Dossier élaboré par
Cécile Daude
Paulette Garret
Sylvie Pédroaréna
Brigitte Planty
Gilles Roussel
Sous la direction de Sylvie David
705 Postquam evocavit omne serpentum genus,
congerit in unum frugis infaustae mala :
quaecumque generat invius saxis Eryx,
quae fert opertis hieme perpetua jugis
sparsus cruore Caucasus Promethei,
710 et quis sagittas divites Arabes linunt
pharetraque pugnax Medus aut Parthi leves,
aut quos sub axe frigido sucos legunt
lucis Suebae nobiles Hyrcaniis,
quodcumque tellus vere nidifico creat
715 aut rigida cum jam bruma discussit decus
nemorum et nivali cuncta constrinxit gelu,
quodcumque gramen flore mortifero viret,
dirusve tortis sucus in radicibus
causas nocendi gignit, attrectat manu.
720 Haemonius illas contulit pestes Athos,
has Pindus ingens, illa Pangaei jugis
teneram cruenta falce deposuit comam ;
has aluit altum gurgitem Tigris premens,
Danuvius illas, has per arentes plagas
725 tepidis Hydaspes gemmifer currens aquis,
nomenque terris qui dedit Baetis suis
Hesperia pulsans maria languenti vado.
Haec passa ferrum est, dum parat Phoebus diem,
illius alta nocte succisus frutex,
730 at hujus ungue secta cantato seges.
Mortifera carpit gramina ac serpentium
saniem exprimit miscetque et obscenas aves :
maestique cor bubonis et raucae strigis
exsecta vivae viscera. Haec scelerum artifex
735 discreta ponit ; his rapax vis ignium,
his gelida pigri frigoris glacies inest.
Addit venenis verba non illis minus
metuenda. Sonuit ecce vaesano gradu
canitque. Mundus vocibus primis tremit.
Après avoir évoqué toute l'espèce des serpents, elle rassemble en un seul tas les puissances maléfiques de plantes funestes, toutes celles que produit sur ces rochers l’inaccessible Éryx, celles qui poussent sur les sommets couverts de neiges éternelles du Caucase, éclaboussé du sang de Prométhée, celles dont enduisent leurs flèches les riches Arabes, les Mèdes belliqueux, ceints de leurs carquois ou les Parthes rapides : tous ces sucs que, sous leur ciel glacé, recueillent les femmes Suèves de haute naissance dans les bois d’Hyrcanie ; tout ce qu'engendre la terre au printemps bâtisseur de nids, ou lorsque déjà l'hiver implacable a ôté aux bois leur parure glorieuse et a enchaîné toute chose dans ses entraves glacées ; toutes les plantes qui donnent des fleurs vénéneuses, toutes celles dont le suc redoutable contenu dans leurs racines tordues a des effets mortels, toutes, elle les tient dans ses mains. L’Athos hémonien fournit des herbes vénéneuses, le gigantesque Pinde en livre aussi ; une autre herbe, sur les cimes du Pangée, a été dépouillée de son tendre feuillage par une faux sanglante ; d'autres ont été nourries par le Tigre qui s’enfonce dans des gorges profondes, d’autres par le Danube, d’autres par l’Hydaspe parsemé de pierres précieuses, dont les eaux tièdes courent au travers de régions arides, d'autres encore par le Bétis qui a donné son nom aux pays qu’il baigne, battant la mer d’Hespérie de ses eaux nonchalantes. Ces plantes ont senti les effets du couteau, tandis que Phébus préparait le lever du jour : la pousse d’une autre a été tranchée à minuit ; une autre encore a été coupée par l’ongle de la magicienne. Elle broie les herbes mortifères, presse le venin des serpents, y mêle les charmes d’oiseaux de mauvais augure, le cœur d'un sombre hibou, les viscères d’une strige au cri rauque découpée vivante. Maîtresse en l'art des crimes, elle range en tas séparés ces maléfices: certains possèdent la force dévorante du feu, d’autres la froideur paralysante de la glace. Elle ajoute à ces poisons des mots qui ne sont pas moins terribles. Mais écoutez: elle fait résonner son pas dément et elle chante ses incantations. Le monde tremble aux premières paroles de son chant.
(éd. texte latin, Fr.-R. Chaumartin, CUF, 1996)