- Le nom Énée, en grec ancien Αἰνείας / Aineías, en latin aeneas « de cuivre », est dérivé du mot aes, aeris « cuivre ».
- Énée est un héros troyen, né d’un père mortel et d’une déesse, Aphrodite. Il est lié à la mythologie grecque pour avoir combattu les Grecs durant la Guerre de Troie au XIIe siècle avant J.-C.
- Énée est également lié à la mythologie romaine car, par un raccourci de l’Histoire, il est considéré comme le père des Romains, même s’il n’est pas le fondateur de Rome.
- Bien que guerrier peu exceptionnel, il a été célébré par Homère dans l’Iliade, puis il fut le héros de l’Énéide de Virgile dont les premiers vers sont ici cités.
- « Sum Pius Aeneas », « Je suis le pieux Énée ». Pius est souvent une épithète attribuée à Énée dans l’œuvre de Virgile, la pietas étant l’une des vertus romaines attribuées à l’empereur Auguste. Il s’agit du devoir envers les dieux mais aussi du devoir envers la famille, qualité dont Énée a fait preuve au cours de son parcours.
De la naissance d’Énée à la guerre de Troie
Énée est un héros : en effet, il est né d’un père mortel, Anchise, et d’une déesse, Aphrodite. Anchise appartenait à la famille royale de Troie. C’est Homère qui relate la naissance du héros dans son Hymne à Aphrodite. Il raconte qu’Anchise gardait ses troupeaux sur le mont Ida, près de Troie, et qu’Aphrodite le rencontra. Mutuellement frappés par leur beauté, Aphrodite et Anchise s’unissent et ont un fils, Énée. Pour avoir révélé le nom d’Aphrodite alors qu’elle le lui avait interdit, Anchise fut frappé par la foudre et resta boiteux.
Énée naît sur le mont Ida. Aphrodite le confie aux nymphes et au centaure Chiron qui l’élèvent dans les bois puis le rendent à son père quand il a cinq ans.
Devenu un homme, Énée épouse Créüse, la fille de Priam, le roi de Troie. Il se joint aux troupes troyennes pendant la guerre, un jour qu’Achille, lui ayant dérobé son troupeau, le poursuit. Grâce à l’intervention de Zeus, Énée gagne Troie. S’il combat de nombreux guerriers grecs, Énée a souvent recours à l’aide des dieux : Aphrodite le sauve des coups de Diomède, Poséidon le rend invisible derrière une nuée, et le sauve également de Diomède, puis d’Achille. Apollon, protecteur des Troyens, le soutient aussi.
Après la prise de Troie par les Achéens et la ruse d’Ulysse racontées dans l’Iliade, Homère prédit un grand avenir au héros, sans toutefois préciser sa destinée.
Une légende troyenne au long cours
Après la guerre de Troie, Énée entre dans la légende parce qu’Apollon, par la bouche d’Hector qui lui rend visite en songe, aurait prophétisé qu’avec ses compagnons, il règnerait sur les Troyens et fonderait une nouvelle cité. Lorsqu’il fuit Troie en ruines, avec son père Anchise et son fils Ascagne, après de multiples pérégrinations, Énée parvient en Italie dans la région du Latium. Il aurait alors fondé la ville de Lavinium, du nom de sa femme Lavinia rencontrée et épousée sur place. Énée serait mort dans un combat contre les Rutules, ravi par les dieux ou noyé dans le fleuve qui l’aurait emporté ; puis, bien plus tard, son nom aurait aussi été acclamé à Albe-la-longue, ville fondée par son fils Ascagne ; enfin, Rome relie assez rapidement son histoire avec celle du monde grec et entretient la légende d’un Énée fondateur du peuple romain, ancêtre de Romulus, lui aussi issu de la dynastie des albains fondée par Iule (autre nom d’Ascagne). Jules César affirmait même descendre de Vénus et d’Énée, par Iule, qui avait donné son nom à la gens Iulia.
C’est ainsi qu’entre la fondation légendaire de Rome, située en 753 avant J.-C., et Virgile qui écrit l’Énéide au Ier siècle avant J.-C., la légende d’Énée s’est construite, près de mille ans après la chute de Troie, située traditionnellement vers 1184 avant J.-C.
Énée chez Virgile
Le mythe d’Énée pourrait s’arrêter là. Mais il a été plus largement répandu par l’épopée de Virgile dont il est le personnage central. Écrite en douze livres et près de douze mille vers, l’Énéide raconte d’abord dans les six premiers livres son voyage de Troie au Latium, puis dans les livres 7 à 12, son arrivée et les conflits qui en découlèrent dans cette région de l’Italie. Et l’Énéide va conférer au héros une part essentielle de sa légende destinée à passer à la postérité : son histoire d’amour avec Didon.
Avant Virgile, aucun autre auteur ne mentionne l’aventure carthaginoise du héros avec la reine Didon. Et pourtant, le couple « Didon et Énée » est devenu un duo mythique de la littérature et des arts en général. Le chant IV de l’Énéide est ainsi le point de départ de nombreuses œuvres picturales ou musicales.
Quittant Troie, Énée et ses compagnons errèrent longuement sur la mer Méditerranée. Leur flotte de plus de vingt navires parvint, au bout de sept années d’errance, après une tempête, sur les rives de Carthage où la reine Didon accueillit favorablement les Troyens. Pendant une année environ, Didon et Énée vécurent une passion dans laquelle les dieux s’immiscèrent. En effet, on raconte que c’est Cupidon qui fit naître l’amour entre les deux jeunes gens. Il est aussi chanté dans le livre IV de l’Énéide, que Jupiter, par l’intermédiaire de Mercure, met fin à l’idylle puisqu’il rappelle à Énée sa mission qui est de fonder une cité. Il ne peut pas rester à Carthage. Énée le Pieux abandonne alors la reine, qui se suicide quand elle découvre que son amant est parti. Dans la suite de l’Énéide, Virgile rappellera souvent la protection d’Aphrodite afin qu’Énée son fils puisse mener à bien sa mission divine.
Énée est un héros qui, comme Ulysse, est descendu aux Enfers. Après de nombreux périples en mer, son père lui apparaît en songe et lui demande de venir le voir dans le royaume d’Hadès pour s’entretenir avec lui au sujet de sa quête. C’est l’occasion pour Enée de s’entretenir avec les héros disparus de la guerre de Troie, et pour Virgile, de célébrer les valeurs romaines, le mos majorum, « les coutumes des ancêtres », à la demande de l’empereur Auguste. Cette « propagande » prend tout son sens lors de cette descente aux Enfers et quand son père lui dévoile l’avenir de la nation qu’il va fonder : on y aperçoit les figures emblématiques du monde latin, tels que Romulus ou Brutus, mais Virgile évoque aussi Pompée, Jules César et Auguste lui-même, en des termes très élogieux. L’Énéide est un exemple marquant de ce qu’on appelle une épopée nationale, qui vise ici à glorifier un état, Rome, et son Princeps, Auguste.
Ce que chante Virgile :
" Arma virumque cano, Troiae qui primus ab oris
Italiam, fato profugus, Laviniaque venit
litora, multum ille et terris jactatus et alto
vi superum saevae memorem Junonis ob iram. "
" Je chante les combats du héros qui fuit les rivages de Troie
et, prédestiné, parvint le premier en Italie, aux bords de Lavinium ;
longtemps sur terre et sur mer, la puissance des dieux d'en haut
le malmena, à cause de la colère tenace de la cruelle Junon. "
Énéide, Virgile, chant I, 1-4 — Traduction Bibliotheca Classica Selecta (BCS)