Les affaires de Sparte en Perse 401-378 avant J.-C. — Les expéditions militaires de Sparte en Perse et en Grèce 

Carte 2 - Les expéditions de Sparte en Perse et en Grèce

L’engagement de Sparte aux côtés de Cyrus

 

402-401. Les Lacédémoniens soutiennent Cyrus contre le Roi de Perse Artaxerxès II, son frère, ce qui leur vaudra sa colère. Artaxerxès distribuera, on le verra, de l’argent aux adversaires des Lacédémoniens et constituera une coalition contre eux, à l’origine de la guerre de Corinthe.

[…] δὲ τούτου πέμψας Κῦρος ἀγγέλους εἰς Λακεδαίμονα ἠξίου, οἷόσπερ αὐτὸς Λακεδαιμονίοις ἦν ἐν τῷ πρὸς Ἀθηναίους πολέμῳ, τοιούτους καὶ Λακεδαιμονίους αὐτῷ γίγνεσθαι. οἱ δ᾽ ἔφοροι δίκαια νομίσαντες λέγειν αὐτόν, Σαμίῳ τῷ τότε ναυάρχῳ ἐπέστειλαν ὑπηρετεῖν Κύρῳ, εἴ τι δέοιτο. κἀκεῖνος μέντοι προθύμως ὅπερ ἐδεήθη ὁ Κῦρος ἔπραξεν : ἔχων γὰρ τὸ ἑαυτοῦ ναυτικὸν σὺν τῷ Κύρου περιέπλευσεν εἰς Κιλικίαν, καὶ ἐποίησε τὸν τῆς Κιλικίας ἄρχοντα Συέννεσιν μὴ δύνασθαι κατὰ γῆν ἐναντιοῦσθαι Κύρῳ πορευομένῳ ἐπὶ βασιλέα. [2] ὡς μὲν οὖν Κῦρος στράτευμά τε συνέλεξε καὶ τοῦτ᾽ ἔχων ἀνέβη ἐπὶ τὸν ἀδελφόν, καὶ ὡς ἡ μάχη ἐγένετο, καὶ ὡς ἀπέθανε, καὶ ὡς ἐκ τούτου ἀπεσώθησαν οἱ Ἕλληνες ἐπὶ θάλατταν, Θεμιστογένει τῷ Συρακοσίῳ γέγραπται.

[…] Peu de temps après, Cyrus, ayant envoyé des députés à Lacédémone, demande qu’en retour de la manière dont il s’est conduit envers les Lacédémoniens dans la guerre contre les Athéniens, les Lacédémoniens se conduisent de la même manière envers lui. Les éphores, reconnaissant la justice de sa demande, font avertir Samios, alors navarque, d’être à la disposition de Cyrus, s’il en est besoin. Samios s’empresse de faire tout ce que Cyrus lui demande. Après avoir réuni sa flotte à celle de Cyrus, il cingle vers la Cilicie, et met Syennésis, gouverneur de Cilicie, dans l’impossibilité de s’opposer par terre à l’expédition de Cyrus contre le roi. [2] Comment Cyrus rassembla une armée et marcha ensuite contre son frère, le combat qui eut lieu, la mort de Cyrus et l’heureuse arrivée des Grecs jusqu’à la mer, tout cela a été raconté par Thémistogène de Syracuse .

Xénophon, Helléniques, III, 1, 1-2, trad. Eugène Talbot, 1859           

La remontée des tensions entre Sparte et les Perses

 

401. La défaite de Counaxa. Malgré la mort de Cyrus et celle des stratèges grecs piégés dans les quartiers de Tissapherne, la bataille elle-même montre la supériorité des hoplites sur les combattants Perses, celle du principe de la bataille rangée. Les Grecs, après s’être réorganisés en force autonome avec ses assemblées, ses chefs, ses lois – une véritable cité en marche – prirent le difficile et dangereux chemin du retour, comme le suggèrent, par exemple, les violents combats dans l’Arménie neigeuse et les attaques incessantes des troupes de Tissapherne. Xénophon commandait l’arrière-garde. Les survivants rejoignent, avec Xénophon, la Thrace où ils sont engagés au service des Spartiates. Pour Plutarque , la bataille de Counaxa est si clairement racontée par l’historien qu’on croit y assister et être au milieu du péril : il est inutile alors, pour le biographe, de la raconter à nouveau. Ce récit est intéressant car il préfigure les affrontements ultérieurs entre Grecs et Perses.

καὶ ἤδη τε ἦν ἀμφὶ ἀγορὰν πλήθουσαν καὶ πλησίον ἦν ὁ σταθμὸς ἔνθα ἔμελλε καταλύειν, ἡνίκα Πατηγύας, ἀνὴρ Πέρσης τῶν ἀμφὶ Κῦρον χρηστός, προφαίνεται ἐλαύνων ἀνὰ κράτος ἱδροῦντι τῷ ἵππῳ, καὶ εὐθὺς πᾶσιν οἷς ἐνετύγχανεν ἐβόα καὶ βαρβαρικῶς καὶ ἑλληνικῶς ὅτι βασιλεὺς σὺν στρατεύματι πολλῷ προσέρχεται ὡς εἰς μάχην παρεσκευασμένος. [2] ἔνθα δὴ πολὺς τάραχος ἐγένετο : αὐτίκα γὰρ ἐδόκουν οἱ Ἕλληνες καὶ πάντες δὲ ἀτάκτοις σφίσιν ἐπιπεσεῖσθαι : [3] Κῦρός τε καταπηδήσας ἀπὸ τοῦ ἅρματος τὸν θώρακα ἐνεδύετο καὶ ἀναβὰς ἐπὶ τὸν ἵππον τὰ παλτὰ εἰς τὰς χεῖρας ἔλαβε, τοῖς τε ἄλλοις πᾶσι παρήγγελλεν ἐξοπλίζεσθαι καὶ καθίστασθαι εἰς τὴν ἑαυτοῦ τάξιν ἕκαστον. [4] ἔνθα δὴ σὺν πολλῇ σπουδῇ καθίσταντο, Κλέαρχος μὲν τὰ δεξιὰ τοῦ κέρατος ἔχων πρὸς τῷ Εὐφράτῃ ποταμῷ, Πρόξενος δὲ ἐχόμενος, οἱ δ᾽ ἄλλοι μετὰ τοῦτον, Μένων δὲ †καὶ τὸ στράτευμα† τὸ εὐώνυμον κέρας ἔσχε τοῦ Ἑλληνικοῦ. [5] τοῦ δὲ βαρβαρικοῦ ἱππεῖς μὲν Παφλαγόνες εἰς χιλίους παρὰ Κλέαρχον ἔστησαν ἐν τῷ δεξιῷ καὶ τὸ Ἑλληνικὸν πελταστικόν, ἐν δὲ τῷ εὐωνύμῳ Ἀριαῖός τε ὁ Κύρου ὕπαρχος καὶ τὸ ἄλλο βαρβαρικόν, [6] Κῦρος δὲ καὶ ἱππεῖς τούτου ὅσον ἑξακόσιοι κατὰ τὸ μέσον, ὡπλισμένοι θώραξι μὲν αὐτοὶ καὶ παραμηριδίοις καὶ κράνεσι πάντες πλὴν Κύρου : Κῦρος δὲ ψιλὴν ἔχων τὴν κεφαλὴν εἰς τὴν μάχην καθίστατο λέγεται δὲ καὶ τοὺς ἄλλους Πέρσας ψιλαῖς ταῖς κεφαλαῖς ἐν τῷ πολέμῳ διακινδυνεύειν. [7] οἱ δ᾽ ἵπποι πάντες οἱ μετὰ Κύρου εἶχον καὶ προμετωπίδια καὶ προστερνίδια : εἶχον δὲ καὶ μαχαίρας οἱ ἱππεῖς Ἑλληνικάς. [8] καὶ ἤδη τε ἦν μέσον ἡμέρας καὶ οὔπω καταφανεῖς ἦσαν οἱ πολέμιοι : ἡνίκα δὲ δείλη ἐγίγνετο, ἐφάνη κονιορτὸς ὥσπερ νεφέλη λευκή, χρόνῳ δὲ συχνῷ ὕστερον ὥσπερ μελανία τις ἐν τῷ πεδίῳ ἐπὶ πολύ. ὅτε δὲ ἐγγύτερον ἐγίγνοντο, τάχα δὴ καὶ χαλκός τις ἤστραπτε καὶ λόγχαι καὶ αἱ τάξεις καταφανεῖς ἐγίγνοντο. [9] καὶ ἦσαν ἱππεῖς μὲν λευκοθώρακες ἐπὶ τοῦ εὐωνύμου τῶν πολεμίων : Τισσαφέρνης ἐλέγετο τούτων ἄρχειν : ἐχόμενοι δὲ γερροφόροι, ἐχόμενοι δὲ ὁπλῖται σὺν ποδήρεσι ξυλίναις ἀσπίσιν. Αἰγύπτιοι δ᾽ οὗτοι ἐλέγοντο εἶναι : ἄλλοι δ᾽ ἱππεῖς, ἄλλοι τοξόται. πάντες δ᾽ οὗτοι κατὰ ἔθνη ἐν πλαισίῳ πλήρει ἀνθρώπων ἕκαστον τὸ ἔθνος ἐπορεύετο. [10] πρὸ δὲ αὐτῶν ἅρματα διαλείποντα συχνὸν ἀπ᾽ ἀλλήλων τὰ δὴ δρεπανηφόρα καλούμενα : εἶχον δὲ τὰ δρέπανα ἐκ τῶν ἀξόνων εἰς πλάγιον ἀποτεταμένα καὶ ὑπὸ τοῖς δίφροις εἰς γῆν βλέποντα, ὡς διακόπτειν ὅτῳ ἐντυγχάνοιεν. ἡ δὲ γνώμη ἦν ὡς εἰς τὰς τάξεις τῶν Ἑλλήνων ἐλῶντα καὶ διακόψοντα. [11] ὃ μέντοι Κῦρος εἶπεν ὅτε καλέσας παρεκελεύετο τοῖς Ἕλλησι τὴν κραυγὴν τῶν βαρβάρων ἀνέχεσθαι, ἐψεύσθη τοῦτο : οὐ γὰρ κραυγῇ ἀλλὰ σιγῇ ὡς ἁνυστὸν καὶ ἡσυχῇ ἐν ἴσῳ καὶ βραδέως προσῇσαν. […] [17] […] καὶ οὐκέτι τρία ἢ τέτταρα στάδια διειχέτην τὼ φάλαγγε ἀπ᾽ ἀλλήλων ἡνίκα ἐπαιάνιζόν τε οἱ Ἕλληνες καὶ ἤρχοντο ἀντίοι ἰέναι τοῖς πολεμίοις. [18] ὡς δὲ πορευομένων ἐξεκύμα ινέ τι τῆς φάλαγγος, τὸ ὑπολειπόμενον ἤρξατο δρόμῳ θεῖν : καὶ ἅμα ἐφθέγξαντο πάντες οἷον τῷ Ἐνυαλίῳ ἐλελίζουσι, καὶ πάντες δὲ ἔθεον. λέγουσι δέ τινες ὡς καὶ ταῖς ἀσπίσι πρὸς τὰ δόρατα ἐδούπησαν φόβον ποιοῦντες τοῖς ἵπποις. [19] πρὶν δὲ τόξευμα ἐξικνεῖσθαι ἐκκλίνουσιν οἱ βάρβαροι καὶ φεύγουσι. καὶ ἐνταῦθα δὴ ἐδίωκον μὲν κατὰ κράτος οἱ Ἕλληνες, ἐβόων δὲ ἀλλήλοις μὴ θεῖν δρόμῳ, ἀλλ᾽ ἐν τάξει ἕπεσθαι. [20] τὰ δ᾽ ἅρματα ἐφέροντο τὰ μὲν δι᾽ αὐτῶν τῶν πολεμίων, τὰ δὲ καὶ διὰ τῶν Ἑλλήνων κενὰ ἡνιόχων. οἱ δ᾽ ἐπεὶ προΐδοιεν, διίσταντο : ἔστι δ᾽ ὅστις καὶ κατελήφθη ὥσπερ ἐν ἱπποδρόμῳ ἐκπλαγείς : καὶ οὐδὲν μέντοι οὐδὲ τοῦτον παθεῖν ἔφασαν, οὐδ᾽ ἄλλος δὲ τῶν Ἑλλήνων ἐν ταύτῃ τῇ μάχῃ ἔπαθεν οὐδεὶς οὐδέν, πλὴν ἐπὶ τῷ εὐωνύμῳ τοξευθῆναί τις ἐλέγετο.

C’était à peu près l’heure où le peuple abonde dans les places publiques, et l’on n’était pas loin du camp qu’on voulait prendre, lorsque Patégyas, Perse de la suite de Cyrus et attaché à ce prince, paraît, courant à bride abattue sur un cheval écumant de sueur. Il crie dans la langue des Grecs et dans celle des Barbares à tout ce qu’il rencontre, que le roi s’avance avec une armée innombrable et se prépare à attaquer. [2] Aussitôt s’élève un grand tumulte. Les Grecs et les Barbares croient qu’ils vont être chargés sur-le-champ, et avant d’avoir pu se former. [3] Cyrus étant sauté à bas de son char, et ayant revêtu sa, cuirasse, monta à cheval, prit en main les javelots, ordonna que toutes les troupes s’armassent et que chacun reprît son rang. [4] On se forma à la hâte. Cléarque fermait l’aile droite appuyée à l’Euphrase. Proxène le joignait, suivi des autres généraux. Ménon et son corps étaient à la gauche des Grecs. [5] À l’aile droite, près de Cléarque, on plaça les Grecs armés à la légère et environ 1.000 chevaux paphlagoniens. Ariée lieutenant-général de Cyrus, avec les Barbares qui servaient ce prince, s’appuya à Ménon et occupa la gauche de toute l’armée. [6] Cyrus se plaça au centre avec 600 cavaliers tous revêtus de grandes cuirasses, de cuissards et de casques. Cyrus seul se tenait prêt à combattre sans avoir la tête armée. On dit que tel est l’usage des Perses lorsqu’ils s’exposent aux dangers de la guerre. [7] La tête et le poitrail des chevaux de cette troupe étaient bardés de fer. Les cavaliers avaient des sabres à la grecque. [8] On était au milieu du jour, que l’ennemi ne paraissait point encore. Dès que le soleil commença à décliner, on aperçut des tourbillons de poussière. Ils ressemblaient à une nuée blanche, qui bientôt après se noircit et couvrit une vaste étendue de la plaine. Quand l’armée du roi s’approcha, on vit d’abord briller l’airain. Bientôt après, on découvrit la pointe des lances et on distingua les rangs. [9] À la gauche de l’ennemi était de la cavalerie armée de cuirasses blanches. On dit que Tissapherne la commandait. À cette troupe s’appuyait de l’infanterie légère qui portait des boucliers à la Perse ; puis d’autre infanterie pesante avec des boucliers de bois qui la couvraient de la tête aux pieds [c’étaient, disait-on, les Égyptiens] ; ensuite d’autre cavalerie ; ensuite des archers, tous rangés par nation, et chaque nation marchait formée en colonne pleine. [10] En avant, à de grandes distances les uns des autres, étaient les chars armés de faux attachées à l’essieu, dont les unes s’étendaient obliquement à droite et à gauche, les autres, placées sous le siège du conducteur, s’inclinaient vers la terre, de manière à couper tout ce qu’elles rencontreraient. Le projet était qu’ils se précipitassent sur la ligne des Grecs et les taillassent en pièces. [11] Ce que Cyrus avait dit aux Grecs, lorsqu’il les prévint de ne pas s’effrayer des cris des Barbares, se trouva sans fondement ; car ils ne poussèrent pas un cri et marchèrent en avant dans le plus grand silence, sans s’animer, et d’un pas égal et lent. […] [17] […] Il n’y avait plus que 3 ou 4 stades entre le front des deux armées, lorsque les Grecs chantèrent le péan et commencèrent à s’ébranler pour charger. [18] Comme la ligne flottait en marchant, ce qui restait en arrière ayant couru pour s’aligner, tous les Grecs jetèrent en même temps les cris usités pour invoquer le dieu de la guerre, et se mirent à la course. Quelques-uns prétendent même qu’ils frappaient avec leurs piques sur leurs boucliers pour effrayer les chevaux. [19] Avant qu’ils fussent à la portée du trait, la cavalerie barbare détourna ses chevaux et prit la fuite. Les Grecs la poursuivirent de toutes leurs forces et se crièrent les uns aux autres de ne pas courir et de suivre en gardant leurs rangs. [20] Quant aux chars des Barbares, dénués de conducteurs, les uns retournèrent sur l’armée des ennemis, les autres traversèrent la ligne des Grecs. Dès que les Grecs les voyaient venir, ils s’arrêtaient et s’ouvraient pour les laisser passer. Il n’y eut qu’un soldat qui, frappé d’étonnement comme on le serait dans l’Hippodrome, ne se rangea pas, et fut choqué par un de ces chars ; mais cet homme même n’en reçut aucun mal, à ce qu’on prétend. Aucun autre des Grecs ne fut blessé à cette affaire, si ce n’est un seul à l’aile gauche, qui fut, dit-on, atteint, d’une flèche.

Xénophon, Anabase, I, 8, 1-20, trad. La Luzerne, 1835

La suite des événements racontée par Xénophon – le retour de Tissapherne dans son ancienne satrapie et dans celle que commandait Cyrus, l’intervention de Thibron, puis celle de Dercylidas plus subtile, se jouant des rivalités et des tensions entre Tissapherne et Pharnabaze – montre bien que les Spartiates n’hésitent pas à affronter directement les Perses sur leur territoire. Il s’agit d’exercer, de démontrer et de consolider leur hégémonie, sur terre et sur mer. Une trêve est conclue en 397, lorsque les deux armées se rencontrent près de Magnésie.

[20] ὁ μὲν δὴ Δερκυλίδας εἶπεν, εἰ αὐτονόμους ἐῴη βασιλεὺς τὰς Ἑλληνίδας πόλεις, ὁ δὲ Τισσαφέρνης καὶ Φαρνάβαζος εἶπαν ὅτι, εἰ ἐξέλθοι τὸ Ἑλληνικὸν στράτευμα ἐκ τῆς χώρας καὶ οἱ Λακεδαιμονίων ἁρμοσταὶ ἐκ τῶν πόλεων. ταῦτα δὲ εἰπόντες ἀλλήλοις σπονδὰς ἐποιήσαντο, ἕως ἀπαγγελθείη τὰ λεχθέντα Δερκυλίδᾳ μὲν εἰς Λακεδαίμονα, Τισσαφέρνει δὲ ἐπὶ βασιλέα.

[20] [en retour des propositions de paix de Tissapherne et de Pharnabaze] Dercylidas exige que le Roi reconnaisse l’indépendance des villes grecques ; Tissapherne et Pharnabaze, que l’armée grecque évacue le territoire du Roi, et que les Lacédémoniens retirent leurs harmostes de toutes les villes. Cela posé, ils concluent une trêve pour donner à Dercylidas et à Tissapherne le temps de faire agréer ces préliminaires à Lacédémone et au Roi.

Xénophon, Helléniques, III, 2, 20, trad. Eugène Talbot, 1859

L’expédition d’Agilésas en Asie mineure

 

396. Expédition d’Agésilas.

Les négociations de 397, après l’intervention de Dercylidas en territoire perse, ne pouvaient signifier qu’une trêve de courte durée. La présence des troupes spartiates était particulièrement inquiétante, car révélatrice d’un rapport de force en faveur des Grecs. On comprend pourquoi Pharnabaze a poussé le Roi à traiter avec Conon – son ancien adversaire qu’il avait contribué à vaincre en soutenant Lysandre – pour l’engager et préparer une contre-offensive .

Il est intéressant, à ce propos, de souligner, encore, le rôle joué par les Perses et ses conséquences dans les relations politiques grecques. Ainsi, lors de cette expédition, comme ce sera le cas, plus tard, contre Alexandre, ils fomentent des troubles en Grèce, ainsi que le montre Xénophon dans les Helléniques. Les envoyés du satrape Tithrausthès – successeur de Tissapherne exécuté après la victoire du Spartiate près du Pactole , en 395 – tentent de négocier avec Agésilas.

[25] ὅτε δ᾽ αὕτη ἡ μάχη ἐγένετο, Τισσαφέρνης ἐν Σάρδεσιν ἔτυχεν ὤν : ὥστε ᾐτιῶντο οἱ Πέρσαι προδεδόσθαι ὑπ᾽ αὐτοῦ. γνοὺς δὲ καὶ αὐτὸς ὁ Περσῶν βασιλεὺς Τισσαφέρνην αἴτιον εἶναι τοῦ κακῶς φέρεσθαι τὰ ἑαυτοῦ, Τιθραύστην καταπέμψας ἀποτέμνει αὐτοῦ τὴν κεφαλήν. τοῦτο δὲ ποιήσας ὁ Τιθραύστης πέμπει πρὸς τὸν Ἀγησίλαον πρέσβεις λέγοντας : ὦ Ἀγησίλαε, ὁ μὲν αἴτιος τῶν πραγμάτων καὶ ὑμῖν καὶ ἡμῖν ἔχει τὴν δίκην : βασιλεὺς δὲ ἀξιοῖ σὲ μὲν ἀποπλεῖν οἴκαδε, τὰς δ᾽ ἐν τῇ Ἀσίᾳ πόλεις αὐτονόμους οὔσας τὸν ἀρχαῖον δασμὸν αὐτῷ ἀποφέρειν. [26] ἀποκριναμένου δὲ τοῦ Ἀγησιλάου ὅτι οὐκ ἂν ποιήσειε ταῦτα ἄνευ τῶν οἴκοι τελῶν, Σὺ δ᾽ ἀλλά, ἕως ἂν πύθῃ τὰ παρὰ τῆς πόλεως, μεταχώρησον, ἔφη, εἰς τὴν Φαρναβάζου, ἐπειδὴ καὶ ἐγὼ τὸν σὸν ἐχθρὸν τετιμώρημαι. ἕως ἂν τοίνυν, ἔφη ὁ Ἀγησίλαος, ἐκεῖσε πορεύωμαι, δίδου δὴ τῇ στρατιᾷ τὰ ἐπιτήδεια. ἐκείνῳ μὲν δὴ ὁ Τιθραύστης δίδωσι τριάκοντα τάλαντα : ὁ δὲ λαβὼν ᾔει ἐπὶ τὴν Φαρναβάζου Φρυγίαν. [27] ὄντι δ᾽ αὐτῷ ἐν τῷ πεδίῳ τῷ ὑπὲρ Κύμης ἔρχεται ἀπὸ τῶν οἴκοι τελῶν ἄρχειν καὶ τοῦ ναυτικοῦ ὅπως γιγνώσκοι καὶ καταστήσασθαι ναύαρχον ὅντινα αὐτὸς βούλοιτο. τοῦτο δ᾽ ἐποίησαν οἱ Λακεδαιμόνιοι τοιῷδε λογισμῷ, ὡς, εἰ ὁ αὐτὸς ἀμφοτέρων ἄρχοι, τό τε πεζὸν πολὺ ἂν ἰσχυρότερον εἶναι, καθ᾽ ἓν οὔσης τῆς ἰσχύος ἀμφοτέροις, τό τε ναυτικόν, ἐπιφαινομένου τοῦ πεζοῦ ἔνθα δέοι. [28] ἀκούσας δὲ ταῦτα ὁ Ἀγησίλαος, πρῶτον μὲν ταῖς πόλεσι παρήγγειλε ταῖς ἐν ταῖς νήσοις καὶ ταῖς ἐπιθαλαττιδίοις τριήρεις ποιεῖσθαι ὁπόσας ἑκάστη βούλοιτο τῶν πόλεων. καὶ ἐγένοντο καιναί, ἐξ ὧν αἵ τε πόλεις ἐπηγγείλαντο καὶ οἱ ἰδιῶται ἐποιοῦντο χαρίζεσθαι βουλόμενοι, εἰς εἴκοσι καὶ ἑκατόν.

[25] Pendant que ce combat avait lieu, Tissapherne se trouvait à Sardes ; aussi les Perses l’accusèrent-ils de les avoir trahis, et le Roi, regardant Tissapherne comme la cause de ces désastres, envoie Tithraustès lui couper la tête. Cela fait, Tithraustès envoie à Agésilas des députés qui lui disent : « Agésilas, l’auteur de toutes les difficultés entre vous et nous a subi sa peine. Le Roi demande que tu t’en retournes dans ton pays, et que les villes d’Asie rendues indépendantes lui payent l’ancien tribut. » [26] Agésilas répond qu’il ne peut adhérer à cette demande sans le consentement des magistrats de son pays. « Eh bien, dit Tithraustès, en attendant que tu reçoives les instructions de ta cité, retire-toi sur les terres de Pharnabaze, puisque moi je t’ai vengé de ton ennemi. — Oui, reprend Agésilas, mais à condition que tu fourniras à mon armée les provisions nécessaires jusqu’à ce que je sois arrivé. » Tithraustès leur donne donc trente talents ; il les prend et marche contre la Phrygie, qui était à Pharnabaze. [27] Comme il était dans la plaine au-delà de Cymé, arrive un député des magistrats de Sparte qui lui dit de prendre aussi le commandement de la flotte et de choisir qui il veut pour navarque. Les Lacédémoniens agissaient ainsi d’après ce raisonnement que, si le même chef commandait les deux armées, celle de terre gagnerait beaucoup en puissance, grâce à la concentration des forces respectives, et la flotte pourrait être soutenue, partout où cela serait nécessaire, par l’armée de terre . [28] En apprenant cette nouvelle, Agésilas engage les villes situées sur les îles ou au bord de la mer à construire chacune autant de trirèmes qu’elle veut. Il obtient ainsi un renfort de cent vingt vaisseaux provenant tant des villes, auxquelles il l’a commandé, que des particuliers qui veulent s’attirer ses bonnes grâces.

Xénophon, Helléniques, III, 4, 25-28, trad. Eugène Talbot, 1859

Les négociateurs perses réussirent à susciter une coalition contre leur agresseur.

[1] ὁ μέντοι Τιθραύστης, καταμαθεῖν δοκῶν τὸν Ἀγησίλαον καταφρονοῦντα τῶν βασιλέως πραγμάτων καὶ οὐδαμῇ διανοούμενον ἀπιέναι ἐκ τῆς Ἀσίας, ἀλλὰ μᾶλλον ἐλπίδας ἔχοντα μεγάλας αἱρήσειν βασιλέα, ἀπορῶν τί χρῷτο τοῖς πράγμασι, πέμπει Τιμοκράτην τὸν Ῥόδιον εἰς Ἑλλάδα, δοὺς χρυσίον εἰς πεντήκοντα τάλαντα ἀργυρίου, καὶ κελεύει πειρᾶσθαι πιστὰ τὰ μέγιστα λαμβάνοντα διδόναι τοῖς προεστηκόσιν ἐν ταῖς πόλεσιν ἐφ᾽ ᾧτε πόλεμον ἐξοίσειν πρὸς Λακεδαιμονίους. ἐκεῖνος δ᾽ ἐλθὼν δίδωσιν ἐν Θήβαις μὲν Ἀνδροκλείδᾳ τε καὶ Ἰσμηνίᾳ καὶ Γαλαξιδώρῳ, ἐν Κορίνθῳ δὲ Τιμολάῳ τε καὶ Πολυάνθει, ἐν Ἄργει δὲ Κύλωνί τε καὶ τοῖς μετ᾽ αὐτοῦ. [2] Ἀθηναῖοι δὲ καὶ οὐ μεταλαβόντες τούτου τοῦ χρυσίου ὅμως πρόθυμοι ἦσαν εἰς τὸν πόλεμον, νομίζοντές †τε αὐτῶν ἄρχεσθαι†. οἱ μὲν δὴ δεξάμενοι τὰ χρήματα εἰς τὰς οἰκείας πόλεις διέβαλλον τοὺς Λακεδαιμονίους : ἐπεὶ δὲ ταύτας εἰς μῖσος αὐτῶν προήγαγον, συνίστασαν καὶ τὰς μεγίστας πόλεις πρὸς ἀλλήλας.

[1] Cependant Tithraustès, croyant s’apercevoir qu’Agésilas méprise la puissance du Roi, et que, bien loin de songer à évacuer l’Asie, il nourrit plutôt de grandes espérances de soumettre le Roi, envoie en Grèce, dans son incertitude sur le parti à prendre, le Rhodien Timocrate, auquel il remet en or une somme d’environ cinquante talents d’argent, avec la recommandation de gagner les magistrats des différentes villes, d’exiger d’eux les plus grands gages de fidélité, et de les engager à déclarer la guerre aux Lacédémoniens. Timocrate part et fait accepter ses dons à Androcleidas, Isménias et Galaxidoros dans la ville de Thèbes, à Timolaos et à Polyanthès dans celle de Corinthe, à Cylon et à ses amis dans celle d’Argos. [2] Les Athéniens, quoiqu’ils n’eussent reçu aucune part de cet or , désiraient cependant la guerre, se croyant sous le joug de Sparte. Ceux qui ont reçu de l’argent commencent par déclamer contre les Lacédémoniens dans leurs propres villes ; et, lorsqu’ils ont excité la haine contre eux, ils liguent les États les plus considérables les uns avec les autres.

Xénophon, Helléniques, III, 5, 1-2, trad. Eugène Talbot, 1859

Voici l’expédition en Asie du même Agésilas (395-394) vu par l’Anonyme des Helléniques d’Oxyrhynchos. Il est intéressant de comparer avec l’approche de Xénophon.

« Au cours de sa longue marche vers l’Hellespont avec l’armée des Lacédémoniens et de leurs alliés, Agésilas eut soin, tant qu’il traversait la Lydie, de ne pas faire de mal aux habitants. Il voulait respecter les accords conclus avec Tithrausthès. Mais quand il aborda le pays de Pharnabaze, il menait l’armée tout en pillant et en ravageant la contrée. Quand il dépassa la plaine de Thèbè et celle que l’on appelle Apia pour entrer en Mysie, il fit pression sur les Mysiens en les invitant à se joindre à ses troupes. La plupart des Mysiens en effet sont autonomes et non pas sujets du roi de Perse. Tous ceux des Mysiens qui voulaient bien prendre part à la campagne, il ne leur faisait aucun mal. Aux autres il dévastait leur pays. Une fois arrivé à peu près au milieu de ce qu’on appelle l’Olympe de Mysie, et se rendant compte de la difficulté et de l’étroitesse du passage qu’il voulait pourtant franchir en toute sécurité, Agésilas fit une démarche auprès des Mysiens pour obtenir un accord avec eux et put alors faire traverser son armée. Ils laissèrent passer la masse des Péloponnésiens et des alliés et attaquèrent l’arrière-garde en se jetant sur des soldats qui allaient à la débandade en raison de l’étroitesse du chemin. Agésilas monta son camp ce soir-là sans réagir et rendit les derniers devoirs aux morts – on avait perdu un cinquantaine d’hommes – mais le lendemain, il monta une embuscade avec un bon nombre de mercenaires que l’on appelait “les gars à Derkyllidas”, et il fit reprendre à l’armée sa marche en avant. Les Mysiens croyaient tous que c’était l’échec de la veille qui faisait décamper Agésilas. Ils sortirent de leurs villages et se mirent à la poursuite, avec l’idée de recommencer pareillement l’attaque de l’arrière-garde. Mais les Grecs en embuscade, quand les ennemis furent sur eux, sautèrent à découvert et en vinrent aux mains avec eux. Les chefs mysiens et les premiers des poursuivants surpris par la rencontre avec les Grecs, y laissèrent la vie. La masse, voyant le désastre de l’avant garde, prend la fuite vers les villages. Dès qu’Agésilas en reçoit la nouvelle, il fait demi-tour et ramène l’armée par le même chemin pour rejoindre les gens de l’embuscade. Il monte son camp à l’emplacement même où il avait campé la veille. De tous les villages, les Mysiens vinrent demander la trêve pour enlever leurs morts – il y en avait plus de cent trente. Agésilas se fit donner des guides dans les villages, laissa trois jours de repos à ses soldats et reprit sa marche en avant. Il descendit dans le pays des Phrygiens, mais pas dans la partie qu’il avait envahie l’été précédent, dans une autre région qui n’avait pas encore été pillée, et il la mit à mal. »

Helléniques d’Oxyrhinchos, XVIII-XX.

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