Histoire naturelle, Pline l’Ancien, « La fève », XVIII, 30 - Texte et traduction (Texte établi et traduit par H. Le Bonniec, CUF, 1972)

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Sequitur leguminum natura, inter quae maxime honos fabae, quippe ex qua temptatus sit etiam panis. Lomentum appellatur farina ea, adgravaturque pondus illa et omni legumine, jam vero et pabulo, in pane venali. Fabae multiplex usus omnium quadripedum generi, praecipue homini. Frumento etiam miscetur apud plerasque gentes, et maxime panico solida ac delicatius fracta. Quin et prisco ritu fabata suae religionis diis in sacro est, praevalens pulmentari cibo et hebetare sensus existimata, insomnia quoque facere, ob haec Pythagoricae sententiae damnata, ut alii tradidere, quoniam mortuorum animae sint in ea, qua de causa parentando utique adsumitur. Varro et ob haec flaminem ea non vesci tradit et quoniam in flore ejus litterae lugubres reperiantur. In eadem peculiaris religio, namque fabam utique ex frugibus referre mos est auspici causa, quae ideo referiva appellatur. Et auctionibus adhibere eam lucrosum putant. Sola certe frugum etiam exesa repletur crescente luna. Aqua marina aliave salsa non percoquitur. Seritur ante Vergiliarum occasum leguminum prima, ut antecedat hiemem. Vergilius eam per ver seri jubet circumpadanae Italiae ritu, sed major pars malunt fabalia maturae sationis quam trimestrem fructum. Ejus namque siliquae caulesque gratissimo sunt pabulo pecori. Aquas in flore maxime concupiscit, cum vero defloruit, exiguas desiderat. Solum, in quo sata est, laetificat stercoris vice. Ideo circa Macedoniam Thessaliamque, cum florere cœpit, vertunt arva. Nascitur et sua sponte plerisque in locis, sicut septentrionalis oceani insulis, quas ob id nostri Fabarias appellant, item in Mauretania silvestris passim, sed praedura et quae percoqui non possit. Nascitur et in Aegypto spinoso caule, qua de causa crocodili oculis timentes refugiunt. Longitudo scapo quattuor cubitorum est amplissima, crassitudo digiti ; ni genicula abessent, molli calamo similis ; caput papaveri, colore roseo, in eo fabae non supra tricenas ; folia ampla, fructus ipse amarus et odore, sed radix perquam grata incolarum cibis, cruda et omnino decocta, harundinum radicibus similis. Nascitur et in Syria Ciliciaque et in Toronae Chalcidices lacu.

Vient ensuite l’étude des légumineuses, parmi lesquelles la fève occupe la place d’honneur, puisqu’on a même essayé d’en faire du pain. On appelle lomentum la farine de fève et on s’en sert, ainsi que de la farine de toute espèce de légumineuses, voire de fourrage, pour donner du poids au pain fabriqué pour la vente. On utilise la fève de bien des façons, pour la nourriture de tous les quadrupèdes et surtout pour celle de l’homme. On la mélange aussi avec le blé chez la plupart des peuples, avec le panic surtout, entière ou légèrement concassée. De plus, selon les rites anciens, la bouillie de fève a son rôle religieux dans les sacrifices aux dieux. La fève se mange généralement en bouillie ; elle passe pour émousser les sens et aussi pour donner des songes ; c’est pourquoi la doctrine de Pythagore en condamne l'usage ; selon d’autres, c’est parce que les âmes des morts sont dans la fève ; en tout cas, c'est pour cette raison qu’on l’emploie dans les offrandes aux morts. D'après Varron, c’est pour cela que le flamine n’en mange pas, et aussi parce qu’on trouve sur la fleur de la fève des lettres lugubres. La fève est l’objet d’un rite religieux particulier : la coutume veut qu’on rapporte toujours de la récolte, pour l’auspice, une fève qui, pour cette raison, est appelée referiva (fève rapportée). Il est lucratif aussi, croit-on, de faire figurer la fève dans les ventes aux enchères. Toujours est-il que c’est le seul grain qui, même rongé, se remplisse quand la lune croît. Elle ne cuit complètement ni dans l’eau de mer ni dans aucune eau salée.

On la sème avant le coucher des Pléiades, la première de toutes les légumineuses, pour qu’elle gagne l'hiver de vitesse. Virgile veut qu’on la sème au printemps, comme c’est l’usage en Italie sur les bords du Pô, mais d’ordinaire on préfère les tiges de fèves semées de bonne heure à la récolte de trois mois. En effet, les cosses et les tiges des premières donnent un fourrage qui plaît beaucoup au bétail. Quand elle est en fleur, elle est très gourmande d’eau, mais quand elle a passé la fleur, elle n’en réclame plus beaucoup. Elle fertilise le sol où on l’a semée et elle tient lieu de fumier. C’est pour cela qu’en Macédoine et en Thessalie, quand elle commence à fleurir, on retourne les champs. Elle pousse aussi à l’état sauvage dans beaucoup de régions, par exemple dans les îles de l’Océan septentrional, qui lui doivent chez nous le nom de Fabaries ; de même on trouve un peu partout en Mauritanie une fève sauvage, mais très dure et qu'il est impossible de faire cuire complètement. Elle pousse aussi en Égypte, sur une tige épineuse, ce qui fait que les crocodiles, craignant pour leurs yeux, l’évitent. Les tiges les plus hautes atteignent quatre coudées ; elles sont épaisses d'un doigt. N’était l’absence de nœuds, elle serait pareille à un roseau flexible ; la tête ressemble à celle du pavot, elle est rose, elle renferme les fèves dont le nombre ne dépasse pas trente ; les feuilles sont larges, le fruit lui-même est amer, même à l'odeur, mais la racine fournit aux habitants un mets très apprécié, soit crue, soit bouillie ; elle ressemble aux racines des roseaux. Cette plante pousse aussi en Syrie et en Cilicie, ainsi que dans un étang, près de Toroné, en Chalcidique.

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