Étude du texte : Virgile, le rameau d'or

logo

Dossier élaboré par 

Cécile Daude

Paulette Garret

Sylvie Pédroaréna

Brigitte Planty

sous la direction de Sylvie David

I. Présentation de l’auteur et situation du texte

 

1. Virgile, « le cygne de Mantoue » (70-19 av. J.-C.) :

 

Virgile, Publius Vergilius Maro de son vrai nom, est originaire de la Gaule cisalpine que le Rubicon séparait de l’Italie proprement dite.

Il est né le 15 octobre 70 avant J.-C. à Andes près de Mantoue au bord d’un petit fleuve alpestre : le Mincio.

Son père, intendant (vilicus) d’abord, avait acquis une petite propriété où il se consacrait, semble-t-il, surtout à l’apiculture.

Virgile, après l’école de son village, poursuit ses études auprès d’un grammairien, à Crémone, puis à Milan. En 53 avant J.-C., il découvre Rome, en pleine guerre civile (assassinat de César aux ides de mars 44, de Cicéron en 43…) ; il s’intéresse à l’éloquence, à la philosophie mais surtout, enrichit sa culture et s’exerce à la poésie.

Entre 42 et 37, il publie les Bucoliques, dix petits poèmes qui mettent en scène des bergers (βουκόλος : « bouvier ») qui se livrent à des compétitions poétiques pour chanter leurs amours, la nature ou évoquer des événements contemporains.

Le succès de cette œuvre le met en contact avec un ami intime d’Octave : Mécène, un homme très riche qui aime s’entourer de poètes, d’artistes, et qui les reçoit dans sa magnifique domus de l’Esquilin.

Sur les conseils de ce protecteur des arts, Virgile entreprend l’écriture des Géorgiques (γεωργία : « agriculture »), quatre livres consacrés aux travaux de la terre et aux agréments de la vie campagnarde, sorte d’hommage à Octave qui a rétabli la paix. Et Virgile, aidé par Mécène, en fera une lecture au successeur de César revenu vainqueur d’Orient en 29 avant J.-C.

Octave en personne devenu empereur sous le nom d’Auguste, demandera à Virgile d’écrire une épopée célébrant la grandeur romaine : ce sera l’Énéide. L’œuvre, qui s’inspire d’Homère pour la composition, est immense et va demander un gros travail de recherches à notre poète.

Soucieux de la véracité de son récit, Virgile, avant de livrer son œuvre au public, se rend en Grèce (qu’il ne connaît pas) sur les lieux évoqués dans l’Énéide. Mais il tombe malade, rentre en Italie et, sans avoir pu mettre la dernière main à son épopée, meurt à Brindes en 19 avant J.-C. à 51 ans.

Sur la route de Naples, son tombeau portait l’épitaphe suivante, composée, disait-on, par lui-même :

Mantua me genuit, Calabri rapuere, tenet nunc
Parthenope ; cecini pascua, rura, duces.

« Mantoue m’a donné le jour, les Calabrais me l’ont ravi, elle me garde maintenant
Parthénope (Naples) ; j’ai chanté les pâturages, les campagnes, les chefs. »

  

2. Situation de l’extrait de l’Énéide :

 

Le Troyen Énée, fils de la déesse Vénus et du mortel Anchise, après avoir quitté Troie en flammes, détruite par les Achéens, avec son père, son fils et les statues des dieux Pénates, gagne les côtes africaines. La reine de Carthage, Didon, accueille le jeune héros et en tombe amoureuse. Mais les dieux ordonnent à Énée de se rendre en Italie où il devra restaurer leur culte. Le Troyen, avec sa flotte, reprend la mer et débarque à Cumes. Là, il monte au temple d’Apollon et interroge le dieu qui va lui répondre par la voix de la Sibylle et lui prédire des épreuves sanglantes, qu’il saura néanmoins surmonter. Le pieux Énée demande alors à la prêtresse comment entrer en communication avec le monde des Enfers et l’ombre de son père Anchise, mort durant leur voyage, qui l’appelle et qu’il veut revoir avant de se donner à sa mission.  

 

II. Pistes d’étude grammaticales 

 

1. Étude morphologique : Passif et Déponent :

 

A. L’infectum :

datur (v. 140) - sequetur (v. 146) - itur (v. 179) - scinditur (v. 182) - hortatur (v. 184) - accingitur (v. 184) - precatur (v. 186 - v. 193)

  • Rappeler ou faire rappeler les terminaisons passives de l’infectum
  • Faire relever dans le texte les verbes présentant une terminaison de type passif
  • Donner les infinitifs ou les faire relever dans le dictionnaire
  • Faire distinguer le passif du déponent
  • On notera aussi qu’une forme passive peut parfois être traduite par une forme pronominale (scinditur → « se déchirent »)
  • Cas particulier des formes impersonnelles avec itur et datur

B. L’infinitif passif :

ferri (v. 142)

C. Le perfectum :

locuta est (v. 189) - fatus erat (v. 190) 

  • Rappeler ou faire rappeler la conjugaison du perfectum passif
  • Faire relever dans le texte les deux formes de déponent au perfectum

D. Le participe passé :

dictus (v. 138) - operta (v. 140) - avulso (v. 143) - repertum (v. 145) - icta (v. 180) - effatus (v. 197 : déponent) - lapsae (v. 202 : déponent) - optatis (v. 203)

  • Faire chercher de quel verbe ces formes viennent, en distinguant les déponents et les non déponents
  • Faire remarquer que la forme du participe passé est la même pour les verbes déponents et les verbes non déponents, mais que le sens n’est pas le même : sens actif pour les déponents, sens passif pour les non déponents
  • Rappeler ou faire rappeler la formation du participe passé et sa déclinaison
  • Étudier quelques emplois syntaxiques du participe : participe apposé (dictus : v. 138) - ablatif absolu (primo avulso : v. 143) - participe substantivé (operta : v. 140)

E. Le participe présent :

pascentes (v. 199) - sequentum (v. 200) - cunctantem (v. 210)

  • Faire chercher de quel verbe ces formes viennent
  • Faire remarquer que les verbes déponents ont un participe présent de forme active
  • Rappeler ou faire rappeler la formation du participe présent en fonction de la conjugaison du verbe (1re, 2e,…) et sa déclinaison (ablatif en e s’il se rapporte à une personne, en i s’il se rapporte à une chose - génitif pluriel en ium)
  •  Faire relever dans le texte toutes les autres formes de participes présents qui appartiennent à des verbes non déponents : volens (v. 146) - aspectans (v. 186) - volantes (v. 191) - observans (v. 198) - olentis (v. 201) - frondentis (v. 208)

 

2. Étude grammaticale en lien avec le commentaire :

 

A. Expression de l’ordre : (→ rituel à observer de manière stricte)

 

  • Faire relever dans le texte les impératifs : accipe (v. 136) - vestiga (v. 145) - carpe (v. 146) - este (v. 194) - derigite (v. 195) - defice (v. 196), en précisant la personne
  • Faire trouver l’infinitif, classer les formes par types de conjugaison dans un tableau, compléter le tableau en donnant les personnes manquantes
  • Que peut-on déduire de cette succession d’impératifs ?
  • Peragenda (v. 136) : rappeler ou faire rappeler le sens d’obligation de l’adjectif verbal ; isoler le préverbe per et donner sa signification : de part en part ; mettre en relation la forme avec le français « agenda »

 

B. Expression de la condition (→ conditions nécessaires à l’obtention du rameau d’or) et expression du souhait (→ souhait de voir le vœu se réaliser)

 

  • si + indicatif (v. 133 et v. 194), avec un impératif présent dans la principale : à noter la forme qua à la place de aliqua (v. 194) dans la subordonnée - si + indicatif (v. 147), avec un indicatif futur dans la principale : on pourrait avoir aussi un indicatif présent dans la principale et un futur simple ou futur antérieur dans la subordonnée
  • Trouver dans le texte une autre occurrence de si (v. 187) : y a-t-il cette fois un système subordonnée - principale ? Quel est le mode du verbe ? Faire ainsi distinguer si + indicatif, expression de la condition, et si + subjonctif, expression du souhait (cf. utinam). Faire remarquer qu’en français, on emploie l’indicatif et non le subjonctif

 

III. Pistes d’étude lexicale : (Source : Dictionnaire étymologique de la langue latine, A. Ernout, A. Meillet)

 

1. Le bois : lucus, nemus, silva :

 

Servius, Commentaires à l’Énéide de Virgile, I, 310 : lucus est arborum multitudo cum religione, nemus vero composita multitudo arborum, silva, diffusa et inculta, « un lucus est un ensemble d’arbres doté d’un caractère sacré, le nemus est un ensemble d’arbres bien ordonné, et la silva une forêt épaisse et sans entretien » (trad. J. Scheid, « Lucus, nemus. Qu’est-ce qu’un bois sacré ? », dans Les bois sacrés, Actes du colloque de Naples, 1993, p. 19)

A. Lucus (v. 139 : au sg. et v. 195 : au pl.) : bois ; spécialisé dans la langue religieuse avec le sens de « bois sacré ». Terme noble comme nemus.

B. Nemus (v. 188) : bois (sacré) ; en particulier « bois sacré de la Diane d’Aricie ». Varron (Lingua Latina, V, 36) rapproche nemus du grec νέμος.

C. Silva (v. 179, 186 et 205) : arbres sur pied ; forêt, bois (sauvage ou cultivé) ; synonyme du grec ὕλη, dont il a pris en partie les sens, notamment celui de « matériaux de construction », et plus généralement de « matière » d’un ouvrage, d’un poème, etc. : cf. Silvae, titre d’un ouvrage de Stace, proprement « Matériaux » (non mis en œuvre). La graphie sylva est due au rapprochement de ὕλη.

 

2. Le lexique de la végétation :

 

Arbor (arbos), oris, f. (v. 136, 141, 187, 203 et 206) : arbre (cf. en grec δένδρον). Le genre féminin des noms d’arbres s’explique par le fait que l’arbre, considéré comme un être animé, est « la productrice » des fruits.

Fetus, us, m. (v. 141 et 207) : 1. enfantement (action de produire) - 2. résultat de l’action de produire : portée [des animaux], petits - production de la terre, des plantes, rejeton. Cf. en français fœtus, faon.

Folium, ii, n. (v. 137) : feuille ; puis comme la Sibylle inscrivait ses prédictions sur des feuilles de palmier : feuille d’écriture, feuille de papier (cf. en grec φύλλον) → folio en français. Composé : trifolium (d’après τρίφυλλον) → trèfle.

Frondesco, is, ere, frondui (v. 144) : se couvrir de feuilles ≠ frondeo, es, ere (v. 208) : être couvert de feuilles - frons, frondis, f. (v. 206 : feuillage, feuillée, frondaison.

Ramus, i, f. (v. 137, 187, 196 et 204) : rameau.

Trabs, trabis, f. (v. 181) : poutre - arbre élevé (métaphore architecturale). « La nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles… » (Baudelaire, Correspondances).

Truncus, i, m. (v. 207) : tronc de l’arbre ou du corps humain ; fût d’une colonne ou d’un piédestal, etc.

Vimen, inis, n. (v. 137) : tige.

Virga, ae, f. (v. 144) : branche souple et flexible, baguette, verge. Dérivé : virgula, ae, f. : petite baguette et petit trait, ligne, accent (cf. en français virgule).

Viridis,is, e (v. 192) : verdoyant  - vireo, es, ere (v. 206) : être vert ≠ viresco, es, ere, virui : devenir vert.

Viscum, i, n. : gui - glu [préparée avec le gui]. Cf. en français viscosité. Sur la cueillette du gui par les druides, voir Pline l’Ancien, XVI, 249-251.

 

3. Les espèces d’arbres mentionnés dans le texte :

(voir J. Sargeaunt, Trees, Shrubs, and Plants of Virgil, Blackwell, Oxford, 1920 : archive en ligne)

 

  • le pitchpin (picea, ae, f. : v. 180) : son bois est très résineux ; si cet arbre convient bien pour un bûcher funéraire, en revanche, il ne pousse pas dans des régions situées au niveau de la mer
  • l’yeuse ou chêne vert (ilex, icis, f. : v. 180)
  • le frêne (fraxinus, i, f. : v. 181) 
  • le rouvre (robur, oris, n. : v. 181) : sorte de chêne très dur ; fissile robur → alliance de mots
  • l’orne (ornus, i, f. : v. 182) : c’est le frêne à manne (suc de certains végétaux)

 

IV. Comparaison de traductions :

 

Comparer les deux traductions successives parues aux Belles Lettres dans la CUF (A. Bellesort, 1925 - J. Perret, 1978) et celle, plus récente, parue chez Albin Michel/Les Belles Lettres (P. Veyne, 2012) pour le début de l’épisode.

 

1. Traduction A. Bellessort, 1925 :

 

Si tu as un si grand désir, une telle avidité de traverser deux fois les flots Stygiens, de voir deux fois le sombre Tartare, et s’il te plaît d’entreprendre cette tâche insensée, écoute d’abord ce que tu dois faire. Un rameau, dont la souple baguette et les feuilles sont d’or, se cache dans un arbre touffu, consacré à la Junon infernale. Tout un bouquet de bois le protège, et l’obscur vallon l’enveloppe de son ombre. Mais il est impossible de pénétrer sous les profondeurs de la terre avant d’avoir détaché de l’arbre la branche au feuillage d’or. C’est le présent que Proserpine a établi qu’on apporterait à sa beauté. Le rameau arraché, il en pousse un autre, d’or comme le premier, et dont la baguette se couvre des mêmes feuilles de métal précieux. Ainsi lève les yeux et cherche. Quand tu l’auras trouvé, cueille-le, selon le rite, avec la main : il viendra facilement et de lui-même, si les destins t’appellent ; autrement, il n’y a point de force qui puisse le vaincre ni de fer l’arracher.

 

2. Traduction J. Perret, 1978 :

 

Mais si tu as dans l’âme une telle passion, un tel désir de traverser deux fois les eaux mortes du Styx, de voir deux fois le sombre Tartare, s’il te plaît d’épuiser un labeur insensé, apprends ce qu’il faut d’abord accomplir. Sur un arbre, entre des branches impénétrables, un rameau se cache dont la baguette souple, dont les feuilles sont d’or, il est voué en propre à Junon infernale ; tout le bois le protège ; les ombres, au creux des vallées obscures, le serrent. Mais à personne il n’est donné d’accéder aux souterrains mystères avant qu’il n’ait de l’arbre détaché la pousse aux cheveux d’or : la belle Proserpine a décidé qu’elle lui serait portée en présent personnel. Le rameau arraché, un autre ensuite, d’or lui aussi, ne manque pas de renaître et cette branche se couvre de feuilles du même métal. Donc mets-toi en quête, lève les yeux et, une fois trouvé, cueille-le de ta main selon le rite. Il cèdera de lui-même, aisément, de bon cœur, si les destins t’appellent ; sinon, tu n’en pourras triompher par aucun effort ni l’ébranler par le fer le plus dur.

 

3. Traduction P. Veyne, 2012 :

 

Mais si tu as une telle passion, un tel désir de voguer deux fois sur les eaux du Styx, de voir deux fois le noir Tartare et qu’il te plaise de te prêter à une épreuve insensée, apprends ce qu’il faut commencer par faire. Dans un arbre au feuillage opaque se cache un rameau dont les feuilles, dont la baguette flexible sont en or ; on le dit voué en propre à la Junon des Enfers. Tout un bosquet le cache et l’ombre l’enclot au fond d’un vallon obscur. Mais il n’est donné à personne de pénétrer les profondeurs de la terre sans avoir d’abord détaché de l’arbre la pousse coiffée d’or : la belle Proserpine a établi qu’on devait la lui apporter comme l’hommage qui lui est dû. Un premier rameau arraché, un second ne fait pas défaut, en or lui aussi, et ce rejet se couvre de feuilles du même métal. Donc fouille profondément du regard et, lorsque tu l’auras trouvé, que ta main le cueille selon le rite. Car, de lui-même, il viendra volontiers et facilement, si le destin t’appelle. Sinon, tous tes efforts n’en viendraient pas à bout et le fer tranchant ne pourrait le détacher.

 

V. Pistes de commentaire :

 

1. L’évocation des Enfers :

les lacs stygiens (Stygios lacus : v. 134) - le noir Tartare (nigra Tartara : v. 134-135) - les gorges de l’Averne à l’odeur fétide (fauces grave olentis Averni : v. 201).

Junon infernale (Junoni infernae : v. 138) - la belle Proserpine (pulchra Proserpina : v. 142).

On montrera les correspondances entre le monde des vivants et le monde des morts : le bois qui abrite le rameau d’or est un lieu sombre (arbore opaca : v. 136 - opaca ilice : v. 208-209 - opacat : v. 195 - obscuris convallibus : v. 139 - umbrae : v. 139. Cf. aussi brumali frigore : v. 205), clos (tegit : v. 138 - claudunt : v. 139 - telluris operta : v. 140), secret (latet : v. 136) comme le monde souterrain où résident les morts.

La lumière qui émane du rameau d’or (aureus ramus : v. 137 et v. 187 - alter aureus : v. 143-144 - auricomos fetus : v. 141 - auri aura, avec le jeu de mots : v. 204 - auri frondentis : v. 208. Cf. aussi croceo fetu : v. 207) contraste (discolor : v. 204) avec l’obscurité du bois, de même que l’air limpide (liquidum per aera : v. 202) où glissent les colombes tranche avec le caractère oppressant de la forêt.

 

2. Le merveilleux :

Dans cet épisode célèbre, la plante devient puissance magique qui triomphe des Enfers par la renaissance continuelle du végétal (cf. l’image du gui qui verdit d’une nouvelle frondaison quand tout semble mort : v. 206).

La plante est ici symbole d’éternité (cf. aussi le lierre ou le myrte).

Il s’agit pour Énée de pénétrer « dans l’antique forêt » (itur in antiquam silvam : v. 179, l’adjectif renvoyant au temps des origines absolues) pour « vaincre » la plante et l’offrir en cadeau à Proserpine (suum munus : v. 142).

Personnification de la plante (auricomos fetus : v. 141 - volens : v. 146 - vincere : v. 148 - cunctantem : v. 211).

C’est un rameau d’or qui repousse dès qu’on le cueille : à noter au v. 144 le sens inchoatif du verbe frondescit, se couvrir de feuilles (metallo : de métal. Cf. brattea : v. 209) ; on voit le phénomène en train de se produire.

Le merveilleux se manifeste aussi avec l’arrivée providentielle du couple de colombes qui jouent le rôle d’adjuvants et dans lesquelles Énée reconnaît les oiseaux de sa mère Vénus, déesse représentant la vie, la fécondité par opposition aux divinités infernales.

 

3. L’accomplissement du rituel :

Pour rapporter le rameau d’or, Énée doit suivre les prescriptions (adjectif verbal peragenda : v. 136 - non datur : v. 140 - instituit : v. 143 - rite : v. 145) en respectant les étapes du rituel (importance des adverbes et des conjonctions de temps : prius : v. 136 - ante … quam : v. 140-141).

Énée, aidé de ses compagnons, doit abattre les arbres : il célèbre ainsi la mort avant de pénétrer dans les Enfers. Mais pour être protégé dans sa traversée du monde infernal, le héros doit tenir quelque chose d’éternellement vivant, la plante qui renaît toujours.

Énée détache le rameau d’un seul coup, affirmant son droit à prendre possession de cet objet magique.

 

4. Le héros élu :

Il ne suffit pas de se conformer au rituel, encore faut-il être appelé (si te fata vocant : v. 147).

Aussi l’injonction prend-elle un relief particulier (accipe : v. 136 - vestiga : v. 145 - carpe : v. 146).

Le héros accomplit une tâche hors du commun (insano labori : v. 135 - dubiis rebus : v. 196) : il fera deux fois (bis : 2 occurrences au v. 134) le voyage vers le monde des morts.

La répétition de l’adverbe forte (sic forte precatur : v. 186 - geminae cum forte columbae … venere volantes : v. 190-191) traduit un hasard heureux, la coïncidence entre l’action humaine et l’action divine. Les signes divins (signa : v. 198) qui s’adressent à l’élu ne se font pas attendre (vix : v. 190).

On notera l’importance du discours direct avec l’énoncé des prescriptions de la Sibylle, puis des deux prières du héros (precatur : fin du v. 186 et du v. 193).

Seul l’élu peut détacher le rameau d’or (cf. l’épée d’Arthur).

 

VI. Prolongements :

 

1. Le monde des morts :

 

A. Comparaison entre l’Odyssée et l’Énéide :

différence entre la Nékyia (= sacrifice pour l’évocation des morts) et la catabase (= descente dans le monde des morts)

B. Autres personnages de la mythologie qui ont pénétré dans le monde des morts :

Orphée (voir en particulier la postérité du mythe dans les films de Cocteau Orphée et Le Testament d’Orphée), Héraclès, Thésée.

 

2. La chute des arbres :

 

A. Comparaison avec les vers 187-191 des Annales d’Ennius cités par Macrobe (Saturnales, 6, 2, 27) :    

Incedunt arbusta per alta, securibus caedunt,
Percellunt magnas quercus, exciditur ilex,
Fraxinus frangitur atque abies consternitur alta,
Pinus proceras pervortunt : omne sonabat
Arbustum fremitu silvai frondosai.

Trad. Ph. Remacle :

« Ils marchent au milieu des arbres élevés, et les font tomber sous la hache ; ils renversent les vastes chênes ; l'yeuse est coupée, le frêne rompu ; le sapin élancé est couché sur le sol ; le pin altier est abattu ; tous les arbres de la forêt ombreuse retentissent de frémissements. » 

 

B. Comparaison avec les vers 117-121 du chant XXIII de l’Iliade (préparation du bûcher pour les funérailles de Patrocle) :

Ἀλλ' ὅτε δὴ κνημοὺς προσέβαν πολυπίδακος Ἴδης,
αὐτίκ' ἄρα δρῦς ὑψικόμους ταναήκεϊ χαλκῷ
τάμνον ἐπειγόμενοι· ταὶ δὲ μεγάλα κτυπέουσαι
πῖπτον·

Trad. P. Mazon, CUF :

« Mais à peine arrivés aux flancs de l’Ida aux sources sans nombre, vite ils s’empressent d’abattre, avec le bronze au long tranchant, des chênes hauts et feuillus, qui tombent à grand fracas. »

 

C. Comparaison avec les vers 509-511 des Travaux et les Jours d’Hésiode (évocation de la puissance destructrice du Borée hivernal) :

πολλὰς δὲ δρῦς ὑψικόμους ἐλάτας τε παχείας
οὔρεος ἐν βήσσῃς πιλνᾷ χθονὶ πουλυβοτείρῃ
ἐμπίπτων, καὶ πᾶσα βοᾷ τότε νήριτος ὕλη·

Trad. P. Mazon, CUF :

« Par milliers, il [le Borée] renverse sur la glèbe nourricière chênes à la haute crinière et larges sapins, quand il se précipite dans les gorges de la montagne ; et la forêt immense tout entière pousse alors un cri.»

 

3. Une nature généreuse servant de décor à l’épisode magique :

 

Rapprochement avec les vers 418 à 435 des Aratea de Cicéron (traduction en latin du poème astronomique et météorologique d’Aratos, poète grec de la fin du IVe - début du IIIe siècle av. J.-C.).

Début de l’épisode :

Vir quondam Orion manibus violasse Dianam
dicitur, excelsis errans in collibus amens
quos tenet Aegaeo defixa in gurgite Chius,
Bracchica quam viridi convestit tegmine vitis.

Trad. J. Soubiran, CUF :

« Un homme, jadis, Orion, fit de ses mains violence à Diane, dit-on, alors qu’en proie à la folie il errait dans les hautes collines que possède Chios, immobile sur le gouffre égéen, Chios que la vigne chère à Bacchus revêt d’un manteau verdoyant. »

   

4. La renaissance d’un village par les arbres :

récit de J. Giono, L’homme qui plantait des arbres + film d’animation tiré de ce récit.

 

Annexe:

Brève bibliographie et précisions iconographiques pour les images provenant d’ouvrages de la Bibliothèque d’Étude et de Conservation de Besançon 

Introduction : extrait du Discours prononcé aux funérailles de Van Spaendonck : Éloges historiques des membres de l’Académie Royale des Sciences, tome 3 : « Recueil des éloges historiques lus dans les séances publiques de l’Institut de France par Georges Cuvier », Paris, Levrault, 1827, p. 439.

Herbarius (1 page) : le frêne

Présentation de l’ouvrage Hortus Sanitatis : site : https://www.unicaen.fr/puc/sources/depiscibus/accueil

Analyse de l’image : article en ligne Philippe Glardon, « La relation du texte à l’image dans l’Hortus sanitatis et les traités du milieu du XVIe siècle : quelques points de comparaison », Kentron, 29, 2013, p. 227-254 : https://journals.openedition.org/kentron/746

Hortus Sanitatis (1 page) : les glands du chêne

Présentation de l’ouvrage de Fuchs : citation extraite de l’ouvrage d’Anne-Marie Bogaert-Damin et de Jacques Piron, Livres de fleurs du XVIe au XXe siècle, Presses universitaires de Namur, 2018, p. 23 + article en ligne Philippe Glardon, « La relation du texte à l’image dans l’Hortus sanitatis et les traités du milieu du XVIe siècle : quelques points de comparaison », Kentron, 29, 2013, p. 227-254 : https://journals.openedition.org/kentron/746

Fuchs (1 page)

Billerey (4 pages)

logo

Dossier élaboré par 

Cécile Daude

Paulette Garret

Sylvie Pédroaréna

Brigitte Planty

sous la direction de Sylvie David

Note: 

  1. Parthénope est une des Sirènes qui, lorsque Ulysse leur eut échappé, se précipitèrent dans la mer ; son corps fut rejeté sur la côte à l’endroit où plus tard fut bâtie la ville de Naples, qui prit son nom.
Besoin d'aide ?
sur