- Le Pont du Gard n’est qu’une partie émergée de l’aqueduc de Nîmes, long de 50 kilomètres ! C’est l’aqueduc le plus long de l’Antiquité après celui de Carthage (132 kilomètres). En fait, la plus grande partie de l’aqueduc (90 %) est enterrée, donc non visible. Seuls 19 éléments de l’aqueduc sont aériens. En effet, cet aqueduc comprend 17 ponts et 3 tunnels, et pas seulement le pont du Gard – même si c’est le plus connu – qui enjambe le Gardon, large de 25 mètres !
- Le mot « aqueduc » est formé des mots latins aqua (eau) et duco (mener, conduire) : il a donc pour fonction de mener l’eau d’un point A à un point B. L’aqueduc de Nîmes prend sa source au pied d’Uzès, et sert à alimenter la ville de Nîmes jusqu’à un bassin appelé le castellum.
- L’eau met un peu plus de 24 heures pour parcourir les 50 kilomètres de l’aqueduc. L’eau courante est déjà considérée, dans l’Antiquité, comme un bien rare et précieux, comme un symbole de luxe.
- L’aqueduc est construit vers 50 après J.-C., sous les empereurs Claude ou Néron, par décision des édiles nîmois, à une période où la cité est en plein essor. Sa construction a duré environ quinze ans et coûté cent millions de sesterces, l’équivalent approximatif de 46 millions d’euros aujourd’hui ! Pour réunir cette somme colossale, tout le monde a été mis à contribution : le peuple a payé davantage d’impôts, les riches notables ont fait des dons, l’empereur a pioché dans les fonds impériaux.
Un monument exceptionnel sur le plan technique
La ville de Nemausus est en plein essor au Ier siècle après J.-C. : c’est pourquoi elle décide de se doter, comme son modèle, la capitale Rome, d’un aqueduc. En effet, la source et les puits de Nîmes ne suffisent pas à alimenter la cité, d’où la nécessité d’amener de l’eau de l’extérieur. En outre, l’eau est un symbole de puissance et d’hygiène : elle permet de drainer le réseau d’égouts de la cité, de lutter contre les incendies, et de développer l’artisanat urbain, notamment les blanchisseries. Enfin, c’est un symbole de plaisir : posséder un aqueduc participe du prestige de la cité pour alimenter les thermes, bains, jardins et fontaines de la ville. Il faut donc trouver une source abondante, étudier le terrain, calculer la pente…
Construit au Ier siècle après J.-C., l’aqueduc de Nîmes s’étend sur 50 kilomètres (20 à vol d’oiseau) : il évite les accidents de terrain par des sinuosités, des ponts, des tranchées dans la roche, des tunnels. Cet aqueduc contient dix-sept ponts qui permettent de franchir l’obstacle des vallées, le pont du Gard étant le plus important. De plus, trois tunnels sont percés pour que l’eau passe d’un flanc d’une colline à l’autre. La canalisation de l’aqueduc possède une largeur constante de 1,35 mètre et est intégralement recouverte d’un enduit de mortier de chaux.
L’aqueduc de Nîmes prend sa source au pied d’Uzès, dont le point exact est inconnu, à une altitude de 71,25 mètres et sert à alimenter la ville de Nîmes, à une altitude de 58,95 mètres. Le débit d’eau moyen de l’aqueduc est important : il correspond à celui des sources d’Eure et de Plantéry, près d’Uzès, soit 40 000 m3 par jour soit 400 litres par seconde ! Afin de permettre l’acheminement de l’eau sans détruire les canalisations, la pente moyenne de l’aqueduc est de 25 centimètres par kilomètre soit de 0,4 %. Pour pouvoir obtenir une pente d’une telle précision, on utilise un chorobate, équivalent d’un niveau actuel. Après avoir dessiné le profil du terrain, il faut vérifier que le fil à plomb coïncide avec le repère d’aplomb (ou ligne de foi) : ainsi le chorobate est à l’horizontale. La mire permet de mesurer la hauteur entre le sol et la ligne imaginaire donnée par l’horizontale du chorobate.
Le pont du Gard est le plus haut pont romain connu : il mesure 49 mètres de haut et 490 mètres de long. Pour le construire, il a fallu l’intervention de 500 hommes environ pour le seul pont du Gard pendant cinq ans environ, sachant que la construction de l’ensemble de l’aqueduc a été effectué par plus de 1000 hommes pendant environ quinze ans. Le poids total du pont est évalué à 50 000 tonnes et son volume total à 20 000 m3, soit l’équivalent du volume solide de la Tour Eiffel. Le pont est constitué de trois arches superposées :
- À l’étage inférieur : 6 arcs de 142 mètres de long, 22 mètres de haut et 6 mètres de large.
- À l’étage intermédiaire : 11 arcs de 242 mètres de long, 20 mètres de haut et 5 mètres de large.
- À l’étage supérieur : 47 arceaux, dont 12 sont détruits, de 490 mètres de long, 7 mètres de haut et 3 mètres de large.
Les trois étages du pont relèvent de deux techniques de construction :
- Aux étages inférieur et intermédiaire : il s’agit de grand appareil fait d’énormes blocs de pierre assemblés sans mortier. Certains blocs pèsent jusqu’à six tonnes. Pour les hisser, on utilise une chèvre, sorte de grue qui fonctionnait avec des roues actionnées par des hommes.
- À l’étage supérieur : il s’agit de petit appareil fait de blocs plus petits, construits, la plupart du temps, à sec, c’est-à-dire sans mortier.
Le chantier est très animé car il nécessite l’intervention de plusieurs corps de métier : architecte, bûcheron, charpentier, chaufournier (celui qui prépare la chaux), chef d’équipe, forgeron, ingénieur, légionnaire, maçon, manœuvre, tailleur de pierre…
Pour la construction du pont et de l’aqueduc, on s’approvisionne à 600 mètres en aval du pont sur la rive gauche de l’Estel : la carrière du Gardon fournit les blocs de pierres qui sont transportés par voie d’eau et par voie terrestre selon la localisation du chantier. Les matières premières utilisées sont trouvées sur place : bois, calcaire, eau, gravillons, pierre, sable ; elles permettent de fabriquer des matériaux transformés comme la chaux, le mortier ou la terre cuite.
L’histoire du Pont du Gard
- Au début du VIe siècle après J.-C. : l’ouvrage est définitivement abandonné au moment des invasions des Francs et des Wisigoths ; la conduite commence à servir de carrière de pierres pour la construction d’autres bâtiments.
- Vers le XIIe siècle : les douze premières arches du troisième étage sont prélevées pour servir à la construction d’églises et d’édifices environnants. Le passage supérieur du pont, plus large mais plus dangereux, est fermé.
- Au XIIIe siècle : dans un document de 1295, le Pons du Gartio est mentionné à propos d’un droit de péage que le roi de France, Philippe le Bel, cède au seigneur d’Uzès en échange de la baronnie de Lunel.
- Au XIVe siècle : pour faciliter la route vers Beaucaire, où se déroule une célèbre foire, on aménage sur le pont un meilleur passage pour les charrettes, on construit des rampes d’accès et on rénove les piles du deuxième étage côté Ouest.
- Au XVe siècle : à la suite d’une forte crue du Gardon lors de l’hiver 1429-1430, le roi Charles VII demande aux États du Languedoc de faire réparer l’édifice fortement endommagé.
- Au XVIe siècle : le pont du Gard est mentionné sur la carte de Charles de l’É’cluse comme un ouvrage « admirable ».
- Au XVIIe siècle : les compagnons du Tour de France prennent l’usage de graver leur noms et insignes sur le pont lors de leur passage : on compte aujourd’hui plus de 320 marques de ce genre ! À la fin du siècle, d’importants travaux de restauration sont entrepris pour réparer les dégâts causés par la fréquentation importante de l’ouvrage.
- Au XVIIIe siècle : entre 1743 et 1747, les États du Languedoc font construire un pont routier accolé au pont-aqueduc ; la carrière de l’Estel est de nouveau utilisée.
- Au XIXe siècle : en 1840, Prosper Mérimée, premier inspecteur des Monuments Historiques, fait inscrire le pont du Gard sur la liste des monuments à rénover en priorité. Les travaux se déroulent de 1842 à 1846 puis de 1855 à 1859.
- Au XXe siècle : le site est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1985.
Ce qu’en dit Vitruve :
Ductus autem aquae fiunt generibus tribus : rivis per canales structiles, aut fistulis plumbeis, seu tubulis fictilibus : quorum hae sunt rationes. Si canalibus, ut structura fiat quam solidissima, solumque rivi libramenta habeat fastigata ne minus in centenos pedes semipede, eaeque structurae conformicentur, ut minime sol aquam tangat : quumque venerit ad moenia, efficiatur castellum, et castello coniunctum ad recipiendum aquam triplex immissarium, collocenturque in castello tres fistulae aequaliter divisae intra receptacula coniuncta, uti quum abundaverit ab extremis, in medium receptaculum aqua redundet.
On peut conduire les eaux de trois manières, ou par des aqueducs en maçonnerie, ou par des tuyaux de plomb, ou par des tuyaux en poterie. Si l'on fait usage de la première manière, la construction devra être d'une grande solidité, et l'on fera couler l'eau sur un lit dont la pente sera d'un demi-pied au moins sur une longueur de cent pieds ; cet aqueduc sera voûté, afin que l'eau ne soit point exposée à l'action du soleil. Quand il sera arrivé auprès des murailles de la ville, on construira un bassin près duquel on placera trois réservoirs. De ce bassin, trois robinets seront disposés sur la même ligne au-dessus des réservoirs, de manière que si l'eau vient à être trop abondante dans ceux des extrémités, elle puisse tomber dans celui du milieu.
Vitruve, De architectura, VIII, 7,1