- Alpha, pour commencer : le mot « alphabet » vient du nom des deux premières lettres de l’alphabet grec et avant lui de l’alphabet phénicien : alpha/aleph et bêta/beth. Par ailleurs, dans l’Apocalypse de Saint Jean, Dieu se présente comme « l’alpha et l’omega », soit le commencement et la fin de toutes choses : ce sont les première et dernière lettre de l’alphabet grec !
- Les noms de quelques lettres grecques nous précisent leur prononciation comme ο (omicron = o petit) et ω (oméga= ô grand) ou ε (epsilon = é pincé) et η (êta = è ouvert).
- Certaines lettres ont définitivement disparu de l’alphabet, comme le ϙ (koppa), ϡ (sampi) ̩ ϛ (stigma) et ϝ (digamma) ; mais vous les verrez parfois dans des inscriptions archaïques, dans la numérotation (les Grecs les utilisent comme chiffres), ou dans leur adaptation en alphabet latin (Q et F).
- Le Grec n’a pas toujours été écrit de gauche à droite. Sur les céramiques, les noms des personnages sont écrits dans le sens de leur regard. Le Grec a pu aussi être écrit en « boustrophédon », un sens de lecture qui imite le tracé des sillons des bœufs au labour, changeant à chaque ligne !
- En novembre 2020, l’archéologue français François Desset a annoncé qu’il était parvenu à déchiffrer de très anciennes inscriptions en élamite linéaire, un système d’écriture utilisé en Iran il y a 4400 ans. Voilà qui remet en question les connaissances que nous avions jusque-là de l’apparition de l’écriture. Les chercheurs pensaient qu’elle était née en Mésopotamie : on découvre aujourd’hui qu’un autre système d’écriture était contemporain en Iran.
Composition de l’alphabet
L’alphabet grec est composé de 24 lettres : 7 voyelles et 17 consonnes. Vous en connaissez déjà plusieurs utilisées en sciences, comme π (pi) en géométrie, μ (mu) symbole des microns ou Δ (delta majuscule) pour désigner une droite. Certaines lettres, particulièrement les majuscules, ressemblent beaucoup à celles de notre alphabet latin, telles A (alpha), B (beta), E (epsilon), M (mu) ou N (nu). En revanche, vous découvrez d’autres signes comme θ (theta), φ (phi) ou les consonnes dites doubles (car elles transcrivent deux sons) : ζ (dzeta), ξ (xi) et ψ (psi).
Certaines lettres ont des graphies différentes selon leur place dans le mot : bêta (β ou ϐ) et sigma (σ ou ς).
Quand les voyelles se combinent entre elles, on parle alors de diphtongues :
αι = aï — ει = eï — οι = oï — αυ = au — ευ = eu — ου = ou
L’alphabet comporte enfin 3 accents (aigu, grave et circonflexe) qui transcrivent une intonation montante ou descendante, et deux esprits, qui s’écrivent sur une voyelle ou une consonne ρ (rho) en tête de mot : l’esprit rude, par opposition à l’esprit doux, ce qui traduit une aspiration comme un « h » aspiré et fortement prononcé. Ainsi ἳππος (hippos, le cheval) a donné "hippique". En revanche, ἰδέα (idea) a donné "idée".
Majuscules |
Minuscules |
Nom de la lettre |
Prononciation comme dans |
Caractères romains dérivés |
Α |
α |
Alpha |
âne |
A |
Β |
β (en début de mot) -ϐ (en milieu de mot) |
Beta |
bal |
B |
Γ |
γ |
Gamma |
gomme |
C G |
∆ |
δ |
Delta |
dos |
D |
Ε |
ε |
Epsilon |
été |
E |
Ζ |
ζ |
Zeta |
Zeus |
Z |
Η |
η |
Eta |
escargot |
H |
Θ |
θ |
Thêta |
thé |
|
I |
ι |
Iota |
ibis |
I J |
Κ |
κ |
Kappa |
képi |
K |
Λ |
λ |
Lambda |
lame |
L |
M |
µ |
Mu |
mur |
M |
Ν |
ν |
Nu |
nord |
N |
Ξ |
ξ |
Xi (Ksi) |
maxi |
X |
Ο |
ο |
Omicron |
os |
O |
Π |
π |
Pi |
pas |
P |
Ρ |
ρ |
Rho |
rhume |
R |
Σ |
σ (en début et milieu de mot) ς (en fin de mot) |
Sigma |
sot |
S |
Τ |
τ |
Tau |
tas |
T |
Υ |
υ |
Upsilon |
bu |
U V W Y |
Φ |
ϕ |
Phi |
phare |
|
Χ |
χ |
Chi (Ki) |
chaos |
|
Ψ |
ψ |
Psi |
psychologue |
|
Ω |
ω |
Omega |
olive |
|
La lettre theta n’a pas de dérivé dans notre alphabet latin, mais elle se transcrit par « th ». Ainsi, un mot comme θεολόγια donne « théologie ». De même, φ se transcrit par « ph » : le mot φιλοσόφια devient « philosophie ». χ se transcrit par ch : χρόνος donne la racine « chrono » que l'on retrouve dans « chronologie », par exemple. Enfin, on retrouve la transcription de la lettre ψ dans « psychologie » qui vient de ψυχή (l’âme).
Prononciation et écriture
Nous adoptons en France pour le grec ancien une prononciation dite « érasmienne », soit à peu près celle reconstituée par le savant Érasme au XVIè siècle. Elle ne correspond pas à la prononciation du grec moderne et est même différente de la façon d’autres pays prononcent le grec ancien aujourd’hui. Il nous est difficile par exemple de transcrire l’accent de hauteur car la langue française ne le pratique pas.
Au départ, seules les majuscules étaient employées. Minuscules et accents apparaissent à l’époque byzantine. Les moines copistes du Moyen-Âge mettront en place l’écriture grecque actuelle, avec ponctuation et espaces entre les mots.
L’origine de l’alphabet grec
C’est aux Phéniciens, peuple de navigateurs installés alors sur les côtes du Liban et de la Syrie actuels, que l’on doit l’invention de l’alphabet, vers 1100 avant J.-C. L’écriture existait en effet depuis près de 2000 ans mais les premiers systèmes (idéogrammes, pictogrammes ou hiéroglyphes) étaient très difficiles à maîtriser. Commerçant avec les marchands phéniciens, les Grecs adoptent vers 800 avant J.-C. cette invention et lui ajoutent une innovation majeure, afin de retranscrire tous les sons de leur langue : les voyelles. Le nom même de la plupart des lettres grecques est d'origine phénicienne : alpha/ aleph, bêta / beth, gamma / gimmel…
Après la période classique
Simple et facile à maitriser, ce nouveau système d’écriture connaît alors une grande diffusion.
Grâce aux conquêtes d’Alexandre le Grand au IVè siècle avant notre ère, il se répand à travers le monde hellénistique. La koinè, langue commune qui réunit plusieurs dialectes grecs antiques, deviendra la langue officielle de l’Empire Byzantin et ne cessera d’évoluer jusqu’aujourd’hui : de fait l’alphabet grec est toujours en usage en Grèce actuellement !
Il est aussi l’ancêtre d’autres alphabets, comme l’alphabet cyrillique, utilisé par les langues russe, bulgare et serbe : ce nom viendrait du prêtre Cyrille qui aurait adapté l’alphabet grec au slavon pour évangéliser les populations au IXè siècle après J.-C.
De même, introduit en Italie par les colons grecs, il est adapté par les Étrusques pour noter leur langue. Les Romains s’en inspireront à leur tour : ainsi l’alphabet latin, que vous utilisez, comme une grande partie de la population mondiale, dérive de l’alphabet grec.
Enfin, vous parlez grec vous-mêmes sans le savoir ! Nombre de termes scientifiques, notamment dans les domaines de la médecine, de la botanique ou de la biologie, ont une étymologie grecque : des mots comme « microbe », « encéphale », « épiderme », voire « cytoplasme » vous sont déjà familiers…
Mais saviez-vous que chaque année La Délégation générale à la langue française et aux langues de France (la D.G.L.F.L.F., service du ministère de la Culture) enrichit notre langue de centaines de nouveaux mots composés de racines grecques ? Sont ainsi rentrés en 2019 dans nos dictionnaires les mots « autophagie », « autodidaxie » en matière de santé, « nanocapsule » ou encore « obésogène », pour ne citer que quelques exemples…
Ce qu'écrit Hérodote :
« Οἱ δὲ Φοίνικες οὗτοι οἱ σὺν Κάδμῳ ἀπικόμενοι, τῶν ἦσαν οἱ Γεφυραῖοι, ἄλλα τε πολλὰ οἰκήσαντες ταύτην τὴν χώρην ἐσήγαγον διδασκάλια ἐς τοὺς Ἕλληνας καὶ δὴ καὶ γράμματα, οὐκ ἐόντα πρὶν Ἕλλησι ὡς ἐμοὶ δοκέειν. »
« Pendant le séjour que firent en ce pays les Phéniciens qui avaient accompagné Cadmus, et du nombre desquels étaient les Géphyréens, ils introduisirent en Grèce plusieurs connaissances, et entre autres des lettres qui étaient, à mon avis, inconnues auparavant dans ce pays. »
Hérodote, Histoires, V, 58 (traduction Larcher, Paris, Lefevre et Charpentier 1842)