La guerre de Corinthe V : La fragilisation de Sparte dans le Péloponnèse et la montée en puissance de Thèbes

Notes

  1. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 3.
  2. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 21.
  3. Sur les successeurs de Jason et leurs relations avec les Thébains et les Athéniens voir infra.
  4. Mais on ne sait pas exactement quels sont les signataires du nouveau traité de paix.
  5. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 6.
  6. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 10.
  7. Note E. Talbot : Surnom de Minerve. Voir ce mot dans le Dict. de Jacobi.
  8. Note E. Talbot : Depuis plus de six cents ans il n’y avait pas eu d’invasion en Laconie. Cf. Plutarque, Agésilas, XXX.
  9. Sparte n’avait pas, en effet, de remparts. La cité comptait sur ses hoplites pour empêcher l’ennemi d’approcher. Mais la poliorcétique a fait, au IVe siècles des progrès remarquables. Voir O. Battistini, La Guerre, op. cit. Les remarques d’Aristote (Politique, VII, 11, 1330 a, trad. J. Tricot) sur l’utilité des remparts témoignent des modifications stratégiques et tactiques dont il est le contemporain : « Passons à la question des remparts. Ceux qui viennent dire que les cités ayant des prétentions à la valeur militaire n’ont pas besoin de posséder de remparts, soutiennent une opinion surannée, et cela, tout en constatant que les cités qui s’abandonnent à cette vanité puérile reçoivent des démentis de la part des faits. Assurément, contre un ennemi de valeur égale et légèrement supérieur en nombre, il n’est pas très beau de chercher son propre salut à l’abri des murailles fortifiées. Mais il est possible aussi, et il arrive en fait, que la supériorité des assaillants devienne telle qu’il soit au-dessus des forces humaines et de l’héroïsme d’un petit nombre de résister ; si l’on veut alors que la cité survive et ne subisse ni revers ni outrage, on est bien obligé de penser que les remparts les plus solidement fortifiés constituent la protection militaire la plus sûre, surtout à notre époque où les inventions dans le domaine de la balistique et des engins de siège ont atteint une grande précision. »
  10. Note E. Talbot : Castor et Pollux.
  11. Ces deux événements, conséquence essentielle de l’expédition d’Épaminondas, sont négligés par Xénophon. Surtout que le refus de reconnaissance de la Messénie par les Lacédémoniens sera un obstacle à la paix générale.
  12. Voir Aristote, Politique, II, 9, 1269 b, trad. J. Aubonnet : « Les Laconiens, au contraire, n’ont eu que des ennemis pour voisins : Argiens, Messéniens et Arcadiens ».
  13. Voir infra. Le stratège thébain a vu trop grand : ils n’y aura pas assez d’habitants, même au IIIe siècle, pour la peupler. Y naîtront Philopoemen et Polybe.
  14. Il s’agit, selon Xénophon, d’Aracos, d’Ocyllos, de Pharax, d’Étymoclès et d’Olontheus.
  15. Le parti anti-lacédémonien est toujours aussi puissant à Athènes. Par ailleurs, la décision d’envoyer Iphicrate avait été prise, selon Xénophon, sans « accepter d’entendre les gens d’avis contraire » (VI, 5, 49).
  16. Phlious est une des dernières alliées de Sparte avec Corinthe.
  17. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 14.
  18. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 19.
  19. On le voit la raison de l’échec de la paix commune est, pour Diodore, différente de celle de Xénophon.
  20. Voir infra.
  21. Voir infra.
  22. La première guerre a été marquée par l’expédition carthaginoise en Sicile et la prise de Sélinonte et d’Himère en 409. La deuxième, en 397, se signale par la prise de Motyè, l’échec carthaginois en 396 devant Syracuse, et la campagne de Magon en Sicile. La paix est conclue en 392. La troisième guerre dure de 383 à 373. Crotone est soumise par Denys.
  23. Denys l’Ancien a tiré profit de la menace carthaginoise se fit investir des pleins pouvoir par l’assemblée de Syracuse qui le nomma stratège autocrator. Il régna en tyran sur l’ensemble de l’île de 405 à 367. Avec lui la Sicile joua un rôle essentiel en Occident, tint tête aux Carthaginois et aurait pu, par sa puissance, jouer un rôle d’arbitre en mer Égée. Sa mort signifia le retour à l’isolement politique et aux guerres intestines.
  24. Sur les poèmes de Denys voir Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 6-7.
  25. Il s’agit du temple de Delphes détruit par un tremblement de terre et un incendie. Or, les offrandes en-voyées, en 373, par Denys pour sa reconstruction avaient été prises par Iphicrate lors du siège de Corcyre (voir supra). Le stratège athénien a en effet capturé les dix trières avec tout leur équipage – Diodore (XV, 47), à la différence de Xénophon (Helléniques, VI, 2, 33) en compte neuf –, envoyées par Denys pour secourir les Lacédémoniens.
  26. Athènes n’octroyait que très rarement le droit de cité à des étrangers, en fonction de ses intérêts vitaux militaires ou économiques. On pense, par exemple, au cas des rameurs de la bataille des Arginuses, ou encore à Leucon, roi du Bosphore Cimmérien. Son père Satyros (393-389) avait accordé aux Athéniens la priorité dans les chargements de blé, ce qui était essentiel en cas de mauvaise récolte ou de famine. Le décret qui honore les fils de Leucon en 347-346 (voir infra) montre bien l’importance, pour l’approvisionnement en blé, des bons rapports avec le Bosphore, surtout après la fin de la seconde Confédération et les problèmes financiers que cela impliquait. De même, en 386, Athènes ne possède plus en Thrace que Lemnos Imbros et Skiros. Une alliance pour protéger les convois devient nécessaire. Or, à l’arrivée de Timothée en Chersonèse, Cotys entre en guerre et occupe Sestos. Nous sommes en 362. Il est assassiné en 359, sans doute à l’instigation d’Athènes. Ses meurtriers seront récompensés par l’octroi du droit de cité. Charès peut alors, en 357, conclure avec les souverains qui se partagent le royaume thrace des Odryses un traité d’alliance. Ce succès diplomatique est cependant acquis en vain. Voir infra.
  27.  Xénophon, Helléniques, VII, 1, 33.
  28.  P. Carlier, Le IVe siècle grec jusqu’à la mort d’Alexandre, op. cit., p. 66.

L’effondrement de Sparte : la fragilisation de la seconde confédération athénienne

 

En tout cas, à Athènes, le héraut thébain venant annoncer la victoire est accueilli dans un silence glacial. Cette victoire d’Épaminondas, brise non seulement l’espoir d’une hégémonie partagée entre Athènes et Sparte, mais, en éliminant pour un temps la menace lacédémonienne, retire à la seconde Confédération athénienne sa raison d’être essentielle. Une coalition est conclue en Sparte et Athènes, contre Thèbes. Pour Xénophon, la paix du Roi servit encore de référence, même s’il ne s’agit pas d’une nouvelle paix commune. Cependant, toujours selon Xénophon, la clause de garantie de la paix n’est plus, cette fois-ci, restrictive. Ainsi les Mantinéens, se considérant comme totalement autonomes, décident de « refaire l’unité de Mantinée et de fortifier la ville »1.

Les Lacédémoniens, malgré l’intervention d’Agésilas auprès des magistrats de la cité, ne peuvent s’y opposer « puisque c’est sur le principe de l’autonomie que la paix était établie ».

[19] […] οἱ δὲ Θηβαῖοι εὐθὺς μὲν μετὰ τὴν μάχην ἔπεμψαν εἰς Ἀθήνας ἄγγελον ἐστεφανωμένον, καὶ ἅμα μὲν τῆς νίκης τὸ μέγεθος ἔφραζον, ἅμα δὲ βοηθεῖν ἐκέλευον, λέγοντες ὡς νῦν ἐξείη Λακεδαιμονίους πάντων ὧν ἐπεποιήκεσαν αὐτοὺς τιμωρήσασθαι. [20] τῶν δὲ Ἀθηναίων ἡ βουλὴ ἐτύγχανεν ἐν ἀκροπόλει καθημένη. ἐπεὶ δ᾽ ἤκουσαν τὸ γεγενημένον, ὅτι μὲν σφόδρα ἠνιάθησαν πᾶσι δῆλον ἐγένετο : οὔτε γὰρ ἐπὶ ξένια τὸν κήρυκα ἐκάλεσαν, περί τε τῆς βοηθείας οὐδὲν ἀπεκρίναντο. καὶ Ἀθήνηθεν μὲν οὕτως ἀπῆλθεν ὁ κῆρυξ.

[19] Quant aux Thébains, aussitôt après la bataille, ils envoient à Athènes un messager couronné de fleurs ; et, tout en dépeignant la grandeur de leur victoire, ils demandent des secours, disant que c’est maintenant le moment de tirer vengeance de tout le mal qu’ont fait les Lacédémoniens. [20] Le Conseil des Athéniens se trouvait siéger dans l’Acropole. Quand les conseillers apprennent ce qui est arrivé, ils en laissent percer aux yeux de tous un vif chagrin ; car ils n’offrent point au héraut des présents hospitaliers, et ils ne donnent aucune réponse au sujet des secours. Le héraut repart ainsi d’Athènes.

Xénophon, Helléniques, VI, 4, 19-20, trad. Eugène Talbot, 1859

Jason de Phères : un nouveau prétendant au contrôle de la Grèce

 

C’est à ce moment qu’intervient Jason de Phères, le tagos de Thessalie, le dangereux « allié » des Thébains. Son rôle est ambigu. Son arrivée sur le théâtre des opérations est particulièrement révélatrice de son efficacité militaire. Après la demande d’aide des Thébains, il arme des trières comme s’il allait entreprendre une expédition maritime. Or, c’est par voie de terre, avec ses mercenaires et les cavaliers de sa garde, qu’il marche sur la Béotie, surprenant toutes les cités qui ne peuvent réagir, « démontrant ainsi que souvent la vitesse obtient mieux que la force le résultat demandé »2. En tout cas il est en position d’arbitre, et profitant des positions dominantes qu’il tenait avec ses mercenaires, il impose une trêve, détourne les Thébains de leur projet d’expédition sur Sparte – il ne souhaite pas voir Thèbes s’agrandir – et permet surtout à Cléombrote et aux survivants de rentrer chez eux avec Archidamos qu’ils rencontreront en Mégaride, privant ainsi les Thébains d’une possibilité d’écrasement total de leurs ennemis.

[25] ἔλεγε μὲν οὖν τοιαῦτα, ἔπραττε δ᾽ ἴσως ὅπως διάφοροι καὶ οὗτοι ἀλλήλοις ὄντες ἀμφότεροι ἐκείνου δέοιντο.

[25] Voilà ce qu’il disait ; mais peut-être agissait-il de manière à ce que les partis, bien que séparés par leurs différends mutuels, eussent tous les deux besoin de lui.

Xénophon, Helléniques, VI, 4, 25, trad. Eugène Talbot, 1859

En tout cas sa puissance est une menace. Lors de son retour en Thessalie, en Phocide, arrivé à Héraclée, une citadelle lacédémonienne qui commande les passes des Thermopyles, Jason de Phères en détruit les remparts. Ses visées impérialistes sur la Grèce sont évidentes. 

[27] […] δῆλον ὅτι οὐ τοῦτο φοβούμενος, μή τινες ἀναπεπταμένης ταύτης τῆς παρόδου πορεύσοιντο ἐπὶ τὴν ἐκείνου δύναμιν, ἀλλὰ μᾶλλον ἐνθυμούμενος μή τινες τὴν Ἡράκλειαν ἐπὶ στενῷ οὖσαν καταλαβόντες εἴργοιεν αὐτόν, εἴ ποι βούλοιτο τῆς Ἑλλάδος πορεύεσθαι.

[…] Il est clair qu’il ne craignait point qu’on pût venir attaquer sa puissance par ce passage ouvert ; mais plutôt il voulait qu’on ne pût, en occupant Héraclée, située dans un défilé, lui fermer le passage, s’il désirait marcher contre quelque contrée de la Grèce.

Xénophon, Helléniques, VI, 4, 27, trad. Eugène Talbot, 1859

En 370 ses ambitions se font de plus évidentes : il annonce la présence de ses armées aux prochaines fêtes Pythiques et propose de présider les jeux. Au grand soulagement des Grecs, il est assassiné au cours d’une revue de la cavalerie thessalienne. L’accueil de ses meurtriers dans les cités montre la crainte que suscitaient les dangers de l’hégémonie de Jason de Phères3.

[31] ὁ δ᾽ οὖν ἀνὴρ τηλικοῦτος ὢν καὶ τοσαῦτα καὶ τοιαῦτα διανοούμενος, ἐξέτασιν πεποιηκὼς καὶ δοκιμασίαν τοῦ Φεραίων ἱππικοῦ, καὶ ἤδη καθήμενος καὶ ἀποκρινόμενος, εἴ τις δεόμενός του προσίοι, ὑπὸ νεανίσκων ἑπτὰ προσελθόντων ὡς διαφερομένων τι ἀλλήλοις ἀποσφάττεται καὶ κατακόπτεται.

[31] Cet homme si puissant, et qui roulait dans son esprit tant et de si vastes desseins, venait donc un jour de faire l’inspection de la cavalerie de Phères et de la passer en revue. Au moment où il s’asseyait pour répondre à ce qu’on pouvait avoir à lui demander, il est assassiné et massacré par sept jeunes gens qui s’approchent en ayant l’air d’avoir entre eux un différend.

Xénophon, Helléniques, VI, 4, 31, trad. Eugène Talbot, 1859

Athènes, protectrice de la paix du roi en Grèce

 

Un pacte de paix générale est proposé par les Athéniens qui peuvent se présenter comme les garants de la paix du Roi. Xénophon, après la digression sur la Thessalie revient aux affaires grecques. La mort de Jason laisse aux Thébains les mains libres en Grèce centrale. Ils vont pouvoir intervenir dans le Péloponnèse.

[31] […] γὰρ Ἀρχίδαμος ἐκ τῆς ἐπὶ Λεῦκτρα βοηθείας ἀπήγαγε τὸ στράτευμα, ἐνθυμηθέντες οἱ Ἀθηναῖοι ὅτι οἱ Πελοποννήσιοι ἔτι οἴονται χρῆναι ἀκολουθεῖν καὶ οὔπω διακέοιντο οἱ Λακεδαιμόνιοι ὥσπερ τοὺς Ἀθηναίους διέθεσαν, μεταπέμπονται τὰς πόλεις ὅσαι βούλοιντο τῆς εἰρήνης μετέχειν ἣν βασιλεὺς κατέπεμψεν. [2] ἐπεὶ δὲ συνῆλθον, δόγμα ἐποιήσαντο μετὰ τῶν κοινωνεῖν βουλομένων ὀμόσαι τόνδε τὸν ὅρκον. ἐμμενῶ ταῖς σπονδαῖς ἃς βασιλεὺς κατέπεμψε καὶ τοῖς ψηφίσμασι τοῖς Ἀθηναίων καὶ τῶν συμμάχων. ἐὰν δέ τις στρατεύῃ ἐπί τινα πόλιν τῶν ὀμοσασῶν τόνδε τὸν ὅρκον, βοηθήσω παντὶ σθένει. οἱ μὲν οὖν ἄλλοι πάντες ἔχαιρον τῷ ὅρκῳ : Ἠλεῖοι δὲ ἀντέλεγον ὡς οὐ δέοι αὐτονόμους ποιεῖν οὔτε Μαργανέας οὔτε Σκιλλουντίους οὔτε Τριφυλίους : σφετέρας γὰρ εἶναι ταύτας τὰς πόλεις. [3] οἱ δ᾽ Ἀθηναῖοι καὶ οἱ ἄλλοι ψηφισάμενοι, ὥσπερ βασιλεὺς ἔγραψεν, αὐτονόμους εἶναι ὁμοίως καὶ μικρὰς καὶ μεγάλας πόλεις, ἐξέπεμψαν τοὺς ὁρκωτάς, καὶ ἐκέλευσαν τὰ μέγιστα τέλη ἐν ἑκάστῃ πόλει ὁρκῶσαι. καὶ ὤμοσαν πάντες πλὴν Ἠλείων.

[1] […] Quand Archidamos eut ramené les secours qu’il conduisait à Leuctres, les Athéniens, considérant que les Péloponnésiens croyaient toujours suivre les Lacédémoniens, et que les Lacédémoniens n’étaient pas encore dans l’état d’abaissement où ils avaient réduit Athènes, mandent auprès d’eux tous les États qui veulent avoir part à la paix que le roi avait dictée. [2] Dès qu’ils sont réunis, ils décrètent avec ceux qui veulent participer à cette paix, de se lier par le serment suivant : « Je resterai fidèle au traité que le Roi a dicté et aux décrets des Athéniens et de leurs alliés ; et si l’on attaque une des villes qui auront prêté ce serment, je la secourrai de toutes mes forces, » Tous les États4 applaudissent à ce serment. Les Éléens seuls font opposition, prétendant qu’ils ne doivent point rendre l’indépendance aux Marganiens, ni aux Scillontins et aux Triphyliens, dont les villes, à ce qu’ils disaient, leur appartenaient en propre. [3] Les Athéniens et ceux qui avaient décrété que, d’après les lettres du Roi, toutes les villes, petites et grandes, seraient également indépendantes, envoient recevoir les serments, avec ordre de faire jurer les premiers magistrats de chaque ville. Tous les États prêtent serment, à l’exception des Éléens.

Xénophon, Helléniques, VI, 5, 1-3, trad. Eugène Talbot, 1859

La constitution de la Confédération arcadienne : unir les arcadiens contre Sparte

 

370-369. À Tégée, le parti de Callibios et de Proxénos souhaite « à faire un seul État de toute la nation arcadienne »5. Les partisans de Sparte sont chassés par les Mantinéens et les Tégéates6. Le rôle des Mantinéens dans la constitution de la Confédération arcadienne sert de prétexte aux Lacédémoniens : Mantinée a violé le pacte « en marchant en armes contre les Tégéates. Ils envoient Agésilas en Arcadie à la demande des bannis. Les Thébains ont fait leur jonction avec les Arcadiens. C’est la première expédition d’Épaminondas dans le Péloponnèse. Pour la première fois de leur histoire les Spartiates voient les feux de l’armée ennemie sur leurs terres : la Laconie est envahie.

[27] […] καὶ τὴν μὲν Σελλασίαν εὐθὺς ἔκαον καὶ ἐπόρθουν : ἐπεὶ δὲ ἐν τῷ πεδίῳ ἐγένοντο ἐν τῷ τεμένει τοῦ Ἀπόλλωνος, ἐνταῦθα ἐστρατοπεδεύσαντο : τῇ δ᾽ ὑστεραίᾳ ἐπορεύοντο. καὶ διὰ μὲν τῆς γεφύρας οὐδ᾽ ἐπεχείρουν διαβαίνειν ἐπὶ τὴν πόλιν : καὶ γὰρ ἐν τῷ τῆς Ἀλέας ἱερῷ ἐφαίνοντο ἐναντίοι οἱ ὁπλῖται : ἐν δεξιᾷ δ᾽ ἔχοντες τὸν Εὐρώταν παρῇσαν κάοντες καὶ πορθοῦντες πολλῶν κἀγαθῶν μεστὰς οἰκίας. [28] τῶν δ᾽ ἐκ τῆς πόλεως αἱ μὲν γυναῖκες οὐδὲ τὸν καπνὸν ὁρῶσαι ἠνείχοντο, ἅτε οὐδέποτε ἰδοῦσαι πολεμίους : οἱ δὲ Σπαρτιᾶται ἀτείχιστον ἔχοντες τὴν πόλιν, ἄλλος ἄλλῃ διαταχθείς, μάλα ὀλίγοι καὶ ὄντες καὶ φαινόμενοι ἐφύλαττον. ἔδοξε δὲ τοῖς τέλεσι καὶ προειπεῖν τοῖς Εἵλωσιν, εἴ τις βούλοιτο ὅπλα λαμβάνειν καὶ εἰς τάξιν τίθεσθαι, τὰ πιστὰ λαμβάνειν ὡς ἐλευθέρους ἐσομένους ὅσοι συμπολεμήσαιεν. [29] καὶ τὸ μὲν πρῶτον ἔφασαν ἀπογράψασθαι πλέον ἢ ἑξακισχιλίους, ὥστε φόβον αὖ οὗτοι παρεῖχον συντεταγμένοι καὶ λίαν ἐδόκουν πολλοὶ εἶναι : ἐπεὶ μέντοι ἔμενον μὲν οἱ ἐξ Ὀρχομενοῦ μισθοφόροι, ἐβοήθησαν δὲ τοῖς Λακεδαιμονίοις Φλειάσιοί τε καὶ Κορίνθιοι καὶ Ἐπιδαύριοι καὶ Πελληνεῖς καὶ ἄλλαι δέ τινες τῶν πόλεων, ἤδη καὶ τοὺς ἀπογεγραμμένους ἧττον ὠρρώδουν. […] [31] οἱ δὲ τῶν Λακεδαιμονίων ἱππεῖς, μάλα ὀλίγοι φαινόμενοι, ἀντιτεταγμένοι αὐτοῖς ἦσαν. ἐνέδραν δὲ ποιήσαντες ὁπλιτῶν τῶν νεωτέρων ὅσον τριακοσίων ἐν τῇ τῶν Τυνδαριδῶν, ἅμα οὗτοι μὲν ἐξέθεον, οἱ δ᾽ ἱππεῖς ἤλαυνον. οἱ δὲ πολέμιοι οὐκ ἐδέξαντο, ἀλλ᾽ ἐνέκλιναν. ἰδόντες δὲ ταῦτα πολλοὶ καὶ τῶν πεζῶν εἰς φυγὴν ὥρμησαν. ἐπεὶ μέντοι οἵ τε διώκοντες ἐπαύσαντο καὶ τὸ τῶν Θηβαίων στράτευμα ἔμενε, πάλιν δὴ κατεστρατοπεδεύσαντο.

[27] […] et ils commencent par brûler et saccager Sellasie. Arrivés dans la plaine, sur le territoire consacré à Apollon, ils y placent leur camp, et le lendemain ils poursuivent leur marche. Ils ne se hasardent point à traverser le pont pour marcher sur la ville, parce qu’on voyait vis-à-vis des hoplites, dans le temple d’Aléa7 ; mais, tenant l’Eurotas sur leur droite, ils s’avancent, brûlant et saccageant des habitations remplies de richesses considérables. [28] Quant à ceux de la ville, les femmes ne peuvent supporter la vue de la fumée, n’ayant jamais aperçu d’ennemis8 ; et les Spartiates, dont la ville est sans murailles9, sont postés çà et là pour la défendre, sans pouvoir dissimuler le petit nombre d’hommes qu’ils ont en réalité. Les magistrats décident d’annoncer aux hilotes que tous ceux qui voudront prendre les armes et se mettre en rang, recevront l’assurance d’être mis en liberté, s’ils s’unissent aux citoyens pour combattre. [29] On dit qu’il s’en inscrivit d’abord plus de six mille, de sorte que ces gens réunis inspirèrent une nouvelle crainte et qu’on les trouva trop nombreux. Mais cependant, comme les mercenaires d’Orchomène restaient à Sparte, et que les Lacédémoniens reçurent des secours de Phlious, de Corinthe, des Épidauriens, de Pellène et de quelques autres cités encore, on commença à n’avoir plus une si grande peur des hilotes inscrits. […] [31] Vis-à-vis était rangée la cavalerie des Lacédémoniens, qui paraissait peu nombreuse. Mais ils avaient placé dans la maison des Tyndarides10 une embuscade des plus jeunes hoplites, environ trois cents, qui s’élance sur l’ennemi au moment où la cavalerie charge. Celle-ci ne soutient pas le choc, et plie. A cette vue un grand nombre de fantassins prennent aussi la fuite. Cependant, quand la poursuite a cessé et que l’armée thébaine s’est arrêtée, on se rétablit dans le camp.

Xénophon, Helléniques, VI, 5, 27-31, trad. Eugène Talbot, 1859

5 Ἐπαμινώνδας ἐνέβαλεν ἐς τὴν Λακωνικὴν καὶ οἷός τε ἦν διαρπάσαι τὴν Λακεδαιμονίων πόλιν· ἀλλὰ μεταγνοὺς οὐχ ἁψάμενος τῆς πόλεως ἀνέζευξεν. οἱ συνάρχοντες ἠπείλουν αὐτῷ δίκην· ὁ δὲ δείξας αὐτοῖς τοὺς συμμάχους Ἀρκάδας, Μεσηνίους, Ἀργείους, καὶ ὅσοι ἄλλοι Πελοποννήσιοι ‘εἰ Λακεδαιμονίους ἀναστάτους ἐπεποιήκειμεν’, ἔφη, ‘νῦν ἐχρῆν πᾶσιν ἂν τούτοις μάχεσθαι· ὡς καὶ νῦν συμμαχοῦσιν ἡμῖν Λακεδαιμονίους καθαιροῦντες, οὐχὶ Θηβαίους αὔξοντες.’

Épaminondas, entré dans la Laconie, y eut tant d’avantages, qu’il ne tint qu’à lui de prendre Sparte. Mais changeant de sentiment, il se retira, sans avoir touché à la ville. Ses collègues menaçaient de le faire condamner. Mais leur montrant les alliés, c’est-à-dire, les Arcadiens, les Messéniens, les Argiens, et les autres du Péloponnèse : « Voyez-vous ces gens, leur dit-il ; ce serait contre eux qu’il faudrait combattre, si nous ruinions entièrement les Lacédémoniens car s’ils sont unis à nous pour abaisser Lacédémone, ils seraient très fâchés que cette union servît à l’agrandissement de Thèbes.»

Polyen, Stratagèmes, II, 3, trad. Ch. Liskenne et Sauvan, Anselin, 1840.

La fin de l’hégémonie de Sparte dans le Péloponnèse

 

369. Libération de la Messénie et fondation de Messène11. Elle est fortifiée par Épaminondas selon les procédés les plus récents, assurant ainsi l’indépendance des Messéniens. La perte de plus de la moitié de son territoire et donc d’une grande partie de ses ressources signifie la fin de l’hégémonie des Lacédémoniens dans le Péloponnèse.

[3] Οἱ νεανίσκοι δὲ ὡς ἅπαξ ἀνεμίχθησαν, διεξήλαυνον διὰ πάντων παίοντες τοῖς δόρασι, καὶ ἤδη κειμένων πολλῶν ἀποχωροῦσιν ἐς Ἀνδανίαν, καθυβρίσαντες τῶν Διοσκούρων τῇ θυσίᾳ. Τοῦτο ἐμοὶ δοκεῖν προήγαγε τοὺς Διοσκούρους ἐς τὸ ἔχθος τὸ Μεσσηνίων· τότε δέ, ὡς ἐδήλου τῷ Ἐπαμινώνδᾳ τὸ ὄνειρον, οὐκ ἦν ἔτι τοῖς Διοσκούροις ἀκούσιος τῶν Μεσσηνίων ἡ κάθοδος. [4] Μάλιστα δὲ τὸν Ἐπαμινώνδαν ἐς τὸν οἰκισμὸν οἱ Βάκιδος ἐνῆγον χρησμοί. Βάκιδι γὰρ μανέντι ἐκ Νυμφῶν ἐς ἄλλους τέ ἐστιν Ἑλλήνων καὶ ἐς τὴν Μεσσηνίων κάθοδον προειρημένα· Καὶ τότε δὴ Σπάρτης μὲν ἀπ’ ἀγλαὸν ἄνθος ὀλεῖται, Μεσσήνη δ’ αὖτις οἰκήσεται ἤματα πάντα. […] [5] Ὡς δὲ ἡ τελετή σφισιν ἀνεύρητο, ταύτην μέν, ὅσοι τοῦ γένους τῶν ἱερέων ἦσαν, κατετίθεντο ἐς βίβλους· Ἐπαμινώνδας δέ, ὥς οἱ τὸ χωρίον, ἔνθα νῦν ἔχουσιν οἱ Μεσσήνιοι τὴν πόλιν, μάλιστα ἐς οἰκισμὸν ἐφαίνετο ἐπιτήδειον, ἐκέλευεν ἀνασκοπεῖσθαι τοῖς μάντεσιν, οἱ βουλήσεται ταύτῃ καὶ τὰ τῶν θεῶν ἐπιχωρῆσαι. Φαμένων δὲ καὶ τούτων εἶναι τὰ ἱερὰ αἴσια, οὕτω παρεσκευάζετο ἐς τὸν οἰκισμόν, λίθους τε ἄγεσθαι κελεύων καὶ ἄνδρας μεταπεμπόμενος, οἷς τέχνη στενωποὺς κατατέμνεσθαι καὶ οἰκίας καὶ ἱερὰ οἰκοδομεῖσθαι καὶ τείχη περιβάλλεσθαι. [6] Ὡς δὲ ἐγεγόνει τὰ πάντα ἐν ἑτοίμῳ, τὸ ἐντεῦθεν -- ἱερεῖα γὰρ παρεῖχον οἱ Ἀρκάδες -- αὐτὸς μὲν Ἐπαμινώνδας καὶ οἱ Θηβαῖοι Διονύσῳ καὶ Ἀπόλλωνι ἔθυον Ἰσμηνίῳ τὸν νομιζόμενον τρόπον, Ἀργεῖοι δὲ τῇ τε Ἥρᾳ τῇ Ἀργείᾳ καὶ Νεμείῳ Διί, Μεσσήνιοι δὲ Διί τε Ἰθωμάτᾳ καὶ Διοσκούροις, οἱ δέ σφισιν ἱερεῖς θεαῖς ταῖς Μεγάλαις καὶ Καύκωνι. Ἐπεκαλοῦντο δὲ ἐν κοινῷ καὶ ἥρωάς σφισιν ἐπανήκειν συνοίκους, Μεσσήνην μὲν τὴν Τριόπα μάλιστα, ἐπὶ ταύτῃ δὲ Εὔρυτον καὶ Ἀφαρέα τε καὶ τοὺς παῖδας, παρὰ δὲ Ἡρακλειδῶν Κρεσφόντην τε καὶ Αἴπυτον· πλείστη δὲ καὶ παρὰ πάντων ἀνάκλησις ἐγίνετο Ἀριστομένους. [7] Καὶ τὴν μὲν τότε ἡμέραν πρὸς θυσίαις τε καὶ εὐχαῖς ἦσαν, ταῖς δὲ ἐφεξῆς τοῦ τείχους τὸν περίβολον ἤγειρον καὶ ἐντὸς οἰκίας καὶ τὰ ἱερὰ ἐποιοῦντο. Εἰργάζοντο δὲ καὶ ὑπὸ μουσικῆς ἄλλης μὲν οὐδεμιᾶς, αὐλῶν δὲ Βοιωτίων καὶ Ἀργείων· τά τε Σακάδα καὶ Προνόμου μέλη τότε δὴ προήχθη μάλιστα ἐς ἅμιλλαν. Αὐτῇ μὲν δὴ τῇ πόλει Μεσσήνην ἔθεντο ὄνομα, ἀνῴκιζον δὲ καὶ ἄλλα πολίσματα. [8] Ναυπλιεῖς δὲ ἐκ Μοθώνης οὐκ ἀνέστησαν· κατὰ χώραν δὲ καὶ Ἀσιναίους μένειν εἴων, τούτοις μὲν καὶ εὐεργεσίαν ἀπομνημονεύοντες πολεμῆσαι μετὰ Λακεδαιμονίων πρὸς σφᾶς οὐ θελήσασι, Ναυπλιεῖς δὲ κατιοῦσιν ἐς Πελοπόννησον Μεσσηνίοις τε δῶρα ἤγαγον ὁποῖα εἶχον καὶ ἅμα μὲν ὑπὲρ καθόδου τῆς ἐκείνων συνεχέσιν ἐς τὸ θεῖον ταῖς εὐχαῖς, ἅμα δὲ ὑπὲρ σωτηρίας τῆς σφετέρας δεήσεσιν ἐς ἐκείνους ἐχρῶντο.

[3] Ces deux jeunes gens les ayant joints poussèrent tout à coup leurs chevaux au milieu d’eux, en les frappant avec leurs lances, et après en avoir tué plusieurs, ils retournèrent à Andanie. Cette profanation du sacrifice qu’on leur offrait, irrita, je crois, les Dioscures contre les Messéniens ; mais à l’époque dont nous parlons, ils ne s’opposaient plus à leur retour dans leur patrie, comme ce songe le fit connaître à Épaminondas. [4] Ce général fut principalement décidé par les prédictions de Bakis. Inspiré par les nymphes, ce Bakis a fait des prédictions relatives à différents peuples de la Grèce, et particulièrement au retour des Messéniens : Alors, dit-il, Sparte perdra la brillante fleur de sa jeunesse, et Messène sera rétablie pour tous les siècles à venir. […] [5] Les mystères ayant été retrouvés, les Messéniens de la race des prêtres, les transcrivirent dans des livres. Épaminondas ayant reconnu que la place où est maintenant Messène, était la mieux située pour la fondation d’une ville, il ordonna aux devins d’employer leur art à savoir si la volonté des dieux était d’accord avec ses projets. Leur réponse ayant été que les sacrifices offraient des présages favorables, il disposa tout pour cette fondation en faisant apporter des pierres et en appelant auprès de lui des architectes pour tracer les rues, construire les temples et les maisons, et entourer la ville de murs ; [6] tout étant prêt et les Arcadiens ayant fourni des victimes, on commença par des sacrifices. Épaminondas et les Thébains en offrirent à Dionysos et à Apollon Isménios, suivant leurs rites particuliers ; les Argiens à Héra Argéia et à Zeus Néméen ; les Messéniens au Zeus de l’Ithôme et aux Dioscures ; et leurs prêtres aux grandes déesses et à Kaukôn. Ils invoquèrent ensuite en commun leurs héros, et les invitèrent à revenir demeurer avec eux. Ils appelèrent d’abord Messène, fille de Triopas, ensuite Eurytus, Apharée et ses fils, Cresphonte et Aipytos de la race des Héraclides, et enfin Aristoménès qu’on invita avec le plus d’instances et au nom de tous. [7] Cette journée se passa toute en sacrifices et en prières ; dans les suivantes, on bâtit d’abord l’enceinte des murs, ensuite les maisons et les temples de l’intérieur. Les travailleurs étaient animés par une musique où l’on n’avait admis que les flûtes Béotiennes et Argiennes : les airs de Sacadas et ceux de Pronomos parurent en cette occasion les plus dignes d’entrer en concurrence. Le nom de Messène fut imposé à cette ville, et l’on en rétablit quelques autres. [8] Les Messéniens laissèrent les Naupliens à Mothônè, et les gens d’Asinè dans le pays qu’ils occupaient : ceux-ci par reconnaissance de ce qu’ils n’avaient pas voulu prendre les armes contre eux avec les Lacédémoniens ; et les Naupliens, parce qu’après avoir adressé aux dieux des vœux continuels pour le retour des Messéniens, à la rentrée de ceux-ci dans le Péloponnèse, ils leur avaient offert le plus de présents qu’ils pouvaient, et qu’ils avaient d’ailleurs imploré leur clémence pour se maintenir dans le pays.

Pausanias, Description de la Grèce, IV, 3-8, trad. M. Clavier, 1821

Les ennemis immédiats de Sparte deviennent de plus en plus nombreux, comme les Argiens, les Éléens – qui se détachent eux aussi des Lacédémoniens – et les Arcadiens12. Le rôle des Thébains dans l’encerclement des Lacédémoniens est là aussi essentiel et montre qu’ils aspirent à l’hégémonie. La fondation, en 368, par Épaminondas, de Mégalopolis13, qui doit servir de capitale à la ligue arcadienne, fait partie de cette stratégie.

Dès le début de l’invasion thébaine, les Lacédémoniens avaient demandé du secours aux Athéniens. Les députés lacédémoniens14, Cleitélès de Corinthe ont tenté, chacun à leur tour en multipliant les arguments historiques et politiques, de persuader les Athéniens qui hésitent à intervenir contre Thèbes : l’intérêt d’Athènes – c’est aussi l’avis de Callistratos – est d’aider les Lacédémoniens, eux qui ont combattu aux Thermopyles contre les Barbares et qui ont refusé, malgré les Thébains, d’anéantir Athènes après Aïgos-Potamos.

[39] εἰ δ᾽ οὕτως ἔχει, ἐγὼ μὲν οὐδὲν μᾶλλον Λακεδαιμονίοις ἂν ὑμᾶς ἡγοῦμαι στρατεύσαντας βοηθῆσαι ἢ καὶ ὑμῖν αὐτοῖς. τὸ γὰρ δυσμενεῖς ὄντας ὑμῖν Θηβαίους καὶ ὁμόρους οἰκοῦντας ἡγεμόνας γενέσθαι τῶν Ἑλλήνων πολὺ οἶμαι χαλεπώτερον ἂν ὑμῖν φανῆναι ἢ ὁπότε πόρρω τοὺς ἀντιπάλους εἴχετε. συμφορώτερόν γε μεντἂν ὑμῖν αὐτοῖς βοηθήσαιτε ἐν ᾧ ἔτι εἰσὶν οἳ συμμαχοῖεν ἂν ἢ εἰ ἀπολομένων αὐτῶν μόνοι ἀναγκάζοισθε διαμάχεσθαι πρὸς τοὺς Θηβαίους.

[39] S’il en est ainsi, je [Cléitélès] crois qu’en allant défendre les Lacédémoniens, c’est vous-mêmes que vous défendez : car, en ayant pour chefs de la Grèce les Thébains mal disposés envers vous et demeurant sur vos frontières, votre situation sera, je crois, beaucoup plus difficile que quand vous aurez des rivaux éloignés. « II serait donc plus sage de votre part de vous défendre vous-mêmes, pendant que vous avez encore des alliés, que d’attendre le moment où la ruine de ces derniers vous forcera de lutter seuls contre les Thébains. »

Xénophon, Helléniques, VI, 5, 39, trad. Eugène Talbot, 1859

Les Athéniens envoient Iphicrate. Mais ces « hésitations », volontaires15 ou non, effet ou non d’une sagesse militaire ou bien politique, en tout cas critiquées par Xénophon, font que les Thébains peuvent rentrer chez eux sans être inquiétés, leur campagne éclair terminée. Finalement, les Athéniens et les Lacédémoniens, après les discours de Proclès de Phlious16 et de Képhisodotos, concluent, ayant réussi à ménager toutes les susceptibilités, une alliance et se partagent la direction des opérations militaires : « chacun des deux peuples prendrait le commandement tous les cinq jours »17.

L’échec d’Épaminondas devant Corinthe « ranima le courage des alliés des Lacédémoniens »18. Le rôle de Chabrias, le stratège athénien, et de ses mercenaires fut important. L’arrivée des secours de Denys – plus de vingt trières amenant des Celtes, des Ibères et cinquante cavaliers environ – force les Thébains à se retirer.

70. ἐκ δὲ τῆς Σικελίας Κελτοὶ καὶ Ἴβηρες δισχίλιοι κατέπλευσαν εἰς Κόρινθον, ἐκπεμφθέντες ὑπὸ Διονυσίου τοῦ τυράννου συμμαχῆσαι Λακεδαιμονίοις, εἰς μῆνας πέντε τοὺς μισθοὺς εἰληφότες. οἱ δ᾽ Ἕλληνες πεῖραν αὐτῶν βουλόμενοι λαβεῖν προῆγον αὐτούς, καὶ κατὰ τὰς συμπλοκὰς καὶ μάχας ἀνδραγαθούντων αὐτῶν, πολλοί τε τῶν Βοιωτῶν καὶ τῶν συμμάχων ὑπ᾽ αὐτῶν ἀνῃροῦντο. διόπερ δόξαντες εὐχειρίᾳ καὶ ἀνδρείᾳ διαφέρειν καὶ πολλὰς χρείας παρασχόμενοι, καὶ τιμηθέντες ὑπὸ τῶν Λακεδαιμονίων τοῦ θέρους λήγοντος ἐξαπεστάλησαν εἰς τὴν Σικελίαν.

En ce même temps il arriva par mer à Corinthe deux mille hommes tant Gaulois qu’Espagnols, auxquels Denys le Tyran avait payé d’avance cinq mois de solde et qu’il envoyait aux Lacédémoniens et à leurs alliés. Les Grecs pour les effrayer, les employèrent à toutes sortes d’attaques et de combats, et partout ils battirent les Béotiens et leur tuèrent beaucoup de monde. Enfin après s’être fait là beaucoup de réputation par leur adresse à manier les armes et par leur valeur, ils furent bien récompensés par les Lacédémoniens auxquels ils avaient rendu de grands services et s’en revinrent en Sicile vers la fin de l’été.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 70, 1, trad. abbé Jean Terrasson

La montée de la puissance thébaine et la modification des équilibres politiques

Carte 4 - La domination thébaine remplace l’hégémonie de Sparte

 

368. Lycomédès renforce la confédération arcadienne. En effet, la menace spartiate ayant disparu, les Arcadiens, qui ont des problèmes territoriaux avec les Éléens, supportent de plus en plus difficilement d’être sous la domination thébaine. La conférence de Delphes réunissant, à l’initiative de Philiscos d’Abydos envoyé par Ariobarzane, les Thébains, leurs alliés, et les Lacédémoniens, échoue déjà sur le problème de la Messénie que ces derniers veulent récupérer.

[2] μετὰ δὲ ταῦτα Φιλίσκος μὲν ὑπ᾽ Ἀρταξέρξου τοῦ βασιλέως ἀποσταλεὶς κατέπλευσεν ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα, παρακαλῶν τοὺς Ἕλληνας διαλύσασθαι μὲν τοὺς πολέμους, εἰρήνην δὲ κοινὴν συνθέσθαι. οἱ μὲν οὖν ἄλλοι πάντες ἀσμένως ὑπήκουσαν, Θηβαῖοι δὲ κατὰ τὴν ἰδίαν ὑπόστασιν ὅλην τὴν Βοιωτίαν ὑπὸ μίαν ἀγαγόντες συντέλειαν οὐ προσεδέχθησαν. ἀπογνωσθείσης δὲ τῆς κοινῆς εἰρήνης, ὁ μὲν Φιλίσκος καταλιπὼν τοῖς Λακεδαιμονίοις δισχιλίους ἐπιλέκτους μισθοφόρους ἔχοντας τοὺς μισθούς, ἀπῆλθεν εἰς τὴν Ἀσίαν.

 [2] Ce fut alors que Philiscos envoyé par le roi Artaxerxès aborda en Grèce. Il y apportait de la part de ce roi des invitations à tous les Grecs de mettre fin à leurs divisions et de faire entre eux une paix durable. Ils y consentirent tous à l’exception des Thébains seuls, qui persistaient toujours dans le point fixe que toute la Béotie ne formât qu’un seul et même gouvernement19. Sur leur refus l’envoyé du Roi laissa aux Lacédémoniens deux mille soudoyés choisis, qui avaient même reçu leur paye d’avance et il s’en revint en Asie.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 70, 2, trad. abbé Jean Terrasson

Cette aide d’Ariobarzane suscite la méfiance du Roi. Ce dernier craint que son satrape, préparant une révolte, cherche des appuis politiques et militaires auprès des Lacédémoniens. Ce soupçon, on le verra, mettra les Thébains en position favorable, lors des négociations de Suse en 36720.

368-367. La victoire Thébaine de Leuctres modifie, non seulement l’importance et le rôle de la seconde Confédération, mais aussi les relations entre Athènes et la puissante Syracuse, alliée traditionnelle de Sparte par ses origines et l’histoire récente : les Athéniens, devant la menace d’une hégémonie thébaine, se sont rapprochés des Lacédémoniens. Les Athéniens déploient une grande activité diplomatique en vue d’un traité de paix qui sera conclu en 36721. Le décret qui suit, inscrit sur une stèle très abîmée, fait partie de cette campagne diplomatique, au moment même où commence la quatrième guerre entre Carthage et Syracuse22. Les Athéniens et les alliés décernent l’éloge à celui qu’Isocrate appelle le « tyran de Sicile », qu’Aristote définit comme un « dynaste » et qui « régna » avec le soutien du démos et en s’appropriant les biens des riches. Les inscriptions suivantes le qualifient d’ « archonte de Sicile » – c’est d’ailleurs en ces termes que les décrets qualifient souvent les tyrans quand il s’agit de les courtiser, comme ceux du Bosphore si importants pour Athènes et son ravitaillement en blé. En tout cas ces efforts diplomatiques seront inutiles, puisque Denys l’Ancien23 meurt en 367 après avoir obtenu et trop fêté le premier prix de tragédie pour sa pièce Le Rachat d’Hector24.

« Sous l’archontat de Lysistrate, alors que la tribu Érechtéïs exerçait la dixième prytanie, pour laquelle Exékestos fils de Paionidas d’Aizanie était secrétaire ; pour ses collègues du bureau, Euaggélos a mis aux voix […], Pandios a fait la proposition ; pour répondre à ce qu’ont dit les ambassadeurs envoyés par Denys, il a plu au conseil : au sujet des lettres que Denys a envoyées à propos de la reconstruction du temple25 et sur la paix, que les alliés délibèrent et présentent au peuple un décret pour dire ce qui leur paraîtra, après délibération, être le meilleur, que les membres du bureau introduisent les ambassadeurs devant le peuple à la première assemblée après avoir convoqué les alliés, qu’ils fassent délibérer sur ce qu’ils disent, et présentent au peuple la résolution du conseil, à savoir qu’il plaît au conseil d’accorder l’éloge à Denys, chef de la Sicile et aux fils de Denys, Denys et Hermocritos, parce qu’ils se conduisent bien à l’égard du peuple des Athéniens et des alliés et qu’ils soutiennent la paix du Roi qu’ont conclue les Athéniens, les Lacédémoniens et les autres Grecs ; que soit envoyée à Denys la couronne que le peuple a offerte par décret, et que les fils de Denys soient couronnés d’une couronne d’or, chacune de mille drachmes, pour que soient reconnues leurs qualités et leur amitié ; que Denys et ses fils soient athéniens26, eux et leurs enfants, appartenant à la tribu, au dème et à la phratrie qu’ils voudront ; que les prytanes de la tribu Érechtéïs mettent aux voix sur ce point […], qu’ils aient accès au conseil et au peuple tout de suite après qu’auront été traitées les affaires sacrées ; que les stratèges et les prytanes fassent en sorte que cela se fasse […] que le secrétaire inscrive ce décret. »

Inscription historique grecque.

Le texte du décret suivant gravé sur une stèle de marbre trouvée sur l’Acropole est celui du serment d’alliance entre les Athéniens et Denys de Syracuse évoqué plus haut. Il est intéressant de noter, comme le fait Jean-Marie Bertrand, que les Syracusains paraissent rester indépendants de la personne même de « l’archonte de Sicile » puisque les magistrats et le conseil doivent prêter serment séparément.

« Sous l’archontat de Nausigénès, sous la prytanie de la tribu Aiantis qui était la septième, Moschos de Kydarthénée était secrétaire, trente-deuxième jour de la prytanie, pour les membres du bureau, […] fils de Daippos de Marathon, a mis aux voix ; il a plu au peuple, Pandios a fait la proposition : à la bonne fortune des Athéniens, plaise au peuple que reçoive l’éloge Denys, chef de la Sicile, parce qu’il se conduit bien à l’égard du peuple athénien et des alliés ; qu’il soit avec ses enfants, allié du peuple des Athéniens pour l’éternité, en ces termes : si quelqu’un s’attaque au territoire des Athéniens par terre ou par mer, Denys et ses enfants viendront au secours des Athéniens comme ceux-ci le demanderont, par terre comme par mer, avec toutes leurs forces, autant que faire se pourra ; et si quelqu’un s’attaque à Denys ou à ses enfants ou à ceux que commande Denys, par terre ou par mer, que les Athéniens viennent à leur secours, par terre ou par mer, avec toutes leurs forces, autant que faire se pourra ; qu’il ne soit pas permis à Denys et à ses enfants de porter les armes contre le territoire des Athéniens pour leur faire tort, ni par terre ni par mer ; qu’il ne soit pas permis aux Athéniens de porter les armes contre Denys, ni contre ses enfants, ni contre ceux que commande Denys, pour leur faire du tort, ni par terre ni par mer ; que reçoivent le serment d’alliance les ambassadeurs venus de la part de Denys, que le prononcent le conseil et les stratèges, les commandants de cavalerie et d’infanterie ; que le prononcent Denys, les magistrats et le conseil des Syracusains, les stratèges, les stratèges et les commandants de trières ; que chacun prononce le serment habituel ; que reçoivent le serment les ambassadeurs qui prendront la mer pour la Sicile ; que le secrétaire du conseil grave ce décret sur une stèle de pierre et la place sur l’Acropole, que, pour la gravure, le trésorier du peuple donne 30 drachmes. »

Inscription historique grecque.

Le congrès de Suse et le congrès de Thèbes : l’échec de la paix

 

367. Le congrès de Suse intervient après l’arrivée de nouveaux secours envoyés par Denys et la victoire des Lacédémoniens sur les Arcadiens, à Eutrésis, en 368.

[3] μετ᾽ ὀλίγον δὲ χρόνον Λακεδαιμονίοις πρὸς Ἀρκάδας ἐγένετο μεγάλη μάχη, ἐν ᾗ ἐνίκησαν Λακεδαιμόνιοι ἐπιφανῶς. μετὰ γὰρ τὴν ἐν Λεύκτροις ἧτταν τοῦτο πρῶτον αὐτοῖς παράδοξον εὐτύχημα ἐγένετο : ἔπεσον γὰρ Ἀρκάδων μὲν ὑπὲρ τοὺς μυρίους, Λακεδαιμονίων δ᾽ οὐδείς. προεῖπον δ᾽ αὐτοῖς αἱ Δωδωνίδες ἱέρειαι, διότι πόλεμος οὗτος Λακεδαιμονίοις ἄδακρυς ἔσται. [4] μετὰ δὲ τὴν μάχην οἱ Ἀρκάδες, φοβηθέντες τὰς τῶν Λακεδαιμονίων εἰσβολάς, ἔκτισαν ἐπί τινος ἐπικαίρου τόπου τὴν ὀνομαζομένην Μεγάλην πόλιν, συρρίψαντες εἰς αὐτὴν κώμας εἴκοσι τῶν ὀνομαζομένων Μαιναλίων καὶ Παρρασίων Ἀρκάδων. καὶ τὰ μὲν κατὰ τοὺς Ἕλληνας ἐν τούτοις ἦν.

[3] Il se donna peu de temps après une grande bataille entre les Lacédémoniens et les Arcadiens, dans laquelle la victoire se déclara hautement pour les Lacédémoniens. C’est le premier avantage qu’ils eussent remporté depuis leur défaite à Leuctres ; mais il fut singulièrement remarquable en ce que les Arcadiens y perdirent dix mille hommes sans qu’il y eût eu un seul Lacédémonien de tué. Aussi les prêtresses de Dodone avaient-elles prédit que cette bataille ne coûterait pas une larme aux Lacédémoniens. [4] Mais les Arcadiens auxquels une semblable défaite avait rendu les Spartiates très redoutables, bâtirent sur un terrain avantageux une citadelle qu’ils appelèrent Mégalopolis, dans laquelle ils firent passer les habitants de vingt villages qui formaient auparavant deux cantons, qu’on appelait les Ménaliens et les Parrhasiens. Voilà le point où nous laissons les affaires de la Grèce.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 72, 3-4, trad. abbé Jean Terrasson

[32] […] ἐπὶ μέντοι τῇ τῶν Ἀρκάδων τύχῃ οὐ πολύ τι ἧττον Λακεδαιμονίων ἥσθησαν Θηβαῖοί τε καὶ Ἠλεῖοι : οὕτως ἤδη ἤχθοντο ἐπὶ τῷ φρονήματι αὐτῶν.

[32] […] Ce revers des Arcadiens, cependant, ne réjouit guère moins les Thébains et les Éléens que les Lacédémoniens, vu la haine qu’inspirait déjà leur orgueil.

Xénophon, Helléniques, VII, 1, 32, trad. Eugène Talbot, 1859

Les Thébains, pour s’emparer de l’hégémonie, décident d’envoyer une ambassade auprès du Roi. Ils pensent trouver en lui un allié, Artaxerxès se méfiant des relations tissées entre son satrape Ariobarzane et les Lacédémoniens. Selon la version de Xénophon, les Thébains prièrent les alliés de les accompagner, mais il semble bien que les Lacédémoniens soient à l’origine de cette initiative et qu’ils se trouvaient déjà auprès du Roi quand les Thébains décidèrent d’envoyer Pélopidas. L’historien précise, en contradiction avec ces premiers propos, qu’ « Euthyclès de Lacédémone était auprès du Roi »27. Quoi qu’il en soit Pélopidas se trouve être en position favorable. Il peut, dans ces conditions, faire valoir que seuls parmi les Grecs, les Thébains avaient combattu avec le Roi à Platées.

[36] ἐκ δὲ τούτου ἐρωτώμενος ὑπὸ βασιλέως ὁ Πελοπίδας τί βούλοιτο ἑαυτῷ γραφῆναι εἶπεν ὅτι Μεσσήνην τε αὐτόνομον εἶναι ἀπὸ Λακεδαιμονίων καὶ Ἀθηναίους ἀνέλκειν τὰς ναῦς : εἰ δὲ ταῦτα μὴ πείθοιντο, στρατεύειν ἐπ᾽ αὐτούς : εἴ τις δὲ πόλις μὴ ἐθέλοι ἀκολουθεῖν, ἐπὶ ταύτην πρῶτον ἰέναι.

[36] Là-dessus le Roi, ayant demandé à Pélopidas quel genre d’édit il désirait, Pélopidas demande que les Lacédémoniens reconnaissent l’indépendance de Mantinée, que les Athéniens tirent leurs vaisseaux sur terre, que, s’ils ne se conforment pas à ces clauses, on leur fasse la guerre, et que, si une ville refuse de prendre part à l’expédition, on marche d’abord contre elle.

Xénophon, Helléniques, VII, 1, 36, trad. Eugène Talbot, 1859.

Mais cette paix sera un échec. Les serments ne seront recueillis ni au congrès de Thèbes, en 366, où les Grecs ont été convoqués, ni par les députés thébains envoyés auprès des cités en leur demandant de jurer qu’elles agiraient conformément au rescrit royal.

[40] ὡς δ᾽ ἐν Θήβαις οὐκ ἠθέλησαν οἱ συνελθόντες ὀμόσαι, ἔπεμπον οἱ Θηβαῖοι πρέσβεις ἐπὶ τὰς πόλεις, ὀμνύναι κελεύοντες ποιήσειν κατὰ τὰ βασιλέως γράμματα, νομίζοντες ὀκνήσειν μίαν ἑκάστην τῶν πόλεων ἀπεχθάνεσθαι ἅμα ἑαυτοῖς τε καὶ βασιλεῖ. ἐπεὶ μέντοι εἰς Κόρινθον πρῶτον αὐτῶν ἀφικομένων ὑπέστησαν οἱ Κορίνθιοι, καὶ ἀπεκρίναντο ὅτι οὐδὲν δέοιντο πρὸς βασιλέα κοινῶν ὅρκων, ἐπηκολούθησαν καὶ ἄλλαι πόλεις κατὰ ταὐτὰ ἀποκρινόμεναι. […] καὶ αὕτη μὲν ἡ Πελοπίδου καὶ τῶν Θηβαίων τῆς ἀρχῆς περιβολὴ οὕτω διελύθη.

Comme les députés réunis à Thèbes ne veulent pas prêter serment, les Thébains envoient des personnes chargées de faire jurer fidélité à l’édit du roi ; ils se figurent que chaque ville hésitera à s’attirer leur inimitié et celle du roi. Mais les Corinthiens, chez lesquels ils viennent d’abord, leur ayant tenu tête et répondu qu’ils n’avaient que faire de l’alliance du roi, plusieurs autres villes suivent leur exemple et font la même réponse. […] Tel est le résultat des brigues de Pélopidas et des Thébains pour parvenir au commandement.

Xénophon, Helléniques, VII, 1, 40, trad. Eugène Talbot, 1859

Pour Pierre Carlier, « le Roi ne fait plus peur, Thèbes non plus. Les Grecs ne jugent pas nécessaire de faire semblant d’obéir » . En tout cas, les Thébains, n’ayant plus confiance dans les Arcadiens, les menacent directement en envahissant l’Achaïe, et cela avant la fin des négociations de Thèbes. Phlionte restée fidèle à Sparte reçoit l’appui du stratège athénien Charès.

 

Notes

  1. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 3.
  2. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 21.
  3. Sur les successeurs de Jason et leurs relations avec les Thébains et les Athéniens voir infra.
  4. Mais on ne sait pas exactement quels sont les signataires du nouveau traité de paix.
  5. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 6.
  6. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 10.
  7. Note E. Talbot : Surnom de Minerve. Voir ce mot dans le Dict. de Jacobi.
  8. Note E. Talbot : Depuis plus de six cents ans il n’y avait pas eu d’invasion en Laconie. Cf. Plutarque, Agésilas, XXX.
  9. Sparte n’avait pas, en effet, de remparts. La cité comptait sur ses hoplites pour empêcher l’ennemi d’approcher. Mais la poliorcétique a fait, au IVe siècles des progrès remarquables. Voir O. Battistini, La Guerre, op. cit. Les remarques d’Aristote (Politique, VII, 11, 1330 a, trad. J. Tricot) sur l’utilité des remparts témoignent des modifications stratégiques et tactiques dont il est le contemporain : « Passons à la question des remparts. Ceux qui viennent dire que les cités ayant des prétentions à la valeur militaire n’ont pas besoin de posséder de remparts, soutiennent une opinion surannée, et cela, tout en constatant que les cités qui s’abandonnent à cette vanité puérile reçoivent des démentis de la part des faits. Assurément, contre un ennemi de valeur égale et légèrement supérieur en nombre, il n’est pas très beau de chercher son propre salut à l’abri des murailles fortifiées. Mais il est possible aussi, et il arrive en fait, que la supériorité des assaillants devienne telle qu’il soit au-dessus des forces humaines et de l’héroïsme d’un petit nombre de résister ; si l’on veut alors que la cité survive et ne subisse ni revers ni outrage, on est bien obligé de penser que les remparts les plus solidement fortifiés constituent la protection militaire la plus sûre, surtout à notre époque où les inventions dans le domaine de la balistique et des engins de siège ont atteint une grande précision. »
  10. Note E. Talbot : Castor et Pollux.
  11. Ces deux événements, conséquence essentielle de l’expédition d’Épaminondas, sont négligés par Xénophon. Surtout que le refus de reconnaissance de la Messénie par les Lacédémoniens sera un obstacle à la paix générale.
  12. Voir Aristote, Politique, II, 9, 1269 b, trad. J. Aubonnet : « Les Laconiens, au contraire, n’ont eu que des ennemis pour voisins : Argiens, Messéniens et Arcadiens ».
  13. Voir infra. Le stratège thébain a vu trop grand : ils n’y aura pas assez d’habitants, même au IIIe siècle, pour la peupler. Y naîtront Philopoemen et Polybe.
  14. Il s’agit, selon Xénophon, d’Aracos, d’Ocyllos, de Pharax, d’Étymoclès et d’Olontheus.
  15. Le parti anti-lacédémonien est toujours aussi puissant à Athènes. Par ailleurs, la décision d’envoyer Iphicrate avait été prise, selon Xénophon, sans « accepter d’entendre les gens d’avis contraire » (VI, 5, 49).
  16. Phlious est une des dernières alliées de Sparte avec Corinthe.
  17. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 14.
  18. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 19.
  19. On le voit la raison de l’échec de la paix commune est, pour Diodore, différente de celle de Xénophon.
  20. Voir infra.
  21. Voir infra.
  22. La première guerre a été marquée par l’expédition carthaginoise en Sicile et la prise de Sélinonte et d’Himère en 409. La deuxième, en 397, se signale par la prise de Motyè, l’échec carthaginois en 396 devant Syracuse, et la campagne de Magon en Sicile. La paix est conclue en 392. La troisième guerre dure de 383 à 373. Crotone est soumise par Denys.
  23. Denys l’Ancien a tiré profit de la menace carthaginoise se fit investir des pleins pouvoir par l’assemblée de Syracuse qui le nomma stratège autocrator. Il régna en tyran sur l’ensemble de l’île de 405 à 367. Avec lui la Sicile joua un rôle essentiel en Occident, tint tête aux Carthaginois et aurait pu, par sa puissance, jouer un rôle d’arbitre en mer Égée. Sa mort signifia le retour à l’isolement politique et aux guerres intestines.
  24. Sur les poèmes de Denys voir Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 6-7.
  25. Il s’agit du temple de Delphes détruit par un tremblement de terre et un incendie. Or, les offrandes en-voyées, en 373, par Denys pour sa reconstruction avaient été prises par Iphicrate lors du siège de Corcyre (voir supra). Le stratège athénien a en effet capturé les dix trières avec tout leur équipage – Diodore (XV, 47), à la différence de Xénophon (Helléniques, VI, 2, 33) en compte neuf –, envoyées par Denys pour secourir les Lacédémoniens.
  26. Athènes n’octroyait que très rarement le droit de cité à des étrangers, en fonction de ses intérêts vitaux militaires ou économiques. On pense, par exemple, au cas des rameurs de la bataille des Arginuses, ou encore à Leucon, roi du Bosphore Cimmérien. Son père Satyros (393-389) avait accordé aux Athéniens la priorité dans les chargements de blé, ce qui était essentiel en cas de mauvaise récolte ou de famine. Le décret qui honore les fils de Leucon en 347-346 (voir infra) montre bien l’importance, pour l’approvisionnement en blé, des bons rapports avec le Bosphore, surtout après la fin de la seconde Confédération et les problèmes financiers que cela impliquait. De même, en 386, Athènes ne possède plus en Thrace que Lemnos Imbros et Skiros. Une alliance pour protéger les convois devient nécessaire. Or, à l’arrivée de Timothée en Chersonèse, Cotys entre en guerre et occupe Sestos. Nous sommes en 362. Il est assassiné en 359, sans doute à l’instigation d’Athènes. Ses meurtriers seront récompensés par l’octroi du droit de cité. Charès peut alors, en 357, conclure avec les souverains qui se partagent le royaume thrace des Odryses un traité d’alliance. Ce succès diplomatique est cependant acquis en vain. Voir infra.
  27.  Xénophon, Helléniques, VII, 1, 33.
  28.  P. Carlier, Le IVe siècle grec jusqu’à la mort d’Alexandre, op. cit., p. 66.
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