L'esclavage à Rome sous l'Empire

Bibliographie

L'esclavage à Rome et dans l'Empire romain
(résumé de H. WALLON, op. cit. p. 451 sq.)

DUMONT J.-C., Le décor de Trimalcion, In : Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 102, N°2.
1990. pp. 959-981.

SCHMIDT J., Vie et mort des esclaves dans la Rome antique, Albin Michel, 1973, 2003

Bande dessinée : MARTIN J., L'enfant grec, Casterman, 1993

Avec l'Empire, le monde romain évolue : l'urbanisation devient plus importante ; les conquêtes étendent au loin les lois de l'empire ; de grands domaines agricoles se développent. Ces phénomènes conduisent àune administration puissante qui va, en grande partie, être assurée  d'ailleurs par les esclaves et les affranchis. En même temps, dans un certain nombre de maisons, les esclaves sont innombrables et l'on affiche aussi sa richesse en montrant des esclaves "rares" qui sont considérés comme des objets de luxe.

Le marché aux esclaves

Avec les conquêtes permanentes, les marchés se sont développés à Rome. La profession de vendeur d'esclaves est sans doute méprisée, mais il y a aussi des spécialistes, prêts à contenter les connaisseurs auxquels des esclaves de choix sont réservés.

Mamurra passe en revue de tendres esclaves et les mange
des yeux, non pas ceux qui sont exposés sur le devant des
boutiques, mais ceux qu'on tient en réserve dans des loges
cachées de l'estrade et que ne voient ni le peuple ni la
tourbe des gens comme moi.

Martial, IX, 60

Plaisanterie à part, je trouve assez bonne mine aux esclaves qui m'ont été achetés sur vos indications ; il s'agit maintenant qu'ils soient honnêtes ; sur ce point il vaut mieux, quand on les achète, s'en rapporter à ses oreilles qu'à ses yeux. Adieu.

 Pline le Jeune, Lettres, I, 21

Ainsi Antoine achète fort cher un couple de jumeaux (Pline l'Ancien, Histoire naturelle, VII, 10, 5-6).

Certains marchands n'hésitaient pas à recourir à quelques tricheries pour vendre plus cher leurs esclaves et pour les faire paraître plus jeunes ou plus gras.

Les marchands d'esclaves, pour empêcher le poil des adolescents de venir trop tôt, emploient le sang des testicules des agneaux qu'on châtre. Ce sang, appliqué après l'avulsion des poils, ôte aussi la mauvaise odeur de ces parties.

Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXX, 13, 1 

Voir aussi Pline l'Ancien, Histoire naturelle XXXII, 47, 7 ; XXIV, 22, 3

Sénèque nous rappelle la prudence dont doit faire preuve l'acheteur.

Irai-je m’indigner si quelque brocanteur du temple de Castor ne me salue pas par mon nom, lui, l’un de ces hommes qui vendent et achètent de méchants esclaves, et dont les boutiques sont pleines de valets de la pire espèce ?

Sénèque, De constantia sapientis, 13,4

Voir aussi Sénèque, Lettres à Lucilius, 80, 9


On admet généralement que, sous la République, le prix moyen d'un esclave est de 2000 sesterces. Mais certains valent beaucoup plus cher et, sous l'Empire, les prix flambent ! De 100 000 sesterces pour un esclave lettré à 500 000 sesterces pour un eunuque. À titre de comparaison, la solde annuelle d’un soldat, sans les primes occasionnelles, varie de 900 à 1600 sesterces (soit de 225 à 400 deniers).

Mais les vicarii (esclaves d'esclaves) valent de 5 à 8 aurei (moins de 1000 sesterces).


La vente des esclaves est soumise à deux sortes de taxes :

  • la taxe d'importation (portorium). Cet impôt qui touchait tous les esclaves qu'on importait était de 1/8 pour les eunuques et de 1/40 pour les autres. L'estimation était faite par les publicains.
  • l'impôt sur la vente (vectigal) à partir d'Auguste était de 1/50 ou de 1/25. Payé d'abord par l'acheteur, il fut ensuite à la charge du vendeur, puis rétabli, comme sous Néron : " Le vingt-cinquième dû sur les achats d'esclaves fut supprimé, suppression plus apparente que réelle ; car le vendeur, obligé de payer cet impôt, élevait d'autant le prix de la vente." Tacite, Annales, XIII, 31 (traduction J.-L. Burnouf, Paris, 1859)

Les esclaves ruraux

La fin de la République a vu se développer de grands domaines ruraux qui exigent une main d'oeuvre très importante. Si le phénomène subit des transformations au début de l'Empire - les Romains ont tiré la leçon des révoltes du Ier siècle - il n'en demeure pas moins que se constitue une classe d'esclaves ruraux importante dont les conditions de vie et de travail sont fort rudes.

 La culture des champs par les esclaves enchaînés est la pire, comme tout ce qui est fait par les désespérés

Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XVIII, 7

Aussi chez Apulée bien qu’il s’agisse d’un récit de fiction, la description des esclaves du meunier met-elle en scène des hommes vivant dans un grand dénuement : 

Dieux ! quelle population rachitique d'êtres humains, à la peau livide et marquetée de coups de fouet ! quels misérables haillons couvrant, sans les cacher, des dos tout noirs de meurtrissures ! Quelques-uns n'avaient pour tout voile qu'un bout de tablier jeté autour des reins.

Tous, à travers leurs vêtements, montraient le nu de toutes parts. Tous étaient marqués d'une lettre au front, avaient les cheveux rasés d'un côté, et portaient au pied un anneau. Rien de plus hideux à voir que ces spectres aux paupières rongées par la vapeur brûlante et la fumée, aux yeux presque privés de lumière. Ajoutez à cela une teinte blafarde et sale qu'ils devaient à la farine dont ils étaient saupoudrés, comme les athlètes qui s'inondent de poussière avant d'engager le combat.

Apulée, Métamorphoses, IX, 10-12


Columelle, auteur du Ier siècle de notre ère, entre dans le détail de l'organisation d'une propriété. Reprenant les conseils de Caton, il adoucit pour une large part ses instructions, mais reste ferme sur la surveillance nécessaire des esclaves.

Cette espèce de valets, paresseuse et dormeuse, accoutumée à la fainéantise, à la promenade, au cirque, aux théâtres, au jeu, au cabaret, aux mauvais lieux, ne songe qu'à ces futilités, dont le goût porté à la campagne n'est pas moins funeste à l'esclave lui-même que préjudiciable à tous les intérêts du maître.Le choix doit porter sur un homme endurci dès l'enfance aux travaux de l'agriculture, et connu pour son expérience.

Columelle, De re rustica, I, 8.


Dans ces quelques extraits du 1er livre, l'importance des esclaves "enchaînés" et  la manière dont on doit les surveiller sont soulignées.

Il sera tout à fait à propos de placer au midi équinoxial les chambres des esclaves qui ne sont point enchaînés ; les autres occuperont une retraite souterraine la plus saine qu'il sera possible de trouver, éclairée par de nombreuses, mais étroites fenêtres, assez élevées au-dessus du sol pour qu'ils ne puissent y atteindre avec la main.

Columelle, De re rustica, I, 6

Le collier était aussi souvent nécessaire pour les retrouver en cas de fuite.


Les esclaves domestiques

Les esclaves domestiques sont au service de la famille : il n'y avait pas de Romain qui n'eût au moins un esclave pour accomplir les besognes ordinaires dans sa maison. Lorsqu'une femme se marie, sa servante demeure avec elle comme une propriété inaliénable. Les grandes maisons ont un nombre impressionnant d'esclaves, plusieurs centaines parfois, répartis par brigades sous la direction d'un contremaître. Il est vrai que certaines villas romaines, comme celle de Pline, sont des ensembles très importants qui demandent de l'entretien. Pline indique d'ailleurs qu'il laisse à la disposition de ses esclaves certaines pièces de sa villa. Pline l'Ancien se plaint de ces temps nouveaux :

Aujourd'hui il faut sceller avec l'anneau les aliments et les boissons, pour prévenir les vols : voilà le service qu'ont rendu ces légions d'esclaves, cette tourbe étrangère logée dans nos maisons, si nombreuse, qu'il faut un nomenclateur pour nous rappeler les noms de nos serviteurs. Il y a loin de là aux moeurs de nos aïeux : alors on n'avait qu'un esclave appelé Marcipore ou Lucipore du nom de son maître, et prenant avec lui nourriture commune...

Pline l'Ancien, Histoire Naturelle XXXIII, 6, traduction E. Littré, 1877


Les esclaves comme les affranchis intègres sont récompensés, les autres sévèrement punis par des châtiments, des mutilations ou par la mort :

Un esclave avait cassé un vase de cristal. Védius le fait saisir, et le condamne à un genre de mort, peu commun assurément, c'était d'être jeté aux énormes murènes qui peuplaient son vivier, et qu'il nourrissait, l'eût-on pu croire ? non par luxe, mais par cruauté.

Sénèque, De ira, III, 40.

Pline le Jeune fait partie de ces maîtres qui témoignent d’une véritable empathie pour ses esclaves...

J'ai deux sujets de consolation, trop faibles sans doute pour une telle douleur, mais qui cependant m'aident à la supporter : le premier, c'est ma facilité à les affranchir (...) ; le second, c'est la permission que je donne aux esclaves mêmes de faire une espèce de testament que j'observe aussi religieusement que s'il était légitime. Ils consignent, à leur gré, leurs dispositions et leurs prières : ce sont des ordres auxquels j'obéis. Ils partagent, ils donnent, ils lèguent, pourvu que ce soit à quelqu'un de la maison : car la maison est comme la république et la patrie des esclaves. 

Pline le Jeune, Lettres, VIII, 16

... tandis que Larcius Macedo dont Pline le Jeune reconnaît la cruauté, est assassiné par ses propres esclaves (Pline le Jeune, Lettres, III, 14.)

Parmi les esclaves, une place particulière est faite aux nourrices et aux précepteurs.

Avant tout, choisissez des nourrices qui n'aient point un langage vicieux. Chrysippe les souhaitait savantes, si cela se pouvait, ou du moins aussi vertueuses que possible ; et sans doute c'est à leurs moeurs qu'il faut principalement regarder. Il faut tenir aussi pourtant à ce qu'elles parlent correctement.

Ce sont elles que l'enfant entendra d'abord, ce sont elles dont il essayera d'imiter et de reproduire les paroles ; et naturellement les impressions que nous recevons dans le premier âge sont les plus profondes.

Quintilien insiste sur l'importance de ce choix, pour que l'enfant reçoive la meilleure formation. (Quintilien, Institution oratoire, I, 1 et 2)

Les esclaves publics

Leur nombre s'accroit de façon importante, car tous les scribes et secrétaires des hauts magistrats sont des esclaves. L'empereur peut même envoyer des esclaves auprès des administrations des provinces. Il existe également un service des postes et des bibliothèques qui utilisent nombre d'esclaves. À Rome, une importante troupe d'esclaves, plusieurs centaines d'hommes, est affectée au service des eaux (700, selon Frontin), c'est la familia publica aquaria. On trouve aussi des employés pour la voirie, pour les incendies. La fonction importante de certains de ces esclaves - qui seront très souvent affranchis à terme -, entraîne un changement de condition sociale réelle. Des droits leur seront peu à peu reconnus : pécule qui devient un salaire, droit de se marier, même si le droit complet de matrimonium leur est refusé. Parmi les esclaves chargés de l'administration, on trouve les esclaves impériaux qui sont censés appartenir en privé à l'empereur, mais ont un rôle administratif très important. Toute une hiérarchie s'organise notamment à partir de Tibère : les chefs sont des affranchis qui ont sous leurs ordres des esclaves.
Pline interroge Trajan sur le sort à donner aux esclaves condamnés à de lourdes peines, employés, à tort, comme esclaves publics et recevant par là-même un salaire.
(Pline le Jeune, Lettres, X, 40-41 SCHMIDT J. « Les fonctions des affranchis impériaux » in Vie et mort des esclaves dans la Rome antique, Albin Michel, 1973).

Châtiments ultimes

Il était de règle, lorsque le maître était tué par ses esclaves, de faire périr toute la maisonnée. Pline rapporte les conditions de la mort de L. Macedo déjà mentionné plus haut dans le volume III de ses Lettres.

 Larcius Macedo, ancien préteur, a été assassiné par ses esclaves. C'était, il est vrai, un maître hautain et cruel, qui ne se souvenait pas assez, on plutôt qui se souvenait trop que son propre père avait été esclave. 

C'est ce que veut dire Pline lorsqu'il affirme que L. Macedo fut vengé "de son vivant" comme s'il était mort (Pline le Jeune, Lettres, III, 14).

Caligula donne l’exemple de châtiments excessifs et arbitraires : 

À Rome, dans un repas public, un esclave avait détaché d'un lit une lame d'argent. Il le livra sur-le-champ au bourreau, ordonna qu'on lui coupât les mains, qu'on les suspendît à son cou, et qu'on le promenât devant tous les convives, précédé d'un écriteau qui indiquait la cause de son châtiment.

Suétone, Vie des Douze Césars, Caligula, 32.

Parfois la règle se durcit et s'étend aux affranchis par testament, comme sous Néron. On voulait ainsi se protéger :

Un sénatus-consulte, tout ensemble de vengeance et de sécurité, ordonna que, si un maître était tué par ses esclaves, ceux qu'il aurait affranchis par son testament subiraient comme les autres le dernier supplice, s'ils habitaient sous le même toit.

Tacite, Annales, XIII, 32


Sous l'Empire, on vit aussi se développer une autre forme de châtiment pour les esclaves : on pouvait les envoyer combattre dans l'arène contre des animaux féroces ou faire de leur supplice un spectacle : 

On voyait dans l'arène une foule d'animaux d'une grandeur prodigieuse et d'une férocité extraordinaire ; mais ce qu'on admirait surtout, c'était une troupe de lions énormes, parmi lesquels un entre tous, par sa taille monstrueuse, par ses bonds rapides, par ses rugissements terribles, par ses muscles saillants, par sa crinière flottante et hérissée, frappait d'étonnement les spectateurs et attirait tous les regards. Au nombre des malheureux condamnés à disputer leur vie contre ces animaux, se trouvait l'ancien esclave d'un personnage consulaire. Cet esclave se nommait Androclès.

Aulu-Gelle, Nuits Attiques, V, 14.

 

Changement d'état d'esprit : la loi et l'humanité

La réflexion sur l'attitude que l'on doit adopter envers les esclaves a été menée par les philosophes tant épicuriens que stoïciens. Déjà Cicéron posait la question de l'humanité nécessaire à témoigner à leur égard (Cicéron, De officiis, I, XIII).

L'exemple de l'empereur Auguste qui libère le jeune esclave promis aux murènes par Pollion et qui fait briser toutes les coupes en représailles contre la cruauté de son hôte initie tout un mouvement de pensée qui vise à adoucir le sort des esclaves. On note ainsi qu'en 83, un senatusconsulte interdit la castration. Entre 138 et 161, la constitution d'Antonin punit pour homicide le maître qui a tué son esclave sans motif légitime. Le Stoïcisme, puis bientôt le Christianisme vont rappeler que "tous les hommes sont issus de la même semence" (Sénèque), puis que "tous les hommes sont les enfants de Dieu". « Servis imperare moderate laus est. » C’est un mérite que de commander aux esclaves avec modération (Sénèque, De clementia, I, 18, 1). Maître et maîtresse peuvent eux-mêmes devoir la vie à leurs esclaves.

Claudius Quadrigarius rapporte dans le dix-huitième livre de ses Annales, qu'au siège de Grumentum, lorsque les habitants étaient déjà réduits aux dernières extrémités, deux esclaves passèrent à l'ennemi, et lui rendirent des services. La ville prise, tandis que le vainqueur s'y répandait de tous côtés, les deux esclaves, connaissant les localités, se rendirent avec lui à la maison où ils avaient servi, et firent marcher devant eux leur maîtresse, répondant à tous ceux qui les questionnaient, que c'était leur maîtresse, et une maîtresse très cruelle, qu'ils menaient eux-mêmes au supplice. L'ayant ainsi conduite hors des murs, ils la cachèrent avec le plus grand soin, jusqu'à ce que la fureur de l'ennemi fût apaisée. 

Sénèque, De beneficiis, III, 23


Rappelons cependant que les Romains ont conscience que les esclaves forment la multitude active à Rome : il est donc nécessaire de les traiter avec plus de douceur si l'on veut pouvoir les utiliser au mieux ; de leur promettre l'affranchissement par testament, pour bénéficier sa vie durant des meilleurs services ; de les respecter même quand ils ne sont plus nécessaires. Comme toujours un changement de mentalité ne se fait pas immédiatement et des exemples de cruauté monstrueuse perdurent face à des d'attitudes plus modérées, voire généreuses.

 

La philosophie

Pline le Jeune et Sénèque poursuivent ainsi la réflexion initiée par Cicéron. La notion de servitude évolue avec les sentiments soutenus par la réflexion philosophique, notamment stoïcienne. La philosophie se penche sur la notion de liberté et d'esclavage : le véritable esclavage est vu comme celui des passions. Savoir se maîtriser, c'est acquérir la véritable liberté. Dès lors un esclave peut être davantage libre - en tant qu'homme - que son maître dépravé et asservi aux pires passions « Mais un esclave ! Son âme peut-être est d’un homme libre. Un esclave ! Ce titre lui fera-t-il tort ? Montre-moi qui ne l’est pas. L’un est esclave de la débauche, l’autre de l’ambition, tous le sont de la peur. Je te ferai voir des hommes consulaires valets d’une ridicule vieille, des riches, humbles servants d’une chambrière, des jeunes gens de la première noblesse courtisans d’un pantomime. Est-il plus indigne servitude qu’une servitude volontaire ? (Sénèque, Lettres à Lucilius, V, 47. Traduction de M. Charpentier, M. Lemaistre, Paris, 1860)


Macrobe, un écrivain du IVe siècle, dans les Saturnales, résume tous les arguments et tous les actes généreux des esclaves - des hommes comme des femmes - qui doivent inciter les Romains à cesser de les considérer comme des inférieurs. Il reprend dans son texte des passages de Sénèque et d'autres auteurs et nous offre en quelque sorte une synthèse (Macrobe, Saturnalia, I, 11).

 

L'affranchissement et le rôle nouveau des affranchis

Sous l'empire, les affranchis prennent une place considérable, même si, longtemps, l'État veille à ne pas leur laisser prendre trop de libertés. Des lois limitent les possibilités d'affranchissement. L'empereur est entouré de très nombreux affranchis chargés des plus hautes taches :
• dans le bureau a rationibus chargé des ressources fiscales,
• dans le bureau ab epistulis qui gère la correspondance administrative avec les provinces,
• dans le bureau a libellis qui transmet à l'empereur les requêtes des particuliers, etc.
Bientôt les affranchis contrôlent tous les rouages de l'État. Ils prennent aussi une place importante dans l'entourage direct de l'empereur (Pétrone, Satiricon, 76, Stace, Silves III, 3, Suétone, De grammaticis, 21).


Ainsi Polybe, Calliste, Narcisse, Pallas et Félix font partie de l'entourage de  l'empereur Claude et les historiens ne sont pas tendres envers eux, les traitant de gredins.Pourtant Sénèque semble apprécier le rôle de Polybe qui sera mis à mort par ordre de Messaline. Calliste vendu comme esclave de rebut sera vite apprécié par Caligula qui l'affranchira. C'est pourtant lui qui ourdira l'assassinat de son ancien maître pour promouvoir Claude à l'empire. Narcisse le remplace et l'on sait combien il était malfaisant et cruel. Il sera contraint de se suicider à  l'avènement de Néron. Pour Pallas, il suffit de relire la lettre de Pline le Jeune pour comprendre le sentiment des citoyens romains envers ces parvenus qui montraient tant d'arrogance.

L'histoire de Marcus Antonius Felix qui était le frère de Pallas est éclairante. Comme ce dernier, il était un affranchi d'Antonia Minor dont il prend le nom. Il devient un des favoris de l'empereur romain Claude qui lui confie le commandement de cohortes, puis le poste de  procurateur de Judée en 52. Suétone dit qu'il fut le mari de trois reines. La première Drusilla était sans doute fille de Ptolémée de Maurétanie et arrière-petite-fille de la grande Cléopâtre et de Marc Antoine. La deuxième était Drusilla, une princesse juive, fille du vieux roi Hérode Agrippa Ier, que Felix fit divorcer pour  l'épouser, et qui lui donna un fils nommé Agrippa. La troisième est inconnue. Selon Tacite dont il faut relativiser le jugement, Félix « exerce le pouvoir d'un roi avec l'esprit d'un esclave », accumulant débauches et cruautés. Ces exemples ne doivent pas faire oublier tous ceux qui accomplirent leur fonction avec efficacité et honnêteté.
Voir aussi Pline le Jeune, Lettres, VIII, 6, Suétone, Vie des douze Césars, Claude, 28, Tacite, Annales, XIII, 26-27.

 

Femmes affranchies

Si l'on évoque souvent dans les textes les courtisanes affranchies par leur riche protecteur, rappelons que d'autres femmes pouvaient être affranchies ; on trouve ainsi des femmes médecins, des nourrices. Bien souvent des esclaves furent  également affranchies pour devenir l'épouse légitime de citoyens. Les lois les  concernant vont considérablement évoluer au cours des siècles. Ainsi certaines affranchies pouvaient épouser des esclaves ; certaines esclaves aussi seront affranchies en faisant le serment d'épouser le maître qui les libère... (H. Wallon, op. cit. p. 950 note 14)

 

Du supposé bonheur des esclaves

Épictète reprend un thème initié par Ésope : l'esclave est plus heureux que l'homme libre soumis à la pauvreté. La protection du maître est plus importante que le nom d'esclave ! Épictète, quant à lui, est probablement né à Hiérapolis, puis emmené à Rome, et passe son enfance comme esclave au service d' Épaphrodite (un affranchi de l’empereur Néron) dont la tradition fait un maître cruel (il lui aurait cassé la jambe, d'où le surnom donné à Épictète de " le boiteux"). Par la suite, il est affranchi dans des conditions qui restent indéterminées, même si l'on suppose que c'est à la mort de son maître (Épictète, Entretiens IV, 1).

Au IVe siècle de notre ère ce thème prend de l'ampleur... On sait que certains esclaves refusaient d'être affranchis pour ne pas avoir à affronter une vie de pauvreté sans aucun soutien. L'argument est développé par plusieurs écrivains notamment le rhéteur Libanios (Libanios, Sur l'esclavage, 25, 66-67).

À l'argument des "soucis" vient bientôt s'ajouter l'argument moral : heureux l'esclave qui ne peut être maître de son ventre ; en acceptant sa servitude et la frugalité qui l'accompagne, il est bien plus libre moralement que son maître ! Cet argument discutable sera largement repris par les Chrétiens comme Théodoret de Cyr, Sur la providence divine, 677).

 

Le sort des  professeurs...

Le plus souvent ils demeurent esclaves... On fera la part de l'exagération ; mais Libanios semble apporter là dessus un témoignage sérieux (Libanios, Discours, 25, 46-51).

Bibliographie

L'esclavage à Rome et dans l'Empire romain
(résumé de H. WALLON, op. cit. p. 451 sq.)

DUMONT J.-C., Le décor de Trimalcion, In : Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 102, N°2.
1990. pp. 959-981.

SCHMIDT J., Vie et mort des esclaves dans la Rome antique, Albin Michel, 1973, 2003

Bande dessinée : MARTIN J., L'enfant grec, Casterman, 1993

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