Le mariage

Définition et fonction du mariage

Le mariage dans le monde antique peut se définir comme l’union reconnue, légale et légitime d’un citoyen et d’une fille de citoyen, un homme et une femme libres issus de parents libres, et disposant de droits civiques et politiques. Le mariage possède trois fonctions principales :

  • la procréation d’enfants légitimes ;
  • la transmission de biens matériels ( patrimoine mobilier et immobilier) et immatériels ( noms, qualités, ancêtres, cultes, comportements, valeurs) de génération en générations ;
  • la conclusion d’alliances entre les familles et la mise en place de relations sociales.

Il revêt donc un intérêt stratégique social à au moins deux échelles : celle de la famille et celle de la cité ou du groupe politique. Il a pour premier objectif de permettre la reproduction, de génération en génération, du groupe social, que ce soit de la famille restreinte (oikos, familia), de la ligne héréditaire et patrilinéaire (genos, gens) ou de la cité/société. Le monde antique se pense en effet selon la modalité de la reproduction du même, de génération en génération et le mariage est le premier outil de cette reproduction sociale car il permet la reproduction des liens sociaux, la conservation matérielle et immatérielle de la famille et la stabilité de la société au travers de la transmission matérielle et immatérielle qui est faite aux enfants qui en sont issus.

Le mariage n’est donc pas un accord entre deux individus qui serait dicté par des sentiments personnels et une volonté commune de vivre ensemble. Le mariage est un contrat social qui se passe avant tout entre deux familles et dont les étapes sont codifiées et mises en scène.

Les étapes du mariage

Le choix du conjoint

Deux pères de famille se mettent d’accord pour conjoindre leurs familles au travers du mariage de leurs enfants. Le choix du futur conjoint ou de la future conjointe dépend de ses qualités personnelles (physiques, morales, intellectuelles) et surtout familiales (niveau de patrimoine, honorabilité de la famille). Les mariages sont généralement homogamiques, c’est-à-dire que les partenaires appartiennent à la même classe sociale et patrimoniale. Les mariages alternent entre exogamie et endogamie : tantôt à l’extérieur de la parenté, tantôt à l’intérieur de la parentèle large (mariage entre branches cousines). En revanche, l’endogamie civique est de mise : on épouse préférentiellement quelqu’un de sa communauté, en particulier en Grèce où on se marie au sein de sa cité, pas dans une cité voisine.

Les fiançailles

À Rome, la promesse de mariage est scellée par une cérémonie officielle, les fiançailles (sponsalia) qui n’existe pas en Grèce.

Les rites prénuptiaux

Filles comme garçons doivent avant le mariage se plier à un certain nombre de rites qui marquent leur séparation d’avec leur condition précédente et leur entrée dans le monde conjugal. Ce passage est particulièrement important pour les filles : pubères à 12 ans, mariées généralement entre 14 et 20 ans, le mariage marque pour elle le passage à l’âge adulte, ce qui en fait un double passage symbolique. Les garçons sont généralement plus âgés lors du premier mariage : 25-30 ans. Ces rites de passage se composent d’un bain lustral, destiné à purifier les futurs époux et à mettre en avant l’éclat que le mariage doit leur donner (kharis en grec), d’offrandes et de prières faites aux divinités présidant au passage à l’âge adulte (Artémis/Diane et Apollon notamment). Ces offrandes peuvent être d’anciens vêtements, de jouets, des mèches de cheveux… symboles de l’abandon de l’enfance. Ces rites ont lieu dans les jours précédant le mariage et le jour-même, au sein du foyer d’origine (généralement celui des parents) et au sein du foyer qui accueille le jeune couple, afin de s’en concilier les divinités protectrices.

Le mariage

Le mariage est scellé par une gestuelle symbolique (ekdosis en grec, dextram conjunctio en latin) et des paroles rituelles. Le père de la mariée donne sa fille à son futur époux en plaçant la main droite de celle-là dans la main droite de celui-ci. Cela a une valeur symbolique mais également juridique, puisque la mariée passe légalement par cet acte de l’autorité de son père à l’autorité de son mari : c’est l’engyè en grec, le mariage cum manu en latin. C’est désormais le mari qui est responsable de la personne, des biens (notamment de la dot) de son épouse. Pour la femme, cela signifie également changer de cercle familial de référence : juridiquement, elle passe du groupe familial de son père au groupe familial de son mari. À Rome, le mariage sine manu permet à l’épouse de rester sous la tutelle de son père et de conserver son groupe familial d’origine, ce qui n’existe pas à Athènes.

Le changement de foyer pour la mariée (gamos en grec, domum deductio en latin).

En Grèce comme à Rome, la mariée change de maison lors de son mariage : il s’agit d’une étape symbolique très importante, représentée nombre de fois sur les vases ou les boîtes. La mariée est conduite en cortège de la porte de la maison paternelle jusqu’à la maison de mari. Là, elle est portée pour passer le seuil du foyer conjugal, afin d’éviter qu’un trébuchement n’attire le mauvais sort sur le couple. Leur intégration dans le foyer marital est marqué par leur aspersion de noix, fruits secs, … (katakhysmata en grec) symboles de prospérité et de fécondité.  

La nuit de noces

Symboliquement, elle est peut-être l’une des étapes les plus fortes du mariage, notamment pour l’imagination des futurs mariés, comme en témoignent la focalisation des épithalames nuptiaux sur le passage dans la chambre à coucher. Pour autant, les sources en eévèlent peu l’intimité. Prélude à la nuit de noces, le dévoilement de la mariée est essentiel dans la littérature grecque comme dans la littérature latine : le marié ôte à son épouse son voile (anakalypsis en grec, flaminum en latin), ainsi que sa ceinture nouée à la taille et la déshabille. Si les textes insistent sur la virginité des jeunes filles, il s’agit cependant davantage d’une image littéraire et sociale que d’une réelle nécessité pour la validation du mariage.

Les festivités

Le mariage est un moment de fête pour la famille. Le banquet au domicile du père en est l’un des temps fort car il réunit parents et amis. Autre temps fort : l’échange de présents (epaulia dôra en grec) entre les familles et surtout le don à la mariée de sa dot et des biens qu’elle va emporter à son nouveau domicile.

Le mariage entre privé et public

Le mariage est avant tout une affaire privée, un contrat entre individus et entre familles. De ce fait, la puissance publique n’y interfère que peu. Elle intervient cependant pour réguler les excès et encadrer le système de reproduction au travers de lois qui :

  • réglementent les interdits matrimoniaux ;
  • encadrent les festivités pour en limiter les excès (nombres d’invités, dépenses somptuaires) ;
  • encouragent le mariage légal et la procréation conjugale.

Le mariage est à la fois une institution solide censée apporter stabilité et visibilité à la famille comme à la société, et fragile. 

Bien qu’essentiellement privé, le mariage doit être reconnu pour être valide, ce qui est essentiel pour que les enfants soient reconnus comme légitimes et citoyens. La nouvelle épouse doit être enregistrée comme légitime, donc reconnue par la sphère publique. À Rome, elle est déclarée au censeur par le chef de famille (paterfamilias), son mari ou le tuteur de celui-ci. À Athènes, elle est présentée par son mari à la phratrie, le groupe civico-politique qui tient les registres d’enregistrements familiaux.

Si le mariage est ainsi conçu comme stable, il est sujet à de multiples causes de ruptures qui en font une institution particulièrement fragile dans le monde antique, sans cesse sujet à des recompositions familiales. La mort est la première cause de rupture du mariage, que ce soit celle des femmes, très fragiles (mortalité en couche, maladie), ou celle des hommes (différence d’âge au mariage, guerres). Le divorce, s’il est plus rare et plus encadré à Athènes qu’à Rome, est également dans ces deux espaces une possibilité qui existe et qui peut venir rompre l’alliance matrimoniale.

De cette fragilité du lien matrimonial et des pressions sociales qui résultent de l’importance de procréer des enfants légitimes, il résulte que le remariage est une réalité sociale particulièrement importante au sein des sociétés antiques.

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