L’héritage de la civilisation minoenne retrouvé en Crète dans les palais, les habitations et les tombes témoigne de la grandeur de ce peuple. Les fouilles entreprises sur l’île ont dévoilé une civilisation prospère, organisée et entretenant des liens commerciaux avec l’étranger. Bien que leur société reste encore mystérieuse, on constate que les Minoens décoraient richement leurs palais.
Bâtis sur plusieurs plans, ce sont des édifices méditerranéens coiffés d’un toit plat et adaptés à un climat chaud et sec. Une climatisation naturelle les rend confortables ainsi que des installations hydrauliques performantes qui alimentent les bassins ou évacuent les eaux usées. À Knossos, Phaistos, Mallia ou encore Kato Zakros, on retrouve un plan similaire.
Il n’est pas certain que ces édifices aient été la résidence d’un roi et d’une reine ou un temple occupé par un grand prêtre ou une grande prêtresse. Ils sont à la fois un lieu de culte et de cérémonie, un siège administratif et économique attaché à une région, enfin un organe du pouvoir crétois.
Le palais de Knossos/ Cnossos (Κνωσός)
Le palais de Knossos, situé dans le centre-nord de la Crète sur la colline de Kephala est souvent présenté comme un modèle du palais minoen.
Un premier palais est édifié au IIe millénaire avant J.-C. Vers 1700 avant J.-C., un tremblement de terre l’ayant détruit, on en reconstruit un plus vaste et plus luxueux. Il sera remanié à plusieurs reprises au cours des trois siècles suivants. Il abrite des sanctuaires et des salles de culte, des parties privées, des résidences périphériques, des maisons plus modestes ou encore des ateliers et des magasins de stockage.
Une juxtaposition de pièces autour d’une cour centrale
Le palais était protégé par un haut mur percé de plusieurs portes. Il est organisé autour d’une vaste cour centrale autour de laquelle se développent les principaux quartiers éclairés par des cours secondaires et par des puits de lumière. Ainsi, les différentes pièces reliées entre elles par des couloirs à la manière du labyrinthe de la tradition hellénistique paraissent juxtaposées sans ordre apparent. On a dénombré environ 800 pièces, mais l’on pense qu’il y en avait peut-être 1300, parfois sur cinq étages. Il est possible que dans la cour centrale se soient déroulées des cérémonies tauromachiques.
L’entrée principale et l’aile occidentale du palais.
Reliée à la route conduisant au port, une voie dallée mène au palais. Elle débouche sur la cour ouest, sans doute une agora et un lieu où l’on pratiquait des cérémonies cultuelles. En entrant dans le palais, on franchit des propylées pour accéder à la partie réservée aux événements officiels ou religieux. On suit notamment le corridor de la procession qui était orné d’une fresque représentant plus de 800 personnages, hommes et femmes, musiciens, prêtres et prêtresses convergeant vers un personnage honorifique. Plus loin, la salle du trône décorée de fresques de griffons doit son nom à un siège à dossier appelé « trône de Minos » encadré de bancs en pierre. Pièce oppressante sans fenêtres, il s’agirait plutôt de la pièce principale d’un sanctuaire. Elle est reconstruite par les occupants mycéniens vers 1450 avant J.-C. selon un modèle plus proche du megaron continental (pièce carrée, dotée d’un foyer central entouré de quatre colonnes). D’autres salles sacrées, des sanctuaires dont celui de la déesse aux serpents, ainsi que de nombreux entrepôts où étaient rangés de grands pithoï (grandes jarres de stockage) composent l’aile occidentale du palais. Un premier étage a été restauré par sir Arthur Evans.
L’aile orientale
L’aile orientale est à un niveau inférieur des autres ailes du palais. Un grand escalier majestueux conduit à des espaces d’habitations. Evans pensait y avoir identifié des appartements royaux. La salle des doubles haches, peut-être réservée aux audiences, est dotée d’un puits de lumière orné de deux haches et d’un balcon pour permettre la circulation de l’air. Un passage conduit au megaron (pièce principale). On y trouve la célèbre fresque aux dauphins. Un bassin lustral attenant que sir Evans a interprété comme la baignoire d’une salle de bains et les latrines adjacentes illustrent la présence d’un système sophistiqué d’évacuation des eaux. Des ateliers d'artisans et des magasins prolongent le nord de l’aile orientale.
Le nord du palais
Il est composé d’entrepôts et de salles de service si l’on en croit les tablettes qu’on y a retrouvées. On y enregistrait peut-être les denrées qui entraient dans le palais ainsi que les nouveaux arrivants. Une fresque peinte, à relief, représentant un taureau furieux orne un bastion à colonnades.
Au nord ouest du palais s’étend une des parties les plus originales des palais minoens : un théâtre composé d’une zone pavée de treize mètres sur dix et de gradins disposés en équerre. Peut-être s’agissait-il d’un théâtre où l’on produisait des spectacles de danse ou d’acrobatie.
Le palais de Knossos organisé autour de la cour centrale, © Wikimedia Commons
Le palais de Phaistos/ Phaestos (Φαιστός)
Phaistos, citée par Homère, est la deuxième cité palatiale après Knossos. Elle est implantée à l’extrémité de la plaine de Messara dans le centre-sud de la Crète. Construit sur des terrasses de niveaux différents reliés par des escaliers, le palais qui reproduit le plan de Knossos a été lui aussi reconstruit sur un palais plus ancien. Son importance est attestée, car il frappait sa propre monnaie.
La cour centrale au cœur du palais
Elle était bordée de portiques à colonnes et piliers alternés qui pouvaient abriter les spectateurs lors des spectacles de tauromachie.
L’aile occidentale
On y retrouve de grands propylées, des salles d’apparat et de culte ainsi que de nombreux magasins. À la différence de Knossos, on a retrouvé peu de traces de fresques. Les murs étaient recouverts d’une couche de gypse blanc.
L’aile orientale prolongée au nord
Un grand escalier mène aux étages qui se prolongent vers le nord. On y a retrouvé le célèbre disque de Phaistos couvert sur ses deux faces de hiéroglyphes imprimés en spirale. Ils n’ont pas encore été déchiffrés.
Le disque de Phaistos, © Wikimedia commons
Le théâtre
Contrairement à la zone théâtrale de Knossos orientée vers la route royale, celle de Phaistos, avec 8 rangées de gradins, donne sur la cour ouest laquelle servait peut-être d’arène pour les danses et les jeux.
Ce qu’en dit Ovide, Métamorphoses, VIII, v. 157-161
Destinat hunc Minos thalamo removere pudorem
multiplicique domo caecisque includere tectis.
Daedalus ingenio fabrae celeberrimus artis
ponit opus turbatque notas et lumina flexu
ducit in errorem variarum ambage viarum.
Minos veut dérober au monde la honte de son mariage : il enferme le Minotaure dans l'enceinte profonde, dans les détours obscurs du palais. Le plus célèbre des architectes, Dédale, en a tracé les fondements. L'œil s'égare dans des voies infinies, sans terme et sans issue, qui se croisent, se mêlent, se confondent entre elles.
Traduction adaptée de G.T. Villenave 1806