Notes
- C’est ce que les députés lacédémoniens avaient demandé aux Mantinéens. Leur refus a entraîné l’intervention d’Agésipolis, un des rois de Sparte.
- Voir supra.
- Ils voulaient « leur cité asservie aux Lacédémoniens afin d’y être eux-mêmes les maîtres », Xénophon, Helléniques, V, 4, 1.
- Pour Xénophon, Amyntas ne joue aucun rôle au début de la guerre.
- En 392 Gorgias, le fameux sophiste, aurait, dans un discours prononcé à Olympie, déjà traité ce thème. Lysias, en 338, a fait de même, invitant les Grecs à s’unir non seulement contre les Perses, mais aussi contre le tyran de Syracuse, Denys l’Ancien.
- Comme son Panégyrique ne rencontra pas d’écho favorable il chercha plus tard un homme capable de rassembler les Grecs contre les Perses. Ce fut d’abord le Spartiate Agésilas, puis Denys de Syracuse, Alexandre de Phères, le Thessalien, et peut-être Archidamos III de Sparte. Enfin la tradition raconte qu’il se laissa mourir de faim après les échecs successifs de ses appels à Philippe de Macédoine, son dernier espoir.
- Nom des gouverneurs que les Lacédémoniens installaient dans les cités et les îles lors de leur hégémonie. C’est aussi le nom d’un gouverneur d’une colonie athénienne.
- La bataille d’Aïgos-Potamos.
- Certes, mais cette flotte était commandée par le stratège athénien Conon. Par ailleurs c’est la bataille de Cnide, comme on l’a vu, qui mit fin à la domination lacédémonienne en mer Égée.
- La flotte, l’empire et le tribut étaient les trois éléments de la puissance athénienne.
- Conséquence, on s’en souvient, de la Paix d’Antalcidas.
- Voir plus loin la bataille de Leuctres.
- Voir infra.
- Polybe, VI, 43.
- Diodore, Bibliothèque historique, XV, 89.
- Les Athéniens pour éviter la guerre à tout prix condamnèrent les stratèges qui ont soutenu l’insurrection thébaine.
- L’initiateur du misthos ekklèsiastikos.
- Il s’agit de Sphodrias.
- Timothée est le fils de Conon, le stratège qui avait été à l’origine de la restauration maritime d’Athènes. Après la disgrâce de Callistratos en 366, Timothée engage Athènes dans une politique impérialiste. Il prend Samos en 365, s’implante dans la Chersonèse de Thrace et en Chalcidique. Il échoue, cependant, devant Amphipolis. Il est condamné à une énorme amende de 100 talents pour n’avoir pas aidé Charès à prendre Chios, en 356. Il quitte Athènes et meurt en 354
- Juste avant ces événements Chabrias avait été engagé par Acoris le roi d’Égypte pour combattre contre les Perses : « Comme il [Acoris] n’avait pas de bon général, il fit venir l’Athénien Chabrias : son jugement et son intelligence faisaient de lui un stratège remarquable et sa valeur l’avait couvert de gloire » (Diodore, XV, 29, 2). Cependant, suite à l’ambassade envoyée par Pharnabaze à Athènes, – Chabrias était accusé « d’avoir, par son commandement en Égypte, fait perdre au peuple la faveur royale » (XV, 29, 3) –, Athènes rappela le stratège et envoya Iphicrate lutter aux côtés des Perses en tant que stratège.
- Orateur et homme politique, il joue un rôle politique remarquable jusqu’en 361. Il comprend en particulier que la menace de Thèbes est plus importante que celle de Sparte. Après l’affaire d’Oropos (366), un conflit de frontière entre Thèbes et Athènes, il fut poursuivi en justice. Sa défense fut brillante. Elle aurait même donné à Démosthène le goût de l’art oratoire. En 361, il est une nouvelle fois accusé. Il s’enfuit avant que la sentence de mort ne soit prononcée. De retour, plus tard à Athènes, il est exécuté.
L’apogée de la puissance de Sparte
385. Les événements ont réussi à leur gré. Forts de l’impunité que semble leur donner le traité de paix dans leur rôle d’exécuteur de la paix du Roi et de garants de l’application des traités – toute intervention peut être justifiée par un manquement au traité –, les Lacédémoniens, pour se venger des cités alliées à Corinthe et à Argos, s’emparent de Mantinée qu’ils condamnent à un diœcisme, à une dispersion de ses habitants.
[4] ὡς δὲ ἐνέβαλε, πρῶτον μὲν τὴν γῆν ἐδῄου. ἐπεὶ δὲ οὐδ᾽ οὕτω καθῄρουν τὰ τείχη, τάφρον ὤρυττε κύκλῳ περὶ τὴν πόλιν, τοῖς μὲν ἡμίσεσι τῶν στρατιωτῶν προκαθημένοις σὺν τοῖς ὅπλοις τῶν ταφρευόντων, τοῖς δ᾽ ἡμίσεσιν ἐργαζομένοις. ἐπεὶ δὲ ἐξείργαστο ἡ τάφρος, ἀσφαλῶς ἤδη κύκλῳ τεῖχος περὶ τὴν πόλιν ᾠκοδόμησεν. αἰσθόμενος δὲ ὅτι ὁ σῖτος ἐν τῇ πόλει πολὺς ἐνείη, εὐετηρίας γενομένης τῷ πρόσθεν ἔτει, καὶ νομίσας χαλεπὸν ἔσεσθαι, εἰ δεήσει πολὺν χρόνον τρύχειν στρατείαις τήν τε πόλιν καὶ τοὺς συμμάχους, ἀπέχωσε τὸν ῥέοντα ποταμὸν διὰ τῆς πόλεως μάλ᾽ ὄντα εὐμεγέθη. [5] ἐμφραχθείσης δὲ τῆς ἀπορροίας ᾔρετο τὸ ὕδωρ ὑπέρ τε τῶν ὑπὸ ταῖς οἰκίαις καὶ ὑπὲρ τῶν ὑπὸ τῷ τείχει θεμελίων. βρεχομένων δὲ τῶν κάτω πλίνθων καὶ προδιδουσῶν τὰς ἄνω, τὸ μὲν πρῶτον ἐρρήγνυτο τὸ τεῖχος, ἔπειτα δὲ καὶ ἐκλίνετο. οἱ δὲ χρόνον μέν τινα ξύλα ἀντήρειδον καὶ ἐμηχανῶντο ὡς μὴ πίπτοι ὁ πύργος : ἐπεὶ δὲ ἡττῶντο τοῦ ὕδατος, δείσαντες μὴ πεσόντος πῃ τοῦ κύκλῳ τείχους δοριάλωτοι γένοιντο, ὡμολόγουν περιαιρήσειν. οἱ δὲ Λακεδαιμόνιοι οὐκ ἔφασαν σπείσεσθαι, εἰ μὴ καὶ διοικιοῖντο κατὰ κώμας. οἱ δ᾽ αὖ νομίσαντες ἀνάγκην εἶναι, συνέφασαν καὶ ταῦτα ποιήσειν. [6] οἰομένων δὲ ἀποθανεῖσθαι τῶν ἀργολιζόντων καὶ τῶν τοῦ δήμου προστατῶν, διεπράξατο ὁ πατὴρ παρὰ τοῦ Ἀγησιπόλιδος ἀσφάλειαν αὐτοῖς γενέσθαι ἀπαλλαττομένοις ἐκ τῆς πόλεως, ἑξήκοντα οὖσι. καὶ ἀμφοτέρωθεν μὲν τῆς ὁδοῦ ἀρξάμενοι ἀπὸ τῶν πυλῶν ἔχοντες τὰ δόρατα οἱ Λακεδαιμόνιοι ἕστασαν, θεώμενοι τοὺς ἐξιόντας. καὶ μισοῦντες αὐτοὺς ὅμως ἀπείχοντο αὐτῶν ῥᾷον ἢ οἱ βέλτιστοι τῶν Μαντινέων. καὶ τοῦτο μὲν εἰρήσθω μέγα τεκμήριον πειθαρχίας. [7] ἐκ δὲ τούτου καθῃρέθη μὲν τὸ τεῖχος, διῳκίσθη δ᾽ ἡ Μαντίνεια τετραχῇ, καθάπερ τὸ ἀρχαῖον ᾤκουν.
[4] A peine entré dans le pays, il [Agésipolis] se met à le ravager. Cependant comme, malgré cela, les Mantinéens n’abattaient point leurs murs1, il creuse un fossé autour de la ville, et emploie à ce travail la moitié de ses troupes, tandis que l’autre moitié se tient sous les armes devant les travailleurs. Ce fossé achevé, il peut alors, en toute sûreté, élever un mur autour de la ville. Mais il apprend qu’il y a beaucoup de blé dans la place, parce que l’année précédente avait été très-fertile. Croyant donc qu’il y a péril à ruiner Lacédémone et les alliés par de longues campagnes, il barre le fleuve qui passe dans la ville, et qui était très-considérable. [5] Le cours se trouvant ainsi entravé, l’eau couvre les fondements des maisons et ceux du mur : quand les briques du bas sont mouillées, elles ne peuvent plus retenir celles du haut, et le mur commence à se fendre, puis il cède. Les assiégés essayent pendant quelque temps de l’étayer avec des poutres, et imaginent divers moyens pour empêcher la tour de tomber. Mais ils sont vaincus par les eaux, et craignant alors que, le mur venant à tomber, ils ne soient pris d’assaut, ils consentent à raser leurs murs. Les Lacédémoniens refusent de traiter, à moins qu’ils ne répartissent leur population dans les villages. Les Mantinéens, sentant qu’ils ne peuvent l’éviter, se déclarent prêts à le faire. [6] Le parti argien et les prostates du peuple se croyaient perdus ; mais Agésipolis consent, sur les instances de son père, à les laisser se retirer en sûreté de la ville au nombre de soixante. Les Lacédémoniens, la lance en main, se tiennent des deux côtés de la route, depuis les portes de la ville, pour les voir sortir ; et, malgré leur haine, ils ont moins de peine à s’abstenir d’offenses envers eux que les oligarques mantinéens. Ceci soit dit comme une grande preuve de discipline. [7] Ensuite, quand le mur est rasé et les habitants de Mantinée répartis dans quatre bourgs, comme ils l’étaient autrefois.
Xénophon, Helléniques, V, 2, 4-7, trad. Eugène Talbot, 1859
Le redressement d’Athènes : l’alliance avec Chios
384. Malgré cela, Athènes commence à relever la tête et conclut une alliance avec Chios. Ce traité respecte l’interdiction de la Paix d’Antalcidas de nuire, par une symmachie, à l’autonomie d’une cité grande ou petite2. L’inscription de cette stèle brisée, trouvée sur l’acropole d’Athènes, près de la statue d’Athéna Promachos, témoigne de manœuvres diplomatiques qui annoncent la fondation prochaine de la seconde Confédération athénienne.
« Alliance des Athéniens et des Chiotes. Sous l’archontat de Dieitréphès, durant la première prytanie qui était celle de la tribu Hippoponthis, […] fils de Stéphanos d’Oé [était secrétaire] […] : attendu que les gens de Chios, dans le cadre de l’accord commun aux Grecs, font savoir qu’ils maintiendront de même que les Athéniens, la paix, l’amitié, les serments et les traités existants, tels qu’ils ont été jurés par le Roi, les Athéniens, les Lacédémoniens et les autres Grecs, et qu’ils viennent annoncer des choses utiles au peuple des Athéniens, à toute la Grèce et au Roi, le peuple décrète : que le peuple des Chiotes reçoive l’éloge ainsi que les ambassadeurs venus à Athènes, que perdurent la paix, les serments et les traités existants aujourd’hui, que les Chiotes soient alliés, ils garderont leur liberté et leur autonomie et ainsi ils ne transgresseront pas les stipulations de la stèle concernant la paix, et ils ne se laisseront pas persuader, autant que faire se pourra, par qui voudrait les transgresser ; qu’une stèle soit placée sur l’Acropole devant la statue, et que l’on y inscrive que si quelqu’un s’attaque aux Athéniens, les Chiotes iront à leur secours avec toutes leurs forces autant que faire se pourra ; que le serment soit prononcé devant les Chiotes venus ici, par le conseil, les stratèges et les commandants de compagnie, à Chios par le conseil et les autres magistrats ; que soient élus cinq hommes dans l’ensemble des Athéniens qui prendront la mer pour Chios et recevront le serment de la cité de Chios ; que l’alliance vaille pour l’éternité ; que l’ambassade de Chios soit invitée au prytanée pour le repas de demain. Ont été élus comme ambassadeurs, Céphalos de Collytos, […] d’Alopékè, Asimos […], […] du dème de Phréarres, Démocleidès […]. Étaient ambassadeurs de Chios, Bryon, Ape[…], […]ritos, Archélas. »
Inscription historique grecque.
Une domination lacédémonienne renforcée par la prise de Thèbes
382. Cependant, la domination (l’archè) lacédémonienne se renforce encore. En effet, la faction favorable à Lacédémone, dirigée par Léontiadès3, livre Thèbes à Phoibidas un stratège spartiate.
[2] διόπερ τοῖς ἡγεμόσιν οἱ Σπαρτιᾶται παρήγγελλον ἐν ἀπορρήτοις, ἵν᾽ ἐάν ποτε καιρὸν λάβωσι, καταλάβωνται τὴν Καδμείαν. τοιαύτης δὲ γενομένης παραγγελίας, Φοιβίδας ὁ Σπαρτιάτης, τεταγμένος ἐπί τινος ἡγεμονίας καὶ δύναμιν ἄγων ἐπὶ Ὀλυνθίους, κατελάβετο τὴν Καδμείαν. ἀγανακτούντων δὲ τῶν Θηβαίων καὶ μεθ᾽ ὅπλων συνδραμόντων, συνάψας μάχην αὐτοῖς καὶ νικήσας τριακοσίους μὲν τοὺς ἐπιφανεστάτους τῶν Θηβαίων ἐφυγάδευσε, τοὺς δὲ λοιποὺς καταπληξάμενος καὶ φρουρὰν ἰσχυρὰν ἐγκαταστησάμενος, ἐπὶ τὰς ἰδίας πράξεις ἀπηλλάγη. οἱ δὲ Λακεδαιμόνιοι διὰ τὴν πρᾶξιν ταύτην ἀδοξοῦντες παρὰ τοῖς Ἕλλησι, τὸν μὲν Φοιβίδαν ἐζημίωσαν χρήμασι, τὴν δὲ φρουρὰν οὐκ ἐξῆγον ἐκ τῶν Θηβῶν : [3] οἱ μὲν οὖν Θηβαῖοι τοῦτον τὸν τρόπον τὴν αὐτονομίαν ἀποβαλόντες ἠναγκάσθησαν ὑποταγῆναι τοῖς Λακεδαιμονίοις : τῶνδ᾽ Ὀλυνθίων διαπολεμούντων πρὸς Ἀμύνταν τὸν τῶν Μακεδόνων βασιλέα, Λακεδαιμόνιοι τὸν μὲν Φοιβίδαν ἀπέστησαν τῆς ἡγεμονίας, Εὐδαμίδαν δὲ τὸν ἀδελφὸν τοῦ Φοιβίδα κατέστησαν στρατηγόν. δόντες δ᾽ αὐτῷ τρισχιλίους ὁπλίτας ἐξαπέστειλαν διαπολεμήσοντα τὸν πρὸς Ὀλυνθίους πόλεμον.
[2] Ils ordonnèrent donc secrètement à leurs généraux de se saisir de Cadmée, aussitôt qu’ils le pourraient faire. Phoibidas qui avait été nommé pour conduire des troupes contre les Olynthiens, s’acquitta d’abord de la seconde commission et prit Cadmée. Les Thébains irrités coururent en armes, quoique trop tard, à la défense de leur citadelle : mais il se donna un combat où Phoibidas vainqueur dissipa aisément un secours tumultueux. Il envoya ensuite en exil trois cents des principaux citoyens et après avoir mis une forte garnison dans cette place, il revint à son affaire principale. Cependant les Lacédémoniens condamnés et déshonorés dans toute la Grèce par cette infraction des traités, se contentèrent de condamner Phoibidas à une amende pécuniaire mais sans retirer leur garnison de la place qu’il avait surprise. [3] Ainsi les Thébains dépouillés de leur liberté demeurèrent soumis à Lacédémone. Cependant comme les Olynthiens continuaient de se défendre vivement contre Amyntas roi de Macédoine3, les Lacédémoniens jugèrent aussi à propos d’ôter à Phoibidas le commandement des troupes qu’ils avaient prêtées au roi mais ce fut pour le remettre à son frère Eudamidas. Ils donnèrent à celui-ci trois mille hommes et le chargèrent de poursuivre cette guerre.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 20, 2-3, trad. abbé J. Terrasson
On ne sait si Phoibidas, à la tête des renforts destinés à Eudamidas, son frère, a agi de son propre chef, profitant de la stasis qui régnait à Thèbes, comme semble le dire Xénophon, ou si, au contraire, selon la version de Diodore il a obéi à des ordres secrets. Quoi qu’il en soit les Lacédémoniens maintiennent leur garnison dans la Cadmée et Phoibidas n’est condamné que légèrement. Pour Agésilas, si Phoibidas avait créé une situation nuisible à Sparte, il devait être puni ; mais si, au contraire, elle était favorable à ses intérêts, il fallait, selon un vieux principe, laisser les gens prendre des initiative semblables…
Avec l’aide des Thébains, alliés forcés, les Lacédémoniens, au nom du traité d’Antalcidas, interviennent contre Olynthe accusée de vouloir nuire à l’autonomie des cités de Chalcidique. C’est ensuite le tour de Phlionte. Cette dernière tombe en 379 devant Agésilas, et Olynthe, à la fin de la quatrième expédition, acculée à la famine, demande finalement la paix à Agésipolis. L’ordre spartiate triomphe.
[27] Les Lacédémoniens avaient alors une situation brillante : les Thébains et le reste des Béotiens leur étaient entièrement soumis, les Corinthiens dévoués, les Argiens humiliés, depuis que le prétexte des mois sacrés leur était devenu inutile, les Athéniens abandonnés ; ils avaient, en outre, châtié leurs alliés infidèles : aussi paraissaient-ils avoir établi un empire glorieux et assuré.
Xénophon, Helléniques, V, 3, 27, trad. Eugène Talbot, 1859
La proposition d’Isocrate : une unité de la Grèce contre les Barbares perses
380. Isocrate, dans son Panégyrique, pousse les Grecs divisés depuis si longtemps à entreprendre ensemble une expédition contre les Barbares5. L’idée d’Isocrate, favorable à une unité de la Grèce6, est que l’harmonie entre les Grecs ne sera possible que lorsque les Athéniens et les Lacédémoniens cesseront de se disputer l’hégémonie. Il ajoute cependant que, s’il fallait qu’une seule cité possédât l’hégémonie, ce devait être Athènes en raison de son histoire glorieuse, de ses exploits guerriers et des services rendus à la cause grecque. Les vainqueurs de Salamine ont sauvé le monde grec. Il compare aussi la nature des deux hégémonies. D’après l’orateur la domination d’Athènes a laissé l’autonomie aux cités alliées, alors que Sparte les a livrées au Grand Roi devenu maître du jeu par l’intermédiaire de la Paix d’Antalcidas. L’éloge de la grandeur d’Athènes devient l’essentiel de l’argumentation d’Isocrate : il définit les droits d’Athènes à l’hégémonie et la nécessité de la guerre contre les Perses. L’opportunité d’une expédition commune contre les Perses est d’autant plus grande que ces derniers sont en situation de faiblesse et de décadence. Le montrent leurs échecs face aux Égyptiens, au roi de Chypre et aux Rhodiens malgré l’aide du stratège Conon. Il ne faut donc pas respecter les serments de la Paix du Roi, mais au contraire condamner les ambassadeurs responsables d’un traité honteux pour les Grecs. Ce discours est révélateur d’un état des choses : Athènes reprend confiance.
[115] Καὶ μὴν οὐδὲ τὴν παροῦσαν εἰρήνην, οὐδὲ τὴν αὐτονομίαν τὴν ἐν ταῖς πολιτείαις μὲν οὐκ ἐνοῦσαν, ἐν δὲ ταῖς συνθήκαις ἀναγεγραμμένην, ἄξιον ἑλέσθαι μᾶλλον ἢ τὴν ἀρχὴν τὴν ἡμετέραν. Τίς γὰρ ἂν τοιαύτης καταστάσεως ἐπιθυμήσειεν, ἐν ᾗ καταποντισταὶ μὲν τὴν θάλατταν κατέχουσιν, πελτασταὶ δὲ τὰς πόλεις καταλαμβάνουσιν, [116] ἀντὶ δὲ τοῦ πρὸς ἑτέρους περὶ τῆς χώρας πολεμεῖν ἐντὸς τείχους οἱ πολῖται πρὸς ἀλλήλους μάχονται, πλείους δὲ πόλεις αἰχμάλωτοι γεγόνασιν ἢ πρὶν τὴν εἰρήνην ἡμᾶς ποιήσασθαι, διὰ δὲ τὴν πυκνότητα τῶν μεταβολῶν ἀθυμοτέρως διάγουσιν οἱ τὰς πόλεις οἰκοῦντες τῶν ταῖς φυγαῖς ἐζημιωμένων· οἱ μὲν γὰρ τὸ μέλλον δεδίασιν, οἱ δ’ ἀεὶ κατιέναι προσδοκῶσιν. [117] Τοσοῦτον δ’ ἀπέχουσιν τῆς ἐλευθερίας καὶ τῆς αὐτονομίας, ὥσθ’ αἱ μὲν ὑπὸ τυράννοις εἰσὶν, τὰς δ’ ἁρμοσταὶ κατέχουσιν, ἔνιαι δ’ ἀνάστατοι γεγόνασιν, τῶν δ’ οἱ βάρβαροι δεσπόται καθεστήκασιν· οὓς ἡμεῖς διαβῆναι τολμήσαντας εἰς τὴν Εὐρώπην καὶ μεῖζον ἢ προσῆκεν αὐτοῖς φρονήσαντας οὕτω διέθεμεν [118] ὥστε μὴ μόνον παύσασθαι στρατείας ἐφ’ ἡμᾶς ποιουμένους, ἀλλὰ καὶ τὴν αὑτῶν χώραν ἀνέχεσθαι πορθουμένην, καὶ διακοσίαις καὶ χιλίαις ναυσὶν περιπλέοντας εἰς τοσαύτην ταπεινότητα κατεστήσαμεν ὥστε μακρὸν πλοῖον ἐπὶ τάδε Φασήλιδος μὴ καθέλκειν, ἀλλ’ ἡσυχίαν ἄγειν, καὶ τοὺς καιροὺς περιμένειν, ἀλλὰ μὴ τῇ παρούσῃ δυνάμει πιστεύειν.[119] Καὶ ταῦθ’ ὅτι διὰ τὴν τῶν προγόνων τῶν ἡμετέρων ἀρετὴν οὕτως εἶχεν, αἱ τῆς πόλεως συμφοραὶ σαφῶς ἐπέδειξαν· ἅμα γὰρ ἡμεῖς τε τῆς ἀρχῆς ἀπεστερούμεθα καὶ τοῖς Ἕλλησιν ἀρχὴ τῶν κακῶν ἐγίγνετο. Μετὰ γὰρ τὴν ἐν Ἑλλησπόντῳ γενομένην ἀτυχίαν ἑτέρων ἡγεμόνων καταστάντων ἐνίκησαν μὲν οἱ βάρβαροι ναυμαχοῦντες, ἦρξαν δὲ τῆς θαλάττης, κατέσχον δὲ τὰς πλείστας τῶν νήσων, ἀπέβησαν δ’ εἰς τὴν Λακωνικὴν, Κύθηρα δὲ κατὰ κράτος εἷλον, ἅπασαν δὲ τὴν Πελοπόννησον κακῶς ποιοῦντες περιέπλευσαν. [120] Μάλιστα δ’ ἄν τις συνίδοι τὸ μέγεθος τῆς μεταβολῆς εἰ παραναγνοίη τὰς συνθήκας τάς τ’ ἐφ’ ἡμῶν γενομένας καὶ τὰς νῦν ἀναγεγραμμένας. Τότε μὲν γὰρ ἡμεῖς φανησόμεθα τὴν ἀρχὴν τὴν βασιλέως ὁρίζοντες καὶ τῶν φόρων ἐνίους τάττοντες καὶ κωλύοντες αὐτὸν τῇ θαλάττῃ χρῆσθαι· νῦν δ’ ἐκεῖνός ἐστιν ὁ διοικῶν τὰ τῶν Ἑλλήνων καὶ προστάττων ἃ χρὴ ποιεῖν ἑκάστους καὶ μόνον οὐκ ἐπιστάθμους ἐν ταῖς πόλεσιν καθιστάς. [121] Πλὴν γὰρ τούτου τί τῶν ἄλλων ὑπόλοιπόν ἐστιν ; Οὐ καὶ τοῦ πολέμου κύριος ἐγένετο καὶ τὴν εἰρήνην ἐπρυτάνευσεν καὶ τῶν παρόντων πραγμάτων ἐπιστάτης καθέστηκεν ; Οὐχ ὡς ἐκεῖνον πλέομεν ὥσπερ πρὸς δεσπότην ἀλλήλων κατηγορήσοντες ; Οὐ βασιλέα τὸν μέγαν αὐτὸν προσαγορεύομεν ὥσπερ αἰχμάλωτοι γεγονότες ; Οὐκ ἐν τοῖς πολέμοις τοῖς πρὸς ἀλλήλους ἐν ἐκείνῳ τὰς ἐλπίδας ἔχομεν τῆς σωτηρίας, ὃς ἀμφοτέρους ἡμᾶς ἡδέως ἂν ἀπολέσειεν ; [122] Ὧν ἄξιον ἐνθυμηθέντας ἀγανακτῆσαι μὲν ἐπὶ τοῖς παροῦσιν, ποθέσαι δὲ τὴν ἡγεμονίαν τὴν ἡμετέραν, μέμψασθαι δὲ Λακεδαιμονίους ὅτι τὴν μὲν ἀρχὴν εἰς τὸν πόλεμον κατέστησαν ὡς ἐλευθερώσοντες τοὺς Ἕλληνας, ἐπὶ δὲ τελευτῆς οὕτω πολλοὺς αὐτῶν ἐκδότους τοῖς βαρβάροις ἐποίησαν, καὶ τῆς μὲν ἡμετέρας πόλεως τοὺς Ἴωνας ἀπέστησαν ἐξ ἧς ἀπῴκησαν καὶ δι’ ἣν πολλάκις ἐσώθησαν, τοῖς δὲ βαρβάροις αὐτοὺς ἐξέδοσαν ὧν ἀκόντων τὴν χώραν ἔχουσιν καὶ πρὸς οὓς οὐδὲ πώποτ’ ἐπαύσαντο πολεμοῦντες.[123] Καὶ τότε μὲν ἠγανάκτουν, ὅθ’ ἡμεῖς νομίμως ἐπάρχειν τινῶν ἠξιοῦμεν· νῦν δ’ εἰς τοιαύτην δουλείαν καθεστώτων οὐδὲν φροντίζουσιν αὐτῶν, οἷς οὐκ ἐξαρκεῖ δασμολογεῖσθαι καὶ τὰς ἀκροπόλεις ὁρᾶν ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν κατεχομένας, ἀλλὰ πρὸς ταῖς κοιναῖς συμφοραῖς καὶ τοῖς σώμασιν δεινότερα πάσχουσιν τῶν παρ’ ἡμῖν ἀργυρωνήτων· οὐδεὶς γὰρ ἡμῶν οὕτως αἰκίζεται τοὺς οἰκέτας ὡς ἐκεῖνοι τοὺς ἐλευθέρους κολάζουσιν.
[115] Cette paix fausse et simulée, cette indépendance consignée dans les traités, bannie des républiques, doit-on la préférer aux avantages dont jouissait la Grèce sous notre gouvernement ? Doit-on chérir une constitution où des pirates dominent sur les mers, où des soldats règnent dans les villes, [116] où les citoyens, au lieu de défendre leur pays contre des ennemis étrangers, se font une guerre cruelle dans leurs propres murs ; où l’on voit plus de villes prises et réduites en servitude qu’il n’y en eut jamais avant la paix ; où les révolutions sont si fréquentes, que le citoyen resté dans sa patrie est plus à plaindre que l’exilé, puisque le premier cesse de trembler pour l’avenir, tandis que l’autre vit du moins dans l’espérance du retour ? [117] Oh ! que les villes de la Grèce sont loin d’un état véritable de liberté et d’indépendance ! Les unes sont assujetties à des tyrans, les autres obéissent à des harmostes7, quelques-unes ont été ruinées de fond en comble, d’autres sont opprimées par les Barbares : ces Barbares qui, remplis de projets vastes, avaient osé passer en Europe ; mais qui, réprimés par la force de nos armes, [118] renoncèrent pour lors à de pareilles expéditions, et nous virent malgré eux ravager leur propre pays ; ces Barbares qui parcouraient nos côtes avec douze cents voiles, mais que notre valeur humilia tellement qu’il ne leur fut plus permis de passer le Phasélis avec un grand vaisseau, et que, restant dans l’inaction, n’augurant plus si avantageusement de leurs forces, ils se virent obligés d’ajourner leurs desseins à des temps plus favorables. [119] Ces heureux succès étaient dus à nos ancêtres ; nos malheurs en ont été la preuve. Du moment où nous cessâmes de commander dans la Grèce, les Grecs commencèrent à déchoir. Oui, aussitôt que nous eûmes essuyé une défaite sur l’Hellespont8, et que d’autres furent revêtus de l’empire dont nous étions dépouillés, les Barbares remportèrent une victoire navale, ils devinrent les maîtres de la mer, s’emparèrent de la plupart des îles, et, faisant une descente dans la Laconie, ils prirent de force l’île de Cythère, firent le tour du Péloponnèse, et le ravagèrent en entier9. [120] Pour se convaincre que tout a changé de face, il faut surtout comparer aux traités qui existent aujourd’hui ceux qui ont été faits lorsque nous avions le commandement. On verra qu’alors nous marquions les limites de l’Asie, que nous réglions certains tributs, que nous fermions les mers au roi de Perse. De nos jours, c’est ce monarque qui règle les affaires des Grecs, qui intime des ordres à chaque peuple, qui établit presque des gouverneurs dans les villes ; [121] car, à cela près, que ne fait-il pas d’ailleurs ? N’est-il pas l’arbitre de la guerre et de la paix, le maître absolu de toutes nos démarches ? N’allons-nous pas le trouver dans son palais comme notre juge souverain pour nous accuser les uns les autres ? ne l’appelons-nous pas le grand Roi, comme si nous étions ses esclaves ? et, dans nos guerres réciproques, n’est-ce pas sur lui que nous fondons l’espoir de notre salut, sur lui qui voudrait nous anéantir tous à la fois ? [122] Ces réflexions doivent faire réprouver la constitution actuelle et regretter notre gouvernement. On doit se plaindre de ce que les Lacédémoniens, qui d’abord avaient entrepris la guerre sous prétexte de mettre les Grecs en liberté, ont fini par assujettir le plus grand nombre aux Barbares ; on doit se plaindre de ce que, détachant de nous les Ioniens originaires de notre ville, qui plus d’une fois nous ont dû leur conservation, ils les ont livrés à ces mêmes Barbares, malgré lesquels ils se sont établis, avec lesquels ils n’ont jamais cessé d’être en guerre. [123] Ils nous avaient reproché d’exercer sur quelques villes grecques une autorité légitime ; et maintenant que celles d’Ionie gémissent sous la plus indigne servitude, ils n’en tiennent aucun compte ! Ce n’est pas assez pour les malheureux Ioniens10 de payer des tributs, et de voir leurs citadelles occupées par les Perses11 : outre ces disgrâces communes, ils éprouvent dans leurs personnes des traitements plus durs que n’en souffrent chez nous des esclaves achetés à prix d’argent. Nos esclaves, en effet, ne sont point traités par nous aussi durement que des hommes libres le sont par les Barbares.
Isocrate, Panégyrique, 115-123, Sophistes grecs. Choix de harangues, d’éloges funèbres, de plaidoyers criminels et civils, de dissertations de Prodicus, Périclès, Antiphon et de Maxime de Tyr, Paris, Lefèvre, 1842
La libération de Thèbes : un châtiment divin contre les prétentions de Sparte
379-378. La libération de Thèbes est, pour Xénophon (V, 4, 2-4), le premier châtiment des dieux qui n’oublient ceux qui violent les lois divines. L’harmoste, qui avait abandonné la citadelle sans attendre l’armée de secours, est exécuté. Cléombrote est envoyé à nouveau en Béotie. Il descend sur Platées qui est encore une alliée de Sparte. Une fois arrivé à Thespies il y laisse Sphodrias comme harmoste, avant de rentrer à Sparte dans des conditions particulièrement difficiles, ses soldats ne sachant pas s’ils étaient en guerre avec Thèbes ou non.
[17] ἀπιόντι γε μὴν ἄνεμος αὐτῷ ἐξαίσιος ἐπεγένετο, ὃν καὶ οἰωνίζοντό τινες σημαίνειν πρὸ τῶν μελλόντων. πολλὰ μὲν γὰρ καὶ ἄλλα βίαια ἐποίησεν, ἀτὰρ καὶ ὑπερβάλλοντος αὐτοῦ μετὰ τῆς στρατιᾶς ἐκ τῆς Κρεύσιος τὸ καθῆκον ἐπὶ θάλατταν ὄρος πολλοὺς μὲν ὄνους κατεκρήμνισεν αὐτοῖς σκεύεσι, πάμπολλα δὲ ὅπλα ἀφαρπασθέντα ἐξέπεσεν εἰς τὴν θάλατταν.
[17] À son retour, il fut assailli par un vent terrible, que quelques-uns interprétèrent comme un présage pour l’avenir. Ce vent, qui produisit beaucoup d’autres effets extraordinaires, surprit l’armée partie de Creusis, au moment où elle passait l’endroit près duquel la montagne longe la mer ; il y précipita beaucoup d’ânes avec leurs bagages, et fit voler dans la mer beaucoup d’armes arrachées aux soldats.
Xénophon, Helléniques, V, 4, 17, trad. Eugène Talbot, 1859
Quoi qu’il en soit, le Koinon béotien renaît sous la direction de Thèbes et adopte des institutions plus démocratiques. Les onze districts sont remplacés par sept. Le Conseil fédéral est remplacé par une Assemblée où peuvent siéger tous les Béotiens. Le rôle de cette dernière est d’élire les magistrats fédéraux, de voter les décrets et d’approuver les traités. Par ailleurs l’ensemble des Béotiens réunis en Assemblée, élisent directement les béotarques qui ont des fonctions militaires et de politique étrangère. Mais malgré ses apparences ce second Koinon béotien est, pour Thèbes, l’instrument de sa domination sur la Béotie. Quatre districts sur sept son directement contrôlés par Thèbes. Le siège de l’Assemblée est à Thèbes, les pièces de monnaie du Koinon sont frappées dans les ateliers de Thèbes, quant aux principaux chefs militaires ils sont thébains…
Voici, selon l’Anonyme des Helléniques d’Oxyrhynchos, l’organisation et le mode de fonctionnement de la première Confédération béotienne fondée à la fin du VIe siècle.
« À ce moment, la situation en Béotie était la suivante : il y avait dans chaque cité quatre boulai auxquelles tous les citoyens n’avaient pas accès, mais seulement ceux qui possédaient une certaine quantité de biens : chacun de ces conseils à tour de rôle préparait les projets de loi et les soumettait ensuite aux trois autres, et ce qui leur paraissait juste avait force de loi. Ainsi était organisée la constitution de chaque cité. Le Koinon des Béotiens était organisé de la façon suivante : tous ceux qui habitaient le pays étaient répartis en onze districts, et chacun de ces districts désignait un béotarque. Les Thébains contrôlaient quatre districts, deux pour la cité elle-même, deux pour les Platéens et les localités qui avaient à un moment quelconque formé une sympolitie avec eux, entre autres Skolos, Érythrai, Skaphai, et qui étaient maintenant tributaires de Thèbes. Les gens d’Orchomène et ceux d’Hysiai désignaient également deux béotarques, les Thespiens avec Entrésis et Thisbé, deux, les gens de Tanagra, un ; un béotarque était désigné par Haliarte, Lébadée et Coronée, un autre de la même manière par Acraiphia, Kopai et Chéronée. C’est donc de cette manière qu’étaient désignés les archontes. Chaque district désignait en outre soixante conseillers pour chaque béotarque auxquels était versée une indemnité quotidienne. Et chaque district devait également fournir un contingent militaire de mille hoplites et de cent cavaliers. Pour résumer, selon le nombre de ses archontes, chaque cité jouissait des biens communs, payait les contributions extraordinaires, désignait les juges fédéraux, et participait à toutes choses, bonnes ou mauvaises. Ainsi se gouvernait le peuple des Béotiens, ainsi que le conseil commun siégeait à la Cadmée. »
Helléniques d’Oxyrhynchos, XI, 4, trad. C. Mossé.
Épaminondas et Pélopidas sont les maîtres d’œuvre de la puissance militaire thébaine. Épaminondas est le génial inventeur de la phalange oblique, la fameuse attaque par l’aile gauche. Avec génie, il a placé à l’aile gauche, en « forme de proue », l’élite de ses guerriers et le fameux « bataillon sacré », tout en dérobant son aile droite à la gauche ennemie12. Il est même, un peu avant la bataille de Mantinée, à l’origine de la marine de guerre thébaine13.
Pour Polybe, ce n’est pas un système de gouvernement, un type de constitution qui sont à l’origine de la gloire et de la puissance de Thèbes, mais plutôt les qualités exceptionnelles, le mérite et l’action de deux stratèges : « la période qui vit la croissance, l’apogée et l’effondrement de la puissance thébaine coïncide manifestement avec le temps que durèrent les vies d’Épaminondas et de Pélopidas »14. Diodore fait, lui aussi, le même constat. Après l’éloge de Pélopidas (XV, 81), il affirme, plus loin, à propos d’Épaminondas, le rôle essentiel du stratège puisque que sa cité obtint « l’hégémonie en Grèce de son vivant et la [perdit] après sa mort »15.
Le fameux bataillon sacré des trois cents combattants d’élite est l’illustration de cette puissance militaire et des innovations dans le domaine stratégique et tactique.
[178e] εἰ οὖν μηχανή τις γένοιτο ὥστε πόλιν γενέσθαι ἢ στρατόπεδον ἐραστῶν τε καὶ παιδικῶν, οὐκ ἔστιν ὅπως ἂν ἄμεινον οἰκήσειαν τὴν ἑαυτῶν ἢ ἀπεχόμενοι πάντων τῶν αἰσχρῶν καὶ φιλοτιμούμενοι πρὸς [179a] ἀλλήλους· καὶ μαχόμενοί γ᾽ ἂν μετ᾽ ἀλλήλων οἱ τοιοῦτοι νικῷεν ἂν ὀλίγοι ὄντες ὡς ἔπος εἰπεῖν πάντας ἀνθρώπους.
[178e] Si donc il y avait moyen de former un État ou une armée d’amants et d’aimés, on aurait la constitution idéale, puisqu’elle aurait pour base l’horreur du vice et l’émulation du bien, [179a] et s’ils combattaient ensemble, de tels hommes, en dépit de leur petit nombre, pourraient presque vaincre le monde entier.
Platon, Le Banquet, 178e-179a, trad. Émile Chambry, Paris, 1922
Thèbes : une restauration qui inquiète
378. La restauration de la puissance thébaine, à laquelle les Athéniens ont sans doute contribué16, inquiète cependant Athènes aussi bien que Sparte. Après la subtile campagne diplomatique athénienne pour obtenir de nouvelles alliances, tout en évitant un conflit ouvert avec Sparte, le coup de force de Sphodrias au Pirée conduit nécessairement Athènes à la guerre contre les Lacédémoniens aux côtés de Thèbes. Pour Xénophon, Sphodrias aurait envahi l’Attique à l’instigation des Thébains qui avaient intérêt à rompre leur isolement face aux Spartiates.
[20] οἱ δ᾽ αὖ Θηβαῖοι καὶ αὐτοὶ φοβούμενοι, εἰ μηδένες ἄλλοι ἢ αὐτοὶ πολεμήσοιεν τοῖς Λακεδαιμονίοις, τοιόνδε εὑρίσκουσι μηχάνημα. πείθουσι τὸν ἐν ταῖς Θεσπιαῖς ἁρμοστὴν Σφοδρίαν, χρήματα δόντες, ὡς ὑπωπτεύετο, ἐμβαλεῖν εἰς τὴν Ἀττικήν, ἵν᾽ ἐκπολεμώσειε τοὺς Ἀθηναίους πρὸς τοὺς Λακεδαιμονίους. κἀκεῖνος πειθόμενος αὐτοῖς, προσποιησάμενος τὸν Πειραιᾶ καταλήψεσθαι, ὅτι δὴ ἀπύλωτος ἦν, ἦγεν ἐκ τῶν Θεσπιῶν πρῲ δειπνήσαντας τοὺς στρατιώτας, φάσκων πρὸ ἡμέρας καθανύσειν εἰς τὸν Πειραιᾶ. [21] Θριᾶσι δ᾽ αὐτῷ ἡμέρα ἐπεγένετο, καὶ οὐδὲν ἐντεῦθεν ἐποίησεν ὥστε λαθεῖν, ἀλλ᾽ ἐπεὶ ἀπετράπετο, βοσκήματα διήρπασε καὶ οἰκίας ἐπόρθησε. τῶν δ᾽ ἐντυχόντων τινὲς τῆς νυκτὸς φεύγοντες εἰς τὸ ἄστυ ἀπήγγελλον τοῖς Ἀθηναίοις ὅτι στράτευμα πάμπολυ προσίοι. οἱ μὲν δὴ ταχὺ ὁπλισάμενοι καὶ ἱππεῖς καὶ ὁπλῖται ἐν φυλακῇ τῆς πόλεως ἦσαν.
[20] De leur côté, les Thébains, redoutant leur faiblesse, s’ils étaient seuls à faire la guerre aux Lacédémoniens, recourent au moyen suivant. Us persuadent à force d’argent l’harmoste de Thespies, Sphodrias, de faire mine d’envahir l’Attique, pour amener par là une rupture entre les Athéniens et les Lacédémoniens. Sphodrias, docile à ces instructions, feint de vouloir s’emparer du Pirée, qui n’avait plus de portes. Il part le matin de Thespies avec ses soldats, après leur avoir fait prendre leur repas, et disant qu’il veut atteindre le Pirée avant le jour. [21] Mais le jour le surprend à Thria ; et là il ne cherche point à cacher sa route ; mais, prenant une autre direction, il enlève les troupeaux et pille les maisons. Quelques-uns de ceux qui l’avaient rencontré de nuit s’étaient enfuis à Athènes, et avaient annoncé aux Athéniens l’approche d’une armée formidable. Les Athéniens s’étaient donc armés en toute hâte, et cavaliers et hoplites veillaient à la garde de la ville.
Xénophon, Helléniques, V, 4, 20-21, trad. Eugène Talbot, 1859
La tentative de Sphodrias, dont l’échec semble presque voulu est, peut-être, selon l’interprétation de Diodore, une provocation des Spartiates liés par le traité d’Antalcidas, pour pousser Athènes à la guerre. Par ailleurs, à Athènes, les modérés qui menaient la cité ont laissé la place à des stratèges – parmi lesquels Timothée, le fils de Conon, et l’orateur Callistratos, neveu d’Agyrrhios17, dans l’entourage immédiat desquels se trouvent des hommes comme Iphicrate et Chabrias qui se sont illustrés au cours de la guerre de Corinthe – pour qui le retour à la politique d’hégémonie maritime est la garantie nécessaire à l’indépendance de la cité. La confusion provoquée dans les esprits par le coup de Sphodrias leur permet de persuader le peuple de les suivre dans leur politique impérialiste : la seconde Confédération en est la conséquence la plus visible.
[5] τοῖς δὲ Λακεδαιμονίοις καὶ τοῖς Ἀθηναίοις σπονδὰς πεποιημένοις ἐν τοῖς ἐπάνω χρόνοις συνέβαινε μένειν τὴν εἰρήνην μέχρι τῶνδε τῶν καιρῶν. μετὰ δὲ ταῦτα Σφοδριάδου τοῦ Σπαρτιάτου τεταγμένου μὲν ἐφ᾽ ἡγεμονίας, φύσει δ᾽ ὄντος μετεώρου καὶ προπετοῦς, ἔπεισεν αὐτὸν Κλεόμβροτος ὁ βασιλεὺς τῶν Λακεδαιμονίων ἄνευ τῆς γνώμης τῶν ἐφόρων καταλαβέσθαι τὸν Πειραιᾶ. [6] ὁ δὲ Σφοδριάδης ἔχων στρατιώτας πλείους τῶν μυρίων ἐπεβάλετο μὲν τῆς νυκτὸς καταλαβέσθαι τὸν Πειραιᾶ : καταφανὴς δὲ γενόμενος Ἀθηναίοις καὶ διαμαρτὼν τῆς ἐπιβολῆς ἄπρακτος ἐπανῆλθεν. κατηγορηθεὶς δ᾽ ἐν τῷ συνεδρίῳ τῶν Σπαρτιατῶν, καὶ συναγωνιστὰς ἔχων τοὺς βασιλεῖς, ἀδίκως ἀπελύθη. [7] διόπερ οἱ Ἀθηναῖοι χαλεπῶς φέροντες ἐπὶ τοῖς γεγονόσιν, ἐψηφίσαντο λελύσθαι τὰς σπονδὰς ὑπὸ Λακεδαιμονίων. κρίναντες δὲ πολεμεῖν αὐτοῖς, στρατηγοὺς τρεῖς εἵλαντο τοὺς ἐπιφανεστάτους τῶν πολιτῶν, Τιμόθεον καὶ Χαβρίανκαὶ Καλλίστρατον. ἐψηφίσαντο δὲ στρατιώτας μὲν ὁπλίτας καταλέξαι δισμυρίους, ἱππεῖς δὲ πεντακοσίους, ναῦς δὲ πληρῶσαι διακοσίας. προσελάβοντο δὲ καὶ τοὺς Θηβαίους ἐπὶ τὸ κοινὸν συνέδριον ἐπὶ τοῖς ἴσοις πᾶσιν. [8] ἐψηφίσαντο δὲ καὶ τὰς γενομένας κληρουχίας ἀποκαταστῆσαι τοῖς πρότερον κυρίοις γεγονόσι, καὶ νόμον ἔθεντο μηδένα τῶν Ἀθηναίων γεωργεῖν ἐκτὸς τῆς Ἀττικῆς. διὰ δὲ ταύτης τῆς φιλανθρωπίας ἀνακτησάμενοι τὴν παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εὔνοιαν, ἰσχυροτέραν ἐποιήσαντο τὴν ἰδίαν ἡγεμονίαν.
[5] Cependant la paix que les Lacédémoniens et les Athéniens avaient faite et jurée entre eux, subsistait encore au temps où nous sommes : lorsque le Spartiate Sphodriadès18 fut nommé général de leurs troupes. C’était un homme haut et violent, auquel Cléombrote un des rois de Lacédémone persuada, sans la communication des Éphores, d’aller attaquer le port du Pirée. [6] Sphodriadès à la tête de plus de dix mille hommes prit le temps de la nuit pour exécuter cette entreprise. Mais les Athéniens avertis la lui firent manquer si pleinement qu’il fut obligé de s’en revenir sans avait rien fait. On le cita même devant son Sénat : mais par la protection des deux rois, il fut absous contre toute règle. [7] C’est pour cela aussi que les Athéniens indignés de cette prévarication, décidèrent que le traité de paix avait été enfreint par les Lacédémoniens : et jugeant à propos de leur déclarer la guerre, ils nommèrent pour généraux les trois plus illustres de leurs citoyens Timothée19, Chabrias20 et Callistratos21. On résolut de leur donner vingt mille hommes d’infanterie, cinq cents cavaliers et deux cents vaisseaux de guerre. Ils firent d’abord entrer les Thébains sur le même pied que les autres villes, dans ce Conseil général dont nous avons parlé plus haut. [8] Ils y réglèrent que toutes les terres seraient rendues aux propriétaires à qui elles étaient anciennement échues par le sort, et de plus ils firent un décret par lequel, il était défendu à tout Athénien de posséder un pouce de terre hors de l’Attique.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XV, 29, 5-8, trad. abbé Jean Terrasson
Sphodrias, mis en jugement, est effectivement acquitté par le Conseil des Anciens. La réaction athénienne est, en tout cas, surprenante et son redressement, comme on va s’en rendre compte, spectaculaire.