Recherches sur les plantes, Théophraste, IV, 8, 7-8 - Traduction juxtalinéaire (texte établi et traduit par S. Amigues, CUF, 1989)

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Ὁ δὲ κύαμος φύεται μὲν
La fève1 pousse

ἐν τοῖς ἕλεσι καὶ ταῖς λίμναις.
dans les marécages et les lacs.

Καυλὸς δὲ αὐτοῦ
Sa tige,

μῆκος μὲν ὁ μακρότατος εἰς τέτταρας πήχεις,
quant à la longueur, la plus grande (va) jusqu’à quatre coudées,

πάχος δὲ δακτυλιαῖος·
quant à l’épaisseur, (elle est) de celle d’un doigt ;

ὅμοιος δὲ καλάμῳ μαλακῷ ἀγονάτῳ,
elle (est) semblable à un roseau souple sans nœuds,

διαφύσεις δὲ ἔνδοθεν ἔχει
mais comporte à l’intérieur des interstices

δι' ὅλου διειλημμένας
répartis sur la totalité,

ὁμοίας τοῖς κηρίοις.
semblables aux cellules de cire des abeilles.

Ἐπὶ τούτῳ δὲ
Sur celle-ci,

ἡ κωδύα
la tête (est)

παρομοία σφηκίῳ περιφερεῖ.
presque semblable à un petit nid de guêpes arrondi.

Kαὶ ἐν ἑκάστῳ τῶν κυττάρων
Et dans chacune des alvéoles

κύαμος μικρὸν ὑπεραίρων αὐτοῦ,
(il y a) une fève s’élevant au-dessus d’elle,

πλῆθος δὲ οἱ πλεῖστοι τριάκοντα.
et quant au nombre, les plus nombreuses (sont de) trente.

Tὸ δὲ ἄνθος διπλάσιον ἢ μήκωνος,
La fleur (est) deux fois aussi grande que (celle d’)un pavot,

χρῶμα δὲ ὅμοιον ῥόδῳ κατακορές.
sa couleur (est) semblable à (celle d’)une rose, (en plus) soutenu.

Ἐπάνω δὲ τοῦ ὕδατος ἡ κωδύα.
Au-dessus de l’eau (se dresse) la tête.

Παραφύεται δὲ φύλλα μεγάλα
Il pousse de grandes feuilles

παρ' ἕκαστον τῶν κυάμων,
à côté de chacune des fèves2,

ὧν καὶ ἴσα τὰ μεγέθη πιλῳ θετταλικῷ,
(feuilles) dont la taille (est) même égale à (celle d’)un bonnet de feutre thessalien,

τὸν αὐτὸν ἔχοντα καυλὸν τῷ τῶν κυάμων.
ayant la même (sorte de) tige que celle des fèves.

Συντρίψαντι δ' ἕκαστον τῶν κυάμων
Pour celui qui brise chacune des fèves

φανερόν ἐστι τὸ πικρὸν συνεστραμμένον
(elle) est visible la partie amère enroulée sur elle-même

ἐξ οὗ γίνεται3 ὁ πῖλος.
d’où naît le “feutre”.

Τὰ μὲν οὖν περὶ τὸν καρπὸν τοιαῦτα.
En ce qui concerne donc le fruit, voilà.

Ἡ δὲ ῥίζα
La racine

παχυτέρα τοῦ καλάμου τοῦ παχυτάτου
(est) plus épaisse que celle du roseau le plus épais

καὶ διαφύσεις ὁμοίως ἔχουσα τῷ καυλῷ.
et comporte4 des interstices semblablement à la tige.

Ἐσθίουσι δ' αὐτὴν
On la mange

καὶ ὠμὴν καὶ ἑφθὴν καὶ ὀπτήν,
et crue et bouillie et grillée,

καὶ οἱ περὶ τὰ ἕλη
et ceux (qui vivent) autour des marécages

τούτῳ σίτῳ χρῶνται5.
se servent de cela comme nourriture.

Φύεται μὲν οὖν ὁ πολὺς αὐτόματος·
Certes (la plante) pousse communément d’elle-même ;

οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ καταβάλλουσιν ἐν πηλῷ
néanmoins on la jette aussi dans la boue

ἀχυρώσαντες εὖ μάλα
l’ayant tout à fait bien entourée de paille

πρὸς τὸ κατενεχθῆναί τε
pour qu’elle soit entraînée au fond

καὶ μεῖναι
et (y) subsiste


καὶ μὴ διαφθαρῆναι.
et qu’elle ne soit pas détruite6.

Kαὶ οὕτω κατασκευάζουσι τοὺς κυαμῶνας·
Et ainsi on prépare les champs de fèves ;

ἂν δ' ἅπαξ ἀντιλάβηται,
si une fois elle a pris racine,

μένει διὰ τέλους.
elle subsiste continuellement.

Ἰσχυρὰ γὰρ ἡ ῥίζα
Solide en effet (est) la racine

καὶ οὐ πόρρω τῆς τῶν καλάμων,
et pas éloignée de celle des roseaux,

πλὴν ἐπακανθίζουσα·
sauf qu’(elle est) couverte d’épines ;

διὸ καὶ ὁ κροκόδειλος φεύγει
c’est pourquoi précisément le crocodile (la) fuit

μὴ προσκόψῃ τῷ ὀφθαλμῷ
de peur qu’il ne (la) heurte avec son œil

τῷ μὴ ὀξὺ καθορᾶν.
du fait qu’il n’a pas une vue perçante.

Γίνεται δὲ οὗτος καὶ
Elle naît aussi cette (plante)

ἐν Συρίᾳ καὶ κατὰ Κιλικίαν,
en Syrie et dans toute l’étendue de la Cilicie,

ἀλλ' οὐκ ἐκπέττουσιν αἱ χῶραι.
mais ces contrées ne (l’)amènent pas à maturité.

Καὶ περὶ Τορώνην τῆς Χαλκιδικῆς
(Elle naît) aussi aux alentours de Toronè la chalcidienne

ἐν λίμνῃ τινὶ μετρίᾳ τῷ μεγέθει·
dans un lac de moyenne taille ;

καὶ αὕτη πέττει
et celui-ci (la) fait mûrir

καὶ τελειοῖ
et (l’)amène à sa pleine croissance

καὶ τελεοκαρπεῖ.
et fait pleinement croître ses fruits.

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Notes :

  1. Il s’agit de la « fève d’Égypte », c’est-à-dire le lotus rose, Nelumbo nucifera, originaire de l’Asie méridionale mais jadis très répandu dans son pays d’adoption, d’où il a totalement disparu ; cette plante est caractérisée par de magnifiques fleurs roses, de grandes feuilles en forme de coupe et un fruit que les Anciens comparaient à un nid de guêpes et qui était comestible (note de l’édition de la CUF p. 266).
  2. Fleurs et feuilles sont portées par des tiges issues séparément de la racine.
  3. γίνεται = γίγνεται.
  4. Littéralement : comportant.
  5. On fera remarquer la construction du verbe χράομαι-ῶμαι avec un double datif, le second étant attribut du premier.
  6. Série d’infinitifs substantivés. Cf. aussi plus bas : τῷ μὴ ὀξὺ καθορᾷν.
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