Calypso, nymphe puissante et mystérieuse

Pistes pour la classe

  • Les amours entre dieux et mortels
  • Le voyage : ses découvertes et ses périls
  • L'anthropomorphisme des dieux grecs et latins

Calypso est un personnage emblématique de l’Odyssée d’Homère : en retenant Ulysse sept ans sur son île, elle retarde considérablement le retour du héros dans sa patrie, Ithaque. Sa personne et son statut paradoxal ont inspiré de nombreuses réflexions et représentations : elle est une nymphe puissante car divine, mais incapable de gagner le coeur de l’homme qu’elle aime.

Ulysse rencontre Calypso alors que son périple est déjà bien initié : il a déjà surmonté de nombreux obstacles, survécu aux Sirènes, à Circé, à Polyphème. Mais après l’épisode des bœufs du Soleil, son embarcation subit une terrible tempête, la seconde depuis son départ de Troie. Le vaisseau est totalement détruit. Seul Ulysse échappe à la mort et échoue sur les rives de l’île où réside Calypso. La nymphe tombe immédiatement amoureuse du héros qu’elle a sauvé, le garde auprès d’elle et va jusqu’à lui offrir la jeunesse éternelle à ses côtés. Mais Ulysse, qui pleure sa Pénélope perdue, finit par repartir après sept ans. Athéna, son soutien indéfectible chez les dieux, a en effet obtenu que Zeus envoie Hermès porter son message : le père des dieux demande à la nymphe de renvoyer Ulysse : son destin n’est pas de demeurer à ses côtés. Calypso se voit forcée d’accepter et aide Ulysse à prendre à nouveau la mer. Il atteindra alors la terre des Phéaciens, dernière étape avant son retour à Ithaque.

Qui est Calypso chez Homère ?

Fille d’Atlas selon Homère, son nom vient du grec καλύπτω, verbe qui signifie « cacher ». Rien d’étonnant à ce qu’elle habite une île perdue au milieu des mers, Ogygie, île que les Anciens associaient soit à Ogilos, entre le Péloponnèse et la Crète, soit aux îles dans les parages de Crotone et du cap Lacinion. Homère appelle Ogygie « l’île aux deux rives » ou encore le « nombril des mers ». Sur cette île, Calypso loge dans de grandes cavernes creuses (μέγα σπέοϛ, 5, 57 ; ἐν σπέεσι γλαφυροῖσι, 5, 155) qu’Homère appelle aussi parfois « palais ». Ces cavernes sont ceintes d’un magnifique jardin. Notre regard y accède en même temps que celui d’Hermès au chant 5 de l’Odyssée : on nous décrit un bois d’aunes, de peupliers, de cyprès, où habitent des oiseaux de terre et de mer, puis des vignes luxuriantes, garnies de grappes et quatre sources qui s’écoulent à travers des prairies où verdoient persil et violettes. Et même si ce jardin reste somme toute parfaitement humain, sans plantes ou animaux magiques, Hermès reste quelques instants subjugué devant ce locus amoenus exceptionnel :

ἔνθα κʹἔπειτα καὶ ἀθάνατόϛ περ ἐπελθὼν
θηήσαιτο ἰδὼν καὶ τερφθ́είν φρεσὶ ᾖσιν.

Dès l’abord en ces lieux, il n’est pas d’Immortel qui n’aurait eu les yeux charmés, l’âme ravie (Odyssée, 5, 74).

Une nymphe divine, belle et puissante

La présentation de Calypso dans l’Odyssée est assez ambivalente. Le texte insiste sur sa divinité : elle est une « nymphe auguste » (νύμφη πότνια, 1, 14), « divine parmi les déesses » (δῖα θεάων, 1, 14). On souligne sa beauté, notamment sa beauté capillaire : elle est la « nymphe aux belles boucles » (Νύμθῃ εὐπλοκάμῳ, 5, 30) ou « bien coiffée » (ἠϋκόμοιο, 8, 452). Mais c’est aussi un personnage décrit comme rusé, parfois perfide (δολόεσσα, 7, 245). Quand elle annonce sa décision de le laisser partir à Ulysse, celui-ci commence d’ailleurs par se méfier, faisant preuve de sa fameuse intelligence rusée, la mêtis. Calypso est aussi présentée comme dangereuse et terrible (δεινὴ θεόϛ 7, 246). Sa puissance se manifeste quand elle fait souffler les brises au départ d’Ulysse.

Cette puissance est sûrement ce qui lui permet de retenir Ulysse si longtemps sur son île. À plusieurs reprises, le texte homérique souligne que le héros ne reste que par nécessité (ἀνάγκῃ, 5, 154), parce qu’elle le garde : on trouve ainsi les verbes ρύκω qui signifie « retenir de force » (1, 14 ) ou encore ἴσχω, que l’on traduit par « garder ». Cette nécessité est liée à l’envie impérieuse qu’a la nymphe d’en faire son époux (λιλαιομένη πόσιν εἶναι, 1, 15). Malgré lui, Ulysse la rejoint donc chaque nuit dans ses cavernes car quand les deux volontés s’affrontent, c’est la nymphe qui l’emporte, ce que montre bien l’expression au vers 155 du chant 5 : οὐκ ἐθέλων ἐθελούσῃ ([il se rend] auprès d’elle qui le veut, alors qu’il ne veut pas).

Les limites de la divinité

La puissance et la divinité de Calypso ne lui permettent tout de même pas de s’opposer aux volontés du père des dieux. Auprès d’Hermès, elle tente pourtant de défendre son avenir avec Ulysse. Se comparant aux autres déesses amoureuses, à Aurore qui a aimé Orion, à Déméter qui a aimé Iason, elle dénonce l’injustice des dieux à leur égard. Quand une déesse aime, on s’empresse de lui enlever l’objet de son amour ! Calypso évoque aussi tout ce qu’elle a fait pour Ulysse : elle l’a accueilli, nourri, lui a promis de vivre éternellement jeune à ses côtés. Ce serait juste qu’elle puisse le garder auprès d’elle ! Mais Hermès lui rappelle que le courroux de Zeus est terrible ; elle n’a alors pas d’autre choix que de laisser partir Ulysse. Elle l’aide ainsi à construire son radeau, fournissant tout le nécessaire, lui donne des vivres et fait souffler une brise tiède. C’est avec douceur qu’elle le laisse repartir.

La puissance de Calypso est aussi limitée par les mystères du coeur humain. L’amour d’Ulysse, malgré tous ses efforts, reste entièrement dévoué à la sage Pénélope. Même si le héros admet que sa mortelle épouse serait à côté de la nymphe sans grandeur, ni beauté, c’est pourtant bien vers elle qu’il désire à tout prix rentrer. La force de ce désir apparaît dans la tristesse et le désespoir qu’il montre chez Calypso. Il verse de chaudes larmes (θαλερὸν κατὰ δάκρυ χέοντα, 4, 556) tout en désirant à tout prix rentrer auprès de son épouse (νόστου κεχρημένον ἠδὲ γυναικός, 1, 13). Cette posture pathétique que prend Ulysse est évoquée à plusieurs reprises dans l’Odyssée et c’est ainsi que le trouve Hermès lorsqu’il arrive chez Calypso :

ἀλλ’ ὅ γ’ ἐπ’ ἀκτῆς κλαῖε καθήμενος, ἔνθα πάρος περ,
δάκρυσι καὶ στοναχῇσι καὶ ἄλγεσι θυμὸν ἐρέχθων.

Il pleurait sur le cap, le héros magnanime, assis en cette place où chaque jour les larmes, les sanglots, le chagrin lui secouaient le cœur, promenant ses regards sur la mer inféconde et répandant des larmes. (Odyssée, 5, 82-83)

Une nymphe qui garde un aspect humain ?

Malgré les caractéristiques divines de Calypso, Hermès la trouve assise auprès de son foyer. Elle chante de sa belle voix et tisse à son métier. Calypso nous apparaît dans une posture très humaine mais la navette du métier est d’or et cette activité est aussi celle des reines telles que Pénélope, épouse d'Ulysse et reine d'Ithaque.

Au premier abord, Calypso ne semble même pas avoir de servante puisque c’est elle-même qui sert Hermès à son arrivée, qui porte au navire d’Ulysse ce dont il a besoin. Le seul indice de son statut se trouve au vers 199 du chant 5, où des femmes la servent à table : «  τῇ δὲ παρ᾽ ἀμβροσίην δμῳαὶ καὶ νέκταρ ἔθηκαν » (ses femmes lui donnèrent ambroisie et nectar). Ce personnage assez ambigu, dans sa puissance divine, conserve une part d’humanité.

Et Calypso chez d’autres auteurs antiques ?

Chez Hésiode, dans la Théogonie, Calypso est une fille de Téthys et d’Océan. Dans la suite de l’œuvre, on apprend que, divine entre les déesses, elle donne à Ulysse deux fils : Nausithoos et Nausinoos. On remarquera la place importante du mot ναῦϛ, « navire » en grec, dans la constitution de ces deux noms.

Chez le pseudo-Hésiode, elle aurait eu une liaison avec Hermès, liaison à la source de la race des Céphalléniens. Enfin dans la Bibliothèque du pseudo-Apollodore, elle est présentée comme une Néréide, fille de Nérée et de Doris. Mais il s’agit peut-être d’un homonyme, car plus loin dans l’œuvre une autre Calypso est définie comme fille d’Atlas.

Et dans d’autres œuvres ?

Le personnage de Calypso a fasciné beaucoup de peintres et d’auteurs. Elle a donc une postérité très importante, apparaissant aussi bien dans les Aventures de Télémaque de Fénelon, au XVIIe siècle, que dans le pastiche du même titre d’Aragon, que dans le Télémaque travesti de Marivaux, ou encore dans Neuf nuits en compagnie de Calypso de l’écrivain tunisien Tahar Guiga. C’est aussi un personnage des romans récents de Rick Riordan, qui a notamment écrit le cycle des Percy Jackson. Elle a aussi donné son nom à un poème symphonique d’Adrien Rougier et à un personnage de sorcière dans Pirates des Caraïbes. Calypso sait trouver une place dans des modes de narration et des époques très divers.

Dans la peinture, on peut citer le tableau Ulysse et Calypso de Jan Brueghel l’Ancien, datant de 1616, ou encore le Ulysse et Calypso de Arnold Böcklin, qui représente en 1883 Ulysse pleurant sur le cap tandis que la nymphe l’attend dans ses cavernes.

Ce qu’en dit Homère :

 

τὸν δ’ οἶον, νόστου κεχρημένον ἠδὲ γυναικός,
νύμφη πότνι’ ἔρυκε Καλυψώ, δῖα θεάων,
ἐν σπέεσι γλαφυροῖσι, λιλαιομένη πόσιν εἶναι.

 

Cet homme seul, désirant le retour et sa femme,
La nymphe divine, Calypso, le retient, divine entre les déesses,
Dans ses cavernes creuses, brûlant d’en faire son époux.

 

Homère, Odyssée, 1, 14.

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