- Des clichés ont longtemps été véhiculés, notamment par les Grecs et les Romains, à propos des Gaulois : ils ont souvent été représentés comme un peuple de guerriers rustres et incultes, aux moustaches et cheveux longs, mangeant du sanglier, vivant dans des huttes de paille. L’archéologie récente a remis en cause ces stéréotypes. Il faut ainsi reconnaître aux Gaulois des qualités dans de nombreux domaines : astronomie, médecine, agriculture, transports, art militaire, commerce, architecture, habitat et artisanat, en particulier la confection de vêtements, la métallurgie, la fabrication du verre, des bijoux et la cosmétique.
- Les sources qui nous permettent de comprendre l’héritage que nous devons aux Gaulois sont peu nombreuses et/ou partiales. Voici quelques propos subjectifs que tiennent certains auteurs sur les Gaulois :
- Caton l’Ancien dans son ouvrage Origines, au IIe siècle, écrit : « Il y a deux choses qu’ambitionne la Gaule par-dessus tout : le métier de la guerre et l’habileté de la parole » (rem militarem et argute loqui)
- Strabon, dans le livre IV de sa Géographie, au Ier siècle avant J.-C., écrit lui aussi : « À leur franchise, à leur fougue naturelle les Gaulois joignent une grande légèreté et beaucoup de fanfaronnade, ainsi que la passion de la parure, car ils se couvrent de bijoux d'or, portent des colliers d'or autour du cou, des anneaux d'or autour des bras et des poignets, et leurs chefs s'habillent d'étoffes teintes de couleurs éclatantes et brochées d'or. Cette frivolité de caractère fait que la victoire rend les Gaulois insupportables d'orgueil, tandis que la défaite les consterne. »
- La romanisation entreprise par César lors de la Guerre des Gaules changea irrémédiablement l’image que nous nous sommes ensuite construite des Gaulois. En effet, en écrivant De bello gallico, l’auteur ne perdit pas une occasion de se mettre en valeur et de présenter les peuples gaulois comme des barbares mal dégrossis, cliché qui persista longtemps et qui fut vulgarisé par le personnage de la bande dessinée Astérix, notamment.
- C’est certainement Pline l’Ancien qui, dans son Histoire naturelle, rendit le mieux hommage aux inventions techniques gauloises en faisant l’inventaire des ustensiles dus à leur ingéniosité. Ainsi, Pline rapporte que les Romains apprirent auprès des Gaulois l'usage des métaux pour les monnaies ainsi que la délimitation du poids que pouvait porter une voiture selon la forme de ses roues. Lors de la Pax Romana, les Romains ont d’ailleurs largement assimilé les savoirs de leurs voisins gaulois.
- On peut classer les innovations techniques gauloises en plusieurs domaines :
- Les innovations agricoles,
- Les innovations artisanales,
- Les innovations militaires,
- Les innovations dans la vie quotidienne
- Les innovations culinaires
Les innovations agricoles
La moissonneuse « trévire » (vallus) : il s’agit d’une caisse à roues dentelées, permettant de faucher et récolter les épis de blé. Elle est poussée par un bœuf ou un cheval. Elle est bien plus efficace que la faucille utilisée à la même époque par les Romains.
La roue cerclée de fer : elle sert dans la construction de la faucheuse-moissonneuse mécanique. Elle est plus solide qu’une roue classique car elle est renforcée par un cercle de fer.
Le soc de l’araire : c’est un embout métallique qui permet de labourer les champs. Sans retourner le sol, il ouvre la terre afin d’y planter la semence.
La herse ferrée : c’est un outil agricole constitué d'un châssis en forme de grille, structuré par des barres fixées aux points de croisement. Elle permet d’aplanir le sol, de pulvériser les mottes de terre et d’enlever tout ce qui pouvait entraver la germination des semences.
La marne (marga) : c’est une substance fertilisante dense, une sorte d'engrais composé de roches phosphatées extraites du sol, contenant du calcaire, de l'argile, permettant la fabrication de la chaux, formant des nodules compacts de graisse et permettant d’enrichir le sol.
La faux : formée d’une longue lame effilée et d’un manche en bois, elle permet plus de productivité que la faucille car elle est plus grande.
La serpe : c’est un outil au tranchant courbe et au manche court, servant à tailler et couper le petit bois, la paille ou le gui, végétal essentiel dans la pratique religieuse des druides.
Les innovations artisanales
Le tonneau : c’est un récipient complexe, constitué de multiples pièces de bois, assemblées suivant une forme circulaire ; il est plus pratique et plus solide que les amphores utilisées par les Grecs et Romains, il est fabriqué par des menuisiers et des forgerons, en bois de châtaignier, cerclé de fer et permet une conservation et un transport plus fiables du vin ou de la cervoise. Peut-être déjà connu des Etrusques au VIe siècle avant J.-C., il a néanmoins été popularisé par les Gaulois au IVe siècle avant J.-C., qui l’utilisaient pour faire fermenter et stocker (on l’appelait alors le « foudre ») et pour transporter la cervoise.
La tarière (taratron) : c’est un outil manuel ou mécanique permettant de percer le sol ou des matériaux comme le bois. Selon Pline, cet instrument permettait de percer le bois sans le brûler, ce qui le rend très utile pour faire des greffes sur les arbres.
Le tour de potier : c’est une invention essentielle qui date du IIème s. av. JC et permet à l’artisan de réaliser des céramiques aux parois fines et régulières.
Le couteau repliable : plus pratique qu’un couteau standard, il permet d’être facilement transporté.
Le briquet : en acier forgé, de formes multiples, mais souvent en forme de B, permettant ainsi une bonne prise en main, il fonctionne par friction de l’acier contre du silex associé à de l’amadou (un champignon facilement inflammable). Cette méthode sera utilisée jusqu'au XIXe siècle.
Le tamis (ou bluteau) : c’est un ustensile fabriqué en étamine, tissu peu serré, fait de crin de cheval, de soie, ou de fil ; il permet de passer la farine et joue donc un rôle capital dans la fabrication du pain.
Le principe du halage : les cours d'eau de la Gaule, nombreux et réguliers, sont sillonnés par une multitude de bateaux chargés de denrées, qui se laissent aller au fil du courant ou sont tirés par des bêtes ou des hommes qui cheminent sur la berge.
Les innovations militaires
La cotte de mailles : grâce à la maîtrise qu’ils ont de l’extraction du fer, les Gaulois peuvent fabriquer des clous, des fibules, des couteaux, des ciseaux, des haches, des casques mais aussi des cottes de maille. Elles sont composées d’anneaux de fer fermés, rivetés et attachés aux quatre anneaux voisins. Elles permettent aux soldats une souplesse de mouvement et une protection optimale. En revanche, elles pèsent très lourd : une douzaine de kilos environ.
Le casque à couvre-joues : permettant de protéger l’intégralité de la tête grâce à son système élaboré de couvre-joues, et éventuellement de couvre-nuque comme dans la photo ci-contre, il est fabriqué en fer ou en bronze, selon les besoins. Il peut servir pour les combats réels ou pour les cérémonies d’apparat. C’est ce qui explique que, dans la BD Astérix, les Gaulois, portent des casques à « ailes » : ce ne sont que les couvre-joues relevées sur le haut de la tête!
La bouterolle : c’est le bout du fourreau en fer fabriqué pour les épées ; il permet une meilleure protection des armes que le cuir ou le bois et a surtout l’avantage de procurer au guerrier la possibilité de dégainer son arme bien plus rapidement.
Le fer à clous : il s’agit d’un fer à cheval en forme de tête de violon, permettant d’éviter une usure trop rapide des sabots. Les Romains connaissent le principe mais ne possèdent que des sandales en cuir dont ils revêtent les sabots des chevaux.
Les innovations dans la vie quotidienne
Le savon (sopo) :
Il est fait à base de cendre de hêtre et de suif (= graisse) de chèvre ; il sert à se laver et à se colorer les cheveux (en blond ou en roux), notamment pour effrayer les ennemis au combat. Pour la teinture des cheveux, les Gaulois utilisent aussi soit du lait de chaux soit de l’argile.
Par ailleurs, le savon permet aussi de fabriquer certains médicaments, notamment des anti-scrofuleux qui servent à lutter contre une maladie tuberculeuse provoquant des fistules purulentes localisées sur les ganglions lymphatiques du cou.
Contrairement à une idée répandue, les Gaulois prennent soin d’eux et utilisent beaucoup d’ustensiles cosmétiques : du maquillage pour les femmes, des rasoirs pour les hommes, et, pour les deux, des miroirs, des ciseaux appelés « forces », des peignes en os ou en corne pour la barbe et les cheveux, des cure-oreilles, des limes à ongles, des épingles à cheveux, des pinces à épiler, des fibules (ancêtres des épingles à nourrice). Ce ne sont pas forcément les Gaulois qui ont inventé ces ustensiles mais qui bien eux qui en ont répandu leur utilisation.
Le torque : c’est un bijou en or, argent, bronze ou fer, placé autour du bras ou du cou, qui s’écarte et se referme à volonté. Il est formé d'une épaisse tige métallique ronde, entortillée (torquere en latin = tordre) ou non, généralement terminée en boule à ses deux extrémités et plus ou moins travaillée ou ornée.
Le matelas : il est fabriqué à base de laine car les Gaulois élèvent des moutons. Certes, depuis 3600 avant J.-C., on fabrique des matelas à partir de peaux de chèvres cousues et remplies d’eau mais le matelas de laine gaulois est mentionné par Pline l’Ancien comme étant bien plus confortable que les paillasses romaines faites de sacs de coton remplis de grain ou de paille.
Les braies : c’est l’ancêtre de notre pantalon ; elles sont larges et flottantes, quelquefois à plis, quelquefois étroites et collantes. Elles sont retenues à la cheville par un lien.
Guerrier gaulois en braies, © Wikimedia commons
Les brogues : ce sont des chaussures de cuir souple dont le coup de pied est fermé par des lanières de cuir entrelacées, qui se ferment grâce à un lacet de cuir. Elles peuvent arriver au niveau de la cheville ou être montantes.
Les innovations culinaires
Les salaisons : les Gaulois élèvent beaucoup de porcs qu’ils consomment en charcuterie (pâtés, boudins, saucisses...) ou sous forme de salaisons (produits frais conservés dans le sel). Pour conserver leur viande et pouvoir l’exporter à Rome notamment, le principe de salaison est indispensable ; il permet aussi de conserver les fromages et les poissons.
La cervoise (curmi) : c’est l’ancêtre de la bière mais elle contient moins de mousse ; elle s’apparente donc plus au cidre pour ce qui est de son aspect. Le nom « cervoise » vient du latin cerevisiae, qui signifie « vin de Cérès » (déesse romaine des récoltes). Elle est fabriquée à base d’eau, de céréales cuites, de l’orge généralement ou du méteil, mélange de blé et de seigle, mais pas de houblon, comme pour la bière. Elle est aromatisée d’herbes appelées « gruit » : aux alentours de Marseille, elle est brassée avec du fenouil, du thym et de l’anis sauvages, alors qu’en Bretagne, ce sont principalement les fleurs de bruyère qui sont utilisées ; il n’y a donc pas une, mais des cervoises. Grâce à sa cuisson, elle présente moins de risques sanitaires que l'eau. Elle est conservée dans des tonneaux, avant d’être commercialisée puis consommée. Elle est devenue la boisson emblématique des Gaulois dans la bande dessinée de la série Astérix.
Ce qu’en dit Pline l’Ancien :
Galliarum latifundis ualli praegrandes, dentibus in margine insertis, duabus rotis per segetem inpelluntur, iumento in contrarium iuncto ; ita dereptae in uallum cadunt spicae.
Dans les grands domaines des Gaules, on pousse à travers les champs de blé de grandes moissonneuses à bord garni de dents, montées sur deux roues, et auxquelles une bête de somme est attelée à l’envers ; les épis ainsi arrachés tombent dans la moissonneuse.
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XVIII, texte établi et traduit par H. Le Bonniec, Paris, 1972.