Le nom de l'esclave
L'esclavage est une institution très ancienne dans le monde grec. Le nom même de l'esclave apparaît en mycénien sous la forme de do-e-ro ( δοῦλος) / do-e-ra (δούλη). Il a peut-être le sens de « serviteur ». On le trouve fréquemment associé à un nom, anthroponyme ou théonyme, comme sur la tablettes pylienne Tn 316 répertoriant des vases (di-u-ja do-e-ro : serviteur de Diwia) et ou la tablette pylienne Eo 211,5 répertoriant des céréales (te-o-jo do-e-ra : servante de la divinité). Il semble bien que le phénomène de l’esclavage ait été peu important dans la Grèce mycénienne laquelle n’ignore pas pour autant le principe de la corvée imposée à une population tels les paysans de Pylos qui devaient mettre à disposition du palais un nombre de rameurs proportionnel au nombre d’habitants (tablette PY An1). L’esclavage proprement dit se serait développé après la fin de l’époque mycénienne. D'une manière générale, on considère qu'il y a trois façons principales de devenir esclave :
- par prise de guerre : c'est la source première de l'esclavage. Le prisonnier de guerre peut être restitué contre rançon, échangé ou vendu. Ce changement, de la condition d’homme libre à celle d’esclave, fait partie du jus gentium, le droit qui s’applique à tout citoyen de l’Empire romain.
- par contrat de vente
- lorsqu'on est fils d'esclave.
Pour l'époque antérieure au VIe s., on peut également prendre en compte l'esclavage pour dettes qui s'apparente plutôt à une forme de servage. L'homme incapable de restituer les sommes dues doit tout son travail à son créancier. À Athènes, Solon abolira cette forme d'esclavage.
Enfin, l'esclavage peut aussi avoir pour origine l'exposition d'un enfant à sa naissance. Recueilli, le bébé, sauvé de la mort, devient l'esclave de celui qui l'a recueilli.
Le nom même d'esclave
Le terme moderne « esclavage » vient du latin médiéval sclavus déformation du mot latin slavus (le slave). Le mot «esclave » serait apparu au Haut Moyen Âge à Venise, où la plupart des esclaves étaient des Slaves des Balkans, « une région qui s'appelait autrefois « Esclavonie », puis Slavonie.
Le nom de l'esclave en grec ancien
L'esclave fait l'objet de plusieurs appellations.
• Ἀνδράποδον (andrapodon) : le prisonnier, butin de guerre.
• δοῦλος / δούλη (doulos, doulé): l’esclave au masculin et au féminin à l’époque classique dont l’étymologie reste incertaine.
• οἰκέτης (oïkétès) : l’esclave dans ses relations avec le maître, en tant que membre d’un groupe familial, l’οἴκος (oïkos)
• θεράπων (thérapon) : le serviteur qui prend soin d’une personne (fém. thérapaïna, d’une utilisation d’autant plus grande que le mot oïkétès n’a pas de féminin). Il n’est pas toujours de condition servile tel Patrocle auprès d’Achille dans l’Iliade.
• ἀκόλουθος (akolouthos) : le suivant
• ὑπηρέτης (hupèrétès) c’est-à-dire celui qui aide (fém. hupèrétis ou hupèrétria)
Le vocabulaire de l’esclave comprend également des dénominations neutres :
• παῖς (païs) : l’enfant ou le serviteur
• ἄνθρωπος (anthrôpos) : l’ homme ou le serviteur
• γυνή (gunè) la femme : la femme ou la servante
D’après GARLAN Y., Les esclaves en Grèce ancienne, Maspero, 1982.
Les différentes sortes d'esclaves en Grèce
Les Anciens faisaient de grandes différences entre les esclaves, selon leur origine car, outre "l'esclave-marchandise", il y avait d'autres formes de servitude.
C'est ce que rappelle Athénée (VI, 272 c) qui dénomme les différentes sortes d'esclaves. Ce texte se fait peut-être l'écho de la pensée d'Aristote, selon laquelle certains peuples se devenus d'eux mêmes esclaves car ils n'auraient pas été à même de se diriger eux-mêmes.
L'esclave et la loi
Très tôt des lois d'une grande précision apparaissent concernant l'esclave. La difficulté est de déterminer ce qui, chez lui, relève des capacités humaines - et donc peut être soumis à des règlements et des lois -, et ce qui fait qu'il demeure un "objet". Par ailleurs, la loi règle tout ce qui concerne les contrats : achat, vente, qualité de la marchandise.
Le nom de l'esclave à Rome
• servus : Le mot tire son origine d’une racine indo-européenne qui donne naissance à deux thèmes: *ser et *wer. Le sens premier est : conserver; garder. On le retrouve en latin dans le verbe servo, as, are, avi, atum, garder; observer (thème *ser) ou dans vereor, eris, eri, itus sum, éprouver une crainte religieuse, observer une réserve (thème *wer)
• Ancilla, féminin d'anculus : non attesté dans la littérature (le terme a été remplacé par famulus et servus). Le terme est apparenté au gr. ἀμφίπολος, bâti sur la racine *kwel- "tourner autour".
• Famulus et le féminin famula : désignent le serviteur et la servante. L’emploi est rare et tardif et désignerait les esclaves nés chez le maître en opposition aux prisonniers de guerre. Isidore écrit : "servi sunt in bello capti... famuli autem ex propriis familiis orti". Mais cette distinction n'est pas toujours respectée. (Isidore de Séville, Differentium, livre I, 525.) Le terme "familia" désigne l'ensemble des esclaves et des serviteurs vivant sous le même toit.
• Verna : esclave né dans la maison. Le terme est sans étymologie claire.
• Mancipium : l'étymologie de ce mot est identique à celle du mot mancipatio (aliénation de la propriété avec certaines formes solennelles, vente). Gaius (Institutes, I.121) dit, "Mancipatio dicitur quia manu res capitur." Le terme mancipium provient de l'acte de préhension corporelle d'un bien ; et cette préhension corporelle concerne le transfert de la propriété d'un bien. Manceps, ipis, m : celui qui prend en main quelque chose pour en devenir l’acquéreur ou en revendiquer la possession. Mancipium finit par désigner l’esclave.
Les différentes classes d'esclaves
On ne saurait considérer la condition d'esclave comme de nature homogène. Les anciens distinguaient entre eux différentes classes et accordaient des statuts divers aux esclaves selon leur origine :
- en Grèce, la distinction est faite entre l'esclave issu d'un peuple "barbare" et un esclave d'origine grecque
- à Rome, la distinction se fait entre le prisonnier de guerre et l'esclave réduit en esclavage pour dettes. Quintilien distingue ainsi entre le débiteur vendu (addictus) et l'esclave.
Quintilien Institution oratoire V, 10 , VII, 3-4.
L'esclave mis en liberté par son maître devient affranchi, l'addictus redevient ingénu ;
l'esclave ne peut obtenir la liberté contre la volonté du maître ; l'addictus la recouvre en
payant, même contre sa volonté.
Henri Wallon, Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité, Robert Laffont,1847,1988
Conclusion
La complexité même du vocabulaire et l' évolution du sens des mots au cours des siècles nous invitent à une grande prudence : on ne saurait considérer la condition d'esclave de façon univoque. Il existe plusieurs sortes d'esclaves, selon les pays, les cités, les époques ; et les maîtres se conduisaient envers ces esclaves de manières fort différentes, non seulement parce que leur caractère les y poussait, mais aussi parce que l'origine de l'esclave lui dictait en quelque sorte un type de conduite.