NOTES
- En réalité l’Hydaspe.
- Il s’agit d’une tribu au nord du confluent de l’Akésinès et de l’Hydraotès. Les Malles sont, avec les Oxydraques, les plus nombreux et les plus belliqueux de cette région de l’Inde (voir Arrien, Anabase, VI, 4, 3).
- Selon Quinte-Curce (IX, 6, 1) Alexandre se leva après une semaine, la plaie n’étant pas encore cicatrisée.
- Voir Quinte-Curce, IX, 8, 23.
- Onésicrite d’Astypalée est un philosophe de l’école de Diogène le Cynique (voir Plutarque, Alexandre, 65, 2). Il avait été aussi le pilote du navire du roi pendant la descente de l’Indus (voir Arrien, Anabase, VI, 23, 1). Il est l’auteur d’un ouvrage sur Alexandre dans lequel Strabon ne semble pas avoir eu lune grande confiance. N’est-ce pas lui qui raconte l’entrevue d’Alexandre avec Thalestris, la reine des Amazones que plusieurs historiens comme Charès, Ptolémée, Aristobule ou Douris tiennent pour une pure fiction. La version de Diodore, Bibliothèque historique, XVII, 76 doit, sans doute, reprendre celle d’Onésicrite ou de Clitarque (un auteur d’une histoire d’Alexandre dont les aspects romanesques sont à l’origine des légendes ultérieures) : « 1 Quand Alexandre fut de retour en Hyrcanie, la reine des Amazones vint le trouver. Elle se nommait Thalestris et régnait sur le pays qui s’étend entre le Phase et le Thermodon. Elle était d’une beauté et d’une force physique exceptionnelles, et son peuple l’admirait également pour sa bravoure. Elle avait laissé le gros de son armée aux frontières de l’Hyrcanie pour se présenter avec trois cents Amazones, équipées de leur armement guerrier. 2 Comme le roi, émerveillé de l’arrivée extraordinaire de ces femmes renommées, s’était enquis auprès de Thalestris du motif de sa visite, elle déclara être venue pour avoir un enfant. 3 Par ses exploits, il était en effet le plus brave de tous les hommes tandis qu’elle-même l’emportait sur le reste des femmes par sa force et sa bravoure. Celui qui naîtrait de parents excellents surpasserait donc vraisemblablement par sa valeur tout le reste de l’humanité. Le roi, charmé, finit par accueillir favorablement sa requête et passa treize jours avec elle. Puis il l’honora de riches présents et la renvoya dans sa patrie. »
- Il fera défection un peu plus tard, après l’affaire de l’exécution des brahmanes.
- Les gymnosophistes, comme l’indique l’étymologie, vivaient nus.
- Voir Plutarque, Alexandre, 59, 8. Sur le rôle de ces sages dans la révolte de Sambos voir également Diodore XVII, 102, 6-7 et Quinte-Curce, IX, 8, 13-15.
- Voir infra.
- Arrien, Anabase, VI, 24, 4.
- Diodore (XVII, 104, 2) précise que la constitution de cette ville célèbre « comportait les mêmes dispositions que celle de Sparte : dans cette ville, des rois se succédaient en effet sans interruption à la direction de la guerre, et ils appartenaient à deux familles différentes ; mais le collège des Anciens avait la haute main sur tout ».
- Voir Quinte-Curce, IX, 10, 17.
- Dionysos, dieu du vin et de l’extase bachique est un dieu avec lequel Alexandre entretient des rapports ambigus comme le montre son attitude après le meurtre de Cleitos, qu’il commis sous l’emprise du vin, et le refus des Macédoniens de le suivre plus à l’est. Tout cela est compris comme une vengeance du dieu. Alexandre a en effet détruit Thèbes, la cité du dieu, né de la Thébaine Sémélé, fille de Cadmos. La crainte des vengeances terribles du dieu explique la fête orgiastique de Carmanie. Cette bacchanale de Carmanie est racontée par Quinte-Curce, IX, 10, 24-29. Célébrer le dieu et même s’assimiler à lui, en marchant sur ses traces, est un moyen d’apaiser la colère de Dionysos.
- Un rapprochement avec Arrien (VI, 28, 1-2) est intéressant. L’historien précise : « C’est à ce moment que certains historiens placent les faits suivants (mais je n’accorde aucun crédit à leur récit) : ils disent qu’Alexandre, ayant fait rassembler deux voitures couvertes de grand luxe, y passait le temps couché, avec les Compagnons, au son de la flûte, conduisant ainsi son armée à travers la Carmanie ; les soldats suivaient couronne en tête, et en faisant des jeux ; ils trouvaient sur le bord de la route, déposés par les Carmaniens, des provisions et tout ce qui est nécessaire à la volupté : tout cela avait été imaginé par Alexandre en imitation de la bacchanale de Dionysos ; 2 il y avait en effet à son propos un récit selon lequel, après avoir soumis les Indiens, Dionysos avait traversé la plus grande partie de l’Asie de cette manière, et on avait surnommé Dionysos Triomphe, et les processions qui fêtaient ses victoires militaires Triomphes, pour la même raison. Mais ni Ptolémée, fils de Lagos, ni Aristobule, fils d’Aristobule, ne mentionnent ces faits, ni aucun autre des historiens qu’on pourrait considérer comme dignes de foi à ce sujet. Quant à moi, je me suis contenté de rapporter la chose, mais comme ne méritant aucun crédit. »
- Sans doute une erreur de Plutarque ou du copiste. Lire le palais de Carmanie.
- Voir Quinte-Curce, VI, 5, 22-23.
330-323 av. J.-C. La fin de la conquête d'Alexandre et le retour de l'armée macédonienne
Le triomphe de la poliorcétique macédonienne sur les villes indiennes
[3] ἀπὸ δὲ τούτων γενόμενος μετὰ πάσης τῆς δυνάμεως ταῖς αὐταῖς ὁδοῖς πορευθεὶς ἀνέκαμψεν ἐπὶ τὸν Ἀκεσίνην ποταμόν : καταλαβὼν δὲ τὰ σκάφη νεναυπηγημένα καὶ ταῦτα καταρτίσας ἕτερα προσεναυπηγήσατο. [4] κατὰ δὲ τοῦτον τὸν χρόνον ἧκον ἐκ τῆς Ἑλλάδος σύμμαχοι καὶ μισθοφόροι διὰ τῶν στρατηγῶν ἠγμένοι, πεζοὶ μὲν πλείους τρισμυρίων, ἱππεῖς δ᾽ οὐ πολὺ λείποντες τῶν ἑξακισχιλίων, ἐκομίσθησαν δὲ καὶ πανοπλίαι διαπρεπεῖς πεζοῖς μὲν δισμυρίοις καὶ πεντακισχιλίοις, φαρμάκων δ᾽ ἰατρικῶν ἑκατὸν τάλαντα. ταῦτα μὲν οὖν διέδωκε τοῖς στρατιώταις.
[3] Tout cela étant fait [l’organisation d’un camp], il se mit à la tête de son armée et par le même chemin qu’il avait tenu en allant, il revint jusqu’au fleuve Akésinès1, sur le bord duquel il fit dépecer toutes les barques qui avaient servi à son premier passage et en fit construire de nouvelles. [4] Là il reçut de la Grèce des recrues d’alliés et de soudoyés, conduites par leurs capitaines : elles consistaient en plus de trente mille hommes d’Infanterie et près de six mille cavaliers. Ils apportaient outre cela des armures complètes et très bien travaillées pour près de vingt-cinq mille hommes, et des caisses pleines de remèdes qui montaient au prix de cent talents : il distribua libéralement l’une et l’autre provision à ses soldats.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 95, 3-4, trad. abbé Jean Terrasson
C’est le début de la dernière expédition. Cratère conduit une partie de l’infanterie et de la cavalerie en longeant l’Hydaspe sur sa rive droite. De l’autre côté avance Héphestion avec les éléphants et la partie de l’armée la plus nombreuse et la plus forte. Avec Alexandre, sur les navires, sont regroupés les hypaspistes, les archers, les Agrianes et la cavalerie de la Garde royale. Néarque commande la flotte.
[6,2] […] ἦν δὲ τὸ ξύμπαν πλῆθος τῶν νεῶν, ὡς λέγει Πτολεμαῖος ὁ Λάγου, ᾧ μάλιστα ἐγὼ ἕπομαι, τριακόντοροι μὲν ἐς ὀγδοήκοντα, τὰ δὲ πάντα πλοῖα σὺν τοῖς ἱππαγωγοῖς τε καὶ κερκούροις καὶ ὅσα ἄλλα ποτάμια ἢ τῶν πάλαι πλεόντων κατὰ τοὺς ποταμοὺς ἢ ἐν τῷ τότε ποιηθέντων οὐ πολὺ ἀποδέοντα τῶν δισχιλίων.
[6,2] […] Cette flotte, au rapport de Ptolémée, fils de Lagos, dont je suis l’autorité, était composée de deux mille bâtiments, dont quatre-vingt triacontères ; le reste consistait en bâtiments légers et de transport.
Arrien, Anabase, VI, 2, 4.
Les villes ennemies sont prises d’assaut et tombent une à une. La poliorcétique macédonienne, malgré la résistance indienne, fait merveille.
[6,7] […] Αὐτὸς δὲ Ἀλέξανδρος ὡς ἐπὶ τῶν Βραχμάνων τινὰ πόλιν ἦγεν, ὅτι καὶ ἐς ταύτην ξυμπεφευγέναι τινὰς τῶν Μαλλῶν ἔμαθεν. ὡς δὲ ἀφίκετο πρὸς αὐτήν, ἐπῆγε τῷ τείχει πάντοθεν πυκνὴν τὴν φάλαγγα. οἱ δὲ ὑπορυσσόμενα τὰ τείχη ἰδόντες καὶ ἐκ τῶν βελῶν ἀναστελλόμενοι τὰ μὲν τείχη καὶ οὗτοι ἐκλείπουσιν, ἐς δὲ τὴν ἄκραν ξυμφυγόντες ἐκεῖθεν ἠμύνοντο· ξυνεισπεσόντων δὲ αὐτοῖς ὀλίγων Μακεδόνων μεταβαλλόμενοι καὶ ξυστραφέντες τοὺς μὲν ἐξέωσαν αὐτῶν, ἀπέκτειναν δὲ ἐν τῇ ὑποστροφῇ ἐς πέντε καὶ εἴκοσι. καὶ ἐν τούτῳ Ἀλέξανδρος τάς τε κλίμακας πάντοθεν κελεύει προστιθέναι τῇ ἄκρᾳ καὶ ὑπορύττειν τὸ τεῖχος. ὡς δὲ πύργος τε ἔπεσεν ὑπορυσσόμενος καὶ τοῦ μεταπυργίου τι παραρραγὲν ἐπιμαχωτέραν ταύτῃ ἐποίησε τὴν ἄκραν, πρῶτος Ἀλέξανδρος ἐπιβὰς τοῦ τείχους ὤφθη ἔχων τὸ τεῖχος. καὶ τοῦτον ἰδόντες οἱ ἄλλοι Μακεδόνες αἰσχυνθέντες ἄλλος ἄλλῃ ἀνῄεσαν. εἴχετό τε ἤδη ἡ ἄκρα, καὶ τῶν Ἰνδῶν οἱ μὲν τὰς οἰκίας ἐνεπίμπρασαν καὶ ἐν αὐταῖς ἐγκαταλαμβανόμενοι ἀπέθνησκον, οἱ πολλοὶ δὲ μαχόμενοι αὐτῶν. ἀπέθανον δὲ οἱ πάντες ἐς πεντακισχιλίους, ζῶντες δὲ δι´ ἀνδρείαν ὀλίγοι ἐλήφθησαν.
[6,7] […] Il marche ensuite lui-même contre une autre ville des Brahmanes, où les Malles s’étaient renfermés2 ; la phalange serrée enveloppe les murs ; on en sape le pied ; on fait pleuvoir sur les habitants une grêle de traits ; ils quittent les remparts et se réfugient dans le fort. Quelques Macédoniens y entrent pressés avec eux ; mais les Barbares se rassemblant, et faisant volte-face, les repoussent, et en tuent vingt-cinq dans leur retraite. Alexandre fait avancer les échelles et battre le fort : une tour, en s’écroulant, entraîne la chute d’une partie du rempart. Alexandre paraît sur la brèche. À cette vue, honteux d’être devancés, les Macédoniens montent de toutes parts. Ils étaient déjà maîtres de la citadelle, lorsque les Indiens mettent le feu aux maisons ; les uns se précipitent dans les flammes, les autres sur le glaive : on en tua cinq mille ; on ne fit presque point de prisonniers ; ces braves préférèrent une mort glorieuse.
Arrien, Anabase, VI, 7, 4-6.
Alexandre combattant : la mise en scène d’un chef de guerre exceptionnel
Au cours d’une de ces attaques Alexandre, trouvant, selon Diodore, que les machines construites par ses ingénieurs étaient trop lentes dans leur déplacement, s’élance et rompt une poterne et s’introduit dans la ville. Il applique une échelle contre le rempart de la citadelle à prendre. Il commence à monter.
[63] […] Τοὺς μὲν γὰρ ἀνθρώπους βέλεσιν ἀπὸ τῶν τειχῶν ἀπεσκέδασε, πρῶτος δὲ διὰ κλίμακος τεθείσης ἀναβὰς ἐπὶ τὸ τεῖχος, ὡς ἥ τε κλίμαξ συνετρίβη καὶ τῶν βαρβάρων ὑφισταμένων παρὰ τὸ τεῖχος ἐλάμβανε πληγὰς κάτωθεν, ὀλιγοστὸς ὢν συστρέψας ἑαυτὸν εἰς μέσους ἀφῆκε τοὺς πολεμίους, καὶ κατὰ τύχην ὀρθὸς ἔστη. Τιναξαμένου δὲ τοῖς ὅπλοις ἔδοξαν οἱ βάρβαροι σέλας τι καὶ φάσμα πρὸ τοῦ σώματος φέρεσθαι. Διὸ καὶ τὸ πρῶτον ἔφυγον καὶ διεσκεδάσθησαν·
[63] […] Après avoir chassé à coups de traits les ennemis de dessus les murailles, il y monta le premier par une échelle qui rompit sous lui quand il fut au haut du mur. Les Barbares, du pied de la muraille, lançaient sur lui leurs flèches ; il n’avait été suivi que d’un très petit nombre d’officiers ; tout-à-coup, ramassant ses forces, il s’élance au milieu des ennemis, et par bonheur il tombe sur ses pieds. Au bruit que ses armes firent dans la chute, à l’éclat qu’elles jetaient, les Barbares crurent voir un éclair rapide ou un fantôme menaçant qui le précédait, et, par l’effroi qu’ils en eurent, ils prirent la fuite et se dispersèrent.
Plutarque, Alexandre, 63, 3-4.
L’aristeia d’Alexandre est, chez Arrien, moins rhétorique.
[6,9] […] ἤδη τε πρὸς τῇ ἐπάλξει τοῦ τείχους ὁ βασιλεὺς ἦν καὶ ἐρείσας ἐπ´ αὐτῇ τὴν ἀσπίδα τοὺς μὲν ὤθει εἴσω τοῦ τείχους τῶν Ἰνδῶν, τοὺς δὲ καὶ αὐτοῦ τῷ ξίφει ἀποκτείνας γεγυμνώκει τὸ ταύτῃ τεῖχος· καὶ οἱ ὑπασπισταὶ ὑπέρφοβοι γενόμενοι ὑπὲρ τοῦ βασιλέως σπουδῇ ὠθούμενοι κατὰ τὴν αὐτὴν κλίμακα συντρίβουσιν αὐτήν, ὥστε οἱ μὲν ἤδη ἀνιόντες αὐτῶν κάτω ἔπεσον, τοῖς δὲ ἄλλοις ἄπορον ἐποίησαν τὴν ἄνοδον. Ἀλέξανδρος δὲ ὡς ἐπὶ τοῦ τείχους στὰς κύκλῳ τε ἀπὸ τῶν πλησίον πύργων ἐβάλλετο, οὐ γὰρ πελάσαι γε ἐτόλμα τις αὐτῷ τῶν Ἰνδῶν, καὶ ὑπὸ τῶν ἐκ τῆς πόλεως, οὐδὲ πόρρω τούτων γε ἐσακοντιζόντων [ἔτυχε γάρ τι καὶ προσκεχωσμένον ταύτῃ πρὸς τὸ τεῖχος], δῆλος μὲν ἦν Ἀλέξανδρος ὢν τῶν τε ὅπλων τῇ λαμπρότητι καὶ τῷ ἀτόπῳ τῆς τόλμης, ἔγνω δὲ ὅτι αὐτοῦ μὲν μένων κινδυνεύσει μηδὲν ὅ τι καὶ λόγου ἄξιον ἀποδεικνύμενος, καταπηδήσας δὲ εἴσω τοῦ τείχους τυχὸν μὲν αὐτῷ τούτῳ ἐκπλήξει τοὺς Ἰνδούς, εἰ δὲ μή, καὶ κινδυνεύειν δέοι, μεγάλα ἔργα καὶ τοῖς ἔπειτα πυθέσθαι ἄξια ἐργασάμενος οὐκ ἀσπουδεὶ ἀποθανεῖται —ταῦτα γνοὺς καταπηδᾷ ἀπὸ τοῦ τείχους ἐς τὴν ἄκραν. […] [6,10] […] Ἀλέξανδρος δὲ βάλλεται καὶ αὐτὸς διὰ τοῦ θώρακος ἐς τὸ στῆθος τοξεύματι ὑπὲρ τὸν μαστόν, ὥστε λέγει Πτολεμαῖος ὅτι καὶ πνεῦμα ὁμοῦ τῷ αἵματι ἐκ τοῦ τραύματος ἐξεπνεῖτο.
[6,9] […] Alexandre, parvenu sur le rempart, s’appuie sur son bouclier, et renversant les uns, frappant les autres de son épée, il avait tout chassé devant lui. Cependant les Hypaspistes, inquiets de sa personne, se précipitent sur les échelles ; elles rompent sous le poids ; plus de moyen de franchir les murs. Alexandre se voit en bute aux traits que les Indiens, n’osant l’approcher, font pleuvoir des tours voisines et de l’intérieur de la place ; car l’élévation où il se trouvait formait une esplanade avancée, et ce prince se faisait remarquer autant par l’éclat de ses armes que par celui de sa valeur. N’ayant que le choix de rester exposé à ce danger ou de se jeter dans le fort, il prend ce dernier parti qui peut épouvanter les ennemis, et qui doit du moins, s’il succombe, l’immortaliser par la mort la plus glorieuse. Il saute des remparts dans le fort. […] [6,10] […] une autre atteint Alexandre, perce la cuirasse, et s’enfonce au-dessus du sein. L’air et le sang s’échappaient, au rapport de Ptolémée, par cette blessure.
Arrien, Anabase, VI, 9, 4-10,1.
Voilà la suite racontée par Diodore.
[3] πολλὰς μὲν γὰρ εἰς τὸ κράνος ἐλάμβανε πληγάς, οὐκ ὀλίγας δὲ εἰς τὴν πέλτην ἐδέχετο : τέλος δὲ τοξευθεὶς ὑπὸ τὸν μαστὸν ἔπεσεν εἰς γόνυ, κατισχυθεὶς ὑπὸ τῆς πληγῆς. εὐθὺ δ᾽ ὁ μὲν τοξεύσας Ἰνδὸς καταφρονήσας προσέδραμε καὶ καταφέροντος αὐτοῦ πληγὴν ὁ Ἀλέξανδρος ὑπέθηκε τῇ λαγόνι τὸ ξίφος καὶ καιρίου γενομένου τοῦ τραύματος ὁ μὲν βάρβαρος ἔπεσεν, ὁ δὲ βασιλεὺς ἐπιλαβόμενος τοῦ πλησίον κλάδου καὶ διαναστὰς προεκαλεῖτο τῶν Ἰνδῶν τοὺς βουλομένους διαγωνίσασθαι. [4] κατὰ δὲ τοῦτον τὸν χρόνον Πευκέστης, εἷς τῶν ὑπασπιστῶν, δι᾽ ἑτέρας κλίμακος προσαναβὰς πρῶτος ὑπερήσπισε τὸν βασιλέα : μετὰ δὲ τοῦτον ἕτεροι πλείους ἐπιφανέντες καὶ καταπληξάμενοι τοὺς βαρβάρους διέσωσαν τὸν Ἀλέξανδρον. τῆς δὲ πόλεως ἁλούσης κατὰ κράτος οἱ μὲν Μακεδόνες διὰ τὸν ὑπὲρ τοῦ βασιλέως θυμὸν πάντας τοὺς περιτυχόντας ἀνῄρουν καὶ τὴν πόλιν νεκρῶν ἐπλήρωσαν.
[3] Il avait reçu un prodigieux nombre de coups sur son casque et sur son bouclier. Mais enfin atteint d’une flèche sous la mamelle, le coup le fit tomber fur ses genoux. L’Indien qui le lui avait porté courut à lui pour achever un exploit qu’il croyait désormais aisé. Mais Alexandre lui enfonça son épée dans le flanc et le renversa par terre. Aussitôt se relevant lui-même à la faveur de l’arbre qu’il avait à côté de lui, il défiait encore au combat celui des Indiens qui voudrait en faire l’essai. [4] En ce moment arriva Peucestas un de ses gardes, monté par un degré dérobé de la citadelle, et le premier qui fut venu à son recours. Mais plusieurs autres suivirent de près cet exemple, de sorte que s’excitant ensemble sur ces barbares, ils le sauvèrent de leurs mains. La ville ayant été bientôt après emportée de force, les Macédoniens pour venger leur roi du danger où les Indiens l’avaient mis, les exterminèrent tous et ne laissèrent dans la ville que des morts.
Diodore, Bibliothèque historique, XVII, 99, 3-4, trad. abbé Jean Terrasson
Alexandre est donc grièvement blessé. L’extraction du trait a provoqué une abondante hémorragie interrompue par l’évanouissement du roi.
χαλεπῶς δὲ καὶ πολυπόνως τὸν ὀϊστὸν ἐκπρισάντων ξύλινον ὄντα, καὶ τοῦ θώρακος οὕτω μόλις ἀπολυθέντος, περὶ τὴν ἐκκοπὴν ἐγίνοντο τῆς ἀκίδος, ἐνδεδυκυίας ἑνὶ τῶν ὀστέων. Λέγεται δὲ τὸ μὲν πλάτος τριῶν δακτύλων εἶναι, τὸ δὲ μῆκος τεσσάρων· διὸ ταῖς λιποθυμίαις ἔγγιστα θανάτου συνελαυνόμενος ἐξαιρουμένης αὐτῆς, ὅμως ἀνέλαβε, καὶ διαφυγὼν τὸν κίνδυνον, ἔτι δ´ ἀσθενὴς ὢν καὶ πολὺν χρόνον ἐν διαίτῃ καὶ θεραπείαις ἔχων αὑτόν […]
[63] […] On scia d’abord, avec une extrême dificulté, le bois de la flèche, et l’on put alors, quoiqu’avec peine, lui ôter sa cuirasse ; on fit ensuite une incision profonde, pour arracher le fer du dard qui était entré dans une des côtes, et qui avait trois doigts de large et quatre de long. Il s’évanouit plusieurs fois dans l’opération ; mais à peine on eut retiré le fer de la blessure, qu’il revint à lui. Quand il se trouva hors de danger, il restait encore faible, et il lui fallut longtemps suivre un régime et se soigner3.
Plutarque, Alexandre, 63, 11-13.
Mais le bruit se répandant qu’Alexandre a succombé à ses blessures, toute l’armée est prise de panique. Pour éviter les troubles le roi doit se montrer.
[6,13] Καὶ ταῦτα ἐννοήσας Ἀλέξανδρος, μή τι νεωτερισθείη ἐν τῇ στρατιᾷ, ὅτε πρῶτον ἠδυνήθη κομίζεται ἐπὶ τοῦ ποταμοῦ τοῦ Ὑδραώτου τὰς ὄχθας· καὶ πλέων κατὰ τὸν ποταμόν
[ἦν γὰρ τὸ στρατόπεδον ἐπὶ ταῖς ξυμβολαῖς τοῦ τε Ὑδραώτου καὶ τοῦ Ἀκεσίνου, ἵνα Ἡφαιστίων τε ἐπὶ τῆς στρατιᾶς ἦν καὶ Νέαρχος τὸ ναυτικὸν αὐτῷ εἶχεν], ὡς {δὲ} ἐπέλαζεν ἡ ναῦς ἤδη τῷ στρατοπέδῳ τὸν βασιλέα φέρουσα, κελεύει δὴ ἀφελεῖν τὴν σκηνὴν ἀπὸ τῆς πρύμνης, ὡς καταφανὴς εἶναι πᾶσιν. οἱ δὲ ἔτι ἠπίστουν, ὡς νεκροῦ δῆθεν κομιζομένου Ἀλεξάνδρου, πρίν γε δὴ προσχούσης τῆς νεὼς τῇ ὄχθῃ ὁ μὲν τὴν χεῖρα ἀνέτεινεν ἐς τὸ πλῆθος· οἱ δὲ ἀνεβόησαν, ἐς τὸν οὐρανὸν ἀνασχόντες τὰς χεῖρας, οἱ δὲ πρὸς αὐτὸν Ἀλέξανδρον·
[6,13] Alexandre, instruit de ce trouble et voulant en prévenir les suites, se fait transporter aussitôt sur les bords de l’Hydraotès pour s’y embarquer, et descendre au camp assis aux bords du confluent de ce fleuve et de l’Acésinès. Héphestion y commande l’armée, et Néarque la flotte. Au moment où le vaisseau qui le portait fut à la hauteur du camp, il fit découvrir la poupe de son navire, et se montra à tout le monde : on doute encore s’il respire ; mais il approche, il leur tend la main ; un cri de joie unanime s’élève ; tous les bras sont tendus vers le ciel ou vers Alexandre.
Arrien, Anabase, VI, 13,1.
Une bataille mineure : la prise de la dernière ville des brahmanes
Diodore raconte la prise de la dernière ville des brahmanes, Harmatélia. Un épisode qu’Arrien ne rapporte pas semble particulièrement intéressant.
[3] ὁ δὲ βασιλεὺς μετ᾽ ὀλίγον ὑποστὰς τοὺς διώκοντας τῶν βαρβάρων καὶ μάχην καρτερὰν συστησάμενος οὓς μὲν ἀπέκτεινε τῶν βαρβάρων, οὓς δ᾽ ἐζώγρησε. τῶν δὲ μετὰ τοῦ βασιλέως οὐκ ὀλίγοι τρωθέντες εἰς τοὺς ἐσχάτους ἦλθον κινδύνους : [4] ὁ γὰρ τῶν βαρβάρων σίδηρος κεχρισμένος ἦν φαρμάκου θανασίμου δυνάμει, ᾗ πεποιθότες κατέβησαν εἰς τὴν διὰ τῆς μάχης κρίσιν. κατεσκεύαστο δὲ ἡ τοῦ φαρμάκου δύναμις ἔκ τινων ὄφεων θηρευομένων καὶ τούτων εἰς τὸν ἥλιον νεκρῶν τιθεμένων. [5] τῆς δ᾽ ἐκ τοῦ καύματος θερμασίας τηκούσης τὴν τῆς σαρκὸς φύσιν ἱδρῶτας ἐκπίπτειν συνέβαινε καὶ διὰ τῆς νοτίδος συνεκκρίνεσθαι τὸν τῶν θηρίων ἰόν. διὸ καὶ τοῦ τρωθέντος εὐθὺς ἐνάρκα τὸ σῶμα καὶ μετ᾽ ὀλίγον ὀξεῖαι συνηκολούθουν ὀδύναι καὶ σπασμὸς καὶ τρόμος τὸν ὅλον ὄγκον κατεῖχεν, ὅ τε χρὼς ψυχρὸς καὶ πελιδνὸς ἐγίνετο καὶ διὰ τῶν ἐμέτων ἐξέπιπτεν χολή, πρὸς δὲ τούτοις ἀπὸ τοῦ τραύματος μέλας ἀφρὸς ἀπέρρει καὶ σηπεδὼν ἐγεννᾶτο. αὕτη δὲ νεμομένη ταχέως ἐπέτρεχε τοῖς καιρίοις τόποις τοῦ σώματος καὶ δεινοὺς θανάτους ἀπειργάζετο. [6] διὸ συνέβαινε τὰ ἴσα τοῖς μεγάλα τραύματ᾽ εἰληφόσι καὶ τοῖς μικρὰν καὶ τὴν τυχοῦσαν ἀμυχὴν ἀναδεξαμένοις. τοιαύτῃ δ᾽ ἀπωλείᾳ τῶν τρωθέντων ἀπολλυμένων ἐπὶ μὲν τοῖς ἄλλοις οὐχ οὕτως ὁ βασιλεὺς ἐλυπήθη, ἐπὶ δὲ Πτολεμαίῳ τῷ ὕστερον μὲν βασιλεύσαντι, τότε δὲ ἀγαπωμένῳ μεγάλως ἠχθέσθη. [7] ἴδιον γάρ τι καὶ παράδοξον συνέβη γενέσθαι περὶ τὸν Πτολεμαῖον, ὅ τινες εἰς θεῶν πρόνοιαν ἀνέπεμπον. ἀγαπώμενος γὰρ ὑφ᾽ ἁπάντων διά τε τὴν ἀρετὴν καὶ ὑπερβολὴν τῆς εἰς πάντας εὐεργεσίας, οἰκείας τοῦ φιλανθρώπου βοηθείας ἔτυχεν. ὁ γὰρ βασιλεὺς εἶδεν ὄψιν κατὰ τὸν ὕπνον, καθ᾽ ἣν ἔδοξεν ὁρᾶν δράκοντα βοτάνην ἐν τῷ στόματι κρατεῖν καὶ δεῖξαι ταύτης τὴν φύσιν καὶ τὴν δύναμιν καὶ τὸν τόπον ἐν ᾧ φύεται. [8] ἐγερθεὶς οὖν ὁ Ἀλέξανδρος καὶ τὴν βοτάνην ἀναζητήσας καὶ τρίψας τό τε σῶμα τοῦ Πτολεμαίου κατέπλασε καὶ πιεῖν δοὺς ὑγιῆ κατέστησε. γνωσθείσης δὲ τῆς εὐχρηστίας καὶ οἱ λοιποὶ τυχόντες τῆς ὁμοίας θεραπείας διεσώθησαν.
[3] Mais le roi lui-même se présentant, quoiqu’avec un assez petit nombre de troupes, à ceux qui poursuivaient les fuyards et leur livrant un combat très vif, en mit par terre un grand nombre et n’en fit pas moins de prisonniers. Cependant les blessés de l’armée du roi qui se trouvèrent en assez grande quantité, tombèrent dans des inconvénients terribles. [4] Le fer des barbares avait été trempé dans des sucs venimeux, ce qui leur avait même donné une grande confiance dans le combat ; ce venin avait été tiré d’une certaine espèce de serpents qu’ils prenaient à la chasse et qu’ils exposaient morts au soleil le plus ardent. [5] Ses feux faisaient sortir de leur corps une espèce de sueur dans laquelle le venin propre à ces animaux se trouvait fondu et mêlé, et qu’ils en savaient extraire. Il arrivait delà que l’homme atteint des armes qu’ils y avaient trempées, tombait tout d’un coup dans un engourdissement mortel, [6] suivi bientôt des douleurs les plus aiguës dans la partie blessée qui s’enflait prodigieusement, et d’un tremblement universel dans le reste du corps. Sa peau devenait sèche et livide et il vomissait toute la bile de ses entrailles. La plaie en particulier rendait une écume noire : indice de la pourriture qui s’y était déjà formée, qui gagnait bientôt les parties nobles et qui faisait subir au patient une mort aussi cruelle que certaine. Ainsi la plus légère atteinte du fer mettait bientôt le blessé dans le cas des plaies les plus énormes. [7] Le roi ne parut aussi touché d’aucun de ses malades qu’il le fut au sujet de Ptolémée qui lui succéda dans une partie de son nouvel empire et qu’il aimait alors plus qu’aucun autre des officiers de sa cour. Il arriva à celui-ci quelque chose de particulier qu’on regarda comme un effet marqué de la providence divine : il était chéri de toute l’armée à cause de sa valeur, du caractère bienfaisant dont il donnait des preuves continuelles. Il fut guéri d’une plaie de la nature de celles dont nous venons de parler ; mais il en fut guéri d’une manière qui parut être une digne récompense du zèle qui l’intéressait pour tout le monde4. Le roi eut en dormant un songe dans lequel il vit un dragon qui lui présentait une herbe dont il lui indiquait la propriété et la vertu, en lui montrant en même temps le terrain où elle croissait. [8] Le roi réveillé alla lui-même chercher cette plante, en fit frotter tout le corps de Ptolémée, et lui en ayant donné à boire, il lui rendit une santé parfaite : un grand nombre d’autres soldats ayant usé du même remède furent parfaitement rétablis.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 103, 3-8, trad. abbé Jean Terrasson
Division de l’armée macédonienne
L’armée retrouve l’Indus. Alexandre fait passer Cratère sur la rive gauche de l’Indus avec le gros des troupes en direction d’Alexandrie d’Arachosie. Néarque, avec pour premier pilote Onésicrite5, est envoyé explorer la route maritime de l’Indus au golfe Persique. Alexandre, quant à lui, descend le fleuve jusqu’au royaume de Musicanos « le royaume le plus heureux de l’Inde » parce qu’aucun traité d’amitié ne liait le royaume à Alexandre. Il arrive aux frontières du territoire de Musicanos avec une telle rapidité qu’il surprend ce dernier. Il se soumet6. Alexandre lui accorde son pardon. Il marche ensuite contre Sambos qu’il avait nommé satrape des Indiens montagnards et qui était maintenant en fuite. C’est en effet un ennemi de Musicanos : il a pris peur en voyant Musicanos pardonné et autorisé par Alexandre à garder la souveraineté sur son propre territoire. Alexandre fit alors exécuter les brahmanes parce qu’ils étaient à l’origine de la défection. Sur la sagesse de ces brahmanes dont Arrien parle dans son livre sur l’Inde, voici le récit de Plutarque qui n’a rien d’historique et qui appartient sans doute à la légende. Le biographe parle non de brahmanes, mais de gymnosophistes7 ou ailleurs de philosophes.
[64] Τῶν δὲ Γυμνοσοφιστῶν τοὺς μάλιστα τὸν Σάββαν ἀναπείσαντας ἀποστῆναι καὶ κακὰ πλεῖστα τοῖς Μακεδόσι παρασχόντας λαβὼν δέκα, δεινοὺς δοκοῦντας εἶναι περὶ τὰς ἀποκρίσεις καὶ βραχυλόγους, ἐρωτήματα προὔθηκεν αὐτοῖς ἄπορα, φήσας ἀποκτενεῖν τὸν μὴ ὀρθῶς ἀποκρινάμενον πρῶτον, εἶτ´ ἐφεξῆς οὕτω τοὺς ἄλλους· ἕνα δὲ τὸν πρεσβύτατον ἐκέλευσεν ἐπικρίνειν. Ὁ μὲν οὖν πρῶτος ἐρωτηθείς, πότερον οἴεται τοὺς ζῶντας εἶναι πλείονας ἢ τοὺς τεθνηκότας, ἔφη τοὺς ζῶντας· οὐκέτι γὰρ εἶναι τοὺς τεθνηκότας. Ὁ δὲ δεύτερος, πότερον τὴν γῆν ἢ τὴν θάλατταν μείζονα τρέφειν θηρία, τὴν γῆν ἔφη· ταύτης γὰρ μέρος εἶναι τὴν θάλατταν. Ὁ δὲ τρίτος, ποῖόν ἐστι ζῷον πανουργότατον, ὃ μέχρι νῦν, εἶπεν, ἄνθρωπος οὐκ ἔγνωκεν. Ὁ δὲ τέταρτος ἀνακρινόμενος, τίνι λογισμῷ τὸν Σάββαν ἀπέστησεν, ἀπεκρίνατο, καλῶς ζῆν βουλόμενος αὐτὸν ἢ καλῶς ἀποθανεῖν. Ὁ δὲ πέμπτος ἐρωτηθείς, πότερον οἴεται τὴν ἡμέραν πρότερον ἢ τὴν νύκτα γεγονέναι, τὴν ἡμέραν, εἶπεν, ἡμέρᾳ μιᾷ· καὶ προσεπεῖπεν οὗτος, θαυμάσαντος τοῦ βασιλέως, ὅτι τῶν ἀπόρων ἐρωτήσεων ἀνάγκη καὶ τὰς ἀποκρίσεις ἀπόρους εἶναι. Μεταβαλὼν οὖν τὸν ἕκτον ἠρώτα, πῶς ἄν τις φιληθείη μάλιστα· ἂν κράτιστος ὤν, ἔφη, μὴ φοβερὸς ᾖ. Τῶν δὲ λοιπῶν τριῶν ὁ μὲν ἐρωτηθείς, πῶς ἄν τις ἐξ ἀνθρώπου γένοιτο θεός, εἴ τι πράξειεν, εἶπεν, ὃ πρᾶξαι δυνατὸν ἀνθρώπῳ μὴ ἔστιν· ὁ δὲ περὶ ζῳῆς καὶ θανάτου, πότερον ἰσχυρότερον, ἀπεκρίνατο τὴν ζῳήν, τοσαῦτα κακὰ φέρουσαν. Ὁ δὲ τελευταῖος, μέχρι τίνος ἂν ἄνθρωπον καλῶς ἔχοι ζῆν, μέχρι οὗ μὴ νομίζει τὸ τεθνάναι τοῦ ζῆν ἄμεινον. Οὕτω δὴ τραπόμενος πρὸς τὸν δικαστήν, ἐκέλευσεν ἀποφαίνεσθαι. Τοῦ δ´ ἕτερον ἑτέρου χεῖρον εἰρηκέναι φήσαντος, « Οὐκοῦν » ἔφη « καὶ σὺ πρῶτος ἀποθανῇ τοιαῦτα κρίνων ». « Οὐκ ἄν γ´ » εἶπεν « ὦ βασιλεῦ, εἰ μὴ σὺ ψεύδῃ, φήσας πρῶτον ἀποκτενεῖν τὸν ἀποκρινάμενον κάκιστα ».
[64] Il fit prisonniers, dans le cours de cette expédition, dix gymnosophistes, de ceux qui, en contribuant le plus à la révolte de Sabbas, avaient causé de grands maux aux Macédoniens. Comme ils étaient renommés par la précision et la subtilité de leurs réponses, le roi leur proposa des questions qui paraissaient insolubles ; il leur déclara qu’il ferait mourir le premier celui qui aurait le plus mal répondu, et tous les autres ensuite ; et il nomma le plus vieux pour être juge. Il demanda au premier quels étaient les plus nombreux des vivants ou des morts. Il répondit que c’étaient les vivants, parce que 1es morts n’étaient plus. Au second ; qui de la terre ou de la mer produisait de plus grands animaux. — « La terre, parce que la mer en fait partie. » Au troisième, quel était le plus fin des animaux. — Celui que l’homme ne connaît pas encore. » Au quatrième, pourquoi il avait porté Sabbas à la révolte. — « Afin qu’il vécut avec gloire, ou qu’il périt misérablement. » Au cinquième, lequel avait existé le premier, du jour ou de la nuit. — « Le jour ; mais il n’a précédé la nuit que d’un jour. » Et comme le roi parut surpris de cette réponse, le philosophe ajouta que des questions extraordinaires demandaient des réponses de même nature. Au sixième, quel était, pour un homme, le plus sûr moyen de se faire aimer. — « Que, devenu le plus puissant de tous, il ne se fit pas craindre. » Au septième, comment un homme pouvait devenir dieu. — « En faisant ce qu’il est impossible à l’homme de faire. » Au huitième, laquelle était la plus forte de la vie ou de la mort. — « La vie, qui supporte tant de maux. » Au dernier, jusqu’à quel temps il était bon à l’homme de vivre ? — « Jusqu’à ce qu’il ne croie plus la mort préférable à la vie. » Alors Alexandre, se tournant vers le juge, lui dit de prononcer ; il déclara qu’ils avaient tous plus mal répondu l’un que l’autre : « Tu dois donc mourir le premier, pour ce beau jugement, reprit Alexandre. — Non, seigneur, répliqua le vieillard, à moins que vous ne vouliez manquer à votre parole ; car vous avez dit que vous feriez mourir le premier celui qui aurait le plus mal répondu. »
Plutarque, Alexandre, 64, 1-12.
Il [Alexandre] suit ensuite le littoral pour assurer la logistique de l’amiral crétois.
Traversées du désert de Gédrosie
Mais Néarque accumule les retards et doit poursuivre seul sa reconnaissance, pendant que les troupes traversent difficilement des territoires particulièrement hostiles comme le désert de Gédrosie9 où la chaleur brûlante et le manque d’eau anéantirent une bonne partie de l’armée et en particulier les bêtes de somme. Ces dernières périrent à cause de l’épaisseur du sable. Les bêtes « avaient à franchir des collines élevées recouvertes d’une épaisse couche de sable non foulé, dans lequel elles s’enfonçaient, en marchant dessus, comme dans de la boue ou, encore mieux, dans de la neige vierge »10.
[6,18] […] Περὶ δὲ τοῖς Πατάλοις σχίζεται τοῦ Ἰνδοῦ τὸ ὕδωρ ἐς δύο ποταμοὺς μεγάλους, καὶ οὗτοι ἀμφότεροι σώζουσι τοῦ Ἰνδοῦ τὸ ὄνομα ἔστε ἐπὶ τὴν θάλασσαν. ἐνταῦθα ναύσταθμόν τε καὶ νεωσοίκους ἐποίει Ἀλέξανδρος· ὡς δὲ προὐκεχωρήκει αὐτῷ τὰ ἔργα, ὁ δὲ καταπλεῖν ἐπενόει ἔστε ἐπὶ τὴν ἐκβολὴν τοῦ ἐν δεξιᾷ ῥέοντος ποταμοῦ ἐς τὴν θάλασσαν. […] ὡς δὲ ἧκον ἵναπερ ἀναχεῖται ἐς εὖρος ὁ ποταμός, ὡς καὶ διακοσίους ταύτῃ σταδίους ἐπέχειν ᾗπερ εὐρύτατος αὐτὸς αὑτοῦ ἦν, τό τε πνεῦμα κατῄει μέγα ἀπὸ τῆς ἔξω θαλάσσης καὶ αἱ κῶπαι ἐν κλύδωνι χαλεπῶς ἀνεφέροντο, ξυμφεύγουσιν αὖ ἐς διώρυχα, ἐς ἥντινα οἱ ἡγεμόνες αὐτῷ καθηγήσαντο.
[6,18] […] À Pattala11, l’Indus se partage en deux grands fleuves qui gardent son nom jusqu’à leur embouchure, et qui embrassent l’île. Alexandre y fait ouvrir un port et des chantiers. L’ouvrage avancé, il résolut de s’embarquer sur le bras droit du fleuve pour descendre à la mer. […] Parvenu à l’endroit où le fleuve a plus de deux cents stades de largeur, un vent de mer venant à souffler avec violence, et l’effort des rames devenant inutile, on s’abrita dans une baie que les Indiens indiquèrent.
Arrien, Anabase, VI, 18, 2-19, 5.
Alexandre a quitté Pattala et s’avance avec toute son armée jusqu’au fleuve Arabios. Il oblique en direction de la mer pour creuser des puits dans le but de fournir de l’eau douce en abondance à l’armée qui va longer la côte par la mer. Il fond, selon son habitude, à l’improviste sur le peuple des Orites, avant de s’aventurer dans le désert de Gédrosie. Diodore nous apporte de précieuses indications ethnographiques.
105. εἰς δὲ τὴν τῶν Ὠρειτῶν χώραν διὰ τῶν παρόδων παρεισελθὼν ταχέως ἅπασαν ὑπήκοον ἐποιήσατο. οἱ δὲ Ὠρεῖται τὰ μὲν ἄλλα παραπλήσια τοῖς Ἰνδοῖς ἔχουσιν, ἓν δὲ ἐξηλλαγμένον καὶ παντελῶς ἄπιστον. [2] τῶν γὰρ τελευτησάντων παρ᾽ αὐτοῖς τὰ σώματα ἐκφέρουσιν οἱ συγγενεῖς γυμνοὶ λόγχας ἔχοντες, εἰς δὲ τοὺς ἐπὶ τῆς χώρας δρυμοὺς θέντες τὸ σῶμα τὸν μὲν περικείμενον τῷ νεκρῷ κόσμον περιαιροῦνται, τὸ δὲ σῶμα τοῦ τετελευτηκότος καταλείπουσι βορὰν τοῖς θηρίοις : τὰς δ᾽ ἐσθῆτας διελόμενοι θύουσι τοῖς κατὰ γῆν ἥρωσι καὶ τῶν οἰκείων ὑποδοχὴν ποιοῦνται. [3] μετὰ δὲ ταῦθ᾽ ὁ Ἀλέξανδρος προῆγεν ἐπὶ τὴν Κεδρωσίαν, παρὰ θάλατταν τὴν πορείαν ποιούμενος, καὶ κατήντησεν εἰς ἔθνος ἄξενον καὶ παντελῶς θηριῶδες. [4] τούς τε γὰρ ὄνυχας οἱ τῇδε κατοικοῦντες ἐκ γενετῆς αὔξουσι μέχρι γήρως καὶ τὸ τρίχωμα πεπιλωμένον ἐῶσι, τὸ δὲ χρῶμα διὰ τὴν τοῦ ἡλίου θερμότητα κατακεκαυμένον ἔχουσι καὶ δορὰς θηρίων περιβέβληνται. [5] σιτοῦνται δὲ τὰ ἐκβαλλόμενα κήτη σαρκοφαγοῦντες καὶ τὰς οἰκήσεις κατασκευάζουσι τοὺς μὲν τοίχους ἀνοικοδομοῦντες, τὰς δ᾽ ὀροφὰς ἐκ τῶν τοῦ κήτους πλευρῶν, ἐξ ὧν ὀκτωκαιδεκαπήχεις δοκοὶ κατηρτίζοντο : ἀντὶ δὲ τῶν κεράμων ταῖς φολίσι τῶν ζῴων τὰς στέγας κατεκάλυπτον.
[17,105] Il entra ensuite par différents chemins dans le pays des Orites qu’il soumit par cette surprise à toutes ses volontés. Les Orites ressemblent en général aux autres peuples des Indes : mais ils se distinguent d’eux par une circonstance très particulière. [2] Tous les parents d’un mort l’accompagnent nus et armés de lances ; et après avoir fait porter son corps dans un bois, ils le dépouillent eux-mêmes de tous ses vêtements, et le laissent en proie aux animaux de la forêt. Ils brûlent ensuite tout ce qui le couvrait en l’honneur des Génies du lieu et terminent toute la cérémonie par un grand festin qu’ils donnent à leurs amis. [3] Alexandre passa ensuite dans la Gédrosie en côtoyant toujours la mer, et il trouva là une nation extrêmement sauvage et qui ne connaissait point l’hospitalité. [4] Ils portent leurs ongles sans les couper jusqu’à l’extrême vieillesse ; ils ne démêlent jamais leurs cheveux. Ils ne couvrent que de peaux de bêtes la leur propre qui est presque brûlée par les ardeurs du soleil. [5] Ils ne se nourrissent que des baleines que la mer jette sur leurs côtes. Ils habitent des maisons qui à la vérité ont des murailles : mais les combles n’en sont faits que de côtes de baleines, dont quelques-unes ont jusqu’à dix-huit coudées ou vingt-sept pieds de longueur, qu’ils couvrent en suite des mêmes cuirs dont ils s’habillent.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 105, 1-5, trad. abbé Jean Terrasson
La traversée du désert de Gédrosie est une épreuve terrible.
105 [6] ὁ δὲ Ἀλέξανδρος διελθὼν τοῦτο τὸ ἔθνος ἐπιπόνως διὰ σπάνιν τροφῆς ἐνέβαλεν εἰς χώραν ἔρημον καὶ πάντων τῶν εἰς τὸ ζῆν χρησίμων σπανίζουσαν. πολλῶν δὲ διὰ τὴν ἔνδειαν διαφθειρομένων ἥ τε δύναμις τῶν Μακεδόνων ἠθύμησεν καὶ ὁ Ἀλέξανδρος ἐνέπεσεν οὐκ εἰς τὴν τυχοῦσαν λύπην τε καὶ φροντίδα : δεινὸν γὰρ ἐφαίνετο τοὺς ἀρετῇ καὶ τοῖς ὅπλοις ἅπαντας ὑπερβαλομένους ἐν ἐρήμῳ χώρᾳ πάντων σπανίζοντας ἀκλεῶς ἀπόλλυσθαι. [7] διόπερ εὐζώνους ἄνδρας ἐξέπεμψεν εἰς τὴν Παρθυαίαν καὶ Δραγγινὴν καὶ Ἀρίαν καὶ τὰς ἄλλας τὰς πλησιοχώρους τῇ ἐρήμῳ, προστάξας ταχέως ἀγαγεῖν ἐπὶ τὰς ἐμβολὰς τῆς Καρμανίας δρομάδας καμήλους καὶ τὰ νωτοφορεῖν εἰωθότα τῶν φορτίων, γεμίσαντας σίτου καὶ τῶν ἄλλων ἐπιτηδείων. [8] οὗτοι μὲν οὖν ὀξέως διανύσαντες πρὸς τοὺς σατράπας τούτων τῶν ἐπαρχιῶν ἐποίησαν παρακομισθῆναι πολλὴν ἀγορὰν ἐπὶ τὸν ὡρισμένον τόπον. ὁ δὲ Ἀλέξανδρος τὸ μὲν πρῶτον διὰ τὴν ἀβοήθητον ἔνδειαν πολλοὺς ἀπέβαλε τῶν στρατιωτῶν, μετὰ δὲ ταῦτα κατὰ τὴν πορείαν ὄντος αὐτοῦ τῶν Ὠρειτῶν τινες ἐπιθέμενοι τοῖς περὶ τὸν Λεοννάτον τεταγμένοις καὶ συχνοὺς καταβαλόντες ἀπέφυγον εἰς τὴν ἑαυτῶν χώραν. [106] μόγις δὲ περάσας τὴν ἔρημον ἧκεν εἰς χώραν οἰκουμένην καὶ πάντων τῶν χρησίμων εὐποροῦσαν. ἐν ταύτῃ δὲ προσαναλαβὼν τὴν δύναμιν ἐφ᾽ ἑπτὰ μὲν ἡμέρας προῄει κεκοσμημένῃ τῇ δυνάμει πανηγυρικῶς καὶ Διονύσῳ κῶμον ἤγαγεν ἑορτάζων καὶ μέθῃ καὶ πότοις χρώμενος κατὰ τὴν ὁδοιπορίαν.
[6] Alexandre qui ne traversa ce pays qu’avec beaucoup de peine faute d’y trouver assez de vivres, arriva dans un désert qui en était absolument dépourvu. Plusieurs de ses soldats y périrent d’inanition ; les Macédoniens mêmes se découragèrent, ce qui jeta enfin le roi dans une inquiétude prodigieuse. Il était dans un véritable désespoir de voir périr inutilement, et de pure indigence, des hommes d’un courage insurmontable et d’une valeur à toute épreuve. [7] Il prit aussitôt le parti d’envoyer ce qui lui restait d’hommes encore sur pied chez les Parthes, dans la Drangiane, dans l’Arie et dans les lieux les plus voisins du désert où il se trouvait avec ordre d’amener à l’entrée de la Carmanie des chameaux ou dromadaires, et autres animaux, chargés de toutes les provisions nécessaires pour un camp12. [8] Ces envoyés partant aussitôt s’adressèrent aux satrapes de toutes les provinces voisines, et ayant obtenu d’eux les pouvoirs nécessaires, satisfirent pleinement à leur commission. Alexandre ne laissa pas de perdre un grand nombre de soldats avant l’arrivée de ce secours : mais de plus comme il allait à sa rencontre au lieu qu’il avait marqué, quelques paysans rassemblés des montagnes voisines, tombèrent sur la brigade que commandait Leonatos et après l’avoir endommagée, ils se retirèrent subitement dans leurs bois. [106] Enfin pourtant l’armée macédonienne sortie, non sans peine du désert se trouva dans un pays habité et pourvu de tous les biens de la terre. Il fit reposer là ses troupes, et donnant même à ce repos un air de fête publique, il célébra avec toute son armée les mystères et les réjouissances de Dionysos13. Et la marche qu’il continuait en forme de procession, était souvent interrompue par des repas qui n’étaient pas toujours modérés14.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 105, 6 – 106, 1, trad. abbé Jean Terrasson
Plutarque raconte aussi ces bacchanales de Carmanie, après la victoire sur les Indiens.
[67] Ἀναλαβὼν οὖν ἐνταῦθα τὴν δύναμιν, ἐξώρμησε κώμῳ χρώμενος ἐφ´ ἡμέρας ἑπτὰ διὰ τῆς Καρμανίας. Αὐτὸν μὲν οὖν ἵπποι σχέδην ἐκόμιζον ὀκτώ, μετὰ τῶν ἑταίρων ὑπὲρ θυμέλης ἐν ὑψηλῷ καὶ περιφανεῖ πλαισίῳ πεπηγυίας εὐωχούμενον συνεχῶς ἡμέρας καὶ νυκτός· ἅμαξαι δὲ παμπληθεῖς, αἱ μὲν ἁλουργοῖς καὶ ποικίλοις περιβολαίοις, αἱ δ´ ὕλης ἀεὶ προσφάτου καὶ χλωρᾶς σκιαζόμεναι κλάδοις, εἵποντο, τοὺς ἄλλους ἄγουσαι φίλους καὶ ἡγεμόνας, ἐστεφανωμένους καὶ πίνοντας. Εἶδες δ´ ἂν οὐ πέλτην, οὐ κράνος, οὐ σάρισαν, ἀλλὰ φιάλαις καὶ ῥυτοῖς καὶ θηρικλείοις παρὰ τὴν ὁδὸν ἅπασαν οἱ στρατιῶται κυαθίζοντες ἐκ πίθων μεγάλων καὶ κρατήρων ἀλλήλοις προέπινον, οἱ μὲν ἐν τῷ προάγειν ἅμα καὶ βαδίζειν, οἱ δὲ κατακείμενοι. Πολλὴ δὲ μοῦσα συρίγγων καὶ αὐλῶν ᾠδῆς τε καὶ ψαλμοῦ καὶ βακχεία γυναικῶν κατεῖχε πάντα τόπον. Τῷ δ´ ἀτάκτῳ καὶ πεπλανημένῳ τῆς πορείας παρείπετο {ταῖς φιάλαις} καὶ παιδιὰ βακχικῆς ὕβρεως, ὡς τοῦ θεοῦ παρόντος αὐτοῦ καὶ συμπαραπέμποντος τὸν κῶμον. Ἐπεὶ δ´ ἧκε τῆς Γεδρωσίας εἰς τὸ βασίλειον, αὖθις ἀνελάμβανε τὴν στρατιὰν πανηγυρίζων. Λέγεται δ´ αὐτὸν μεθύοντα θεωρεῖν ἀγῶνας χορῶν, τὸν δ´ ἐρώμενον Βαγώαν χορεύοντα νικῆσαι καὶ κεκοσμημένον διὰ τοῦ θεάτρου παρελθόντα καθίσαι παρ´ αὐτόν· ἰδόντας δὲ τοὺς Μακεδόνας κροτεῖν καὶ βοᾶν φιλῆσαι κελεύοντας, ἄχρι οὗ περιβαλὼν κατεφίλησεν.
LXXXVIII. [67] Après avoir fait rafraîchir quelque temps son armée, il se remit en marche et traversa en sept jours la Carmanie, dans une espèce de bacchanale continuelle. Porté sur une estrade de forme carrée, qu’on avait placée sur un chariot fort élevé et traîné par huit chevaux, il passait les nuits et les jours dans les festins avec ses courtisans et ses amis. Ce chariot était suivi d’un grand nombre d’autres, dont les uns étaient couverts de lapis de pourpre ou d’étoffes de diverses couleurs ; les autres étaient ombragés de rameaux verts qu’on renouvelait à tous moments. Ces chariots servaient à porter ses autres amis et ses capitaines, qui, couronnés de fleurs, passaient leur temps à boire. On n’aurait vu, dans tout ce cortège, ni bouclier, ni casque, ni lance ; le chemin était couvert de soldats qui, armés de flacons, de tasses et de coupes, puisaient sans cesse du vin dans des cratères et dans des urnes, et se portaient les santés les uns aux autres, soit en continuant leur route, soit assis à des tables qu’on avait dressées le long du chemin. Tout retentissait au loin du son des flûtes et des chalumeaux, du bruit des clairons et des danses de femmes qui ressemblaient à des bacchantes. Une marche si déréglée et si dissolue était accompagnée de jeux où éclatait toute la licence des bacchanales ; on eût dit que Dionysos présidait en personne à cette orgie. Quand il fut arrivé au palais des rois de Gédrosie15, il fit encore reposer son armée, en continuant toujours les mêmes jeux et les mêmes festins. Un jour qu’il était, dit-on, plein de vin, il assista à des chœurs de danse, où Bagoas, qu’il aimait et qui avait fait les frais des jeux, remporta le prix. Le vainqueur, après avoir reçu la couronne, traversa le théâtre, paré comme pour la fête, et alla s’asseoir auprès d’Alexandre16. Les Macédoniens battirent des mains et invitèrent le roi, par leurs cris, à lui donner un baiser ; Alexandre le prit dans ses bras et le baisa.
Plutarque, Alexandre, 67, 1-8