Les fragilités d’un projet politique sans consensus et la fin de l’épopée orientale

NOTES

  1. Arrien, Anabase, VI, 27, 5.
  2. Voir Arrien, Anabase, VI, 30, 2 : Peucestas est nommé satrape de Perse. Il est intéressant de noter que seul de tous les Macédoniens il a adopté le mode de vie des Barbares, porté le vêtement des Mèdes et appris la langue perse.
  3. Voir Arrien, L’Inde, 33-36. Le récit que Néarque fait à Alexandre de son difficile retour est particulièrement émouvant et intéressant. En effet, le récit d’Arrien s’inspire directement de celui de Néarque.
  4. Sur le retour des bannis voir P. Carlier, Le IVe siècle grec, op. cit., pp. 162-163.
  5. Diodore, Bibliothèque historique, XVII, 108, 6.
  6. Diodore se trompe, il s’agit, évidemment, de l’Hyphase.
  7. Voir Arrien, Anabase, VII, 23 : « 3 Il adressa alors des félicitations aux Perses pour leur ardeur, et pour avoir obéi en tout à Peucestas, et à Peucestas pour les avoir gouvernés sagement ; puis il les versa dans les régiments macédoniens : à la tête d’une section se trouvait un décurion macédonien, ayant à ses côtés un double-solde macédonien et un “dix-statères”, ainsi nommé à cause de sa solde, inférieure à celle du double-solde, mais supérieure à celle du simple soldat ; 4 à leurs côtés, il y avait douze Perses, et le dernier de la section était un Macédonien, “dix-statères” lui aussi ; en sorte que dans une section il y avait quatre Macédoniens, dont trois à solde majorée, le décurion commandant la section et douze Perses ; les Macédoniens étaient dotés de l’armement de leur nation, les Perses étaient les uns archers, les autres armés du javelot à courroie ». Voir aussi Diodore, Bibliothèque historique, XVII, 110, 1.
  8. Ce banquet aurait réuni neuf mille participants.
  9. Voir Arrien, Anabase, II, 12, 6-8. Voyant la reine toute confuse de sa méprise, Alexandre l’assure « qu’elle n’avait commis aucune faute, car Héphestion, lui avait-il dit, était un autre Alexandre ».
  10. Arrien (VII, 14, 1) déclare que sa mort survint au septième jour de sa maladie.
  11. Arrien signale que les historiens donnent des versions variées à propos du deuil d’Alexandre et que ces témoignages divergent en fonction de la sympathie ou de l’antipathie que chacun éprouvait pour Héphestion ou Alexandre lui-même. Certains comportements d’Alexandre, note-t-il, sont invraisemblables car dignes d’un Barbare et nullement en rapport avec ce que nous savons d’Alexandre, comme par exemple le fait d’avoir fait raser le temple d’Asclépios à Ecbatane. En revanche tous les historiens sont d’accord sur d’autres faits, comme par exemple, le fait qu’Alexandre ne mit personne à la tête de la cavalerie des Compagnons pour remplacer son ami afin que le nom d’Héphestion ne disparût pas de son unité. Cette dernière prit son nom et se fit précéder de l’enseigne qui avait été façonnée à l’image d’Héphestion.
  12. Plutarque, Démosthène, 25.
  13. Dinarque, Contre Aristophon, 6.
  14. H. Berthaut, L’éloquence attique, Hatier, 1948.
  15. G. Mathieu, Démosthène, l’homme et l’Œuvre, Boivin, 1968, p.150.
  16. Démosthène, Lettre III.
  17. Voir A. Schaefer, Démosthène, u. s. Zeit, t. III, p. 291 sq. ; A. Cartault, De causa harpalica, Paris, 1881 ; J. Girard, Études sur l’éloquence attique, pp. 235-305 ; H. Weil, Introduction à son édi­tion des Harangues, Blass, Att. Bereds., III 2 pp. 45-48.
  18. Anaxarque d’Abdère accompagna Alexandre dans son expédition. Il s’opposa, semble-t-il, aux influences aristotéliciennes. Il s’est opposé à Callisthène à propos de l’affaire de la proskynèse dont il approuvait le principe.
  19. En 331.
  20. Plutarque (Alexandre, 57, 4) parle, au début de la campagne de l’Inde, de ces prêtres babyloniens qu’Alexandre avait coutume d’amener avec lui. Plus loin (73,1), à propos des présages annonciateurs de la mort du roi, à Babylone, le biographe les appelle « Chaldéens ». Plutarque note ensuite (75) : « 1 Dès lors Alexandre devint très sensible aux signes divins et il laissa le trouble et la crainte envahir son esprit. Il n’arrivait rien d’insolite ni d’étrange, si minime que ce fût, qu’il ne prît pour un prodige et un présage, et son palais fut plein de sacrificateurs, d’exorcistes, de devins et de gens qui remplissaient le roi de sottises et de terreurs. 2 Tant il est vrai que, si l’incroyance et le mépris des indications divines est un mal terrible, la superstition l’est aussi, elle qui toujours, comme l’eau, s’infiltre vers les parties basses… ».
  21. Plus tard il fut navarque d’Antigone.
  22. Arrien, Anabase, VII, 27, 3.

La répression militaire des désordres engendrés par l’éloignement d’Alexandre

 

325. En Carmanie Alexandre, rejoint par Cratère et le reste de l’armée avec les éléphants, constate que son éloi­gnement prolongé avait favorisé les exactions et des comportements félons de la part des satrapes et des stratèges qu’il y avait laissés. Les indigènes et les troupes elles-mêmes portèrent des accusations graves contre deux des géné­raux qu’Alexandre avait laissés avec Parménion à la tête de l’armée de Médie : Cléandre et Sitalcès. Ils avaient pillé des temples, violé des tombeaux anciens et commis sur les administrés des injustices. Tout cela était la marque d’une grande impudence et d’une arrogance démente dont les conséquences politiques pouvaient être graves. Sur ses rapports Alexandre ordonne de les exécuter, pour inspirer aux autres satrapes une crainte salutaire et les maintenir dans l’obéissance. Héracon, convaincu d’avoir pillé le temple de Suse, sera exécuté peu après. Sa réaction fut donc immédiate et les châtiments exemplaires ou même, selon certaines sources, excessifs comme le laisse deviner l’épu­ration qui frappa les satrapes et qui continua à son arrivée à Suse. Certains furent exécutés, d’autres jetés en prison avant d’être jugés, d’autres enfin déposés. Seuls 4 satrapes sur 22 ne furent pas inquiétés. Il faut faire savoir que « sous le règne d’Alexandre, il était interdit aux gouvernants de léser les gouvernés »1. Le roi a besoin, en effet, pour le gouvernement de son immense empire, d’une administration efficace et fidèle. Il lui faut donc adapter ou même transformer la royauté macédonienne.

[6,28] […]ἀλλὰ ἐκεῖνα ἤδη Ἀριστοβούλῳ ἑπόμενος ξυγγράφω, θῦσαι ἐν Καρμανίᾳ Ἀλέξανδρον χαριστήρια τῆς κατ´ Ἰνδῶν νίκης καὶ ὑπὲρ τῆς στρατιᾶς, ὅτι ἀπεσώθη ἐκ Γαδρωσίων, καὶ ἀγῶνα διαθεῖναι μουσικόν τε καὶ γυμνικόν· καταλέξαι δὲ καὶ Πευκέσταν ἐς τοὺς σωματοφύλακας, ἤδη μὲν ἐγνωκότα σατράπην καταστῆσαι τῆς Περσίδος, ἐθέλοντα δὲ πρὸ τῆς σατραπείας μηδὲ ταύτης τῆς τιμῆς καὶ πίστεως ἀπείρατον εἶναι ἐπὶ τῷ ἐν Μαλλοῖς ἔργῳ· εἶναι δὲ αὐτῷ ἑπτὰ εἰς τότε σωματοφύλακας, Λεοννάτον Ἀντέου, Ἡφαιστίωνα τὸν Ἀμύντορος, Λυσίμαχον Ἀγαθοκλέους, Ἀριστόνουν Πεισαίου, τούτους μὲν Πελλαίους, Περδίκκαν δὲ Ὀρόντου ἐκ τῆς Ὀρεστίδος, Πτολεμαῖον δὲ Λάγου καὶ Πείθωνα Κρατεύα Ἐορδαίους· ὄγδοον δὲ προσγενέσθαι αὐτοῖς Πευκέσταν τὸν Ἀλεξάνδρου ὑπερασπίσαντα. Ἐν τούτῳ δὲ καὶ Νέαρχος περιπλεύσας τὴν Ὤρων τε καὶ Γαδρωσῶν γῆν καὶ τὴν τῶν Ἰχθυοφάγων κατῆρεν ἐς τῆς Καρμανίας τὰ πρὸς θάλασσαν ᾠκισμένα· ἔνθεν δὲ ἀνελθὼν σὺν ὀλίγοις Ἀλεξάνδρῳ ἀπήγγειλε τὰ ἀμφὶ τὸν περίπλουν τὸν γενόμενον αὐτῷ κατὰ τὴν ἔξω θάλασσαν. τοῦτον μὲν δὴ καταπέμπει αὖθις ἐκπεριπλεύσοντα ἔστε ἐπὶ τὴν Σουσιανῶν τε γῆν καὶ τοῦ Τίγρητος ποταμοῦ τὰς ἐκβολάς· ὅπως δὲ ἐπλεύσθη αὐτῷ τὰ ἀπὸ τοῦ Ἰνδοῦ ποταμοῦ ἐπὶ τὴν θάλασσαν τὴν Περσικὴν καὶ τὸ στόμα τοῦ Τίγρητος, ταῦτα ἰδίᾳ ἀναγράψω αὐτῷ Νεάρχῳ ἑπόμενος, ὡς καὶ τήνδε εἶναι ὑπὲρ Ἀλεξάνδρου Ἑλληνικὴν τὴν συγγραφήν. ταῦτα μὲν δὴ ἐν ὑστέρῳ ἔσται τυχόν, εἰ{ς} ὅ τε θυμός {τέ} με καὶ ὁ δαίμων ταύτῃ ἄγοι. Ἀλέξανδρος δὲ Ἡφαιστίωνα μὲν σύν τε τῇ πλείστῃ μοίρᾳ τῆς στρατιᾶς καὶ τοῖς ὑποζυγίοις καὶ τοὺς ἐλέφαντας ἅμα οἷ ἔχοντα τὴν παρὰ θάλασσαν ἀπὸ Καρμανίας ὡς ἐπὶ τὴν Περσίδα ἄγειν ἐκέλευσεν, ὅτι χειμῶνος ὥρᾳ γιγνομένου αὐτῷ τοῦ στόλου τὰ πρὸς τῇ θαλάσσῃ τῆς Περσίδος ἀλεεινά τε ἦν καὶ τῶν ἐπιτηδείων ἀφθόνως ἔχοντα.

[6,28] […] On lit seulement dans Aristobule, qu’arrivé dans la Carmanie, Alexandre sacrifia aux Dieux pour les remercier de lui avoir accordé la victoire dans les Indes et sauvé son armée dans la Gédrosie, et fit célébrer les jeux du gymnase et de la lyre. Il inscrit Peucestas parmi les gardes de sa personne, qui n’étaient qu’au nombre de sept, savoir : Léonnatos, fils d’Antéas, Héphestion, fils d’Amyntor, Lysimaque, fils d’Agathoclès, Aristonus, tous quatre Pelléens ; Perdiccas, de l’Orestide ; Ptolémée et Python, Eordéens. Peucestas, qui l’avait couvert de son bouclier2. chez les Malles, fut le huitième. Alexandre avait résolu de le nommer satrape de la Perse, mais il voulait d’abord lui donner ce premier et honorable témoignage de sa reconnaissance. Néarque, après avoir côtoyé les pays des Ores, des Gédrosiens et des Ichtyophages, touche à la Carmanie ; accompagné d’un petit nombre des siens, il vient rendre compte à Alexandre3 de sa navigation. Il reçoit l’ordre de la continuer jusqu’à l’embouchure du Tigre vers le Pays des Susiens. C’est dans un ouvrage séparé que je rendrai compte de la navigation de Néarque, lequel nous a laissé une histoire d’Alexandre. Elle terminera la mienne si je puis la conduire à sa fin. Héphestion doit ramener la plus grande partie de l’armée, les animaux de trait et les éléphants, de la Carmanie dans la Perse, en suivant le bord de la mer, parce que cette marche ayant lieu l’hiver, il y trouverait une température plus douce et un pays plus abondant.

Arrien, Anabase, VI, 28, 5-6.

 

Les noces de Suse : stratégie d’alliance et de contrôle des élites grecques et perses

 

324. L’armée fait une entrée triomphale à Suse. Il ordonne, pour éviter une révolte des satrapes, de licencier tous les mercenaires4 qui sont sous leur contrôle. Plutarque y voit là même l’origine de la guerre Lamiaque. Les satrapes ayant exécuté l’ordre, des bandes errantes de mercenaires sans emploi sillonnèrent l’Asie en se livrant au pillage pour subsister. Ils passèrent la mer pour se trouver au cap Ténare, à l’extrême sud du Péloponnèse, avant de prendre pour stratège l’Athénien Léosthène, hostile à Alexandre. Prévoyant une guerre imminente – la révolte anti-macédonienne éclatera après la mort du roi, avec à sa tête des Étoliens et les Athéniens Léosthène et Hypéride – Léosthène entame des négociations secrètes avec le Conseil et obtint assez d’argent pour le paiement des soldes et des armes en quantité suffisante. La décision d’Alexandre à l’origine du retour des bannis est signe pour Athènes de la perte de Samos, puisque le roi a imposé aux cités grecques de rendre leurs terres aux bannis. Cet édit publié à Suse et proclamé par Nicanor lors des jeux Olympiques est lourd de conséquences, surtout qu’au même moment Alexandre demande aux cités grecques d’instaurer un culte en son honneur.

Par ailleurs, Harpale, qui a des raisons de craindre le retour prochain du roi – il a su qu’Alexandre, à son retour de d’Inde, a fait périr les satrapes coupables, s’enfuit vers l’Attique, avec une somme de cinq mille talents et six mille mercenaires5. Il avait été chargé de la surveillance du trésor de Babylone et celle des revenus publiques. Mais le départ du roi pour l’Inde l’avait laissé maître d’un immense territoire. Il s’était laissé alors aller à des passions illégitimes, à des violences sur les femmes barbares. Il avait dilapidé une bonne partie du trésor pour un luxe démesuré et pour la satisfaction de ses plaisirs…

Enfin, pour montrer clairement le rôle qu’il réserve à l’aristocratie ma­cédonienne, Alexandre organise en grande pompe des noces collectives. Son but, éminemment politique, est de constituer, à l’image de sa grande armée, une aristocratie mixte.

[7,4] […] Ὁ δὲ καὶ γάμους ἐποίησεν ἐν Σούσοις αὑτοῦ τε καὶ τῶν ἑταίρων· αὐτὸς μὲν τῶν Δαρείου θυγατέρων τὴν πρεσβυτάτην Βαρσίνην ἠγάγετο, ὡς δὲ λέγει Ἀριστόβουλος, καὶ ἄλλην πρὸς ταύτῃ, τῶν Ὤχου θυγατέρων τὴν νεωτάτην Παρύσατιν. ἤδη δὲ ἦν αὐτῷ ἠγμένη καὶ ἡ Ὀξυάρτου τοῦ Βακτρίου παῖς Ῥωξάνη. Δρύπετιν δὲ Ἡφαιστίωνι δίδωσι, Δαρείου παῖδα καὶ ταύτην, ἀδελφὴν τῆς αὑτοῦ γυναικός· ἐθέλειν γάρ οἱ ἀνεψιοὺς τῶν παίδων γενέσθαι τοὺς Ἡφαιστίωνος παῖδας· Κρατερῷ δὲ Ἀμαστρίνην τὴν Ὀξυάτρου τοῦ Δαρείου ἀδελφοῦ παῖδα· Περδίκκᾳ δὲ τὴν Ἀτροπάτου τοῦ Μηδίας σατράπου παῖδα ἔδωκεν· Πτολεμαίῳ δὲ τῷ σωματοφύλακι καὶ Εὐμενεῖ τῷ γραμματεῖ τῷ βασιλικῷ τὰς Ἀρταβάζου παῖδας τῷ μὲν Ἀρτακάμαν, τῷ δὲ Ἄρτωνιν· Νεάρχῳ δὲ τὴν Βαρσίνης τε καὶ Μέντορος παῖδα· Σελεύκῳ δὲ τὴν Σπιταμένους τοῦ Βακτρίου παῖδα· ὡσαύτως δὲ καὶ τοῖς ἄλλοις ἑταίροις τὰς δοκιμωτάτας Περσῶν τε καὶ Μήδων παῖδας ἐς ὀγδοήκοντα. οἱ γάμοι δὲ ἐποιήθησαν νόμῳ τῷ Περσικῷ· θρόνοι ἐτέθησαν τοῖς νυμφίοις ἐφεξῆς καὶ μετὰ τὸν πότον ἧκον αἱ γαμούμεναι καὶ παρεκαθέζοντο ἑκάστη τῷ ἑαυτῆς· οἱ δὲ ἐδεξιώσαντό τε αὐτὰς καὶ ἐφίλησαν· πρῶτος δὲ ὁ βασιλεὺς ἦρξεν· ἐν τῷ αὐτῷ γὰρ πάντων ἐγίγνοντο οἱ γάμοι. καὶ τοῦτο, εἴπερ τι ἄλλο, ἔδοξε δημοτικόν τε καὶ φιλέταιρον πρᾶξαι Ἀλέξανδρον. οἱ δὲ παραλαβόντες ἀπῆγον τὴν αὑτοῦ ἕκαστος· προῖκας δὲ ξυμπάσαις ἐπέδωκεν Ἀλέξανδρος. καὶ ὅσοι δὲ ἄλλοι ἠγμένοι ἦσαν Μακεδόνες τῶν Ἀσιανῶν τινας γυναικῶν, ἀπογραφῆναι ἐκέλευσε καὶ τούτων τὰ ὀνόματα, καὶ ἐγένοντο ὑπὲρ τοὺς μυρίους, καὶ τούτοις δωρεαὶ Ἀλεξάνδρου ἐδόθησαν ἐπὶ τοῖς γάμοις.

[7,4] […] Il fit ensuite célébrer à Suse plusieurs mariages. Il y épousa Barsine, la fille aînée de Darius, et donna Drypetis, autre fille du roi persan, à Héphestion qu’il voulait s’allier. Déjà époux de Roxane, fille du Bactrien Oxyarte, il le devint encore, si l’on en croit Aristobule, de Parysatis, la plus jeune des filles d’Ochos. Cratère épousa Amastrine, fille d’Oxyartès, frère de Darius, Perdiccas, la fille d’Atropatès, satrape des Mèdes, Ptolémée, le somatophylax, Artacama, une des filles d’Artabase. L’autre, Artonis, fut donnée, au secrétaire Eumènes. Néarque eut la fille de Barsine et de Mentor, Séleucus celle du Bactrien Spitamenès. Les autres Hétaïres furent également unis à quatre-vingts filles des Persans et des Mèdes les plus illustres. La cérémonie se fit à la manière des Perses. Après un festin où tous les prétendants étaient placés suivant leurs grades, on amena, près de chacun d’eux, leurs fiancées dont ils reçurent la main, et qu’ils embrassèrent en suivant l’exemple du prince. Il n’y eut pour tous ces mariages qu’une cérémonie, dans laquelle on crut voir le témoignage le plus populaire de l’attachement et de l’amitié d’Alexandre pour les siens. Chacun d’eux emmène sa femme. Alexandre dota ces Persanes, et fit aussi des présents de noce à tous les Macédoniens qui épousèrent des Asiatiques, et dont les noms inscrits sur des registres se montaient à plus de dix mille.

Arrien, Anabase, VII, 4, 4-8.

L’incorporation des Perses est un élément de la stratégie politique et militaire d’Alexandre.

[108] κατὰ τοῦτον τὸν καιρὸν ἧκον εἰς τὰ Σοῦσα τρισμύριοι τῶν Περσῶν, νέοι μὲν παντελῶς ταῖς ἡλικίαις, ἐπιλελεγμένοι δὲ ταῖς τῶν σωμάτων εὐπρεπείαις τε καὶ ῥώμαις. [2] κατὰ δέ τινας ἐντολὰς τοῦ βασιλέως ἠθροισμένοι, χρόνον ἱκανὸν ἐπιστάτας καὶ διδασκάλους ἐσχηκότες τῶν πολεμικῶν ἔργων, πάντες δὲ Μακεδονικαῖς πανοπλίαις πολυτελῶς κεκοσμημένοι, παρεμβολὴν μὲν ἐποιήσαντο πρὸ τῆς πόλεως, ἐπιδειξάμενοι δὲ τῷ βασιλεῖ τὴν ἐν τοῖς ὅπλοις ἄσκησιν καὶ μελέτην ἐτιμήθησαν διαφερόντως. [3] τῶν γὰρ Μακεδόνων πρὸς τὴν τοῦ Γάγγου ποταμοῦ διάβασιν ἀντειπόντων καὶ πολλάκις ἐν ταῖς ἐκκλησίαις καταβοώντων καὶ τὴν ἐξ Ἄμμωνος γένεσιν διασυρόντων τοῦτο τὸ σύστημα κατεσκεύασεν ἐκ μιᾶς μὲν ἡλικίας τῶν Περσῶν καὶ ὁμοίας συνεστηκός, δυνάμενον δὲ ἀντίταγμα γενέσθαι τῇ Μακεδονικῇ φάλαγγι. καὶ τὰ μὲν περὶ Ἀλέξανδρον ἐν τούτοις ἦν.

 [108] On vit alors arriver à Suse trente mille Perses tous à la fleur de leur âge, et l’élite de la nation pour la figure et pour le service militaire. [2] Les ordres d’Alexandre les avait fait choisir pour apprendre les exercices de la guerre, sous des maîtres qu’il avait lui-même nommés. Ainsi tous armés à la Macédonienne, ils se rangèrent devant les murailles de la ville ; et là par différentes évolutions faites en présence du roi même, ils s’attirèrent de sa part de grandes louanges accompagnées de magnifiques présents. [3] Car sur le refus que les Macédoniens avaient fait de le suivre jusqu’au Gange6, refus qui d’ailleurs fut accompagné de beaucoup de murmures et même de railleries sur son prétendu titre de fils d’Hammon, il avait fait élever toute cette jeunesse persane pour l’opposer dans le besoin à la phalange macédonienne : voilà quelles étaient pour lors les dispositions d’Alexandre.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 108, 1-3, trad. abbé Jean Terrasson

 

La révolte de l’armée macédonienne

 

Se sentant abandonnée et méprisée – Alexandre ne semble pas vouloir rentrer à Pella –, la phalange macédo­nienne fait sécession. Il est à noter que quelques semaines avant sa mort Alexandre décide, à Babylone, d’incorporer des Perses dans la phalange qui, depuis le départ des vétérans, est réduite à ses seuls éléments macédoniens7.

[7,8] Ὡς δὲ ἐς τὴν Ὦπιν ἀφίκετο, συναγαγὼν τοὺς Μακεδόνας προεῖπεν ὅτι τοὺς ὑπὸ γήρως ἢ πηρώσεως τοῦ σώματος ἀχρείους ἐς τὰ πολέμια ὄντας παραλύει μὲν τῆς στρατιᾶς, ἀποπέμπει δὲ ἐς τὰ σφέτερα ἤθη, ἐπιδώσει δὲ {μένουσιν} ὅσα αὐτούς τε ζηλωτοτέρους ποιήσει τοῖς οἴκοι καὶ τοὺς ἄλλους Μακεδόνας ἐξορμήσει ἐς τὸ ἐθέλειν τῶν αὐτῶν κινδύνων τε καὶ πόνων μετέχειν. Ἀλέξανδρος μὲν ὡς χαριούμενος δῆθεν τοῖς Μακεδόσιν ταῦτα ἔλεγεν· οἱ δὲ ὡς ὑπερορώμενοί τε ἤδη πρὸς Ἀλεξάνδρου καὶ ἀχρεῖοι πάντῃ ἐς τὰ πολέμια νομιζόμενοι οὐκ ἀλόγως αὖ τῷ λόγῳ ἠχθέσθησαν τῷ πρὸς Ἀλεξάνδρου λεχθέντι, κατὰ τὴν στρατιὰν ταύτην πᾶσαν πολλοῖς καὶ ἄλλοις ἀχθεσθέντες, ὅτι πολλάκις ἤδη ἐλύπει αὐτοὺς ἥ τε ἐσθὴς ἡ Περσικὴ ἐς τοῦτο φέρουσα καὶ τῶν Ἐπιγόνων τῶν βαρβάρων ἡ ἐς τὰ Μακεδονικὰ ἤθη κόσμησις καὶ ἀνάμιξις τῶν ἀλλοφύλων ἱππέων ἐς τὰς τῶν ἑταίρων τάξεις. οὔκουν σιγῇ ἔχοντες ἐκαρτέρησαν, ἀλλὰ πάντας γὰρ ἀπαλλάττειν στρατιᾶς ἐκέλευον, αὐτὸν δὲ μετὰ τοῦ πατρὸς στρατεύεσθαι, τὸν Ἄμμωνα δὴ τῷ λόγῳ ἐπικερτομοῦντες. ταῦτα ἀκούσας Ἀλέξανδρος [ἦν γὰρ δὴ ὀξύτερός τε ἐν τῷ τότε καὶ ἀπὸ τῆς βαρβαρικῆς θεραπείας οὐκέτι ὡς πάλαι ἐπιεικὴς ἐς τοὺς Μακεδόνας] καταπηδήσας σὺν τοῖς ἀμφ´ αὑτὸν ἡγεμόσιν ἀπὸ τοῦ βήματος ξυλλαβεῖν τοὺς ἐπιφανεστάτους τῶν ταραξάντων τὸ πλῆθος κελεύει, αὐτὸς τῇ χειρὶ ἐπιδεικνύων τοῖς ὑπασπισταῖς οὕστινας χρὴ συλλαμβάνειν· καὶ ἐγένοντο οὗτοι ἐς τρισκαίδεκα. τούτους μὲν δὴ ἀπάγειν κελεύει τὴν ἐπὶ θανάτῳ.

 [7,8] Arrivé à Opis, Alexandre rassemble les Macédoniens, leur annonce qu’il licencie tous ceux que l’âge ou leurs blessures rendent inhabiles au combat, qu’ils peuvent enfin retourner dans leurs familles, mais qu’il comblera de telles libéralités ceux qui voudront rester auprès de lui, que ces bienfaits seront un motif d’envie pour ceux qui se seraient retirés et d’enthousiasme pour les autres Macédoniens qu’ils exciteraient à partager de si glorieux travaux. Ce qu’Alexandre disait pour flatter les Macédoniens, ne fut interprété que comme l’expression du mépris : « Il nous croit inhabiles aux combats. » L’indignation s’enflamme à l’idée de cet outrage. On renouvelle tous les anciens reproches, qu’il a emprunté les mœurs et le vêtement des Perses, donné aux Épigones l’armure macédonienne, mélangé le corps des Hétaïres d’une foule de Barbares. On éclate : « Nous voulons tous être licenciés, que le dieu dont il descend combatte pour lui. » Ils faisaient allusion à son Jupiter Ammon. À ces mots, Alexandre, furieux, car son caractère, ennemi de la résistance, exalté encore par la servitude des Barbares, ne se modérait pas à l’égard des Macédoniens, se précipite de son siège, suivi des officiers qui l’entouraient, donne l’ordre d’arrêter les chefs de l’émeute, les désigne lui-même aux Hypaspistes. Treize sont arrêtés et traînés sur-le-champ au supplice.

Arrien, Anabase, VII, 8, 1-3.

 

De la réconciliation à la crise : la mort d’Héphestion

 

Le discours d’Alexandre aurait calmé le mécontentement des Macédoniens. La réconciliation, avant le départ des vétérans qui ont décidé de rentrer chez eux, est générale. Alexandre donne un banquet auquel participent les Macédoniens, les Perses puis ceux des autres peuples qui se distinguent par leur rang8 Alexandre désire obtenir la bonne entente dans l’exercice du pouvoir entre Macédoniens et Perses.

324. Héphestion, le Compagnon d’Alexandre que la mère de Darius avait pris pour le roi lorsqu’ils étaient entrés tous les deux dans sa tente9 meurt après une beuverie.

[72] Ὡς δ´ ἧκεν εἰς Ἐκβάτανα τῆς Μηδίας καὶ διῴκησε τὰ κατεπείγοντα, πάλιν ἦν ἐν θεάτροις καὶ πανηγύρεσιν, ἅτε δὴ τρισχιλίων αὐτῷ τεχνιτῶν ἀπὸ τῆς Ἑλλάδος ἀφιγμένων. Ἔτυχε δὲ περὶ τὰς ἡμέρας ἐκείνας Ἡφαιστίων πυρέσσων· οἷα δὲ νέος καὶ στρατιωτικὸς οὐ φέρων ἀκριβῆ δίαιταν, ἀλλ´ ἅμα τῷ τὸν ἰατρὸν Γλαῦκον ἀπελθεῖν εἰς τὸ θέατρον περὶ ἄριστον γενόμενος καὶ καταφαγὼν ἀλεκτρυόνα ἑφθὸν καὶ ψυκτῆρα μέγαν ἐκπιὼν οἴνου, κακῶς ἔσχε καὶ μικρὸν διαλιπὼν ἀπέθανε. Τοῦτ´ οὐδενὶ λογισμῷ τὸ πάθος Ἀλέξανδρος ἤνεγκεν, ἀλλ´ εὐθὺς μὲν ἵππους τε κεῖραι πάντας ἐπὶ πένθει καὶ ἡμιόνους ἐκέλευσε, καὶ τῶν πέριξ πόλεων ἀφεῖλε τὰς ἐπάλξεις, τὸν δ´ ἄθλιον ἰατρὸν ἀνεσταύρωσεν, αὐλοὺς δὲ κατέπαυσε καὶ μουσικὴν πᾶσαν ἐν τῷ στρατοπέδῳ πολὺν χρόνον, ἕως ἐξ Ἄμμωνος ἦλθε μαντεία, τιμᾶν Ἡφαιστίωνα καὶ θύειν ὡς ἥρωϊ παρακελεύουσα. Τοῦ δὲ πένθους παρηγορίᾳ τῷ πολέμῳ χρώμενος, ὥσπερ ἐπὶ θήραν καὶ κυνηγέσιον ἀνθρώπων ἐξῆλθε καὶ τὸ Κοσσαίων ἔθνος κατεστρέφετο, πάντας ἡβηδὸν ἀποσφάττων. Τοῦτο δ´ Ἡφαιστίωνος ἐναγισμὸς ἐκαλεῖτο. Τύμβον δὲ καὶ ταφὴν αὐτοῦ καὶ τὸν περὶ ταῦτα κόσμον ἀπὸ μυρίων ταλάντων ἐπιτελέσαι διανοούμενος, ὑπερβαλέσθαι δὲ τῷ φιλοτέχνῳ καὶ περιττῷ τῆς κατασκευῆς τὴν δαπάνην, ἐπόθησε μάλιστα τῶν τεχνιτῶν Στασικράτην, μεγαλουργίαν τινὰ καὶ τόλμαν καὶ κόμπον ἐν ταῖς καινοτομίαις ἐπαγγελλόμενον. Οὗτος γὰρ αὐτῷ πρότερον ἐντυχὼν ἔφη τῶν ὀρῶν μάλιστα τὸν Θρᾴκιον Ἄθων διατύπωσιν ἀνδρείκελον δέχεσθαι καὶ διαμόρφωσιν· ἂν οὖν κελεύῃ, μονιμώτατον ἀγαλμάτων αὐτῷ καὶ περιφανέστατον ἐξεργάσεσθαι τὸν Ἄθων, τῇ μὲν ἀριστερᾷ χειρὶ περιλαμβάνοντα μυρίανδρον πόλιν οἰκουμένην, τῇ δὲ δεξιᾷ σπένδοντα ποταμοῦ ῥεῦμα δαψιλὲς εἰς τὴν θάλασσαν ἀπορρέοντος. Ταῦτα μὲν οὖν παρῃτήσατο, πολλῷ δ´ ἀτοπώτερα καὶ δαπανηρότερα τούτων σοφιζόμενος τότε καὶ συμμηχανώμενος τοῖς τεχνίταις διέτριβεν.

[72] Quand il fut arrivé à Ecbatane en Médie et qu’il eut expédié les affaires les plus pressées, il recommença à célébrer des jeux et à donner des spectacles avec trois mille artistes qui lui étaient arrivés de Grèce ; mais dans ces jours-là même Héphestion tomba malade de la fièvre : jeune encore et homme de guerre, il ne put s’accoutumer à une diète exacte ; et, pendant que Glaucos, son médecin, était allé au théâtre, il mangea pour son dîner un chapon rôti et but une bouteille de vin qu’il avait fait rafraîchir ; cet excès le conduisit en peu de jours au tombeau10. Alexandre ne supporta point cette perte avec modération11 ; il fit d’abord, en signe de deuil, couper les crins à tous les chevaux, à tous les mulets de l’armée, et abattre les créneaux des villes des environs. Le malheureux médecin fut mis en croix ; l’usage des flûtes et toute espèce de musique cessèrent dans son camp jusqu’à ce qu’il eût reçu un oracle de Jupiter Ammon qui ordonnait d’honorer Héphestion et de lui sacrifier comme à un demi-dieu. Enfin, cherchant dans la guerre une distraction à sa douleur, il partit comme pour une chasse d’hommes, et, ayant subjugué la nation des Cosséens, il les fit tous passer au fil de l’épée sans distinction d’âge ni de sexe ; il appela cette horrible boucherie le sacrifice pour les funérailles d’Héphestion : il porta à dix mille talents [61] la somme qu’il voulait employer à la dépense de ses obsèques, de sa pompe funèbre et de son tombeau, et se proposa de surpasser encore ces frais immenses par la recherche et la magnificence des ornements. Entre tous les architectes de ce temps-là, il désira d’avoir, pour exécuter son dessein, un certain Stasicratès [62], qui, dans tous ses plans, montrait beaucoup de grandeur, de singularité et de hardiesse. Quelques années auparavant, cet architecte, s’entretenant avec Alexandre, lui avait dit que de toutes les montagnes qu’il avait vues, le mont Athos, dans la Thrace, était la plus susceptible d’être taillée en forme humaine ; que, s’il le lui ordonnait, il ferait de cette montagne la statue la plus durable et la plus apparente ; que dans sa main gauche elle tiendrait une ville de dix mille habitants, et verserait de la droite un grand fleuve qui aurait son embouchure dans la mer. Alexandre avait rejeté cette proposition ; alors il était tout occupé avec ses artistes à chercher, à imaginer des plans plus extraordinaires et plus coûteux.

Plutarque, Alexandre, 72, 1-8.

 

La défection d’Harpale : un révélateur des tensions entre Grecs

 

323. L’affaire d’Harpale.

[7] οὐδενὸς δὲ αὐτῷ προσέχοντος τοὺς μὲν μισθοφόρους ἀπέλιπε περὶ Ταίναρον τῆς Λακωνικῆς, αὐτὸς δὲ μέρος τῶν χρημάτων ἀναλαβὼν ἱκέτης ἐγένετο τοῦ δήμου. ἐξαιτούμενος δὲ ὑπ᾽ Ἀντιπάτρου καὶ Ὀλυμπιάδος καὶ πολλὰ χρήματα διαδοὺς τοῖς ὑπὲρ αὐτοῦ δημηγοροῦσι ῥήτορσι διέδρα καὶ κατῆρεν εἰς Ταίναρον πρὸς τοὺς μισθοφόρους. [8] ἐκεῖθεν δὲ πλεύσας εἰς Κρήτην ὑπὸ Θίβρωνος ἑνὸς τῶν φίλων ἐδολοφονήθη. οἱ δ᾽ Ἀθηναῖοι τῶν τοῦ Ἁρπάλου χρημάτων λόγον ἀναζητοῦντες Δημοσθένην καὶ ἄλλους τινὰς τῶν ῥητόρων κατεδίκασαν ὡς εἰληφότας τῶν Ἁρπάλου χρημάτων.

[7] Mais comme aucune République ne voulut le recevoir sur son passage [Harpale a fait voile vers l’Attique], il laissa tous ses soudoyés à Ténare promontoire de la Laconie : et n’emportant avec lui qu’une partie de ses trésors, il vint se rendre suppliant du peuple d’Athènes. Mais ayant été redemandé par Antipater et par Olympias, il lui en coûta beaucoup d’argent pour engager les orateurs du peuple à le faire retenir ; après quoi néanmoins il jugea que le plus sûr pour lui était de revenir à Ténare vers ses anciens soudoyés : [8] de là pourtant il se réfugia encore en l’île de Crète, où il fut enfin tué en secret par Thibron qui avait été son ami. Cependant les Athéniens s’étant fait rendre compte des biens d’Harpale, appelèrent en jugement Démosthène et quelques autres orateurs, comme ayant reçu de l’argent de lui.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 108, 7-8, trad. abbé Jean Terrasson

L’interprétation de Plutarque12 paraît empruntée, pour une large part, à Théopompe. Le biographe suit sans mé­fiance les assertions d’un historien hostile à Démosthène. Cette version des faits est confortée par d’autres rensei­gnements tirés des plaidoyers Contre Démosthène et Contre Aristophon, composés par le logo­graphe Dinarque13, et dans les assez longs fragments du réquisi­toire dirigé par Hypéride, qui était l’un des dix accusa­teurs et pourtant an­cien compagnon de lutte de Démosthène. L’accusé fut con­damné à une amende énorme – 50 ta­lents – et comme il ne pouvait la payer, il fut jeté en prison. Conclusion, pour lui, non définitive ! On connaît la suite. Mais nous ne connaissons pas l’histoire interne du procès. Des pièces essentielles, comme la défense de l’ac­cusé, nous manquent. C’est en ce sens que le procès est une énigme et qu’il ne faut pas se hâter de conclure à la cul­pabilité de Démosthène, comme le fait Plutarque, surtout que l’on n’ignore pas que Démosthène a été le pre­mier à ré­clamer une enquête et à s’y soumettre volontaire­ment. H. Berthaut14, dans son anthologie de l’éloquence attique, pense que cette affaire, où se trouva compromis Démosthène, s’enveloppe de trop de mystères pour que l’on puisse por­ter sur elle un jugement sûr. Par contre G. Mathieu15 sou­ligne le fait que les témoignages directs viennent tous d’adversaires de Démosthène et que les his­toriens anciens ne semblent guère avoir plus de renseigne­ments que nous. Il se peut même, suppose-t-il, que les différents protago­nistes de l’affaire n’aient pas eu inté­rêt à ce que la lu­mière soit faite. On en imagine facile­ment les raisons : des problèmes de rivalité politique, des malversations, des mauvais contrôles financiers et aussi des gestions de fonds secrets. Que de renseignements sur la vie politique athénienne nous échappent ! L’Aréopage qui publia ses con­clusions, fin décembre 324 ou janvier 323, ne donnait ni preuves ni préci­sions, et surtout n’indiquait ni procédure, ni pénalité : le peuple avait le choix de donner suite ou non à l’affaire. On peut se demander s’il s’agit là d’hésitations de l’Aréopage sur la culpabilité de Démosthène ou au contraire de la preuve des limites des pouvoirs du Conseil d’en haut. Ainsi, on le voit, trop d’obscuri­tés, de contradictions, de si­lences entourent cette affaire. Démosthène lui-même considéra sa condamna­tion comme une injustice16 et on peut penser que les motifs de vengeance politique furent pour beaucoup dans le ver­dict. En tout cas de nombreux histo­riens mo­dernes hésitent à se prononcer en faveur de la culpabilité de Démosthène et certains ont même conclu à l’in­nocence de celui-ci17.

« Quand tu [Démosthène] pensais que l’Aréopage allait dénoncer les détenteurs de l’or d’Harpale, tu devenais belli­queux et prêt à bouleverser la cité afin d’éluder l’enquête ; mais quand ce conseil différait ses déclarations en disant qu’il n’avait pas encore trouvé les coupables, alors, dans l’assemblée, tu accordais à Alexandre d’être fils aussi bien de Zeus que de Poséidon, s’il le voulait. »

Hypéride, Contre Démosthène, 31.

 

La fin du voyage : la marche sur Babylone et la mort d’Alexandre

 

323. Alexandre marche sur Babylone.

[17,112] ᾿Αλέξανδρος καταπεπολεμηκὼς τὸ τῶν Κοσσαίων ἔθνος ἀνέζευξε μετὰ τῆς δυνάμεως καὶ προῆγεν ἐπὶ Βαβυλῶνος, ἀεὶ δὲ κατὰ τὰς στρατοπεδείας διαλείπων καὶ τὴν δύναμιν ἀναλαμβάνων ἡσυχῇ προῆγεν. [2] Ἀπέχοντος δὲ αὐτοῦ τριακοσίους σταδίους τῆς Βαβυλῶνος οἱ Χαλδαῖοι καλούμενοι, μεγίστην μὲν δόξαν ἐν ἀστρολογίᾳ περιπεποιημένοι, διὰ δέ τινος αἰωνίου παρατηρήσεως προλέγειν εἰωθότες τὰ μέλλοντα, προεχειρίσαντο μὲν ἐξ ἑαυτῶν τοὺς πρεσβυτάτους καὶ μεγίστην ἐμπειρίαν ἔχοντας, διὰ δὲ τῆς τῶν ἀστέρων μαντείας γνόντες τὴν μέλλουσαν γίνεσθαι τοῦ βασιλέως τελευτὴν ἐν Βαβυλῶνι προσέταξαν μηνῦσαι τῷ βασιλεῖ τὸν κίνδυνον καὶ παρακελεύσασθαι μηδενὶ τρόπῳ τὴν εἰς τὴν πόλιν εἴσοδον ποιήσασθαι· [3] δύνασθαι δὲ αὐτὸν ἐκφυγεῖν τὸν κίνδυνον, ἐὰν ἀναστήσῃ τὸν καθῃρημένον ὑπὸ Περσῶν τοῦ Βήλου τάφον καὶ τὴν βεβουλευμένην ὁδὸν ἐπιστήσας παρέλθῃ τὴν πόλιν. Τῶν δὲ ἀποσταλέντων Χαλδαίων ὁ προκριθείς, ὄνομα Βελεφάντης, τῷ μὲν βασιλεῖ συνελθεῖν εἰς λόγους οὐκ ἐτόλμησε διὰ τὸν φόβον, Νεάρχῳ δ’ ἑνὶ τῶν ᾿Αλεξάνδρου φίλων κατ’ ἰδίαν ἐντυχὼν καὶ τὰ κατὰ μέρος ἀπαγγείλας ἠξίου δηλῶσαι τῷ βασιλεῖ. [4] Ὁ δ’ ᾿Αλέξανδρος ἀκούσας παρὰ τοῦ Νεάρχου τὴν τῶν Χαλδαίων πρόρρησιν κατεπλάγη καὶ μᾶλλον ἀεὶ τὴν ἀγχίνοιαν τῶν ἀνδρῶν καὶ δόξαν ἀναλογιζόμενος ἐταράττετο τὴν ψυχήν. Τέλος δὲ τοὺς πολλοὺς τῶν φίλων ἀποστείλας εἰς τὴν πόλιν αὐτὸς εἰς ἄλλην ἀτραπὸν μεταβαλὼν παρήλλαξε τὴν Βαβυλῶνα καὶ καταστρατοπεδεύσας ἀπὸ σταδίων διακοσίων ἡσυχίαν εἶχεν. Πάντων δὲ θαυμαζόντων ἧκον πρὸς αὐτὸν ἄλλοι τε πλείους τῶν ῾Ελλήνων καὶ τῶν φιλοσόφων οἱ περὶ τὸν ᾿Ανάξαρχον. [5] Οὗτοι δὲ μαθόντες τὴν αἰτίαν καὶ τοῖς ἐκ φιλοσοφίας χρησάμενοι λόγοις ἐνεργῶς τοσοῦτον μετέθηκαν αὐτὸν ὥστε καταφρονῆσαι μὲν πάσης μαντικῆς, μάλιστα δὲ τῆς παρὰ Χαλδαίοις προτιμωμένης. Διόπερ ὁ βασιλεύς, ὡσπερεὶ τετρωμένος τὴν ψυχὴν καὶ τοῖς τῶν φιλοσόφων ὑγιασθεὶς λόγοις, εἰς τὴν Βαβυλῶνα μετὰ τῆς δυνάμεως εἰσῆλθεν. [6] Τῶν δ’ ἐγχωρίων, καθάπερ καὶ πρότερον, φιλανθρώπως ὑποδεχομένων τοὺς στρατιώτας ἅπαντες ὥρμησαν πρὸς ἄνεσιν καὶ τρυφήν, πολλῆς τῶν ἐπιτηδείων παρεσκευασμένης δαψιλείας. Ταῦτα μὲν οὖν ἐπράχθη κατὰ τοῦτον τὸν ἐνιαυτόν.

[17,112] Alexandre à la tête de ses troupes sortant du pays des Cosséens se mit en marche du côté de Babylone. Mais pour ne point fatiguer ses troupes il les faisait camper fréquemment et ne les menait d’ailleurs qu’à très petit pas. [2] Comme il n’était plus qu’à trois cents stades de cette capitale, ces astronomes qu’on appelait les Chaldéens, et qui joignaient à une grande connaissance du mouvement des corps célestes, le talent ou la réputation des prédictions astrologiques, députèrent au roi les plus anciens et les plus habiles d’entre eux, pour lui dire que la longue expérience qu’ils avaient acquise dans l’observation des astres et dans les influences de leurs aspects, leur avait appris que le roi trouverait sa fin dans Babylone. [3] Qu’ils s’étaient cru obligés de l’avertir de ce danger, et de l’exhorter à ne point mettre le pied dans cette vile. Ils ajoutèrent qu’il détournerait le sort dont il était actuellement menacé, s’il relevait le tombeau de Bélos détruit par les Perses, et que se désistant de son premier dessein, il continuât sa route par les dehors de cette capitale. Le chef de cette députation nommé Béléphantes n’osa jamais porter au roi l’avis dont il était chargé. Il se contenta de s’adresser en secret à Néarque, un des amis d’Alexandre, et de le prier de rendre compte au roi pour lui de la commission dont il s’agissait. [4] Le roi apprenant par Néarque la déclaration que lui faisaient ses Chaldéens, en fut d’abord frappé, et rappelant ensuite tout ce que l’on disait de la capacité de ces devins, il demeura persuadé de la vérité de leur menace. Il se contenta donc de faire passer dans la ville un assez grand nombre de ses amis, et prenant un autre parti pour lui-même, il vint dresser à deux cents stades de Babylone un camp où il se tenait en repos. Comme tous ceux qui ignoraient la cause de cette précaution en étaient assez étonnés, il lui vint dans sa tente des visites de la part de tous les Grecs, et entre autres de ceux qui suivaient la doctrine d’Anaxarque18. [5] Ces derniers ayant appris la cause de sa retraite, lui tinrent des discours si pressants pour le désabuser de sa crainte, qu’ils l’amenèrent jusqu’à mépriser toute divination, et surtout celle dont les Chaldéens faisaient le plus de cas ; de sorte que le roi comme guéri d’une vraie maladie d’esprit par les conseils de la philosophie, entra dans sa ville avec tout son camp. [6] Et comme les citoyens le reçurent lui et toute son armée avec d’aussi grandes marques de joie qu’ils l’avaient reçu dès la première fois qu’il y vint19, le roi, sa cour et ses soldats se livrèrent au repos et à tous les plaisirs qui leur furent présentés. Ce sont là les choses qui se sont passées dans l’année dont nous sortons.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 112, 1-6, trad. abbé Jean Terrasson

Arrien rapporte lui aussi que des présages funestes ont annoncé la mort imminente du roi. L’historien utilise d’abord Aristobule et semble aussi suivre la version de Ptolémée. Il raconte ainsi l’épisode du personnage « de rang obscur » qui, voyant le trône et les couches vides, monte sur le trône et s’y installe. Sous la torture il déclare que l’idée lui est venue ainsi sans aucune raison particulière. Selon les devins – sans doute des astrologues chaldéens qui faisaient partie depuis longtemps de l’entourage d’Alexandre20 –, tout cela ne présage rien de bon. Le journal royal, toujours selon Arrien, relate les derniers moments de la vie du roi après l’épisode de la beuverie chez Médios, un des Compagnons, guerrier et écrivain21. Il est resté chez Médios à boire jusqu’à une heure avancée de la nuit. La fièvre le prit peu après la beuverie et l’emporta en quelques jours. Arrien rapporte ensuite quelques interprétations sur la mort d’Alexandre. Il précise cependant : « Et qu’il soit bien entendu que je rapporte ce genre de choses plutôt pour montrer que je sais qu’elles ont été dites que comme un récit digne de foi »22.

[17,117] τούτων δὲ παρακελευομένων θυσίας ἐπιτελεῖν τοῖς θεοῖς μεγαλοπρεπεῖς μετὰ πάσης σπουδῆς παρεκλήθη πρός τινα τῶν φίλων Μήδιον τὸν Θετταλὸν ἐπὶ κῶμον ἐλθεῖν : κἀκεῖ πολὺν ἄκρατον ἐμφορηθεὶς ἐπὶ τελευτῆς Ἡρακλέους μέγα ποτήριον πληρώσας ἐξέπιεν. [2] ἄφνω δὲ ὥσπερ ὑπό τινος πληγῆς ἰσχυρᾶς πεπληγμένος ἀνεστέναξε μέγα βοήσας καὶ ὑπὸ τῶν φίλων ἀπηλλάττετο χειραγωγούμενος. εὐθὺς δ᾽ οἱ μὲν περὶ τὴν θεραπείαν ἐκδεξάμενοι κατέκλιναν αὐτὸν καὶ προσήδρευον ἐπιμελῶς, [3] τοῦ δὲ πάθους ἐπιτείνοντος καὶ τῶν ἰατρῶν συγκληθέντων βοηθῆσαι μὲν οὐδεὶς ἐδυνήθη, πολλοῖς δὲ πόνοις καὶ δειναῖς ἀλγηδόσι συσχεθείς, ἐπειδὴ τὸ ζῆν ἀπέγνω, περιελόμενος τὸν δακτύλιον ἔδωκε Περδίκκᾳ. [4] τῶν δὲ φίλων ἐπερωτώντων, τίνι τὴν βασιλείαν ἀπολείπεις ; εἶπεν, τῷ κρατίστῳ, καὶ προσεφθέγξατο, ταύτην τελευταίαν φωνὴν προέμενος, ὅτι μέγαν ἀγῶνα αὐτῷ ἐπιτάφιον συστήσονται πάντες οἱ πρωτεύοντες τῶν φίλων. [5] οὗτος μὲν οὖν τὸν προειρημένον τρόπον ἐτελεύτησε βασιλεύσας ἔτη δώδεκα καὶ μῆνας ἑπτά, πράξεις δὲ μεγίστας κατεργασάμενος οὐ μόνον τῶν πρὸ αὐτοῦ βασιλευσάντων, ἀλλὰ καὶ τῶν ὕστερον ἐσομένων μέχρι τοῦ καθ᾽ ἡμᾶς βίου.

[17,117] ils lui conseillèrent d’offrir incessamment aux dieux de somptueux sacrifices. Là-dessus il fut invité à un grand festin par un de ses amis les plus familiers, Medios de Thessalie. Après avoir déjà bu excessivement à ce repas, il avala une coupe entière qui portait le nom d’Héraklès. [2] Aussitôt, comme frappé d’un coup violent et subit, il jeta un grand cri et ses amis l’emportèrent sur leurs bras. Les officiers de sa chambre le reçurent de leurs mains et l’ayant mis aussitôt dans son lit, ils le gardaient avec une extrême inquiétude : [3] et comme le mal augmentait visiblement, ses médecins furent appelés, mais en vain, et ils ne purent lui donner aucun secours. Le roi tombant bientôt après en des angoisses et en des douleurs excessives, désespéra lui-même de sa vie et tirant son anneau de son doigt, il le remit à Perdiccas. [4] Là-dessus les amis du roi lui demandèrent à qui il laissait son empire, à quoi il répondit en un mot, au plus courageux. Prêt enfin à rendre le dernier soupir, il dit que les principaux de ses amis lui feraient de grandes obsèques, par les combats qu’ils se livreraient les uns aux autres pour la succession de ses états. [5] Il mourut ainsi après avoir régné douze ans et sept mois ; et ayant fait de plus grandes choses, non seulement que tous les rois qui l’ont précédé mais que tous ceux qui l’ont suivi jusqu’à nos jours. Mais comme plusieurs écrivains ont parlé diversement de sa mort et que quelques-uns d’entre eux l’ont attribuée au poison, je crois être obligé de rapporter ici ce qu’on trouve dans leurs mémoires.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 117, 1-5, trad. abbé Jean Terrasson

[7,28] Ἐτελεύτα μὲν δὴ Ἀλέξανδρος τῇ τετάρτῃ καὶ δεκάτῃ καὶ ἑκατοστῇ Ὀλυμπιάδι ἐπὶ Ἡγησίου ἄρχοντος Ἀθήνησιν· ἐβίω δὲ δύο καὶ τριάκοντα ἔτη καὶ τοῦ τρίτου μῆνας ἐπέλαβεν ὀκτώ, ὡς λέγει Ἀριστόβουλος· ἐβασίλευσε δὲ δώδεκα ἔτη καὶ τοὺς ὀκτὼ τούτους μῆνας, τό τε σῶμα κάλλιστος καὶ φιλοπονώτατος καὶ ὀξύτατος γενόμενος καὶ τὴν γνώμην ἀνδρειότατος καὶ φιλοτιμότατος καὶ φιλοκινδυνότατος καὶ τοῦ θείου ἐπιμελέστατος· ἡδονῶν δὲ τῶν μὲν τοῦ σώματος ἐγκρατέστατος, τῶν δὲ τῆς γνώμης ἐπαίνου μόνου ἀπληστότατος· ξυνιδεῖν δὲ τὸ δέον ἔτι ἐν τῷ ἀφανεῖ ὂν δεινότατος, καὶ ἐκ τῶν φαινομένων τὸ εἰκὸς ξυμβαλεῖν ἐπιτυχέστατος, καὶ τάξαι στρατιὰν καὶ ὁπλίσαι τε καὶ κοσμῆσαι δαημονέστατος· καὶ τὸν θυμὸν τοῖς στρατιώταις ἐπᾶραι καὶ ἐλπίδων ἀγαθῶν ἐμπλῆσαι καὶ τὸ δεῖμα ἐν τοῖς κινδύνοις τῷ ἀδεεῖ τῷ αὑτοῦ ἀφανίσαι, ξύμπαντα ταῦτα γενναιότατος. καὶ οὖν καὶ ὅσα ἐν τῷ ἐμφανεῖ πρᾶξαι, ξὺν μεγίστῳ θάρσει ἔπραξεν, ὅσα τε φθάσας ὑφαρπάσαι τῶν πολεμίων, πρὶν καὶ δεῖσαί τινα αὐτὰ ὡς ἐσόμενα, προλαβεῖν δεινότατος· καὶ τὰ μὲν ξυντεθέντα ἢ ὁμολογηθέντα φυλάξαι βεβαιότατος, πρὸς δὲ τῶν ἐξαπατώντων μὴ ἁλῶναι ἀσφαλέστατος, χρημάτων τε ἐς μὲν ἡδονὰς τὰς αὑτοῦ φειδωλότατος, ἐς δὲ εὐποιΐαν τῶν πέλας ἀφθονώτατος.

[7,28] Alexandre mourut la cent quatorzième olympiade, Hégésias étant archonte à Athènes. Il était âgé de près de trente-deux ans et huit mois, au rapport d’Aristobule. Il régna un peu plus de douze ans et demi. Il était d’un très bel extérieur, d’une résolution prompte et infatigable, d’un courage à toute épreuve. Avide de périls et encore plus d’honneurs et de gloire, plein de piété, assez indifférent aux voluptés sensuelles, insatiable de plus nobles plaisirs, habile à saisir le meilleur parti dans des conjonctures difficiles à peser, à augurer les probabilités du succès, n’ayant point d’égal dans l’art d’ordonner des troupes, de les armer, de les gouverner, d’inspirer de la confiance aux soldats, et de relever leur courage en leur donnant le premier l’exemple d’affronter les périls avec une constance inébranlable. Dans les entreprises douteuses, son audace décidait la victoire. Eh ! qui sut mieux que lui prévenir des ennemis qu’il accablait de sa présence avant qu’ils eussent pu seulement soupçonner sa marche ? Il fut religieux, observateur de ses engagements, d’une prudence en garde contre tous les pièges, d’une générosité qui, ne réservant rien pour lui seul, prodiguait tout à ses amis.

NOTES

  1. Arrien, Anabase, VI, 27, 5.
  2. Voir Arrien, Anabase, VI, 30, 2 : Peucestas est nommé satrape de Perse. Il est intéressant de noter que seul de tous les Macédoniens il a adopté le mode de vie des Barbares, porté le vêtement des Mèdes et appris la langue perse.
  3. Voir Arrien, L’Inde, 33-36. Le récit que Néarque fait à Alexandre de son difficile retour est particulièrement émouvant et intéressant. En effet, le récit d’Arrien s’inspire directement de celui de Néarque.
  4. Sur le retour des bannis voir P. Carlier, Le IVe siècle grec, op. cit., pp. 162-163.
  5. Diodore, Bibliothèque historique, XVII, 108, 6.
  6. Diodore se trompe, il s’agit, évidemment, de l’Hyphase.
  7. Voir Arrien, Anabase, VII, 23 : « 3 Il adressa alors des félicitations aux Perses pour leur ardeur, et pour avoir obéi en tout à Peucestas, et à Peucestas pour les avoir gouvernés sagement ; puis il les versa dans les régiments macédoniens : à la tête d’une section se trouvait un décurion macédonien, ayant à ses côtés un double-solde macédonien et un “dix-statères”, ainsi nommé à cause de sa solde, inférieure à celle du double-solde, mais supérieure à celle du simple soldat ; 4 à leurs côtés, il y avait douze Perses, et le dernier de la section était un Macédonien, “dix-statères” lui aussi ; en sorte que dans une section il y avait quatre Macédoniens, dont trois à solde majorée, le décurion commandant la section et douze Perses ; les Macédoniens étaient dotés de l’armement de leur nation, les Perses étaient les uns archers, les autres armés du javelot à courroie ». Voir aussi Diodore, Bibliothèque historique, XVII, 110, 1.
  8. Ce banquet aurait réuni neuf mille participants.
  9. Voir Arrien, Anabase, II, 12, 6-8. Voyant la reine toute confuse de sa méprise, Alexandre l’assure « qu’elle n’avait commis aucune faute, car Héphestion, lui avait-il dit, était un autre Alexandre ».
  10. Arrien (VII, 14, 1) déclare que sa mort survint au septième jour de sa maladie.
  11. Arrien signale que les historiens donnent des versions variées à propos du deuil d’Alexandre et que ces témoignages divergent en fonction de la sympathie ou de l’antipathie que chacun éprouvait pour Héphestion ou Alexandre lui-même. Certains comportements d’Alexandre, note-t-il, sont invraisemblables car dignes d’un Barbare et nullement en rapport avec ce que nous savons d’Alexandre, comme par exemple le fait d’avoir fait raser le temple d’Asclépios à Ecbatane. En revanche tous les historiens sont d’accord sur d’autres faits, comme par exemple, le fait qu’Alexandre ne mit personne à la tête de la cavalerie des Compagnons pour remplacer son ami afin que le nom d’Héphestion ne disparût pas de son unité. Cette dernière prit son nom et se fit précéder de l’enseigne qui avait été façonnée à l’image d’Héphestion.
  12. Plutarque, Démosthène, 25.
  13. Dinarque, Contre Aristophon, 6.
  14. H. Berthaut, L’éloquence attique, Hatier, 1948.
  15. G. Mathieu, Démosthène, l’homme et l’Œuvre, Boivin, 1968, p.150.
  16. Démosthène, Lettre III.
  17. Voir A. Schaefer, Démosthène, u. s. Zeit, t. III, p. 291 sq. ; A. Cartault, De causa harpalica, Paris, 1881 ; J. Girard, Études sur l’éloquence attique, pp. 235-305 ; H. Weil, Introduction à son édi­tion des Harangues, Blass, Att. Bereds., III 2 pp. 45-48.
  18. Anaxarque d’Abdère accompagna Alexandre dans son expédition. Il s’opposa, semble-t-il, aux influences aristotéliciennes. Il s’est opposé à Callisthène à propos de l’affaire de la proskynèse dont il approuvait le principe.
  19. En 331.
  20. Plutarque (Alexandre, 57, 4) parle, au début de la campagne de l’Inde, de ces prêtres babyloniens qu’Alexandre avait coutume d’amener avec lui. Plus loin (73,1), à propos des présages annonciateurs de la mort du roi, à Babylone, le biographe les appelle « Chaldéens ». Plutarque note ensuite (75) : « 1 Dès lors Alexandre devint très sensible aux signes divins et il laissa le trouble et la crainte envahir son esprit. Il n’arrivait rien d’insolite ni d’étrange, si minime que ce fût, qu’il ne prît pour un prodige et un présage, et son palais fut plein de sacrificateurs, d’exorcistes, de devins et de gens qui remplissaient le roi de sottises et de terreurs. 2 Tant il est vrai que, si l’incroyance et le mépris des indications divines est un mal terrible, la superstition l’est aussi, elle qui toujours, comme l’eau, s’infiltre vers les parties basses… ».
  21. Plus tard il fut navarque d’Antigone.
  22. Arrien, Anabase, VII, 27, 3.
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