Article publié initialement dans
Figures de l’étranger autour de la Méditerranée antique : à la rencontre de l’Autre, Actes du colloque UPPA-CRPHL Antiquité méditerranéenne : à la rencontre de « l’Autre » : Perceptions et représentations de l’étranger dans les littératures antiques, M.-F. Marein, P. Voisin, J. Gallego (éds.), CRPHL, Paris, L’Harmattan, 2010, pp. 479-488
[ Les commentaires ] nous font connaître à quel degré de barbarie était alors réduite cette partie du monde aujourd’hui si civilisée.
Napoléon Ier, Précis des campagnes de César, Commentaire sur le livre 6.
Introduction
L’image de barbarie que véhiculent avec eux les peuples gaulois s’est répandue sur tout le monde méditerranéen au cours des quatre siècles qui précèdent l’arrivée de César en Gaule chevelue. Le pillage de Rome en 390 av. J.-C., puis celui de Delphes en 280 et enfin le redoutable déferlement des Cimbres et des Teutons aux frontières de la République autour de l’an 100 ont contribué à faire du Gaulois, aux yeux d’un Grec ou d’un Romain, l’archétype du barbare.
Polybe, historien grec de Rome, se fait l’écho, dans son histoire des deux dernières guerres puniques1, de cette réputation gagnée au fil d’invasions meurtrières. Il évoque longuement les mœurs sauvages de ces peuples « ignorant tout des sciences et techniques » et rappelle, non sans la délectation d’un grec vaincu, la prise de Rome (Histoire, 2, 17). Les traits prêtés aux Gaulois sont déjà ceux qui circulent sous la plume des contemporains de César : la versatilité (« les initiatives prises par les Gaulois sont inspirées par leurs émotions et jamais par leur raison. », Histoire, 2, 35) ; la perfidie (juste avant le désastre de La Trébie, les Gaulois trahissent Rome au profit d’Hannibal, attaquent leurs alliés par surprise, coupent les têtes et passent à l’ennemi, Histoire 3, 67) et toujours la sauvagerie ; ainsi, détruire aveuglément c’est « se comporter comme des Gaulois » (Histoire, 9, 34).
Un siècle et demi plus tard, quand Cicéron défend Marcus Fonteius, accusé d’abus de pouvoir à l’occasion de sa propréture de Gaule Narbonnaise2, l’orateur ne manque pas de rappeler le siège du Capitole, le sac de Delphes et toutes les caractéristiques de la sauvagerie barbare des Gaulois, au premier rang desquelles, bien sûr, la pratique des sacrifices humains3. De même, après sa fameuse « palinodie », quand Cicéron justifie la prorogation du mandat proconsulaire de César au-delà de l’année 56, il invoque l’extrême degré de sauvagerie de la Gaule qui nécessite le maintien à la tête des légions du seul homme capable de vaincre de tels barbares4.
Une génération plus tard, le géographe grec Strabon évoque longuement la futilité des Gaulois et leurs usages barbares comme celui de suspendre à l’encolure de leur cheval les têtes de leurs ennemis ; il décrit aussi d’inquiétantes sociétés de femmes, véritables bacchantes gauloises, déchiquetant le corps de celles d’entre elles qui tombent à terre5.
Pour un Romain de l’époque de César, le Gaulois est donc l’archétype du barbare ; le proconsul de Rome était alors censé pacifier définitivement ces peuplades sauvages qui constituaient une menace permanente dans l’inconscient de ses contemporains. Mais, si cet horizon mental influe sur le regard de César (Galli uel Barbari) et lui offre quelques utiles justifications, très vite le général romain lit dans le comportement de ces peuples gaulois l’expression même de la vertu qui fait défaut à Rome (Galli uel uiri) et voit peu à peu en eux le garant le plus sûr d’une romanité nouvelle (Galli uel Romani).
Galli uel Barbari
Bien évidemment, nous retrouvons un certain nombre de lieux communs dans la longue description des mœurs des Gaulois qui, au livre 6 du Bellum Galllicum, sert à masquer la vacuité militaire de l’année 53 ou, plus vraisemblablement, à déployer un paravent ethnographique pour masquer la réalité d’une campagne de sauvages dévastations. Dans ce passage célèbre, César évoque le sacrifice par le feu de géants en osier dont la carcasse a été remplie d’hommes vivants, des condamnés de droit commun ou, si l’on manque de coupables, des innocents 6. De même, le Romain ne se prive pas de rappeler que, naguère encore, on avait coutume en Gaule de brûler sur le bûcher du maître défunt des esclaves et des clients qui lui étaient chers.
Moins spectaculaire mais tout aussi barbare est l’usage de torturer à mort celui qui a le malheur de se présenter le dernier au concilium armatum, cette réunion d’hommes en armes qui marque solennellement le début des hostilités7 : cette pratique, rapportée à l’occasion de la révolte d’Indutiomaros en 54, est présentée comme « une loi universelle ».
C’est avec le même étonnement et avec une horreur peut-être plus grande encore que le général romain s’attarde sur le rôle joué par la femme barbare, non pas la pacifique gardienne du foyer, comme il convient chez les peuples civilisés, mais une actrice à part entière du combat. En 58, c’est à la décision des femmes que le roi des pseudo-germains, Arioviste, s’en remet pour savoir s’il doit ou non engager la bataille 8. Ce sont elles encore qui décident de la vie ou de la mort des prisonniers et qui haranguent les hommes partant au combat. On connaît aussi la part active que prennent les femmes à la bataille de Gergovie 9, même si, en ce cas, il s’agit d’une ruse de guerre et, très vraisemblablement, d’un détail pittoresque qui permet de passer sous silence la remarquable manœuvre militaire de Vercingétorix.
Assez souvent, César ne dédaigne pas de signaler quelques traits qui viennent renforcer l’exotisme créé par les étranges noms gaulois ; ainsi, nous le voyons évoquer le « téléphone gaulois » qui propage les nouvelles à la vitesse de dix kilomètres par heure en 54, et le double en 52 10. Ailleurs encore, le narrateur évoque, avec le regard curieux de l’explorateur et l’ironie du philosophe sûr de sa supériorité intellectuelle, la religion et les dieux de ces peuples qui sont, au fond, dans l’état antérieur de Rome 11.
En outre, comme beaucoup de « peuples enfants », les barbares gaulois sont versatiles, instables et dépourvus de tout projet politique cohérent, qui est la marque de la civilisation. C’est avec une certaine condescendance, mais aussi avec un intérêt qu’il ne masque pas, que le proconsul de Gaule relève à de nombreuses reprises ce trait spécifiquement barbare 12.
Mais aussi, comme les enfants, les Gaulois sont avides d’apprendre et de recevoir des leçons qu’ils savent mettre à profit. Le narrateur le souligne à deux reprises dans le même chapitre, avec un manque de sobriété qui ne lui est pas coutumier, quand il évoque les exploits technologiques des Nerviens qui assiègent le camp de Cicéron en 54 13, réalisant en moins de trois heures un rempart et un fossé de vingt kilomètres ainsi que des tours, des faux et des tortues. Bien évidemment, l’absence de vision à long terme prive le barbare de toute force créative et le condamne à copier servilement les prouesses techniques du monde civilisé ; pourtant, à qui veut y regarder de plus près il apparaît clairement que César a discerné ce qui fera la force de la civilisation gallo-romaine, à savoir une extraordinaire capacité à se mouler dans le génie romain pour lui donner sa plus grande extension 14.
Aussi paradoxal que puisse sembler la démarche, César trouve dans la vertu première du barbare la source de jouvence qui doit permettre de régénérer Rome 15. En instituant le Rhin comme frontière de la sauvagerie 16, le proconsul a posé une nouvelle limite de la civilisation, distinguant le pur barbare Germain, utilisable comme bête de guerre, du Gaulois qui porte les traits de ce que fut un jour la vertu de Rome et qui, de ce fait, peut contribuer à son avenir.
Galli uel Viri
Ne nous méprenons pas sur le propos : Rome, dont la vocation est de dominer le monde, ne vient pas chercher chez les barbares des modèles ni des leçons de cette valeur guerrière première que le latin appelle uirtus. Même quand il est confronté à l’apparente supériorité technique de son adversaire, comme c’est le cas face aux Vénètes en 56, le légionnaire l’emporte toujours en vertu guerrière 17. En ce domaine, s’il arrive pourtant que le soldat romain pèche un peu, c’est non par défaut mais toujours par excès, comme le lui reproche César après l’échec de Gergovie 18.
Si, parfois, le savoir-faire des Gaulois est reconnu 19, le général romain n’y voit que matière à enrichir la fabuleuse panoplie militaire de Rome. En revanche, dans le domaine de la vertu guerrière, César trouve en Gaule, chez les barbares mêmes, de magnifiques exemples de la uirtus Romana. Bien évidemment, comme cela a été dit et écrit maintes fois, le Romain distingue les « bons » et les « mauvais » Gaulois : ceux qui sont avec lui et ceux qui sont contre lui. Il n’a pas de mots assez durs pour flétrir le terrorisme et le banditisme de l’héroïque peuple éburon capable de lui infliger un revers avec des effectifs modestes et qui mérite, de ce fait, l’extermination pure et simple 20.
À l’opposé, les grands peuples de Gaule centrale, au premier rang desquels les Héduens, les frères de sang 21, fournissent au narrateur des exemples de héros, à l’instar du druide Diviciacos, amicus de Cicéron. En 57, César lui confie la redoutable tâche d’ouvrir un second front contre les Belges et, pour l’encourager dans cette mission vitale dont dépend le succès des armes de Rome, il lui parle comme à un Romain 22.
On n’a peut-être pas assez dit combien le narrateur des Commentaires est fasciné par la pure vertu guerrière des barbares qu’il combat. Chaque fois que César dresse la carte géopolitique de la Gaule, il souligne que la valeur des soldats s’accroît à mesure que l’on s’éloigne de la Province et de sa civilisation qui « effémine les cœurs 23 ». On sent une délectation palpable dans l’évocation des redoutables guerriers nerviens 24 ou encore dans celle de ces bêtes de combat que sont les Germains, inventeurs de l’infanterie portée, unité de choc qui emporte à deux reprises la décision à Alésia, garde personnelle de César qui en 52, dès leur arrivée, met à pied ses officiers pour donner aux barbares des chevaux dignes de leur valeur au combat.
De même, on peut s’étonner de voir un narrateur si économe de ses effets emboucher la trompette épique pour évoquer longuement la mort héroïque de Pison l’Aquitain 25, qui vole au secours de son frère cerné par l’ennemi, le sauve, meurt, puis est rejoint dans la mort par son frère qui a tourné bride en le voyant cerné.
C’est chez les Gaulois aussi que César retrouve et décrit de beaux exemples de fraternité d’armes (sodalitas) et l’admiration, voire la nostalgie perce dans ses évocations parfois très longues d’une chevalerie guerrière qui fait de la fidélité la valeur première : en 58, les chevaliers attachés à la personne de l’Héduen Dumnorix (BG, 1, 18, 5) ; en 56, les six cents soldurii d’Adiatuanos, roi des Sotiates, dévoués jusqu’à la mort ; en 52, les fidèles de l’Héduen Litaviccos qui restent avec lui quand il est désavoué par les siens 26.
De même, dans ce texte exemplaire de maîtrise et de distance calculée, l’une des très rares irruptions de la première personne est observée à l’occasion d’une réflexion sur la supériorité guerrière des Gaulois et sur la difficulté, bien compréhensible, qu’ils ont à passer le relais à Rome 27.
Bien loin d’entretenir le lieu commun de la perfidie gauloise, César s’attarde à l’envi sur la fides Gallica (uel Caesariana), non seulement celle qui règne à l’intérieur du clan, comme nous l’avons vu, mais celle qui lie les peuples à Rome, principalement les Héduens, à la différence d’autres, comme les Rèmes, qui n’ont que de la reconnaissance pour les services rendus 28. Très vite d’ailleurs le narrateur substitue à la république romaine la personne même du proconsul qui établit avec certains Gaulois un lien personnel, de soldat à soldat, d’homme à homme 29.>
Ainsi, le regard que César porte sur les Gaulois et les jugements qu’il nous livre sur eux, tout au long de son œuvre, sont d’abord, avant tout, affaire de personne. Sans doute, alors que Rome traverse un siècle de guerres civiles sans se douter que le pire reste à venir, il est tentant pour un aristocrate romain de chercher ailleurs la Concorde, concordia gentium, et de voir dans le barbare la manifestation de valeurs qui font si cruellement défaut au monde civilisé. Ces réserves étant posées, il est certain que César admire chez les Gaulois les manifestations de la vertu guerrière et qu’il les considère sinon comme des « Romains imparfaits » selon le mot de Michel Rambaud 30, du moins comme des Romains potentiels.
Galli uel Romani
Rappelons en préambule que, si le regard que pose César sur les Gaulois est fondamentalement novateur, il n’est pas exempt pour autant des préjugés qui caractérisent le monde romain. Ainsi, bien évidemment, seule la vie des légionnaires est précieuse et le bon général préfère toujours faire couler le sang pérégrin pour le succès des armes de Rome 31. En outre, il arrive aussi que « quelques » chefs gaulois embrassent « naturellement » la cause de la Gaule 32, et César justifie ainsi les défections massives de l’année 52, omettant fort opportunément de préciser qu’il avait ainsi formé à ses côtés la quasi-totalité des officiers de l’armée gauloise.
Comme l’écrit Michel Rambaud, « les Romains, guerriers et âpres au gain, n’étaient pas impérialistes par nature et ignoraient le racisme 33 » et, en cela, le proconsul de Gaule ne se distingue guère de ses contemporains. S’il ne reprend pas le mythe de l’ascendance troyenne des Héduens, il s’empresse de romaniser les dieux gaulois qu’il nomme Mercure, Apollon, Mars, Jupiter ou encore Minerve (BG, 6, 17), ce qui ne l’empêchera nullement de piller sans vergogne leurs sanctuaires comme il le fait des temples de Rome 34.
Plus intéressant sans doute est le rôle que le général romain confie aux Gaulois alors même qu’il a engagé ses forces à plus de trois cents kilomètres de la première terre romaine. Alors que les autres auxiliaires, venus de Numidie, de Crète ou des Baléares, sont confinés à des rôles secondaires de mercenaires spécialistes (vélites, archers ou frondeurs), les Gaulois se voient confier des fonctions essentielles voire vitales au sein de l’armée romaine. Ainsi, ces peuples pour lesquels la cavalerie est l’arme aristocratique par excellence fournissent à César les milliers de cavaliers qui lui font défaut et, quand il les engage seuls, comme en Bretagne, en 54, il les désigne du même mot, nostri, que ses légionnaires 35. De même, l’approvisionnement vital par excellence, le blé, sans lequel les légions refusent de marcher (il en faut environ cinquante hectares par jour en 52), repose totalement sur les Gaulois auxquels il appartient, à tout moment, d’affamer l’armée. César va encore plus loin puisque, en 52, alors même que gronde la rébellion, il recrute des milliers de fantassins héduens chargés d’assurer la sécurité des approvisionnements 36, faisant entrer les Gaulois dans l’arme la plus noble de l’armée romaine, l’infanterie. Enfin, c’est sur eux qu’il fait reposer l’essentiel de sa manœuvre de renseignements et c’est à eux qu’il confie ce que ces légions ont de plus précieux : tout le butin et les otages, garants de la paix.
C’est aussi parmi eux que César nous dit avoir trouvé des amis véritables. On ne laisse pas d’être étonné de le voir abandonner toute distance pour nous confier son plaisir lorsque, en 58, au soir de sa brillante victoire sur Arioviste, il retrouve vivant son ami helvien Caius Valerius Procillos (naturalisé par C. Valerius Flaccus, proconsul en 82-83) 37, dont le frère Domnotauros meurt en 52 à la tête de ses hommes pour retarder l’invasion de la Province lors de l’insurrection générale (BG, 7, 65). De même, le narrateur insiste longuement sur les liens noués par le légat Quintus Cicéron avec un Gaulois nervien, longuement présenté en termes élogieux 38. Nous pourrions citer aussi Troucillos, homme de confiance et familier de César 39, l’Héduen Diviciacos dont nous avons déjà parlé et son frère Dumnorix 40. Quand il s’agit d’évoquer les liens privilégiés qui unissent le peuple héduen au proconsul de Gaule en 52, nous lisons, dans ce texte où chaque mot compte, la formule exacte employée pour souligner, six ans plus tôt, les rapports privilégiés que le général entretient avec sa légion d’élite, la Xe, véritable « garde prétorienne » avant la lettre 41. Aussi, lorsque les Héduens trahissent, en 52, le narrateur laisse percer la tristesse de son héros au cœur d’airain, en des termes qui dépassent largement la simple évocation de la catastrophe militaire que semble annoncer cette défection 42.
Il n’est pas douteux que, pour César, les Héduens et, dans une moindre mesure, les Arvernes ne sont pas des barbares, mais presque des Romains. Ainsi, après Alésia, les soldats de ces deux peuples sont soigneusement épargnés pour ménager l’avenir 43. Ils fourniront d’ailleurs au futur maître de Rome les plus fidèles des cavaliers et même, nous l’avons dit, des fantassins. De l’infanterie à la légion, il n’y a qu’un pas, militairement insignifiant mais politiquement énorme, puisque le statut de légionnaires est consubstantiel à celui de citoyen romain. César franchit aussi ce Rubicon-là puisque, à la fin de notre période, pendant l’hiver 52-51, il crée une légion gauloise, celle de l’Alouette ; et il lui donne, outre le premier nom de légion attesté avant 50, le numéro cinq qui la place au premier rang des légions césariennes.
À ces Gaulois qui ne connaissent que la petite patrie de leur tribu ou de leur clan, César offre donc une vision plus large du destin collectif des peuples et distribue généreusement et largement la citoyenneté, jusque-là octroyée avec parcimonie. Toute l’œuvre politique et législative du dictateur traduit, à partir de 49, cette conviction que les Gaulois ont vocation à être Romains : octroi de la ciuitas pleine et entière à toute la Gaule cisalpine (Lex Roscia de Gallia Cisalpina), entrée de trois cents Gaulois au Sénat de Rome, postes de confiance réservés aux officiers gaulois et tant d’autres mesures qui ont eu le don d’irriter les aristocrates romains 44, parce qu’elles remettaient en cause non seulement la représentation séculaire du barbare gaulois mais, plus profondément, la définition de l’homme romain.
Conclusion
Le regard que porte César sur le monde gaulois n’est pas dénué de complexité ni d’ambiguïté. Tout d’abord, avant même de franchir la frontière de sa province, aux toutes premières lignes de son œuvre, le proconsul a redéfini ce qu’il nomme Gaule, mot qu’il emploie toujours au singulier. En effet, pour lui, la Cisalpine et la Narbonnaise ne sont déjà plus la Gaule : il appelle l’une l’Italie, l’autre notre Province. Ensuite, dans ce qu’il appelle la Gaule, il distingue clairement plusieurs catégories de peuples : les uns ont vocation à être rapidement romains (comme les Héduens ou les Arvernes), d’autres peuvent fournir ponctuellement des officiers ou des citoyens à Rome (comme les Aquitains45, d’autres enfin sont encore résolument barbares.
Installant plusieurs légions de vétérans dans la Province, s’appuyant largement sur un recrutement gaulois, César consolide la romanité de la seule partie du monde romain qui reste toujours fidèle à sa personne tout au long de la guerre civile. Ainsi, le monde gaulois devient la patrie de César et, à l’intérieur des frontières qu’il a lui-même posées, les hommes ont vocation à partager le destin de Rome : c’est ce qui explique sans doute qu’il n’y eut jamais par la suite d’occupation militaire romaine en Gaule.