine fertile d’Argos en offrant un accès facile à la mer distante de 15 kilomètres. Des traces du réseau routier très développé, qui reliait Mycènes aux autres grands centres de la région, sont préservées. L’empreinte d'antiques roues de chars sont encore visibles sur une route le long du mur de fortification.

Une fondation mythique

Sans attester tous les détails légendaires, les archéologues ont montré que l’Acropole de Mycènes était occupée dès le début de l’âge de Bronze (3100-2900 avant J.-C.). Selon la tradition, Danaos venu d’Égypte soumet les Pélasges, peuples autochtones. À sa mort, son royaume est partagé entre ses descendants dont Acrisios qui devient roi d’Argos. Or, Persée tue par accident son grand-père Acrisios ; accablé de chagrin, il préfère échanger le royaume dont il hériterait avec celui de Tirynthe et décide de fonder une nouvelle cité, Mycènes.

Plus tard, alors que Mycènes vient de perdre son roi Eurysthée, un oracle de Delphes annonce que le royaume devra être remis à un fils de Pélops. Atrée et Thyeste, frères jumeaux, se disputent alors le trône jusqu’à ce qu’Atrée fasse manger à Thyeste ses garçons, lors d’un banquet. Thyeste procrée un autre fils en violant sa propre fille Pélopia. Enceinte d’Égisthe, Pélopia épouse Atrée tandis que de leur union naîtront Agamemnon et Ménélas.

Une cité « riche en or » et influente

Comme l’attestent les nombreux objets retrouvés dans les tombes, Mycènes était une cité très prospère. Peu après le XIVe siècle avant J.-C., la citadelle s’agrandit. Ses monuments montrent que les puissants souverains ont participé à un réseau complexe d'échanges commerciaux avec d'autres parties de la Méditerranée. L’influence de la cité s’étend jusqu’en Syrie et en Égypte. Au XIIIe siècle, sa puissance s’accroît encore ; Mycènes est le centre palatial le plus important et le plus riche de la fin de l'âge du bronze en Grèce continentale.

Le rôle de son mythique roi, Agamemnon, dans la guerre de Troie témoigne vraisemblablement de l’autorité de la cité. C’est lui qui dirige les Achéens dans leur expédition contre Troie et l’épithète homérique qui qualifie Mycènes dans les épopées l’Iliade et l’Odyssée est πολύχρυσος (polychrysos), « riche en or ».

L’invasion dorienne, parmi d’autres facteurs mal connus, met fin au royaume de Mycènes vers la fin du XIIe siècle : la ville basse et la citadelle sont incendiées. Puis les Argiens s’en emparent au Vsiècle avant J.-C. Quand Pausanias la visite au IIe siècle après J.-C., il ne voit plus que des ruines.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les impressionnantes murailles cyclopéennes de l'acropole ont attiré de nombreux voyageurs et antiquaires qui ont pillé abondamment le site, jusqu’à ce que des fouilles archéologiques soient entreprises.

La cité est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1999.

L’architecture de la citadelle

La plupart des monuments visibles aujourd'hui ont été érigés à l'âge du bronze tardif, entre 1350 et 1200 avant J.-C. Le site était alors à son apogée.

frise des guerriers

Cratère dit « des guerriers », (détail), probablement du XIIe siècle avant J.-C., © Wikimedia commons

 

L’enceinte cyclopéenne et la porte des Lions

La citadelle est entourée d’une muraille dont l’épaisseur varie de 3 à 8 mètres sur une hauteur de 13 mètres. L’enceinte est composée de blocs de pierre dont certains pèsent 6 tonnes. C’est pourquoi l’on pensait qu’il avait fallu l’intervention d’un Cyclope (l’un des Géants décrits dans l’Odyssée) pour réaliser une telle construction qualifiée de « murs cyclopéens ».

La muraille est percée de quelques portes ou « poternes » qui permettaient d’entrer ou sortir parfois discrètement. La légende dit qu’Oreste, après avoir perpétré son double meurtre, s’est enfui par la poterne Nord.

La monumentale Porte des Lions permet d’entrer dans la cité. Pausanias l’a nommée ainsi. Le seuil est creusé de rigoles pour faciliter le passage des chars. Le linteau est composé d’une seule pierre de plus de 100 tonnes. Son tympan est orné d’un bas-relief qui constitue la plus ancienne sculpture monumentale connue en Europe. Il représente deux fauves qui se font face de part et d’autre d’un pilier sacré reposant sur un autel. En l’absence de têtes, sans doute sculptées dans un autre matériau, on ne peut savoir s’il s’agit de lions ou de lionnes. Le motif sculpté symbolisait peut-être le palais.

 

Porte des lionnes

La porte des Lions à Mycènes, © Wikimedia commons

 

Le palais

Le palais dont les pièces sont organisées autour d’une grande cour est le centre économique et religieux de la cité. L’administration et le sanctuaire y sont rassemblés. On y accède par une rampe qui mène aux trois terrasses artificielles et à leurs paliers de construction. Le mégaron, édifice couvert, constitue le cœur du palais. Il se compose d’un porche à deux colonnes donnant accès à un puits de lumière, d’un vestibule (prodomos) où aurait pu être installé le trône du roi et d’une grande salle (domos) comportant quatre colonnes et un foyer central. Un long corridor sépare l’espace officiel des appartements privés où se situait peut-être  la chambre d’Agamemnon. Des canalisations attestent la présence de salles de bains ou de bains lustraux.

Tous les murs des pièces d’apparat, et ceux de la cour, étaient recouverts de fresques peintes sur une couche de stuc. Le type d’habitation princière décrit par Homère a peut-être été inspiré par un tel palais mycénien.

Les citernes et la citerne souterraine

Parce que l’eau est indispensable au développement d’une cité, la citadelle comptait plusieurs citernes d’approvisionnement. En cas de siège, on pouvait se ravitailler grâce à un passage souterrain qui passe sous le rempart et donne accès à une citerne secrète à 12 mètres de profondeur. Elle était alimentée par une canalisation qui cheminait sur plus de 300 mètres jusqu’à la source Perseia sur les pentes de l’Haghios Ilias.

Les cercles de tombes

Deux cercles de tombes féminines et masculines ont été découverts à Mycènes. Celui qui se trouve à l’intérieur de la citadelle, appelé cercle A et qui mesure 26 mètres de diamètre était utilisé au XVIe siècle avant J.-C. Puis au XIIIe s. a été construit un double mur érigé avec de hautes dalles verticales qui étaient couvertes de manière à constituer un couloir. Les archéologues y ont découvert des tombes à fosse et un grand nombre d’objets, notamment des masques en or, des armes ou des bijoux.

masque

Masque mortuaire en or dit "masque d'Agamemnon", © Wikimedia commons

Dans le prolongement du cercle de tombes subsistent les vestiges de maisons notamment la maison du Vase aux Guerriers et la maison Tsountas (du nom d’un archéologue). On pense que plusieurs pièces servaient de sanctuaires, si l’on se réfère au sujet religieux des objets retrouvés.

La ville à l’extérieur de la citadelle

Une véritable agglomération urbaine s’étend à l’extérieur de la citadelle. On y trouve des habitations et des tombes dont le cercle B de tombes à fosse. Certaines constructions étaient probablement des ateliers d’artisans ou des entrepôts dépendant du palais : les archéologues leur ont attribué des noms conformes à leurs découvertes. Il s’agit par exemple des « maisons » du « marchand d’huile » (on y a trouvé un stock de jarres à huile, et des tablettes en linéaire B), du « marchand de vin », ou encore « des boucliers ».

Les tombes à coupole (à tholos)

Le site de Mycènes compte les plus beaux exemples connus de tombes à coupole. On en a dénombré neuf. Elles ont toutes été pillées dès l’Antiquité. La tombe des Lions, la tombe dite d’Égisthe (dont la voûte s’est effondrée), la tombe dite de Clytemnestre et le Trésor d’Atrée sont les quatre plus célèbres.

Chaque tombe est constituée d’un couloir (dromos) d’accès à ciel ouvert bordé de murs, menant à une entrée étroite (stomion) qui débouche sur une chambre circulaire dont le mur est formé par une superposition d’assises de pierre placées en encorbellement en forme de coupole. Le sommet est bouché par une dalle ronde. L’extérieur, recouvert de terre, a l’aspect d’un tumulus.

La tombe dite de Clytemnestre bâtie vers 1220 avant J.-C. était l’une des plus luxueuses. La chambre funéraire atteint presque 13 mètres de hauteur. La porte, encadrée de demi-colonnes, était décorée de frises horizontales sculptées avec des pierres de couleur. Le dromos, a livré de nombreux objets datant des époques mycénienne et archaïque et la sépulture d’une femme.

 

Trésor d'Atrée

Entrée de la tombe à coupole dite « Trésor d’Atrée », © Wikimedia commons

 

Le Trésor d’Atrée date de la première moitié du XIIIe siècle avant J.-C. La forme de la porte, peut-être un symbole de la façade du palais, est analogue à la porte des Lions, mais est encore plus grande. La façade était décorée par des reliefs en pierres de couleur (du marbre rouge et gris-vert, en provenance de carrières de Laconie). La salle circulaire d’un diamètre de 14,50 mètres et de plus de 13 mètres de hauteur sera la plus grande coupole circulaire jusqu’à la construction du Panthéon de Rome (IIe siècle après J.-C.). Elle comporte une chambre latérale, taillée dans la roche, à laquelle on accède par une ouverture, exemple unique à Mycènes.

La postérité de Mycènes

Mycènes donne son nom à l'une des plus grandes civilisations à l’âge du bronze récent (à partir de 1600 avant J.-C.), la civilisation mycénienne, tandis que ses mythes notamment ceux liés à la famille des Atrides ont inspiré ce nombreux artistes jusqu’à aujourd’hui.

Ce qu’en disent :

HOMÈRE, Iliade, XI, 45-46

[…] ἐπὶ δ᾽ ἐγδούπησαν Ἀθηναίη τε καὶ Ἥρη

τιμῶσαι βασιλῆα πολυχρύσοιο Μυκήνης.

Alors tonnèrent Athéna et Héra pour honorer le roi de Mycènes pleine d'or. (traduction E. Lasserre)

 

PAUSANIAS, Le Tour de la Grèce, II,16,5

είπεται δὲ ὅμως ἔτι καὶ ἄλλα τοῦ περιβόλου καὶ ἡ πύλη, λέοντες δὲ ἐφεστήκασιν αὐτῇ· Κυκλώπων δὲ καὶ ταῦτα ἔργα εἶναι λέγουσιν.

On voit cependant encore quelques vestiges de leurs murs, et une porte sur laquelle sont des lions. Tout cela est, dit-on, l'ouvrage des Cyclopes. (traduction de M. Clavier)

 

L’étymologie de Mycènes

Plusieurs traditions antiques tentent d’expliquer l’étymologie du nom Mycènes. Le nom de la cité  dériverait du mot µύκης (mykès), « le champignon », ou tout objet évoquant la forme d’un champignon. Mycènes aurait été fondée là où serait tombée l’épée de Persée - dont le pommeau aurait la forme d’un champignon ou encore Persée se serait désaltéré à la source Perseia découverte sous la racine d’un champignon. Pausanias évoque un personnage nommé Mykéneus qui aurait donné son nom à Mycènes. Homère quant à lui privilégie la nymphe, Mykéné.

La cité des Atrides et d’Agamemnon

Mycènes est connue pour avoir abrité certains membres de la famille des Atrides. Agamemnon et Ménélas, tous deux fils d’Atrée, ont épousé deux sœurs, Clytemnestre et Hélène. Le prince troyen Pâris enlève Hélène. Ménélas réclame de l’aide : ainsi est déclenchée la guerre de Troie. Agamemnon qui est à la tête du royaume le plus puissant dirige l’expédition. Pour obtenir les vents favorables au départ, il sacrifie à la déesse Artémis sa fille aînée Iphigénie. Pendant la guerre, Egisthe séduit Clytemnestre. Le couple, averti du retour de l’armée de Troie, prépare l’assassinat d’Agamemnon, le piège et le tue. Après le meurtre de  son père, Electre met à l’abri son frère Oreste, encore un enfant. Enfin, Oreste revient à Mycènes et venge la mort de son père en tuant Egisthe et sa propre mère Clytemnestre.

Mycènes a donné son nom à la civilisation mycénienne

La décadence de la société minoenne (vers 1600 avant J.-C.) coïncide avec l’essor de la première grande civilisation de la Grèce continentale : la civilisation mycénienne qui culmine entre 1500 et 1200 avant J.-C. C’est l’archéologue allemand Heinrich Schliemann qui a choisi cette appellation en entreprenant les premières fouilles de Mycènes au XIXe siècle. On l’appelle aussi civilisation achéenne, d’ailleurs Homère nomme ce peuple les « Achéens ». Cette civilisation à la vie économique florissante est composée de cités indépendantes gouvernées par un roi (wanax) dont les palais ceints de fortifications sont édifiés sur des collines. Elle a produit de somptueux bijoux et objets en or. Les divinités qu’elle honore sont les ancêtres des dieux grecs. On a retrouvé, notamment à Pylos, de nombreuses tablettes écrites en linéaire B, mode d’écriture en usage dans la civilisation mycénienne.

Pistes de recherche

  • Les mythes des Atrides
  • Les Atrides dans la tragédie, d’hier à aujourd’hui
  • La guerre de Troie
  • L’architecture des palais minoens et mycéniens
  • Les écritures dans l’antiquité avant l’alphabet grec
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