Un mot illustré : Note sur le langage des Précieuses

Après l’exubérance du français de la Renaissance qui accueillait tous les mots, vieux, dialectaux, techniques, de composition simple, dérivés ou composés, la tendance générale est, au XVIIe siècle, à la simplification et à la purification de la langue : le français classique est en train de se constituer au fil des remarques de grammairiens comme Vaugelas en particulier. Mais des modes interfèrent et des excès contribuent à faire de la langue des salons une langue précieuse dont Molière se moque dans Les Précieuses ridicules. Pourtant ce mouvement a contribué à enrichir la langue, une fois tombées en désuétude les expressions excessives.

Répondant à un souci moral – bienséances, noblesse, distinction... – et littéraire – pureté du style, propriété des termes... – pour s’exprimer de manière juste et originale, les précieuses ont créé des néologismes que nous employons encore : « s’encanailler, féliciter, s’enthousiasmer, bravoure, anonyme, incontestable, pommade, hardi... » et ont contribué à donner une définition précise aux mots, en s’attachant à leur propriété : « on aime une personne, mais on goûte le melon ou l’on estime un plat ».

Si Michel de Pure dans La Précieuse (1656-1658) ou encore Antoine Baudeau de Somaize dans ses ouvrages (notamment le Grand Dictionnaire des Prétieuses ou la Clef de la langue des ruelles, Paris, 1660), ou encore Molière dans ses pièces, ont critiqué, à juste raison, l’emploi de mots vagues (« le bon air »), de superlatifs (« furieusement, du dernier galant »), de périphrases et de métaphores outrées (par exemple : « le supplément du soleil » pour la chandelle ou « les commodités de la conversation » pour le fauteuil, « les écluses du cerveau » pour le nez...) afin de supprimer des mots trop populaires ou considérés comme vulgaires parce qu’ils contiennent une syllabe sale, on ne peut nier que la langue précieuse n’ait été inventive et que nous en ayons hérité de nombreuses expressions : « travestir sa pensée, châtier la langue, un billet doux, être brouillé avec quelqu’un, avoir de l’esprit, perdre son sérieux, briller dans la conversation, etc. ».

On doit aussi aux Précieux un projet de simplification de l’orthographe dont nombre de rectifications ont été retenues par le dictionnaire de l’Académie française : « autheur » devint « auteur » ; « respondre » s’écrivit « répondre » ; « aisné » se transforma en « aîné », etc.

Ce ne fut qu’une mode, comme tous les siècles en comportent, mais qui a pris de la notoriété dans la mesure où la littérature et la langue lui ont accordé place et résonance.

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